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Une saison blanche et sèche : toute ressemblance avec…

jeudi 3 mars 2016 à 11:15
Image CC - by Seamus Kearney

Image CC – by Seamus Kearney

« Chez nous, quand un homme se fait ramasser par la Section Spéciale, nous parlons de lui au passé. C’est tout. ».

C’est comme ça que cela se passe à Soweto, sous l’Apartheid : la Section Spéciale traque la population à la recherche de dissidents politiques et de meneurs d’émeutes.

Moitié fiction, moitié reportage, ce roman raconte la descente aux enfers de Ben du Toit, professeur blanc de l’une des meilleures écoles Afrikaner de Johannesburg.

L’histoire commence par la fin, Ben du Toit est amaigri, nerveux, paranoïaque. Au bout d’à peine quelques pages, il meurt renversé par une voiture.

L’auteur remonte alors le temps et nous parle de la mort de Jonathan Ngubene, un jeune Noir du quartier de Soweto. Puis de la disparition de son père, Gordon, arrêté en pleine nuit par la police Sud-Africaine. Il nous explique la manière dont ces disparitions sont mêlées, les méthodes brutales utilisées par la police locale, protégée et encouragée par le gouvernement en place. Violence et abus de pouvoir. Descentes nocturnes. Gaz lacrymogènes. Tortures.

En tant que blanc, Ben du Toit bénéficie de certains privilèges, dont notamment celui de discuter avec les autorités. Ben est un ami de la famille Ngubene et bien que confiant dans le système judiciaire de son pays, le doute s’installe dans son esprit au fil des pages. Il ne croit plus à la mort accidentelle de Jonathan. Il ne comprend pas pourquoi son père Gordon a été arrêté. Ni pourquoi il se serait suicidé en prison. Plus il essaie de comprendre ce qui s’est réellement passé, plus la pression de la Section Spéciale se fait sentir.

S’en suit alors toute une série de première fois pour lui :

Première fois que son courrier est ouvert ou censuré. Première fois que son téléphone est mis sur écoute. Première fois que sa maison est perquisitionnée. Première fois que ses collègues sont interrogés à son sujet…

« Pourquoi cela devrait-il vous déranger ? Je suis certain que vous n’avez rien à cacher… »

André Brink (1935-2015) était un romancier Afrikaners engagé dans la lutte contre l’Apartheid. Confronté à la censure, « Une saison blanche et sèche » fut interdit en Afrique du Sud dès sa parution.

Réponse à Kamel Daoud : l’islam rigoriste n’a rien à envier à notre culture pornographique

mardi 1 mars 2016 à 22:05

virgin-culture

Pointer du doigt les travers d’une société, et plus largement ceux d’une culture, voire d’une civilisation n’est pas sans risques. Ni sans conséquences. Même lorsque celui qui procède à cet exercice en est issu, et pense posséder une légitimité naturelle à l’analyser, ce sur quoi il a raison. Qui connaît le mieux une culture que celui qui y a grandi ? Pour autant, cet exercice d’introspection culturelle et religieuse pose quelques problèmes d’ordres éthiques, historiques et philosophiques lorsqu’il devient une démonstration générale. Non pas que cette démonstration soit parfaitement  fausse ou totalement absurde dans le cas de Kamel Daoud, ni de mauvaise foi, mais parce qu’elle écarte un nombre incalculable de causes et d’effets, pour se concentrer sur un instant dans l’histoire, relié à un modèle partagé par le plus grand nombre en cet instant. Celui, par exemple, de « l’islam actuel », qui prévaut dans une partie du monde musulman. L’islam rigoriste « wahhabisé », en réalité.

Démonstration réductrice et globalisante

La frustration sexuelle menant des hommes à des comportements odieux envers les femmes, le culte de la supériorité masculine, et de nombreuses formes de violence trouvent très certainement une partie de leurs origines dans la « culture musulmane » des pays arabes actuels. Dans cet « islam là ». Mais pas uniquement, et loin de là. Cette démonstration — particulièrement binaire — des causes et effets sur les mentalités au sein des sociétés, par un facteur central — le religieux seul dans le cas d’espèce — est l’un des maux de notre époque, et que Kamel Daoud y participe est à la fois étrange et dommageable (lire Kamel Daoud : « Cologne, lieu de fantasmes »). La réponse de ses détracteurs est intéressante (un collectif d’historiens et de sociologues), bien que laissant traîner une accusation d’islamophobie, qui endommage le propos en fin de texte (lire : Nuit de Cologne : « Kamel Daoud recycle les clichés orientalistes les plus éculés ».) Amusons-nous, à notre tour à décrire la réalité de la culture européenne, voire occidentale, comme Kamel Daoud peut le faire pour le « monde arabe ». Et regardons ce qu’engendre le modèle dominant, qui oriente les esprits, les rapports humains en Occident, comme le nouvel islam rigoriste peut le faire dans les pays musulmans.

