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La Quadrature du Net

source: La Quadrature du Net

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Déclaration commune : se mobiliser pour une réappropriation démocratique des médias

lundi 18 février 2019 à 16:39

La Quadrature du Net partage la déclaration ci-dessous avec une dizaine d’associations et une trentaine de média. La méfiance envers les « média dominants » (presse, TV, radio) a toujours été une opportunité de réappropriation de nos moyens de communication, où Internet joue tout son rôle. Ainsi, en plus d’interroger la place de ces média, il faut lutter pour qu’Internet reste entre nos mains.

Repoussons sa mise sous tutelle par la police et par l’alliance de nos gouvernements aux Facebook et Google de ce monde. Repoussons urgemment le règlement terroriste (notre site de campagne) ainsi que les ambitions du gouvernement dans sa future loi prétendument « anti-haine » (notre analyse).

Pour une réappropriation démocratique des médias

Depuis plusieurs semaines, le mouvement des gilets jaunes bouleverse l’agenda politique, et porte une remise en cause profonde des institutions. Les médias sont tout particulièrement visés. Les gilets jaunes dénoncent, à juste titre bien souvent, un traitement caricatural des mobilisations : surenchère sécuritaire sur les plateaux télévisés et dans certains quotidiens ; confiscation de la parole par les éditorialistes ; disqualification de certaines revendications jugées «irréalistes» et appels à «dialoguer» avec le gouvernement ; ou encore dénonciations des violences des manifestants – alors que les violences policières ont été pendant trop longtemps passées sous silence.

Une telle pédagogie de la résignation n’est certes pas nouvelle. Déjà lors des grèves de 1995, les tenanciers des grands médias martelaient leur sempiternel message : il n’y a pas d’alternative aux réformes libérales. En 2005, ils pointaient du doigt ceux qui mettaient en cause le bien-fondé des politiques européennes et déformaient la révolte des banlieues. Plus récemment, lors des mobilisations contre la loi El-Khomri et les ordonnances Macron, ils dénonçaient un code du travail soi-disant «trop épais et illisible». À l’occasion de chaque mobilisation sociale, ils se sont faits les gardiens de l’ordre économique et politique.

Ces partis pris ont contribué à disqualifier les grands médias. La défiance à leur égard est profonde et sans précédent. D’autres sources d’information sont plébiscitées, médias indépendants ou réseaux sociaux. Certaines des analyses portées depuis des décennies par la critique des médias sont réinvesties largement, au-delà du mouvement des gilets jaunes. L’emprise de quelques milliardaires sur la production de l’information est pointée du doigt. La question des médias s’impose désormais comme une question politique.

La plupart des éditorialistes et chefs de rédaction ne voient, dans cette défiance, qu’une «haine des médias» et de la démocratie. Ils éludent la responsabilité qu’ils portent, par leurs diatribes ou leurs choix éditoriaux, dans l’hostilité qui s’exprime contre l’ensemble des journalistes. Une hostilité dont les plus précaires (en termes de statut ou de conditions de travail) font parfois les frais, sur le terrain, en étant injustement pris à partie ou agressés.

Nous pensons que la défiance envers les grands médias doit être une opportunité. Opportunité, dans les rédactions, de remettre en cause les orientations délétères imposées par les directions éditoriales, et de replacer le reportage et l’enquête au cœur du travail journalistique. Opportunité, dans les médias indépendants, de faire la démonstration par l’exemple qu’un autre journalisme, plus exigeant et plus libre vis-à-vis des pouvoirs, est possible.

Que nous soyons gilets jaunes, militant·es, journalistes, usager·es des médias, nous avons toutes et tous des raisons légitimes de contester un ordre médiatique inique, qui maltraite le pluralisme. Et de nous inquiéter des menaces réelles qui pèsent sur le droit à l’information : la mainmise de quelques milliardaires sur la plupart des médias, les plans de suppressions d’emploi dans l’audiovisuel public comme dans les groupes privés, la précarisation des journalistes statutaires ou pigistes y compris dans certains médias indépendants, la répression policière et la criminalisation qui frappent de plein fouet certains reporters et leurs sources, ou encore les lois liberticides qui visent à contrôler l’information – loi sur le secret des affaires et sur les «fake news».

