PROJET AUTOBLOG


Reflets.info

source: Reflets.info

⇐ retour index

5 ans pour rendre au numérique un peu d’humanité

mercredi 10 mai 2017 à 11:46

Qu’est-ce qu’Internet peut attendre d’un quinquennat d’Emmanuel Macron ? Certes, il ne s’agit pas là du dossier le plus urgent pour notre nouveau président, mais il demeure connexe à de nombreux autres dossiers, parmi lesquels, la lutte contre terrorisme.

Si le programme numérique du candidat Macron demeurait peu lisible, il en a cependant tracé les grandes lignes :

Nous avons donc ici de grandes orientations, orientations qui font totalement l’impasse sur l’héritage numérique peu glorieux des multiples lois qui ont instauré, parfois dans une certaine alégalité comme nous l’avions démonté pour IOL, une surveillance élargie des internautes, par le biais d’interceptions administratives toujours plus nombreuses, massives, et dont le procédé technique reste un mystère, y compris pour le comité Théodule, pardon, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

Impasse faite également sur le contrôle de la vente de solutions de surveillance électronique.

Mais si le problème n’était pas la vente de ces solutions, mais le simple fait qu’elles existent ? Quand on dimensionne un système d’interception électronique à l’échelle d’un pays, ne devrait-on pas être une bonne fois pour toute reconnu comme un vendeur d’arme numérique ? Quand on commercialise des vulnérabilités (0day), ne devrait-on pas être reconnu une bonne fois pour toute comme un vendeur d’armes électroniques ? Et non comme un vendeur de « solutions à double usage » ?

Reflets a depuis quelques années maintenant une petite idée assez précise dont certaines sociétés, françaises, s’essuient les pieds sur l’arrangement de Wassenaar sur le contrôle des exportations d’armes conventionnelles et de biens et technologies à double usage, par le biais de montages exotiques permettant à chaque entités d’un fumeux consortium de rejeter la responsabilité du client final l’un sur l’autre…

« vous comprenez, nous on ne vend qu’une brique technologique ».

Ce bref rappel est, vous l’aurez compris un appel du pied au prochain gouvernement, et à la nouvelle présidence, à :

Voici deux orientations vers lesquelles la nouvelle équipe dirigeante pourrait s’orienter pour tenter de recoller les morceaux d’une politique numérique entre inexistante et irresponsable menée ces 10 dernières années.

De la responsabilité en politique

mardi 9 mai 2017 à 09:15

Monter des parties de la population les unes contre les autres a toujours été une technique politicienne fort usitée. Par l’extrême droite en particulier. Surtout par l’extrême droite. Depuis le référendum sur le traité constitutionnel de l’UE en 2005, jusqu’à la campagne présidentielle de 2007, les partis politiques et leurs représentants tentaient surtout de se faire élire en s’opposant sur deux terrains idéologiques bien définis : le libéralisme économique et « le moins d’État » accolé à un conservatisme des mœurs d’un côté, et la transformation de la société par une plus grande redistribution des richesses soutenue par un État providence assumé de l’autre.

Droite et gauche pouvaient ainsi facilement s’opposer sur des sujets tels que : le temps de travail, la sécurité, les services publics, le chômage, l’immigration ou encore la construction européenne. L’extrême droite, elle, venait juste rageusement expliquer que tous les débats de fond et leurs solutions politiques étaient sans issues puisque le cœur du problème n’était pas traité, selon eux : l’immigration. Chacun pouvait alors tranquillement s’écharper de manière établie et conforme à trois visions de la société : racisme et préférence nationale pour l’extrême droite, baisse des impôts, privatisations et performance individuelles pour la droite, renforcement des protections sociales, État providence et amélioration de la répartition des richesses pour la gauche.

Dans ce monde là, l’électeur choisissait en connaissance de cause une « voie » politique avec laquelle il adhérait. Mais depuis un peu plus de 10 ans, ce système de classement à tiroirs a lentement mais sûrement explosé. Jusqu’à créer une bouillie politique informe, incompréhensible, aux lignes tellement floues et en croisement permanent qu’il n’est quasiment plus possible pour l’électeur de s’y retrouver.