L’Occident : un modèle d’hypocrise

Nos sociétés occidentales sont parfaitement hypocrites. Elles prétendent être forgée par des valeurs humanistes issues du siècle des lumières, de la religion chrétienne ou des droits universels créés par la révolution française, alors qu’elles charrient en permanence des idées et des principes parfaitement opposés à celles-ci. La chrétienté, religion basée sur l’amour du prochain et de Dieu, revendiquée par bon nombre de pays occidentaux (à l’exception notable d’un pays comme la France, qui la remplace par les Droits de l’homme, mais qui par essence véhicule des valeurs similaires) est un dogme religieux qui demande à ceux qui prétendent le suivre, des préceptes très particuliers. Pauvreté, humilité, charité, pardon, non-violence, compassion.

Les sociétés dites « chrétiennes » font exactement l’inverse. Les fondamentaux véhiculés par ces sociétés sont : richesse, fierté, compétition, exclusion, revanche, agression, égoïsme, individualisme et domination. Les valeurs humanistes, ou celles de la déclaration des droits de l’homme n’ont rien à envier à celles de la chrétienté, puisqu’elles établissent la nécessité de protéger les plus faibles, d’empêcher la violence, d’instaurer une justice égalitaire. Cette parfaite hypocrisie occidentale se matérialise par le fonctionnement opposé des sociétés qui en découlent et s’en revendiquent, mais aussi par une nouvelle forme de religion qui s’y est instaurée. Le terme de religion est peut être galvaudé, mais étant un « produit de remplacement » avec les mêmes formes de pratiques et d’effets, il est difficile d’employer un autre terme. De plus, religion vient du latin « religare », signifiant « qui relie », et les sociétés occidentales ont inventé une nouvelle religion, qui relie les individus. Elle s’appelle le matérialisme capitaliste.

La religion du désir matériel

Dans cette religion, ce qui relie les individus sont les objets. Les objets de désir plus précisément. La femme est « libre », « émancipée », et le modèle qu’elle est censée atteindre est celui de la figure de la « prostitué indépendante », autonome et fière de pouvoir affirmer sa beauté et le désir sexuel qu’elle se doit de répandre autour d’elle. Une prostitué dans les formes, mais qui ne se prostitue pas, au sens propre. La liberté, en Occident, c’est de donner envie de consommer, et de consommer « sans entraves ». Sexuellement, surtout mais pas seulement. L’objet de désir est central. Il représente la quête absolue et permanente des individus : acquisitions de biens, de services, de nouveaux pouvoirs, de nouvelles capacités. L’homme est lui aussi libre, émancipé, et le modèle qu’il doit atteindre est celui de la puissance par la capacité financière, morale et physique : sa séduction, centrale, passe par un corps sculpté, jeune, une plastique la plus irréprochable qui soit, et si c’est impossible, par l’argent qui lui offre la possibilité d’accéder de façon quasi illimitée aux femmes émancipées les plus désirables, ces prostitués qui n’en sont pas, mais en ont tous les attributs. Progresser, s’améliorer matériellement, agrandir son pouvoir matériel, sur les autres, gagner, croître, dominer : tous ces concepts sont vendus en permanence par la religion matérialiste capitaliste grâce ses prêtres du marketing, via les programmes de télévision, les enseignes commerciales sur le réseau mondial, au cinéma ou en affiches publicitaires.


Victoria Silvstedt dans une pub suggestive par LeNouvelObservateur

Une majorité d’enfants occidentaux regardent de la pornographie dès l’âge de 11-12 ans aujourd’hui en Occident. Ce « programme filmé de pornographie en ligne » est un produit d’appel qui synthétise le fonctionnement en société. Il est très important. La pornographie véhicule toutes les valeurs de la société et de sa religion matérialiste capitaliste : la domination, l’humiliation, la consommation, l’excès, la vulgarité, la facilité, l’égoïsme, la soumission, l’apologie de l’argent, de la puissance et de la bestialité.

Ignorer le phénomène de la pornographie et de ses effets dans la société d’aujourd’hui est équivalent à ignorer les discours des islamistes intégristes dans les sociétés arabes. Mais la pornographie n’est pas seulement présente dans les vidéos XXX du net, au sein des sociétés occidentales. La téléréalité est par exemple un spectacle pornographique non sexuellement explicite. Mais il est une forme de pornographie. Il filme l’intimité des personnes, les forçant à fabriquer du spectacle avec leurs individualités, le plus crûment possible.

La pornographie comme modèle

La pornographie est présente un peu partout dans la culture actuelle occidentale. Montrer les choses, au plus près, sans âme, de manière répétitive, sans autre objectif qu’exciter les spectateur lu créer une addiction, le rendre hyper-dépendant. Information courte, toujours identique dans le traitement, thèmes et format récurrents faisant appels aux émotions les plus basiques, lumières et techniques de tournage peu chères et répétitives. Les exemples de l’invasion de la pornographie dans les sociétés occidentales sont légions. Les effets de cet invasion sont parfaitement connus, ils mènent à des comportements individuels et collectifs assez négatifs, pour au final écrouler la culture ancienne, ciment du vivre ensemble et de l’équilibre sociétal. La décadence de la culture occidentale est une réalité, tout comme la décadence culturelle des pays arabo-musulmans. Ces décadences ne passent simplement pas (entièrement) par les mêmes phénomènes.