C’est pourquoi nous affirmons qu’il est temps de se mobiliser pour une réappropriation démocratique des médias. Pour défendre le droit d’informer et le droit à être informé, tous deux gravement menacés. Et pour que l’information, trop longtemps confisquée par les pouvoirs, devienne enfin un bien commun et non une marchandise.

Cette déclaration est une initiative commune :

D’associations, d’organisations de journalistes et de syndicats : Acrimed, Attac, Fédération Nationale de l’Audiovisuel Participatif, Info’Com-CGT, La Quadrature du net, Les Amis du Monde diplomatique, Profession : Pigiste, Résistance à l’agression publicitaire, Ritimo, SNJ-CGT, Union syndicale Solidaires.

De médias : Cause commune, Contretemps-web, CQFD, Démosphère Ariège, Démosphère Toulouse, Frustration, Hors-Série, Jef Klak, L’Alterpresse68, Là-bas si j’y suis, La Clé des ondes, La Gazette de Gouzy, Le journal minimal, L’Insatiable, Le Média, Le Ravi, MAP 36, MédiaCitoyens PACA et Rhône-Alpes, Mediacoop, Radio Parleur, radio Cause commune, Ricochets, Rosalux, Silence, Transrural initiatives, TV Bruits, Télé Mouche, Télé Regain, TVnet Citoyenne.

D’organisations politiques : Alternative libertaire (AL), Ensemble, Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Parti communiste français (PCF), Parti de gauche (PG).

Premiers signataires : Alain Accardo, sociologue; Gilles Balbastre, réalisateur; Patrick Champagne, sociologue; Sophie Chapelle, journaliste; Colloghan, dessinateur; Benoît Collombat, journaliste; Jean-Baptiste Comby, sociologue; Annie Ernaux, écrivaine; Nina Faure, réalisatrice; Benjamin Ferron, sociologue; Anne-Sophie Jacques, journaliste; Yannick Kergoat, réalisateur; Henri Maler, universitaire; Philippe Merlant, journaliste et conférencier gesticulant; Pierre Morel, photojournaliste; Gérard Noiriel, historien; Michel Pinçon, sociologue; Monique Pinçon-Charlot, sociologue; Denis Robert, journaliste; Karim Souanef, sociologue; Usul, vidéaste.

Règlement terroriste

lundi 18 février 2019 à 13:31

En septembre 2018, sous l’influence de la France et de l’Allemagne, la Commission européenne a proposé un règlement « relatif à la prévention de la diffusion en ligne de contenus à caractère terroriste ».

Ce nouveau règlement imposera à tout acteur du Web (hébergeurs de blog ou de vidéos, sites de presse, petits forums ou grands réseaux sociaux) de :

Si un site ne respecte pas ces règles, il risque une amende jusqu’à 4 % de son chiffre d’affaires.

Délégation de la censure aux géants du Web

D’un point de vue technique, économique et humain, seule une poignée d’acteurs – les géants du Web – pourront respecter des obligations aussi strictes.

Les autres acteurs (commerciaux ou non) n’auront d’autre choix que de cesser leurs activités ou de se soumettre aux outils de modération (filtrage automatique et listes de blocage) développés par Facebook et Google depuis 2015 avec le soutien de la Commission européenne.

Ces multinationales deviendront donc les juges de ce qui peut être dit sur Internet. La structure riche, variée et décentralisée du Web est vouée à disparaître.

Censure des discours politiques

En droit de l’Union européenne, la notion d’infraction « terroriste » est volontairement large, couvrant les actes de piratage ou de destruction massive de biens (ou la simple menace de le faire) commis pour influencer une décision politique ou de déstabiliser des institutions.

Laisser à la police et non au juge le pouvoir de décider ce qu’est un contenu de « terroriste » pourrait mener à la censure d’opposants politiques et de mouvements sociaux.

L’obligation de mettre en place des mesures proactives, avec la menace de lourdes amendes, aura pour effet de motiver les acteurs du Web à adopter une définition du terrorisme la plus large possible pour ne pas être sanctionnés.