Le traité puis Sarkozy et son « ouverture »

Le débat et le vote de 2005 ont été un événement majeur pour expliquer le début de la fragmentation de l’espace politique français. Il a mené à la crise actuelle des repères et l’irresponsabilité caractérisée qui la définit. En 2005, un certain François Hollande se tient derrière un pupitre sur un plateau de télé juste à côté d’un certain Nicolas Sarkozy et défend avec un ténacité remarquable les idées de ce dernier. Un socialiste (de gauche) — secrétaire général du parti éponyme qui plus est — s’accorde pleinement avec l’étoile montante de la droite UMP, ministre de l’intérieur d’un certain Jacques Chirac, sur la signature d’un traité qui gravera dans le marbre une Union européenne anti-sociale, néolibérale, et technocratique.

Si la gauche socialiste plébiscite la même orientation économique et sociale pour l’Europe que l’UMP, comment va-t-il être possible de distinguer les deux camps ? Très difficilement. Au point que 2 ans plus tard, une fois Sarkozy élu, sa « politique d’ouverture » va lui permettre de commencer à souligner cette confusion. Accueillir des socialistes ou assimilés dans son gouvernement, et les voir se précipiter pour appliquer sa politique d’hyper-président réactionnaire (et ordolibérale) inaugure une nouvelle ère qui modifie grandement l’échiquier politique français.

Mais c’est à ce moment là, aussi, que la politique de clivage des populations et de confusions électorales se met en place : la France qui, se lève tôt, les racailles, l’identité nationale, travailler plus pour gagner plus, sont autant de moyens pour Sarkozy de déclarer qu’il existerait plusieurs « France ». D’entamer la guerre du tous contre tous. C’est un moyen de gagner une partie des voix du Front national, mais il s’agit aussi de diviser pour mieux régner. En face, chez les « progressistes » auto-proclamés, même si l’on hurle un peu au loup, la stupéfaction l’emporte sur la capacité à s’opposer. Certains socialistes commencent même à se positionner sur une nouvelle ligne du tout sécuritaire, doublée d’un libéralisme social assumé. Une sorte de sarkozisme « de gauche ». Manuel Valls écrit d’ailleurs un bouquin, et commence son travail de droitisation sociale et économique du PS. Visiblement, la méthode Sarkozy semble payante, alors pourquoi ne pas l’essayer au PS ?

2012 : l’irresponsabilité c’est maintenant !

5 ans d’idéologie de « droite forte », soufflée par Patrick Buisson, laissent des marques politiques, même si l’ouverture à gauche était censée jouer la carte de l’apaisement. Le sarkozisme, dans son volet social et sécuritaire se révèle être une copie politique des programmes du Front national. Il est à peine délimité, pour étouffer les accusations de plagiat ou de limites à ne pas franchir. Pour le reste, c’est la continuation des politiques libérales débutées par Thatcher et Reagan, plus de 25 ans auparavant.

Finalement, la présidentielle propulse François Hollande à l’Elysée, qu’on imagine stupéfait de sa propre victoire. Marine Le Pen fait un score de 18%, quand Hollande est à 28% et Sarkozy à 25%. Le Front national est toujours là, mais pas plus haut qu’en 2002. L’alternance a joué, et normalement, après cet essai du président pro-austérité et pro-europe libérale, tendance sociale d’extrême-droite, qui a augmenté la dette du pays de 600 milliards, il ne devrait pas être très compliqué pour un président socialiste de prendre tout cela à contrepied. Surtout que ce président du changement s’est opposé de toutes ses forces, petits poings levés durant la campagne électorale. Contre l’austérité, contre le traité européen de convergence, contre la finance, cet adversaire sans visage, contre toute la dérive autoritaire de Sarkozy. Hollande va changer les choses. « Le changement c’est maintenant ! » : on peut le lire partout sur ses affiches de campagne.