Albanie : les présentatrices à moitié nues font… par nonstopzappingofficiel

Cher Kamel Daoud, la culture dont je suis issu n’a pas toujours été telle qu’elle est aujourd’hui, il reste même encore des traces de l’ancienne. Tout comme la culture arabo-musulmane n’a pas toujours été telle qu’elle est aujourd’hui. Les sociétés, les cultures interagissent les unes avec les autres, de plus en plus. Croire que c’est une religion, l’islam en l’occurrence, issue d’une culture ancestrale, qui abaisse les individus, les plonge dans la brutalité ou la vulgarité, est une erreur. L’islam rigoriste, politique, actuel, tout comme la culture et la politique chrétienne ou « humaniste et droit-de-l’hommiste » occidentale [devenue une pornographie culturelle avec son église matérialiste-capitaliste] ne sont rien d’autre qu’une réponse, à un moment donné, d’êtres humains embarqués dans une aventure très moderne, appelée mondialisation. Une aventure complexe, qui demande de nombreuses analyses pour en connaître tous les effets…

Parler du rouleau compresseur de la mondialisation

Réduire les problèmes qu’engendre cette mondialisation (économique, politique) à des causes religieuses et culturelles est faire l’impasse sur le sujet. Et laisser accroire que ce rouleau compresseur du capitalisme financier a-culturel ne serait en rien responsable des problèmes actuels, mais lui préférer une résurgence du religieux, est un aveuglement certain. Sinon, comment expliquer les femmes arabes algériennes en maillot de bain deux pièces nonchalamment étalées sur les plages d’Algérie dans les années 70 ? C’était une époque où Alger était la capitale des révolutionnaires marxistes. L’islam était pourtant la religion officielle, partagée par le plus grand nombre. Personne ne peut penser que le Front islamique du salut a brisé l’Algérie par hasard, à partir de 1992, au moment même où le bloc soviétique s’écroulait. A moins que ?

Dans un moment difficile pour l’Europe (à son niveau), où l’essentialisme revient en force, doublé de nationalismes teintés d’intégrismes, religieux ou non, il semble plus que nécessaire de refuser une vision forcément réductrice des « arabo-musulmans », voire des musulmans tout court, faite d’une addition de frustrations sexuelles et de mépris de la « femme ». Cette vision est celle de ceux qui refusent de regarder la poutre qu’ils ont dans l’œil tout en cherchant les pailles dans ceux des autres. Les autres : les étrangers, les non-occidentaux, les arabes, les musulmans. Cette métaphore de la poutre et de la paille, toute chrétienne, devrait nous rappeler que rien n’est acquis et que ce que nous nommons « culture » ou « religion » ne sont peut-être en fait —désormais — rien d’autre qu’une forme ou une autre de ce qu’on appelle plus prosaïquement « propagande ».

Ne nous laissons pas aveugler par elle. Qu’elle qu’elle soit. D’où qu’elle provienne.

Bien à vous.

Drapher.

Individualisme, solidarité, société de consommation et loi El Khomri

dimanche 28 février 2016 à 12:25
ministre-travail-myriam-el-khomri-saint-ouen-5-novembre-2015

Et oui, et oui… Ceci est la ministre du travail en pleine action. Pour écrire à la ministre, c’est ici : http://travail-emploi.gouv.fr/ministere/article/ecrire-a-la-ministre

 

L’unanimité, à gauche — et peut être au delà — contre le projet de réforme du code du travail est symptomatique d’un mal français : le clivage. Ce trouble psychiatrique permet à un individu de vivre avec deux personnalités bien distinctes qui ne se rencontrent pas, et qui souvent sont parfaitement antinomiques. Que se passe-t-il quand une population dans son ensemble est atteinte de ce mal ?

30 ans d’individualisme forcené

Observer le projet de la ministre du travail en prenant un peu de recul historique avec la société française, offre une perspective différente que celle qui prévaut, basée sur une indignation de l’instant face à un recul des droits du travail. Réalité : depuis trois décennies, le projet français, partagé par le plus grand nombre, adopté dans les modes de vies et l’éducation des enfants est celui de l’individualisme. Réussite individuelle, sacralisation de l’individu-roi, liberté par l’individualisme, conquêtes et avancées par les individus seuls, consommation individuelle en croissance perpétuelle, etc…

Le modèle social que la France a voulu, désiré, activé et plébiscité est celui du capitalisme libéral et de l’émancipation des individus par la réussite socio-économique individuelle matérialiste basée sur la compétition et la productivité personnelle. La ruée vers les centres commerciaux, la consommation massive de produits de loisirs et de distractions, l’aspiration générale à une élévation du confort matériel personnel sont les principales valeurs communes qui relient les habitants de l’hexagone. Ce modèle de société, calqué sur celui des Etats-Unis a été promu par les élites et fortement appelé de leurs vœux par les individus, tout en refusant de lâcher les anciennes valeurs accolée à l’ancien système, bien plus collectif, voire collectiviste. Le beurre et l’argent du beurre, pourraient dire certains, qui militent depuis longtemps pour que le choix de l’individualisme soit plein et entier et mène à l’abandon des fondamentaux français de protections sociales par une répartition des richesses plus ou moins bien orchestrée.