Une loi inutile

Ce règlement « anti-terroriste » ne permettra même pas d’atteindre son objectif affiché : empêcher que DAESH ou Al Qaeda diffusent leur propagande auprès des personnes déjà séduites par leurs discours.

Il semble absurde de devoir encore le répéter : sur Internet, n’importe quelle loi de blocage peut être contournée par les personnes qui souhaitent accéder aux informations censurées. Les seuls effets de cette loi seront ses dommages collatéraux : le grand public n’aura certes plus à subir les contenus terroristes, mais il n’aura plus connaissance non plus des informations censurées abusivement.

Exigeons le rejet du texte

Sous couvert de solutionnisme technologique, ce règlement joue sur la peur du terrorisme pour mieux encadrer l’expression sur Internet et limiter les oppositions.

Nous devons demander le rejet de ce texte.

Le 21 mars 2019 se tiendra le premier vote sur ce texte, au sein de la commission « libertés civiles » du Parlement européen (60 députés). Les élections européennes arrivant tout de suite après, il s’agira probablement de notre dernière opportunité de faire rejeter ce texte.

[Franceinfo:] Mesures du gouvernement contre le cyberharcèlement : De la poudre aux yeux pour faire semblant d’agir

lundi 18 février 2019 à 11:00

Arthur Messaud, juriste pour l’association La Quadrature du net, critique le plan présenté par le gouvernement jeudi matin. […]

Arthur Messaud dénonce le fait de faire de Facebook « le héros de la modération sur internet« . Le juriste de l’association de défense des droits et libertés des citoyens sur internet critique également la gestion des zones grises d’internet. « On veut déléguer ce pouvoir de justice à des acteurs privés qui ne sont pas soumis à nos valeurs démocratiques. » […]

https://www.francetvinfo.fr/internet/securite-sur-internet/mesures-du-gouvernement-contre-le-cyberharcelement-de-la-poudre-aux-yeux-pour-faire-semblant-d-agir-association_3191473.html

NDLRP : retrouvez l’interview d’Arthur Messaud sur le Peertube de La Quadrature du net.

Notre communiqué sur le site suite à l’annonce de ce plan : Mahjoubi et Schiappa croient lutter contre la haine en méprisant le droit européen.

[Soutenons notre internet, La Quadrature a besoin de vos dons.]

Mahjoubi et Schiappa croient lutter contre la haine en méprisant le droit européen

jeudi 14 février 2019 à 16:53

Ce matin, Mounir Mahjoubi a présenté au public son « plan d’action contre les contenus haineux en ligne », qu’il compte mener aux côtés de Marlène Schiappa et de la députée En Marche Laetitia Avia. Au-delà de l’écran de fumée de ce plan d’action, qui peine à cacher un manque total de stratégie et de vision pour l’Internet, le gouvernement méprise totalement la liberté d’expression en suggérant de généraliser la censure automatisée, et renforce le fichage généralisé des utilisateurs d’Internet au mépris du droit européen. Au passage, Mahjoubi en profite pour se faire écho de l’amour véritable qui unirait son président à Mark Zuckerberg…

Au-delà du vœu pieux de faire participer les associations à l’édiction des règles de modérations de Facebook, Google et Twitter (chose sympathique mais bien inutile dans la mesure où rien n’est prévu pour rendre ces géants responsables des censures abusives qu’ils s’autorisent), le plan d’action « contre la haine » ne prévoit rien de neuf et réchauffe ce que la loi prévoit depuis 15 ans.

Favoriser les signalements de contenus haineux ?

Le plan propose d’imposer aux plateformes numériques de mettre à disposition du public un bouton facilement accessible pour signaler les contenus illicites. Mahjoubi ne le cache pas : c’est une chose prévue depuis 15 ans dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Mais il prétend que cette obligation n’est pas respectée par certains acteurs, et qu’il faut donc agir pour les forcer.