Et c’est là l’origine, ces 5 années de Hollande, que les 22% du premier tour de Marine Le Pen en 2017 vont se créer. Et les presque 34% de dimanche. Étranglement des classes moyennes avec des hausses d’impôts démesurées pour faire baisser le déficit budgétaire, cadeaux fiscaux aux entreprises de 40 milliards par an, fausse loi sur la séparation bancaire qui en réalité valide la capacité spéculative de ces dernières, attentisme social, aucune hausse du SMIC, application stricte des directives de Bruxelles, le tout dans une communication élyséenne digne d’une téléréalité, avec scandales sexuels et déplacements sur place à chaque fait divers. La marque de Sarkozy est restée gravée sur le front de Hollande qui reproduit, tel un élève, les agitations du maître. La dignité de la fonction n’existe plus et le mensonge prévaut sur la parole engagée.

Le couronnement de la politique ordolibérale de Hollande va survenir avec la nomination de Manuel Valls comme chef du gouvernement et de Bernard Cazeneuve à l’Intérieur : de la gauche revendiquée il n’y a plus que le mot, vidé de sa substance. Loi de programmation militaire, Loi renseignement, État d’urgence, projet sur la déchéance de nationalité, Hollande joue sur tous les tableaux. Il enfile tous les masques et se ridiculise jusqu’à devenir une figure politique honnie : 11% de bonnes opinions, le roi est nu. L’irresponsable « petit chef de l’État » finit par laisser un recueil de confidences être publié. Le mépris et la duplicité qui l’habitent transpirent au fil des pages. Il n’hésite pas à se vanter d’avoir commandité des assassinats d’État. Un cauchemar. « L’irresponsabilité c’est maintenant ! » pourrait être l’épitaphe du deuxième président socialiste de la Vème République.

Macron, Le Pen : le crépuscule de la République

Les deux candidats qui se sont affrontés pour la place en finale sont du même acabit. L’une est spécialiste de la division et de l’ostracisme, l’autre est un spécialiste de la communication et de la langue de bois qui méprise tout ce qui ne le soutient pas directement. Ni gauche ni droite chez Macron, et de droite et de gauche chez Le Pen, qui a entièrement assimilé une partie des programmes économiques de Mélenchon, tout en souhaitant rétablir l’autorité morale d’une droite conservatrice que l’on croyait oubliée (jusqu’à que Fillon ne tente de la ressusciter), et bien entendu soutenue par un nationalisme raciste qui balaye tout.

L’une vocifère contre les 10 ans de politique « UMPS » à la solde de Bruxelles, un message que de nombreux électeurs entendent très bien, et l’autre tente de faire croire qu’il incarne le renouveau, tout en ayant passé le dernier quinquennat auprès de Hollande. L’une veut plus d’État social tout en promettant une société ségrégationniste, raciste, autoritaire et repliée sur elle-même, l’autre appelle de ses voeux plus de libéralisme et moins d’État, dans une « Europe protectrice » accolée à une « mondialisation heureuse ». La confusion est totale, les repères sont explosés. Au point que plus personne ne semble savoir qui représente quelle idée, ou plutôt qui ne représente plus ce qui était autrefois consacré dans les urnes. Il n’y a plus de gauche, plus de droite, plus rien de connu, juste deux ego vociférant, se jetant l’opprobre, prêt à tout faire ou dire pour l’emporter.

Emmanuel Macron est le produit de la finance internationale détestée, des politiques européennes les plus anti-sociales, de l’ordolibéralisme de Hollande le plus socialement destructeur, quand Marine Le Pen est l’expression politique nationaliste, xénophobe et néo-fasciste la plus exécrable et anti-humaniste qui soit.

Ces candidats sont irresponsables. Tout comme les partis qui les soutiennent ou ceux qui ont exercé le pouvoir depuis plus d’une décennie. L’état de déliquescence politique qui règne dans le pays n’est pas dû à une quelconque et soudaine inconscience électorale, ou une lâcheté de la part de ceux qui n’ont pas voulu cautionner cette comédie du deuxième tour. Non, l’état politique, moral, électoral du pays est avant tout le produit de 5 années d’UMP et de Sarkozy auxquelles s’ajoutent 5 années de PS et de Hollande.