Le clivage

Une grande partie de la population française estime que la protection sociale ne doit pas être touchée, que les fondamentaux issus du C.N.R (Conseil national de la résistance : sécurité sociale, retraite, rétablissement de la semaine de 40 heures, etc…) ne doivent pas être abolis. Dans le même temps, tous ces Français n’ont absolument aucun désir de partager quoi que ce soit collectivement ou de modifier leur fonctionnement de type individualiste. De façon synthétique, cette mentalité pourrait être résumée par « Laissez-moi tranquille, laissez-moi agir en parfait égoïste, sans me préoccuper des autres, mais conservez-moi tous les avantages que le partage collectif offre. Donnez-moi de la solidarité, tout en me permettant de vivre en parfait égoïste… »

Ne pas vouloir être engagé collectivement toute en voulant bénéficier du collectif. Surconsommer tout en se plaignant du manque de moyens financiers personnels. Plébisciter les structures économiques les plus oppressives et se plaindre de l’oppression qu’elles exercent. Hurler sur les prélèvements étatiques tout en hurlant sur la baisse des services de l’Etat. Vouloir de la qualité tout en payant de moins en moins cher…

Dans l’hypermarché hexagonal, personne ne vous entend crier

Cette réforme du code du travail a une vertu. Celle de mettre une grande partie des Français devant un fait accompli. Celui d’une parfaite ambivalence et d’une forme de duplicité collective qu’il va bien falloir « assumer ». La mémoire d’un peuple est souvent courte. Ont-ils oublié qu’ils avaient élu Jacques Chirac en 1995, puis réélu le même en 2002 ? Milité, en grande majorité, pour une mondialisation où chacun était censé profiter des bienfaits de la libéralisation des marchés, avec le boursicotage pour tous ? Ont-ils oublié qu’ils ont élu Sarkozy en 2007 ? Le slogan le plus populaire aujourd’hui ne serait-il pas, au fond « un Iphone et un Ipad pour tous ? ». La vie quotidienne des habitants de ce pays est totalement asservie aux marchés financier, par la collaboration active des premiers dans le financement actif de ces derniers.

La jeunesse pourrait…?

La France est le pays de l’OCDE qui a le taux de syndicalisation le plus bas : 5%. Les dirigeants des PME n’ont aucunes forces syndicales et se laissent mener par le MEDEF, une structure dirigée par des patrons de très grandes entreprises, entièrement vouée à la défense des multinationales. Dans ce contexte, la lutte sociale est proche du néant, et la ministre du travail joue sur du velours, puisque malgré les quelques signes d’un mouvements intersyndical, la fronde contre son projet de réforme du code du travail n’a pas beaucoup de chances de devenir un véritable mouvement social. A moins que…

Les 18-30 ans seraient-ils en train de se réveiller ? Sur les réseaux sociaux, il semble que oui. Le hashtag #OnVautMieuxQueCa devient « viral », et la vidéo éponyme, très sympathique dans la forme, et sérieuse dans le fond, pourrait devenir une sorte d’étendard unificateur. Certes. Une remarque quand même : le terme de « valoir mieux » renvoie-t-il à une demande économique de la jeunesse avant toute chose ? Le problème de fond serait-il juste de donner plus de valeur financière aux salariés ?

Dans tous les cas, si toute cette contestation reste confortablement au chaud devant un écran au fond d’un salon, elle ne risque pas de gêner particulièrement le gouvernement. Myriam El Khomri a déjà répondu à une autre action en ligne, la pétition contre son projet de réforme, et la communication des « pros » et « anti » tourne à fond.  Une autre pétition tourne, favorable à la loi El Khormi, d’ailleurs. Mais on ne fait pas plier un gouvernement avec de la communication. C’est dans la rue, et nulle part ailleurs que la contestation peut obtenir gain de cause et faire reculer un gouvernement.

Si la jeunesse, qui jusque là s’est contentée de compter les points tout en s’inquiétant de sa faculté à « s’insérer », se contente de manifester son mécontentement par et sur le net, elle obtiendra des garanties équivalentes à l’outil de contestation utilisé : virtuelles. Non pas parce que le net est déconnecté du réel, ou qu’il serait « à côté de la société », mais simplement parce qu’il est un outil de communication. Et que le risque physique, avec le net, est proche du néant, alors que dans la rue, il est réel. L’engagement physique ne peut qu’obliger les pouvoirs politiques à négocier, pas l’engagement numérique seul, qui les agace, mais pas beaucoup plus. Si la rue est envahie, l’espace conquis par classe dominante est envahi, leur pouvoir de contrôle est attaqué. Internet ne peut pas être envahi, les dominants n’y vivent pas et s’en moquent comme de leur premier mandat. Sans oublier que leurs soutiens les plus nombreux sont âgés, peu connectés, et insensibles aux luttes numériques.