On se demande pourquoi le gouvernement a tant attendu pour agir : le non-respect de cette obligation est puni de un an d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende depuis 2004… Son inaction s’explique vraisemblablement du fait qu’il sait que tout ceci est bien vain : les acteurs privés n’ont ni les moyens ni la légitimité de traiter l’ensemble des signalements de contenus illicites. Recevoir les signalements est le rôle de la police et plus précisément de PHAROS. Juger si un contenu est illicite est le rôle de l’autorité judiciaire. Or, ces deux acteurs sont presque entièrement absents du plan d’action annoncé aujourd’hui, pourtant en grand besoin de moyens.

Favoriser la justice privée ?

Depuis 2004, toujours, la LCEN prévoit qu’un hébergeur peut être tenu pour responsable des contenus illicites qu’il diffuse si, ayant pris connaissance de ceux-ci (à la suite d’un signalement, typiquement), il n’a pas « agit promptement pour retirer ces informations ». Le plan de Mahjoubi déplore que, sur les grosses plateformes, ce retrait n’intervienne pas assez rapidement. Il fait alors appel à l’exemple tant décrié de la loi allemande qui impose aux géants un retrait en 24h des contenus « manifestement illégaux ».

Encore une fois, la proposition est bien creuse. Depuis 2004, laissé à l’appréciation des juges, le caractère « prompt » du retrait est déjà appliqué avec une grande fermeté lorsque les circonstances l’exigent. Les juges n’hésitent pas à condamner un hébergeur qui, dans les cas les plus graves, n’aurait pas retiré un contenu illicite dans les 24 heures suivant son signalement1Une affaire importante dans l’histoire de la LCEN est celle concernant la société AMEN qui, en 2009, a été condamnée par la cour d’appel de Toulouse pour ne pas avoir retiré dans la journée suivant leur signalement des écoutes téléphoniques diffusées par un des sites qu’elle hébergeait et concernant l’enquête judiciaire de l’affaire AZF. En 2011, la Cour de cassation a cassé cette décision car le signalement de ces écoutes ne respectait pas le formalisme stricte prévu par la LCEN. Toutefois, ce faisant, il est important de noter que la Cour de cassation se gardait entièrement de considérer qu’un délai « prompt » de 24 heures ne correspondrait pas à ce qu’exige la loi.<script type="text/javascript"> jQuery("#footnote_plugin_tooltip_7340_1").tooltip({ tip: "#footnote_plugin_tooltip_text_7340_1", tipClass: "footnote_tooltip", effect: "fade", fadeOutSpeed: 100, predelay: 400, position: "top right", relative: true, offset: [10, 10] });. Mettre dans la loi ce qui se fait déjà dans la pratique est une façon bien simple et peu coûteuse de faire croire qu’on agit quand, en vrai, on a aucune idée de quoi faire. Au contraire, s’il s’intéressait vraiment au développement du numérique français, le gouvernement ferait mieux de protéger les petits plateformes d’exigences aussi radicales et contre-productives de la part des juges, dissuadant l’apparition de nombreux acteurs vertueux qui, un jour, devront remplacer les géants.

Favoriser la censure judiciaire ?

Le plan de Mahjoubi déplore que la censure judiciaire du site democratieparticipative.biz soit resté sans effet : le site s’est naturellement dupliqué sur d’autres adresses. Au passage, il a bénéficié d’une large campagne de visibilité offerte bénévolement par le gouvernement. La situation est ridicule : nous nous croyons revenus 10 ans plus tôt quand nous expliquions à des députés découvrant l’Internet que la censure totale d’un site n’était techniquement pas viable et qu’il était vain de la chercher.

Même si Mahjoubi et Schiappa nous épargnent certains égarements comiques de l’époque (« pare-feu Open-Office », nous ne t’oublierons jamais <3), leur entêtement à chercher des solutions technologiques magiques pour censurer le Net reste aussi absurde, hors-sol et trompeur que par le passé. Les solutions que vous cherchez ne peuvent être qu'humaines et structurelles, vous ne gagnerez jamais le jeu du chat et de la souris sur Internet. Ne perdons pas plus de temps avec vos errements.

Lever l’anonymat contre le droit européen

Mahjoubi tombe enfin le masque du gouvernement qui, depuis quelques semaines, sème la confusion quant à la levée de l’anonymat en ligne. Son objectif est maintenant clair : le gouvernement veut entièrement s’opposer à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui interdit aux États membres d’instaurer un fichage de l’ensemble des utilisateurs d’Internet.