Normalement, quand on est élu et qu’on gouverne, on assume ses responsabilités. Malheureusement, ce n’est pas le cas. L’échec est déjà acté avec cette élection basée sur la peur et les menaces. Et ce n’est certainement pas avec la peur qu’on change une société, encore moins avec des menaces. Emmanuel Macron a été élu président grâce à ces phénomènes, et l’on peut se demander s’il va s’en souvenir. Quant aux électeurs, une fois utilisés, en général, ils sont oubliés. Il ne leur reste donc aujourd’hui qu’une dernière carte à jouer : les législatives. Après, viendra le temps des ordonnances (si majorité d’En Marche ! il y a) et le slogan « l’irresponsablité, c’est maintenant ! » pourrait bien redevenir à la mode. Et rebelote. Et dix de der.

MacronLeaks : anatomie d’un fake, ou la réalité alternative de l’extrême-droite

dimanche 7 mai 2017 à 20:05

Alors que la presse française garde un silence prudent et nécessaire sur les 9 gigaoctets de documents diffusés à la veille du second tour, de nombreux sites d’extrême droite, notamment à l’étranger, publient ce qu’ils croient être des scoops. Ces textes démontrent comment on peut créer une réalité alternative à grands coups de pseudo révélations, basées sur un bout de document. Les auteurs vrillent des morceaux de documents pour valider ce qu’ils voudraient voir. Et qui n’existe pas.

Un article de gotnews permet de démonter le délire dans lequel vivent ces gens-là.

Première « révélation » de l’article, Emmanuel Macron aurait reçu un mail de « VestiaireGay » et serait donc homosexuel. Un raccourci intéressant. Vu le nombre de spams incroyables que chacun reçoit chaque jour, nous sommes tous probablement échangistes, drogués et très intéressés par le Viagra. Il convient par ailleurs de noter qu’il n’y a pas de contenus de mails d’Emmanuel Macron dans le leak qui agite les gens d’extrême-droite.

« For example, why is Emmanuel Macron on the mailing list of VestiareGay?
Mailing lists like this are opt-in only. This image was found in an e-mail addressed to Emmanuel Macron. »

L’email en question est un évidemment un SPAM, qui plus est envoyé à l’assistant parlementaire d’Alain Tourret, Françis Amorim Machado, pas à Emmanuel Macron lui-même.

« L’article » passe ensuite aux choses sérieuses. L’assistant parlementaire d’Alain Tourret aurait commandé, pour le compte de ce dernier (70 ans au compteur) ou pour son propre compte et à trois reprises, de la drogue sur un site, en payant en Bitcoins.

 

 

Si l’on cherche dans la chaînes de bloc Bitcoins, on trouve en effet trois transactions dont les dates et montants correspondent, ainsi que les adresses Bitcoin de destination des paiements indiqués dans les emails de Buckled. Mais contrairement à ce que prétend Gotnews, rien ne relie les adresses Bitcoin utilisées à Alain Tourret ou à son assistant. L’information ne se vérifie donc que si les emails sont authentiques. Or, on peut légitimement supposer que ces derniers peuvent avoir tout à fait été « forgés ». Il s’agit d’une opération pas très compliquée.

De manière assez amusante, si l’on remonte l’adresse Bitcoin utilisée sur certaines transactions, on tombe selon toutes les apparences sur un pool de minage Bitcoin, pas sur un site de change. L’idée d’un parlementaire français, septuagénaire qui plus est, en train de miner du Bitcoin en fera sans doute sourire plus d’un.

Une commande de « c.. » pour Emmanuel Macron ?

Et la drogue, c’est visiblement un truc qui plait chez Emmanuel Macron puisque nos experts en scoops découvrent, disent-ils, qu’un mail annonce la commande de cocaïne pour Emmanuel Macron lui-même…

« But the drug use comes even closer to the man who wants to be the next President of France in an e-mail from Raphael Colhoun, Director of Finances, to the Vial household shortly before an exclusive party that campaign executives were attending. The email consists of a single line: “don’t forget to buy c. for the boss” »

Dans une photo d’un écran on peut voir, à l’appui des allégations, que Raphael Coulhon, à la direction des affaires finances d’En Marche, écrire à son destinataire « VIAL Domicile » (que Gotnews se représente être la gouvernante ou la femme de ménage d’Emmanuel Macron) d’acheter de la « c.. » pour le « boss ».

Mince…

Seul petit ennui, aucune trace de ce mail dans le leak. Ni aucune « VIAL Domicile ».

