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La Quadrature du Net

source: La Quadrature du Net

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La Quadrature du Net a besoin de votre soutien !

jeudi 26 juin 2014 à 12:00

Paris, 26 juin 2014 — La Quadrature du Net lance une nouvelle campagne de soutien destinée à financer ses travaux et campagnes.

Cher·e·s ami·e·s et soutiens de La Quadrature du Net,

Nous faisons appel à nouveau à vous pour apporter votre soutien financier aux actions de La Quadrature du Net. Celui-ci est indispensable : c'est grâce à vous que nous pouvons agir pour :

La Quadrature du Net souhaite développer la prise de conscience et la capacitation citoyennes : non pas se battre pour vous en restant loin de vous, mais se battre pour nous tous en vous impliquant au cœur de nos campagnes et de nos projets.

C'est pourquoi le soutien que vous apportez à La Quadrature du Net, qu'il soit financier, moral, actif, bénévole, quotidien, est si indispensable.

Nous comptons sur vous pour poursuivre votre soutien et vos dons. L'année qui vient de s'écouler nous a montré que plus que jamais, la mobilisation est cruciale pour défendre et étendre nos libertés : face à la surveillance mondiale massive et a-légale révélée par Edward Snowden, que la loi de programmation militaire votée en France en décembre 2013 tend à légaliser ; face aux enjeux cruciaux de définition juridique de la neutralité du Net en cours au niveau européen ; face aux fréquentes tentatives d'extension de la censure privée via l'extension de la LCEN, nous avons de nombreux fronts sur lesquels il faut aujourd'hui, plus que jamais, être vigilants et travailler avec le plus de moyens possibles.

Nous comptons sur vous pour continuer à nous aider dans notre action de défense des libertés fondamentales sur internet, et pour amener votre entourage à prendre également conscience de ces enjeux et nous rejoindre.

<3

Philippe Aigrain, Benjamin Bayart, Jean Cattan, Laurent Chemla, Lionel Maurel, Benjamin Sonntag, Félix Tréguer, Laurence Vandewalle et Jérémie Zimmermann, co-fondateurs et membres du conseil d'orientation stratégique de La Quadrature du Net, et toute l'équipe opérationnelle de La Quadrature du Net

La farce de la « gouvernance de l'Internet » et son illusion « multi-acteurs »

vendredi 20 juin 2014 à 16:50

Traduction de la tribune de Jérémie Zimmermann publiée le 22 avril 2014

Depuis environ 15 ans, les rencontres pour la « Gouvernance de l'internet »1 ont attiré l'attention et conduit notre imaginaire à croire que des règles consensuelles pour l'internet peuvent émerger de discussions « multi-acteurs » ("multi-stakeholder"). Quelques jours avant le forum « NETmundial » qui se tient à Sao Paulo, il devient évident que la « gouvernance de l'internet » est une farce qui nous tient occupés et cache une triste réalité : rien de concret n'est sorti dans ces 15 années, pas une seule action n'a jamais émergé de ces réunions multipartites alors que dans le même temps la technologie a dans son ensemble été retournée contre ses utilisateurs, transformée en un outil de surveillance, de contrôle et d'oppression.

Les citoyens du monde doivent penser aux défis importants à venir : fin de la surveillance de masse, protection des libertés numériques sans compromis, garantie de neutralité du Net, rendre universel l'accès à un internet libre etc. Aucun de ces sujets ne peut être réglé dans ces discussions multipartites stériles, avec des listes truquées de participants2, mais seulement dans un contexte politique adéquat, formé par des réseaux décentralisés de citoyens, organisés grâce à un internet libre.

À travers le site alternatif https://netmundial.net/ et une quantité d'autres modes d'organisation décentralisée, les citoyens du monde demandent à leurs gouvernements autre chose que cette farce de la gouvernance de l'internet.

Pourquoi devrions-nous attendre que ces hyper-structures multi-acteurs fonctionnent, si tant est qu'elles fonctionnent un jour, pour faire la moindre chose3 ? Il y existe déja une structure pour la gestion collective de l'internet : nous, citoyens, sommes tous co-propriétaires de l'Internet, si nous l'envisageons comme la somme de ses infrastructures, de ses technologies, et plus important encore, la somme des activités, données et contenus que nous, nous tous, contribuons à créer. Dans ce sens-là, Internet peut et doit être considéré comme un bien commun.