En fait, il ne vas peut-être rien se passer…

Le projet El Khomri est un projet de réforme sociale qui a pour objectif de faire basculer un peu plus la société du travail dans le monde de l’exploitation néo-libérale, déjà en œuvre dans une majorité de pays aujourd’hui. La plupart des Français ont cautionné ce système depuis son origine, ils ne feront rien contre, pour la plupart. Restent les résistants de la première heure et la jeunesse désabusée du pays pour contrer ce projet, et peut-être, proposer autre chose à la place : une économie sociale et solidaire ?

On peut toujours rêver…

En attendant, quelques politiques tentent de proposer des bribes de solutions ou alternatives au système en place. La réponse de la ministre du travail n’est pas, là encore, à la hauteur de l’enjeu. Qui en aurait douté ?

Martine et le monde qui vient

mercredi 24 février 2016 à 22:06

martine-et-le-monde-qui-vientIl faut l’avouer, la rédaction de Reflets commençait un peu à perdre la foi. Entre la baisse régulière des dons des lecteurs qui condamne à terme ce journal, les lois sécuritaires, Mirza, la chienne de notre coiffeur qui était malade, Trump qui continue de caracoler dans la course à l’investiture aux Etats-Unis, la mort de Bowie, l’arrivée du bouton « Haha » sur Facebook… c’était trop pour nous. La lecture du livre « Martine et le monde qui vient » nous a toutefois redonné l’envie de rire.

Dans le livre, Martine s’inquiète. Et elle en a assez. On vous résume : le gouvernement issu de ses rangs (socialistes) fait une politique de droite, fait passer ses textes par oukases (49-3), accumule les cadeaux en tous genre (argent, droit du travail revu et corrigé) au patronat. Trop c’est trop nous dit Martine.

Et tout ça, c’est frai.

Il était temps qu’un éléphant (les pontes du PS, pour les moins de vingt ans qui…) se lève et dise tout haut ce que tout le monde pense tout bas (oups…) mais n’ose pas dire de peur de perdre son investiture. Bravo Martine.

Ceci dit, c’est un peu tout ce que racontent les observateurs avisés depuis longtemps. Tous ces exégètes amateurs qui osent critiquer les décisions ubuesques et autoritaires de ce gouvernement se lamentent depuis longtemps, tentent de mobiliser, cherchent le dialogue, mais ne récoltent qu’insultes ou mépris.

Et puis, Martine, camarade, s’il n’y avait que tout cela…

Il y a bien entendu la réponse sécuritaire aux attentats que tu n’évoques que par le prisme de la déchéance de la nationalité. Il y a aussi la réforme terrible du code du travail qui est en préparation. Oui, il y aussi les mots du premier ministre sur les réfugiés. Mais pas que.

Il y a aussi les outils de surveillance massive qui ont été mis en place ou sont sur le point de l’être. Ça, tu verras, entre les mains des futurs gouvernements, ça ne va pas être drôle pour tout le monde. Tu as aimé l’affaire Takieddine ? Tu vas adorer la saison suivante. Encore plus de suspens, encore plus de personnes impliquées, sans doute à gauche, dans le camps qui a voté la mise en place de ces outils. Bref… Nous parlons encore dans le vide, comme souvent.

Oh, la belle verte !

Mais ce que dans ce livre Martine ne se pose pas vraiment comme question, c’est… Pourquoi ? Pourquoi ce gouvernement agit-il autant en contradiction avec les promesses de campagne ?

Ce qui sous-tend ces décisions, c’est peut-être la peur ou l’aveuglement. L’aveuglement, serait de penser que seule la doxa ultra-libérale, en mode TINA gonflé à la testostérone, serait la solution. Qui sait si nos gouvernants ex de gauche se sont convertis ? La peur, elle, pourrait être une autre raison possible. La peur de faire imploser l’Union européenne avec de vraies décisions permettant de réguler un secteur de la Finance, l’ancien ennemi de François Hollande, chaque jour un peu plus fou. La peur aussi, de la crise qui vient.

docteur-folamour

Martine, qui est assez âgée pour avoir un recul historique le sait aussi bien que nous, chaque crise est plus grave plus importante, plus destructrice que la précédente. A un moment ou un autre, les citoyens finiront par comprendre qu’en dépit des promesses, les gouvernants ne font jamais rien pour encadrer les docteurs Folamour qui jouent avec leurs vies. De là peut venir une sorte d’étincelle qui est inquiétante. Et François Hollande ou Manuel Valls le savent, une nouvelle crise approche. Le monde qui vient ne va pas être drôle.