On retrouve toutefois une certaine Domitille VIAL, responsable commerciale d’un hôtel Mercure à Lyon. Rien à voir avec la supposée femme de ménage qui pourrait acheter de la cocaïne pour Emmanuel Macron… Et bien entendu, aucune mention d’un achat de « c.. ».

L’extrême-droite, la réalité et le Canard Enchaîné

dimanche 7 mai 2017 à 16:03

C’est toujours intriguant d’observer les gens d’extrême-droite. Sont-ils idiots, sont-ils dingues ? Vivent-ils dans une réalité alternative, l’ont-ils forgée eux-mêmes ? Se laissent-ils tous embarquer dans cette réalité alternative parce qu’elle colle au monde tel qu’ils aimeraient qu’il soit ? Mystère. Toujours est-il que depuis quelques heures, circule un pseudo tweet du Canard Enchaîné que voici :

Votre serviteur est assez bien placé pour savoir que ce tweet n’existe pas. Voici une copie d’écran du fil du @canardenchaine :

 

Salauds d’abstentionnistes…

mardi 2 mai 2017 à 23:15

Il est aisé d’entendre les appels à voter Emmanuel Macron, tout comme ma génération avait été contrainte de voter Jacques Chirac, la mort dans l’âme. Bien entendu, personne de sensé ne veut de Marine Le Pen à la présidence de la République. Où, comme le rappelle le Canard Enchaîné de demain, elle aurait parfaitement le pouvoir de changer tant de choses que nous serions tous une cible dans une dictature molle ou dure. Edwy Plenel a résumé dans un article très pertinent les raisons d’un vote pour Emmanuel Macron. Mais au delà, doit-on vouer aux gémonies ceux qui refuseront de glisser un bulletin Emmanuel Macron dans l’urne, au risque d’augmenter un peu les chances de Marine Le Pen ?

Il ne faudrait pas oublier que le vote n’est pas obligatoire. S’abstenir ou voter blanc est une option que la démocratie nous offre. La saisir n’est pas pour autant un acte anti-démocratique ou pro-Le Pen.

En outre, le vote pour une personne est une adhésion à un programme politique. Voter pour quelqu’un dont on ne soutient pas le programme est une démarche complexe, pour ne pas dire autre chose.

Les politiques et les éditorialistes nous abreuvent de discours culpabilisants, au cas où nombre d’entre nous refuseraient de soutenir le dernier rempart contre Marine Le Pen, c’est à dire Emmanuel Macron. Soit. Mais peut-on, l’espace d’un instant, poser la question : qui est responsable de cette percée de Marine Le Pen ? Les abstentionnistes ? Ceux qui votent blanc ? Ceux qui ont voté Jean Lassalle ?

Bien entendu, les premier responsables sont ceux qui ont été assez décérébrés pour lui donner leur voix. Ceux-là mêmes qui plébiscitent le nationalisme, le repli sur soi alors qu’ils se sont laissés entraîner dans une société où l’acte de consommation devient la seule perspective ayant un sens. Cette consommation d’objets inutiles et toujours provenant, justement, de l’étranger. Chez ces gens-là, Monsieur, on n’est pas à une contradiction près.

Mais ils ne sont sans doute pas seuls en cause. Et leur choix n’est probablement pas un choix défini sans aide extérieure.

On peut sans aucun doute blâmer les partis politiques qui se sont illustrés au fil des ans, en se mettant au centre d’affaires financières au point de devoir changer de nom régulièrement (RPR, UMP, Les Républicains), sans jamais parvenir pourtant à assainir leurs pratiques illégales et au détriment de l’intérêt général. Leurs leaders politiques se sont illustrés : Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande, François Fillon, Marine Le Pen, Jean-Marie Le Pen, on en passe.

Sur un plan purement politique, les choix de société proposés par un Nicolas Sarkozy peuvent également expliquer bien des choses : un monde du chacun pour soi et du moi d’abord, un monde où la loi du plus fort prime, un monde où les magistrats sont traités par le président de la république de « petits pois ». Un monde où le président décrète l’utilité d’un infâme débat puant sur l’identité nationalelibère de la parole raciste, tout cela a abouti à une fracturation de la société qui n’a plus de but commun, et sans doute même plus celui de faire barrage au Front National comme en 2002. La chasse aux électeurs de Marine Le Pen opérée par Nicolas Sarkozy sur les conseils de Patrick Buisson ont également contribué à banaliser les idées du Front National puisque diffusées par un membre de la frange « républicaine » du spectre politique français.