C'est précisément ce que nous devons demander maintenant à nos gouvernements, sur les cendres encore chaudes du modèle « multi-acteurs », écrasé sous les bottes des décisions unilatérales de la NSA, de Google, de Facebook, de la Chine, d'Apple, de la Russie, et de tous les autres acteurs qui n'ont pas attendu un consensus pour prendre des mesures radicales modifiant la technologie dans ses fondements pour la retourner contre les citoyens. Les gouvernements doivent considérer l'Internet comme notre bien commun, et le protéger comme tel, sans compromis. Comme la plus précieuse des réserves naturelles, ou une nappe d'eau potable. À partir de là nous devons nous engager dans un débat approfondi sur la nature de la confiance que nous plaçons dans les acteurs publics ou privés qui vont gérer cette ressource. Quelles conditions de transparence et de responsabilité (comme l'utilisation de logiciels libres et la capacité pour le public de le vérifier) devons nous demander, dans une société démocratique, à ceux qui sont responsables de la protection de nos libertés fondamentales, par leur contrôle sur une partie de notre infrastructure commune ?

C'est la nature des débats que nous aurions aimé voir émerger de NETmundial, sous l'impulsion courageuse de la présidente Dilma Roussef. Hélas, il semble qu'elle ait décidé de plier sous la pression des États-Unis4, de l'Union Européenne5 et des intérêts des industriels. Est-ce qu'un message des citoyens du monde sera capable d'influencer ce status quo insipide ?

Nous nous devons de toute façon d'essayer !

À l'Assemblée nationale, toujours plus loin dans la censure privée

mercredi 18 juin 2014 à 11:57

Paris, 18 juin 2014 — Au cours de l'examen du projet de loi « pour l'égalité entre les femmes et les hommes », les députés de la commission des lois viennent d'accepter les dispositions encourageant la transformation des intermédiaires du Net en police privée. Malgré les amendements proposant la suppression de l'article en question ou la mise en place de mesures alternatives respectueuses des droits des citoyens, les députés ont choisi de persévérer dans l'extension de la censure sur Internet. En prévision de l'examen final du projet de loi, prévu pour le 26 juin, La Quadrature du Net invite les citoyens soucieux pour leurs droits fondamentaux à contacter leurs élus et à faire entendre leur voix.


Sébastien Dénaja,
rapporteur du texte à l'Assemblée nationale

Après le second examen par le Sénat en avril, le projet de loi « pour l'égalité entre les femmes et les hommes » de Najat Vallaud-Belkacem a été discuté ce matin par les députés de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Adopté en l'état, l'article 17 du texte modifierait le régime de responsabilité des intermédiaires techniques de l'Internet1 pour élargir leurs missions de surveillance et de censure des communications à tous les propos incitant aux discriminations diffusés en ligne.

Comme ne cesse de le dénoncer La Quadrature du Net depuis le début du travail parlementaire sur ce texte, une telle extension de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) inciterait les hébergeurs à censurer automatiquement tous les contenus signalés, qu'ils soient légaux ou non, et ce au détriment des droits de leurs utilisateurs, notamment à la liberté d'expression et à un procès devant un tribunal équitable. L'invocation de valeurs nobles et de la dignité humaine auxquelles nous sommes les premiers à être attachés sert ainsi de paravent pour donner des pouvoirs de police et de justice aux intermédiaires privés de l'Internet. Pire, l'amendement déposé par des députés du groupe Écologiste2, proposant une mesure alternative à la fois plus efficace et respectueuse des droits fondamentaux des citoyens, (mettre les pouvoirs publics au cœur des dispositifs de signalement des contenus en lieu et place des hébergeurs), n'a pas été discuté.