La Quadrature du Net s’en réjouit régulièrement : la Cour de justice de l’Union européenne a construit depuis 2014 une jurisprudence ferme interdisant aux États d’obliger les acteurs d’Internet à conserver des données techniques permettant d’identifier l’ensemble de leurs utilisateurs. La Cour de justice n’autorise que des mesures de levée de l’anonymat qui sont ciblées, limitées quant aux personnes surveillées et à la durée de cette surveillance. Le gouvernement français a systématiquement refusé d’abroger les dispositions du droit français qui, en violation du droit européen, imposent aux opérateurs de télécommunications et hébergeurs de conserver pendant 1 ans les données de connexion de l’ensemble de leurs utilisateurs.

Le gouvernement s’est tant entêté à violer le droit de l’Union que nous avons du contester le droit français devant le Conseil d’État qui, l’été dernier, après trois ans de procédure, a enfin accepté de soumettre la validité des dispositions françaises à l’examen de la Cour de justice (lire le résumé de nos actions, qui retrace l’état des droits français et européen).

Sans même attendre la décision de cette Cour de justice (qui, à rester cohérente avec ses décisions passées, condamnerait entièrement le modèle français), Mahjoubi et Schiappa annoncent vouloir s’enfoncer encore davantage dans le mépris des libertés fondamentales garanties par l’Union européenne. Ils veulent prévoir des sanctions et des délais plus strictes contre les opérateurs et hébergeurs qui refuseraient de communiquer aux autorités les données d’identification qu’ils conservent. Pour rappel, quand la police avait demandé à La Quadrature du Net de lui communiquer les données identifiant un des utilisateurs de son service Mastodon, nous avions refusé : conformément à la jurisprudence de l’Union européenne, nous ne disposions plus de ces données, car nous ne conservons les données de connexion que pour une durée de 14 jours.

Poursuite de l’alliance France-Facebook

Le document publié aujourd’hui encense Facebook sans retenue. Le « fonds pour le civisme en ligne », par lequel Facebook financera et rendra dépendantes des associations anti-racistes (comme elle sait si bien le faire), est qualifié sans nuance d’« initiative prometteuse [qui] mérite d’être pérennisée ».

Pour lutter contre la haine en ligne, la voie de l’« intelligence artificielle » est explicitement pointée (peu importe ce que ça veut dire), et donne un exemple héroïque à suivre : « Facebook revendique ainsi d’éliminer la quasi-totalité des contenus terroristes avant qu’ils aient pu être diffusés ». Bravo Facebook ! Mahjoubi aurait toutefois pu attendre la fin de la mission gouvernementale examinant la modération de Facebook avant de diffuser sans aucun recul ni aucune rigueur la propagande de l’entreprise.

Enfin, le plan d’action salue que « Facebook a d’ailleurs décidé de lancer en 2018 un mécanisme d’appel » contre ses censures abusives. Facebook est encore conforté dans son rôle d’État privé qui peut créer ses propres normes et juridictions, sans aucun contre-pouvoir, à côté et à la place des États sensés démocratiques.

Derrière toutes ces flatteries, le gouvernement semble avoir oublié le rapport de Laetitia Avia (qu’il prétend pourtant reprendre), qui dénonçait comme l’une des causes majeures de la haine en ligne le modèle de Facebook et de ses amis : l’économie de l’attention.

À aucun moment la taille d’un acteur comme Facebook n’est remise en question. Pourtant, l’échelle à laquelle doit s’effectuer sa modération n’est pas qu’un défi technique à brillamment relever mais une ambition légitimement discutable et critiquable.

Une loi anti-haine calquée sur l’anti-terrorisme ?

Derrière les effets d’annonce bien creux de ce « plan d’action », cet appel du pied vers Facebook a de quoi nous inquiéter gravement. Elle nous rappelle à l’identique la situation qui a conduit la Commission européenne a proposer son règlement terroriste.