Plus récemment les renoncements, les promesses non tenues, le virage à droite ou à tout le moins vers une société à forte composante sécuritaire de François Hollande ont probablement contribué à essorer ceux qui avaient encore une once de sentiment d’appartenance à un groupe, ceux qui pensaient encore qu’un bulletin dans une urne pouvait contribuer à changer le monde.

« Le populisme, c’est aussi se foutre du « peuple » en prétendant parler en son nom« , conclut Eric Emptaz dans son éditorial du Canard Enchaîné de demain. En effet. Mais si l’on décidait d’examiner le degré de populisme de chaque homme politique Français, on aurait sans doute des surprises. Et l’on comprendrait sans doute mieux le résultat des élections récentes. Le nombre de personnes comprenant le sens du mot populisme de cette manière et désignant les politiques comme tels est sans doute en croissance permanente. Leur réponse à cette prise de conscience explique aussi, au moins sans doute en partie, les résultats de Marine Le Pen. Mauvaise réponse à une situation, mais réponse avec laquelle il faut compter.

La presse à le front bas…

Dans cette montée en puissance de Marine Le Pen, il ne faudrait pas oublier le rôle de la presse. Les multitudes de Unes des hebdos sur le « péril » que représenterait l’Islam n’a sans doute pas manqué de contribuer à ancrer cette peur d’un hypothétique envahisseur, cet « autre » qui trouble tant le français de souche, celui qui oublie que la République est un ensemble composé de branches qui poussent au fil du temps sur le même arbre. Mais la France a du mal à se défaire de son antisémitisme historique et de son islamophobie plus récente. La peur du « cosmopolitisme » supposé n’est pas nouvelle. Il suffit de souffler sur les braises pour que la flamme se ravive.

La presse encore qui a invité ces dernières années à demeure les tenants de ces délires hystériques qui travestissent la réalité pour instiller la peur, ce moteur de haine qui sert tellement bien Marine Le Pen. Eric Zemmour qui s’illustre depuis des années au Figaro, sur RTL, France 2, Paris Première, i-Télé, Canal +, la chaîne Histoire, M6… n’aurait jamais eu la visibilité qui est la sienne si les responsables de ces médias avaient décidé en conscience de lui couper le micro. Que dire de Yvan Rioufol (Le Figaro, i-Télé, RTL), Catherine Nay, Eric Brunet, Michel Onfray, Alain Finkielkraut, Bernard Henry-Levy, André Bercoff, on en passe… Tous invités, ré-invités, à demeure. Tout comme les nouvelles têtes du Front National qui sont les vedettes incontestées des chaînes d’information en continu, tel Florian Philippot. Aurait-il pu dérouler sa « dédiabolisation » supposée du Front National s’il n’avait pas été autant présent sur tous les plateaux télé ?

Et la Démocratie dans tout ça ?

Mais pourquoi ce parti dont des branches ont pourtant été dissoutes par l’État a-t-il toujours pignon sur rue ? Pourquoi la Démocratie tolère-t-elle un parti qui s’est juré de la mettre à bas ? Revoici donc la question de première année de philosophie du Droit (nous invoquons ici Maître Eolas) : jusqu’où la Démocratie peut-elle aller dans sa lutte contre ceux qui veulent sa mort ?

On peut faire un petit détour à ce stade vers les réponses que les démocraties ont apporté au terrorisme. En adoptant les méthodes de ses ennemis, la Démocratie se renie elle-même et bascule dans « autre chose ». Elle pave le chemin de ses contradicteurs comme le Front National. Ce dernier trouverait par exemple, s’il parvenait au pouvoir, tous les outils nécessaires et mis en place depuis que sévit Nicolas Sarkozy, puis François Hollande, pour écraser toute contestation.

Blâmer les abstentionnistes ou ceux qui voteront nul est une réaction épidermique. C’est planquer sous le tapis en urgence la poussière accumulée depuis des années dans les armoires. Par les partis politiques et leurs leaders, certes. Mais aussi par la presse.