Vous avez entendu parler de la Chine qui a fait plonger les marchés il y a peu. Du Brexit possible qui « inquiète » les investisseurs ? S’il n’y avait que cela…

La création de dette atteint des niveaux impressionnants. Entreprises (métaux, mines, énergie), pays (Japon, Chine, Europe, Etats-Unis, Brésil). Les massives opérations de QE expérimentées par les banques centrales se révèlent incapables de relancer la machine et le mur de la réalité approche à grande vitesse.

Le monde qui vient n’est pas rose (blague… rose… Parti socialiste, #toussa…), Martine il l’est même peut-être moins que tu le crois.

RorschachSignature

Apple versus FBI : le choc des pipeaux

mercredi 24 février 2016 à 19:57
Please Use Back Door

Please Use Back Door – Adam Jones – CC BY-SA 3.0

Depuis une grosse semaine, l’affaire Apple vs. FBI c’est le choc des titans. À ma gauche, Apple, championne de la vie privée. À ma droite le FBI, assisté du Department of Justice. L’objet de la querelle ? Le déverrouillage de l’iPhone de l’un des assassins de la tuerie de San Bernardino au mois de décembre. À lire certains commentaires, la seconde Guerre de la Crypto serait déclarée, le sort du monde se déciderait sous nos yeux inquiets.

Une backdoor pour les gouverner tous

Lorsque l’heureux possesseur d’un iPhone, iPad, ou iPod Touch, souhaite y accéder, le fonctionnement est, très schématiquement, le suivant. Il saisit d’abord son passcode. Celui-ci est transmis au système d’exploitation (l’OS). Un compteur du nombre de tentatives effectuées est incrémenté, puis le passcode est transmis à une fonction de dérivation cryptographique. Cette dernière est intégrée dans le SoC (système sur une puce). Il s’agit d’un élément matériel qui contient différents composants essentiels, notamment le micro-processeur. Un identifiant unique (ou UID), un nombre aléatoire et différent sur chaque iTruc, est codé lui aussi directement dans le matériel, dans le SoC. Cet UID est combiné avec le passcode par la fonction cryptographique, qui « dérive » une clé cryptographique (AES 256 bits en l’occurence) qui est ensuite utilisée par l’OS pour déchiffrer les données.

Au fur et à mesure que le nombre de tentatives infructueuses (le nombre de passcodes incorrects) augmente, et pour ralentir les vélléités d’un éventuel attaquant, le délai entre deux essais s’allonge progressivement. Au delà d’un certain seuil (dix essais par défaut), l’iPhone se verrouille et devra être débloqué par une procédure via le logiciel iTunes. Ou, si le propriétaire a choisi cette option plus radicale, les données contenues par l’appareil seront totalement effacées.

Pour déverrouiller le bazar, il y a plusieurs possibilités. Les deux plus évidentes sont à écarter en l’espèce, puisqu’il s’agit de disposer du passcode (merci Captain Obvious) ou de le deviner en moins de dix essais (merci Élizabeth Tessier).

Ceux qui ont du temps à perdre peuvent s’attaquer en force brute à la sortie de la fonction de dérivation qui fournit la clé. Autant le dire tout de go, c’est pas gagné-gagné. En fait, ceux-là seront sans doute morts avant d’avoir réussi, en tout cas beaucoup plus proche de la tombe. 256 bits c’est tout de même un nombre avec 77 chiffres, ça se traite avec respect.

Les Experts : Cyber tenteront, à grand renfort d’acides et autres produits chimiques, de démonter le SoC pour lire l’identifiant unique (l’UID) avec un microscope qui envoie la ganzou. Si l’opération est théoriquement possible, elle est très compliquée en pratique, sinon infaisable. Il s’agit en effet de microscopiques composants électroniques présents dans une « puce » minuscule mais extrêmement dense. La probabilité de réussir est très faible, le risque d’endommager façon puzzle irrémédiablement le matériel est quand à lui extrêmement élevé.

Mission impossible, alors ? Et bien pas vraiment. En effet, la sécurité de l’engin repose sur l’impossibilité pour l’attaquant d’essayer très rapidement un grand nombre de passcodes. Si l’on court-circuite l’étage qui compte et retarde les tentatives – et in fine déclenche le verrouillage de l’appareil ou la destruction des données – on pourra donc enchaîner très rapidement les essais, jusqu’à ce que le sésame tant convoité soit révélé. Ce shuntage est tout à fait possible, si l’on peut démarrer avec une version de l’OS (et du logiciel de la Secure Enclave, sur les versions les plus récentes des appareils pommés) plus tolérante à cet égard.

« Mais alors, vous exclamez-vous, je suis foutu·e ! Les espions chinois soviétiques du FBI ils peuvent rentrer quand ils veulent dans mon iPhone à moi que j’ai !? » Qu’on se rassure, ce n’est heureusement pas si simple. En effet, le logiciel de démarrage intégré au matériel (la Boot ROM) vérifie que l’OS chargé est « signé » cryptographiquement par Apple, qu’il s’agit bien d’un logiciel autorisé par Cupertino. Apple étant en possibilité de signer n’importe quel OS, la firme peut donc développer une version permettant d’attaquer les passcodes en force brute, et c’est très exactement ce qu’un tribunal, le DOJ et le FBI lui demandent de faire.