De manière inquiétante, les échanges de ce matin montrent l'acceptation générale de ces dispositions, comme l'illustrait déjà la semaine dernière la discussion sur la proposition de loi « renforçant la lutte contre l’apologie du terrorisme sur internet » déposée par des députés du groupe UMP, au cours de laquelle tous les députés ou presque3 se sont accordés sur l'extension de la LCEN. Malgré le rejet de cette proposition de loi, de telles mesures se retrouvent également dans d'autres textes en cours d'examen ou déjà annoncés. Ignorant à la fois les citoyens, les organisations de la société civile pourtant mobilisées sur ces sujets, les propositions d'amendements positifs, le risque de censure du Conseil Constitutionnel4, leurs positions et déclarations passées, les élus de la majorité persistent dans cette logique de groupe désastreuse qui leur impose de suivre la volonté du gouvernement, au détriment des droits et intérêts des citoyens.

Le prochain et dernier examen en séance du projet de loi « pour l'égalité entre les femmes et les hommes » est prévu pour le 26 juin. D'ici là, La Quadrature du Net invite tous les citoyens à se mobiliser pour appeler leurs élus à un sursaut salvateur et à la mise en place d'un dispositif réellement efficace et protecteur des droits fondamentaux en lieu et place de l'actuel article 17.

« Une fois encore, poussés par le gouvernement et la ministre Najat Vallaud-Belkacem, les députés viennent de s'exprimer en faveur de l'extra-judiciarisation de la lutte contre les propos haineux, au mépris des libertés publiques. L'instrumentalisation de causes ô combien légitimes à grand renfort d'arguments émotionnels ne peut justifier la remise en question de droits aussi fondamentaux que la liberté d'expression ou à un procès équitable, a fortiori lorsqu'il existe des solutions alternatives évitant ces dérives. Au-delà de ce texte, il est plus que temps que nos dirigeants cessent de confier aux acteurs de l'Internet des missions de police, et d'entamer l'indispensable remise à plat de la LCEN afin de replacer le juge au cœur de la régulation de la liberté d'expression, tout en donnant aux services publics les moyens nécessaires à la lutte contre la violence qui se fait parfois jour sur Internet » déclare Félix Tréguer, cofondateur de La Quadrature du Net.

Libertés en ligne : Mediapart et La Quadrature attendent vos contributions !

jeudi 12 juin 2014 à 16:55

Paris, 12 juin 2014 — La « commission sur le droit et libertés à l’âge du numérique » a été installée à l'Assemblée nationale ce mercredi 10 juin 2014. Créée pour proposer des réflexions et des propositions centrées sur les problématiques de droits et de libertés dans une perspective numérique, elle rassemble treize parlementaires et treize personnalités qualifiées. Philippe Aigrain, cofondateur de La Quadrature du Net, et Edwy Plenel, président de Mediapart, ont été désignés pour y participer.

Mediapart et La Quadrature du Net ont souhaité, en parallèle des travaux de cette commission, ouvrir un espace de partage et d'expression sur les questions dont s'occupera cette commission. Celui-ci est hébergé par Mediapart et co-animé par sa rédaction et La Quadrature du Net. En plus d'accueillir les contributions citoyennes, cet espace permettra également de rendre compte régulièrement des travaux de la commission.

Si vous souhaitez soumettre une contribution et nourrir la réflexion sur ces questions fondamentales, nous vous invitons à nous contacter afin de nous présenter vos propositions. Il ne s'agit pas forcément d'être d'accord avec les positions de Mediapart ou de La Quadrature du Net sur les libertés dans l'espace numérique, mais d'être constructif : nous demandons des contributions qui fassent progresser les idées, le débat, les réflexions.

La Quadrature du Net et Mediapart sont très attachés, chacun dans son espace particulier, à la défense des droits et des libertés, et à l'extension de ceux-ci. C'est ce message que nous porterons dans la commission « droit et libertés à l'âge du numérique », c'est également ce que nous souhaitons concrètement promouvoir en ouvrant cet espace de contributions.

Pour tout renseignement ou proposition de contribution : contact@laquadrature.net

Snowden, Terminator et nous

jeudi 5 juin 2014 à 13:23

Tribune de Jérémie Zimmermann, co-fondateur de La Quadrature du Net, publiée dans Mediapart le 5 juin 2014


Illustration de Terminator Studies

Il y a un an jour pour jour, un courageux jeune homme nommé Edward Snowden a sacrifié une grande partie de sa vie et de ses libertés pour nous révéler la dure réalité du monde dans lequel nous vivons. Ses révélations en cours nous enseignent et nous permettent de comprendre à quel point notre relation à la technologie a changé à tout jamais, et pourquoi nous ne pourrons plus faire confiance aux machines. Edward Snowden nous a aussi montré le chemin à emprunter pour reprendre le contrôle des machines, et l'importance de cette tâche que plus personne ne peut ignorer.