En 2015, suite à une série d’attaques terroristes meurtrières, Facebook, Google, Twitter et Microsoft s’engagent à travailler avec la Commission européenne au sein du Forum de l’Internet européen pour lutter contre la propagande terroriste. Grace à leurs « intelligences artificielles » magiques et leurs milliers de modérateurs aux quatre coins du monde, les entreprises construisent en 2 ans une liste de blocage contenant la signature de 80 000 images et vidéos qu’elles ont elles-mêmes reconnues comme illicites, sans juge. La Commission européenne est claire : il faut désormais que l’ensemble des plateformes du Web, pas que les géantes, utilisent ces outils de modération. C’est un des objectifs de son règlement terroriste (pour les détails de cette analyse, lire notre analyse complète du règlement).

De son côté, en novembre 2018, Mark Zuckerberg aussi est très clair : les petits acteurs du Web ne peuvent pas faire face à la propagande terroriste, aux « fake news » ou à la haine en ligne seuls. Ils ont besoin de l’aide de Facebook, et il se réjouit que le gouvernement français collabore avec lui pour penser la loi.

En même temps, au Forum de la Gouvernance d’Internet, Macron faisait le même constat : les géants du Net ont fait du bon boulot pour préparer le Net au nettoyage de la propagande terroriste – la prochaine étape sera de continuer le travail pour les contenus haineux.

Pour mettre un coup d’arrêt à cette d’alliance gouvernement-GAFAM, il nous reste un mois pour contacter les députés européens et leur demander de rejeter le première étape de ce projet, le règlement terroriste. Appelons-les.

References   [ + ]

1. Une affaire importante dans l’histoire de la LCEN est celle concernant la société AMEN qui, en 2009, a été condamnée par la cour d’appel de Toulouse pour ne pas avoir retiré dans la journée suivant leur signalement des écoutes téléphoniques diffusées par un des sites qu’elle hébergeait et concernant l’enquête judiciaire de l’affaire AZF. En 2011, la Cour de cassation a cassé cette décision car le signalement de ces écoutes ne respectait pas le formalisme stricte prévu par la LCEN. Toutefois, ce faisant, il est important de noter que la Cour de cassation se gardait entièrement de considérer qu’un délai « prompt » de 24 heures ne correspondrait pas à ce qu’exige la loi.
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[Marianne] Reconnaissance faciale : Big Brother s’invite dans les lycées à Nice et à Marseille

mercredi 13 février 2019 à 11:00

Deux lycées de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur vont installer des portiques de vidéosurveillance à reconnaissance faciale. Un dispositif en partie voué à combler le manque d’effectifs dédiés à la sécurité, mais qui interroge sur les risques liés à la vie privée. […]

Pour l’association la Quadrature du Net, qui défend les droits et libertés des citoyens sur Internet, cette déclaration prouve bien la nature du projet mené dans les lycées de Nice et de Marseille : il s’agirait d’une répétition générale pour une « banalisation » toujours plus grande d’une « technologie liberticide« . « Il s’agit d’une nouvelle étape dans la normalisation de la vidéo surveillance et de la reconnaissance faciale« , regrette auprès de Marianne Félix Tréguer, chercheur à l’Institut des sciences de la communication et membre de l’association. […]

Les inquiétudes de la Quadrature du Net ne sont pas des divagations d’amateurs de dystopie technologique. Car si la France est pour l’instant globalement frileuse face aux expérimentations sur la reconnaissance faciale, plusieurs instances s’en sont récemment dotées. Depuis cet été, les aéroports d’Orly et de Roissy en région parisienne, ainsi que le terminal 2 de l’aéroport de Nice, emploient cette technologie. Aéroports auxquels il faudra donc bientôt ajouter deux lycées français : « Difficile de ne pas y voir une nouvelle pierre à une tendance beaucoup plus large, commente Félix Tréguer. On commence par les lycées mais à Marseille et à Nice, les élus sont aussi les promoteurs de projets sécuritaires qui font de la reconnaissance faciale un pilier de contrôle à l’échelon de la ville« . […]

https://www.marianne.net/societe/reconnaissance-faciale-big-brother-s-invite-dans-les-lycees-nice-et-marseille

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