Il ne s’agit donc pas d’une « backdoor », comme on a pu le lire ici ou là, mais d’un outil de forensics, d’expertise judiciaire. Apple, contrairement à ce que ses communiqués laissent entendre, peut tout à fait créer une version de l’OS qui ne démarre que sur l’iPhone visé. Pourquoi ? Parce qu’Apple est le seul acteur a pouvoir signer cryptographiquement un tel OS. Ses ingénieurs pourraient donc très probablement y implanter du code de vérification permettant d’identifier le matériel, faisant ainsi en sorte que l’OS refuse de démarrer sur d’autres appareils. Les autres acteurs, le FBI notamment, seraient dans l’impossibilité de signer leur propre version, donc de la faire démarrer sur d’autres appareils pour chaluter les données de leurs propriétaires respectifs.

Apple se défend en faisant valoir que cette version d’OS constituerait « l’équivalent d’une clé-maître, capable d’ouvrir des millions de verrous » :

Bien sûr, Apple ferait de son mieux pour protéger cette clé, mais dans un monde où nos données sont constamment menacées, elle serait attaquée sans relâche par les hackers (sic) et les cybercriminels (sic).

Ouh, ça fait peur ! Et vas-y que ça hurle à la backdoor et qu’on va tous mourir à cause que le FBI il demande à la gentille Apple de créer une clé maître. Sauf que l’argument est totalement bidon : cette « clé maître » existe déjà. Il s’agit de celle qui permet à Apple de signer son OS avant de le distribuer à ses clients. Pour quiconque à cette clé en main, c’est la fête du slip de l’iPhone troué. Apple a donc d’ores et déjà ce problème de sécurisation de « clé maître ». Il n’est donc pas tant question de « chiffrement », ou de l’existence ou non d’un OS FBI-friendly, que du processus de signature cryptographique qu’impliquerait sa création.

Chef, chef ! J’ai fait une iBoulette

Du côté du FBI ou du DOJ, c’est ceinture noire de mauvaise foi cynique, septième dan. Sur l’affaire, d’abord. Le FBI n’est visiblement pas démuni pour conduire son enquête – historique des déplacements, SMS, relevés d’appels, données Internet – ainsi qu’une sauvegarde relativement récente du téléphone dans iCloud. Tout cela sans parler des éléments et témoignages qui n’auront pas manqué d’être recueillis par ailleurs. De l’aveu même de Jim Schrödinger Comey, le quantique directeur du FBI :

Peut-être que le téléphone contient la preuve qui permettrait de trouver plus de terroristes. Ou peut-être pas.

Les deux assaillants avaient pris soin de détruire leurs téléphones personnels après l’attaque, mais pas l’appareil concerné. Il s’agit, qui plus est, du téléphone professionnel de l’un des deux tireurs, Syed Farook. La probabilité de trouver du nouveau sur cet iPhone paraît ainsi bien mince. Passons sur le fait, qui serait hilarant en d’autres circonstances, que ce soit les forces de l’ordre elles-mêmes qui aient maladroitement interrompu les sauvegardes iCloud en essayant d’accéder au compte. Oh, la boulette…

L'iBoulette

Le DOJ avance que seul l’iPhone de Farook serait concerné. On peut légitimement douter de cet argument, dans la mesure où tout ce que les USA comptent de procureurs ou de policiers est déjà dans les starting-blocks pour demander la même chose, à commencer par le procureur de Manhattan avec ses 175 iPhones bien au chaud. Lesquels appareils n’ont pour l’essentiel aucun rapport avec des actions de terrorisme. Ce qui laisse à penser qu’Apple, ainsi que les Google, Facebook et cie, risquent le cas échéant de devoir recruter pour leur SAV des forces de l’ordre.

Autre argument du DOJ, Apple pourrait « conserver le logiciel en sa possession, le détruire une fois l’objectif atteint, et refuser sa dissémination en dehors d’Apple ». Cet argument est, une nouvelle fois, plutôt bancal à en croire un expert auprès des tribunaux US, Jonathan Zdziarski. Ce dernier nous explique que le FBI l’a joué fine, juridiquement parlant. Ainsi, d’un point de vue juridique, le FBI ne demande pas à Apple d’attaquer ses propres produits, chose qu’un juge aurait trouvé excessif. Au contraire, le FBI ne fait que solliciter « l’assistance raisonnable » d’Apple, la fourniture d’un outil, d’un « instrument ». Le FBI se chargera lui-même de « l’expertise ». L’expert précise ensuite les modalités administratives qui régissent la certification des « instruments » utilisés pour les procédures judiciaires (ici, l’OS modifié). Ce processus de validation, lourd et complexe, exigerait par exemple l’intervention du NIST (l’organe de normalisation technique US) pour les tests, d’un comité scientifique, d’experts de la défense, voire la communication du code source dans certains cas. On imagine mal comment cette procédure, qu’il faudrait de plus recommencer à chaque nouvelle modification, pourrait être compatible avec la stricte non-dissémination du logiciel, ou avec sa destruction.