Nous vivons déjà à l'ère du Cyborg. Nos humanités sont pratiquement indissociables de nos machines. Les fonctions de nos corps, communiquer, se rappeler, nous reconnaître les uns et les autres, nos mémoires personnelles et communes, ainsi que la plupart de nos travaux sont maintenant inséparables des fonctions des machines.

Les ordinateurs, téléphones et serveurs sont tous interconnectés à travers des logiciels et les réseaux de communication. Cette Machine globale interconnectée est de plus en plus en train de s'imbriquer avec notre humanité interconnectée à l'échelle globale – bientôt sur nos visages, poignets, et sous nos peaux – et la plupart d'entre nous lui a jusqu'à présent accordé une confiance quasi-totale.

Pourtant, dans cette ère du Cyborg, nous voyons grâce à Edward Snowden que cette Machine mondiale a été tournée toute entière contre nous. Elle a été transformée en un outil de surveillance généralisée et de contrôle des individus, au prix de violations massives de nos droits fondamentaux. Alors que de nombreux abus ont déjà été exposés, la Machine représente un immense, horrifique, potentiel d'abus et de répression, de l'espionnage politique à l'espionnage économique. N'importe quel mouvement politique, n'importe quelle révolution, n'importe quelle idée, pourraient être écrasés en un clin d'œil.

Toute la Machine a été dévoyée de sa fonction initiale. Alors qu'elle nous obéissait, à nous, ses utilisateurs et propriétaires, elle a été reprogrammée pour obéir à ses vrais maîtres, une alliance aux contours flous mêlant quelques-unes des plus grandes entreprises du monde comme Google, Apple, Facebook et Microsoft, des services de renseignement hors de tout contrôle comme la NSA, le GCHQ ou la DGSE, et leurs milliers de partenaires publics ou privés (dont une myriade de contractants privés et au moins 950 000 citoyens américains disposant d'une accréditation « Top Secret »).

Beaucoup d'entre nous trouvent plus confortable d'ignorer la vérité que de modifier nos habitudes. La vérité est si violente et effrayante qu'elle devient trop difficile à accepter. Peut-être que l'écart entre la réalité et le confort des illusions est trop grand.

Pourtant, chacun d'entre nous porte l'immense responsabilité de se confronter à des questions qui seront déterminantes pour l'avenir de nos sociétés, notre relation au pouvoir ou nos relations entre individus. Ou est la frontière entre nos humanités et la Machine ? En avons-nous consciemment accepté la définition ? Comment pouvons-nous reprendre le contrôle de cette Machine devenue partie intégrante de nous-mêmes ?

Ce qui est en jeu est la définition même de nos humanités. Car la surveillance massive implique la violation et potentiellement l'annihilation de nos intimités, ces espaces où nous décidons, en pleine confiance – seuls ou avec d'autres – d'être pleinement nous-mêmes, d'expérimenter avec nous-mêmes, d'explorer de nouvelles idées ou théories, d'écrire, chanter et créer. Dans ces espaces, nous développons nos identités, la définition élémentaire de qui nous sommes…

Heureusement, Edward Snowden nous a aussi montré une voie de sortie. Nous pouvons exiger des comptes de nos gouvernements, et nous pouvons très certainement échapper à la surveillance de masse, et la rendre beaucoup plus coûteuse. En quittant les technologies qui nous contrôlent, nous pouvons utiliser, promouvoir et développer des technologies qui nous libèrent. C'est un long chemin, nécessitant de grands efforts, d'en finir avec les habitudes et la confiance aveugle que nous plaçons dans la Machine, et nécessitant que tous s'approprient la technologie. À travers l'utilisation de logiciels libres, d'architectures décentralisées et de chiffrement de bout en bout, nous pouvons – probablement – reprendre le contrôle de la Machine.

C'est notre devoir, en tant que civilisation et en tant qu'individus. Nous devons par tous les moyens combattre cette Machine d'oppression, avant qu'il ne soit trop tard, afin de reconquérir et reprendre possession de notre humanité.