Des perquisitions sous stéroïdes ?

Le « débat » ne brille donc pas par son honnêteté, nombre de propos tenant de la désinformation. Les arguments techniques, juridiques, politiques, affectifs, quoiqu’ils soient distincts (et parfois contradictoires), se superposent néanmoins allègrement dans un immense foutoir de communication alimentant l’opportunisme des uns et des autres. Le FBI et le DOJ instrumentalisent sans vergogne la peur du terrorisme à des fins politiques. Apple, qui collabore de manière routinière avec les forces de l’ordre, déroule impeccablement sa partition, quand la dite collaboration devient gênante, et enfile son costume de parangon de la privacy. Le commandement du tribunal, d’une portée limitée, a été ordonné par une cour subalterne. Apple fera sans doute appel de toutes les décisions lui étant défavorables, invoquera probablement tout un tas de raisons légales ou de procédures pour retarder l’éventuelle échéance et éviter qu’une décision fasse jurisprudence. L’affaire passerait alors de juridiction en juridiction, potentiellement jusqu’à la Cour Suprême, à la vitesse d’une moule lancée au galop. D’ici là, Apple annoncera en grande pompe la sortie de l’iPhone 12 et le dispositif technique, pour peu qu’il voie le jour, sera probablement obsolète depuis bien longtemps. En résumé, toute cette affaire est montée en épingle par les deux parties.

Néanmoins, la mesure sollicitée par le DOJ et le FBI s’inscrit dans un mouvement amorcé de longue date, visant à transformer certaines entreprises en auxiliaires de justice, de police ou du renseignement, au prétexte d’une opposition assez binaire entre vie privée individuelle et sécurité collective, que Reflets dénonçait dans un précédent épisode. Votre ordinateur, votre boîte mail, votre serveur ou votre smartphone se réduiraient à des projections de votre domicile dans le « monde extérieur », un peu comme l’est votre véhicule. Si l’on file l’analogie, ils ne devraient, selon toute logique, pas échapper aux capacités de perquisition de forces de l’ordre dûment mandatées. Après tout, si les amis du petit déjeuner peuvent venir vous faire un bécot défoncer votre porte à six heures du matin (ou au beau milieu de la nuit, état d’urgence oblige), il n’y a pas de raison que votre smartphone leur reste inaccessible. Les « nouveaux téléphones » (sic), d’après le procureur François Molins rendraient « la justice aveugle », excusez du peu. La question serait donc, pour reprendre les termes d’Olivier Ertzscheid, de savoir si votre smartphone devrait « résister à toute forme de perquisition ».

Mettons de côté l’affaire de San Bernardino, dans laquelle la culpabilité des assaillants ne fait, soit-dit en passant, aucun doute, iPhone ou pas. Une perquisition « classique » à votre domicile n’autoriserait qu’une collecte limitée d’informations. Une perquisition informatique – particulièrement sur un smartphone – permet de déterminer avec une précision diabolique l’historique de vos déplacements, vos centres d’intérêt, relations, et probablement une bonne partie de vos opinions. Cette expérience le démontre. Elle ne porte pourtant que sur des « métadonnées » collectées pendant une semaine. Vis-à-vis des perquisitions au domicile, les perquisitions informatiques constituent donc des intrusions beaucoup plus importantes dans la vie privée des personnes visées (présumées innocentes si ma mémoire est bonne), et dans celle de leurs relations. Ce n’est sans doute pas un hasard si les forces de l’ordre en sont si friands… Et si le législateur, tout à son combat pour la Liberté, fait en sorte qu’elles puissent être distribuées avec tant de générosité. Aveugle, la justice ? En y regardant de plus près, on dirait bien que la technologie la dote au contraire de sens hypertrophiés.

Finalement, la rhétorique sécuritaire en ce domaine peut se résumer à un unique argument : l’ubiquité du chiffrement gênerait le travail des forces de l’ordre. En se focalisant sur la cryptographie, on oublie souvent un fait tout simple : il existe des dizaines de choses qui gênent le travail de la police, qui ont été créées par les sociétés démocratiques pour éviter qu’elle ne soit omnisciente ou qu’elle ne dispose d’un pouvoir disproportionné. À ce qu’on nous a dit, certaines lois ont même été inventées tout exprès. Les drones de combats, les machines à voyager dans le temps et le pouvoir de lire dans les pensées, sont autant d’idées formidables qui rendraient sans doute le travail de la police plus efficace. Cela ne signifie pas qu’elles soient réalisables ou souhaitables.

Pourquoi pas, tant qu’on y est, interdire aux gens d’essayer de préserver leur vie privée ?

Oh, wait.