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La Quadrature du Net

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Neutralité du Net : les États membres et la Commission en passe de trahir le vote des eurodéputés !

jeudi 22 janvier 2015 à 15:00

Paris, 22 janvier 2015 — Le 20 janvier dernier, La Quadrature du Net a co-signé une lettre ouverte [pdf] avec d'autres associations européennes appelant à nouveau les États Membres de l'Union européenne à adopter des règles claires et strictes pour la protection de la neutralité du Net. Malheureusement, un document de négociation montre qu'au même moment, ces derniers faisaient un pas de plus vers la fin de l'Internet libre. Il est temps que le Parlement européen se ressaisisse du dossier afin de défendre une vraie protection de la neutralité du Net contre les stratégies oligopolistiques des grands acteurs de l'Internet soutenues par les gouvernements nationaux.

Au moment même où la société civile appelait le Conseil de l'Union à protéger la neutralité du Net, ce dernier étudiait un document de négociation montrant qu'il s'apprête à autoriser d'inacceptables atteintes à la neutralité du Net, en écartant définitivement le vote du Parlement européen d'avril 2014. En effet, le document de négociation préconise d'autoriser à nouveau les fournisseurs d'accès ou de services à passer des accords commerciaux avec les fournisseurs de contenus ou les utilisateurs d'Internet pour « garantir une qualité de service minimale », remettant ainsi en cause le principe de non discrimination, qui était inscrit dans le texte voté par le Parlement en avril 2014. Les États membres ont également envisagé d'interdire les discriminations tarifaires (les offres d'accès avec une tarification préférentielle pour certains services, par exemple celles réservant un accès illimité uniquement à certains services comme YouTube ou Facebook1), mais ils ont malheureusement renoncé devant les réticences de certains2.

neutralité du réseau

Malgré certaines lacunes, le vote du Parlement européen d'avril dernier était un signe fort en faveur des droits et intérêts des citoyens européens pour la neutralité du Net. Il proposait un compromis équilibré fondé sur une définition rigoureuse de ce principe fondateur d'Internet. Les dispositions adoptées permettaient également aux opérateurs de développer des offres d'accès innovantes (« services spécialisés ») tout en rappelant le principe de non-discrimination afin de protéger à la fois la liberté de choix des utilisateurs, la concurrence entre les fournisseurs de services et d'applications et l'innovation portée par les nouveaux entrants.

Les intérêts à court terme des grands opérateurs télécoms et des géants de l'Internet ne doivent pas dicter les politiques publiques. Aujourd'hui, face aux manœuvres des gouvernements nationaux et du commissaire européen Günther Oettinger, il est temps que le Parlement européen élu en mai dernier se saisisse du dossier et fasse preuve de fermeté pour défendre les avancées du printemps dernier.

Alors qu'aux États-Unis se tient une mobilisation sans précédent en faveur de la neutralité du Net et que Barack Obama a récemment appelé à une protection ferme de ce principe, les membres du Parlement européen doivent jouer leur rôle dans ce débat international, et faire en sorte que l'Europe montre la voie législative qui permettra de protéger l'Internet libre.

La Quadrature du Net appelle donc les députés européens à intervenir urgemment dans le débat en cours pour réaffirmer leur attachement aux compromis du printemps dernier, en s'opposant aux visées oligopolistiques des grands opérateurs et des géants du Web et à la complicité coupable de la Commission et des États membres.

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Nouvelles mesures contre le terrorisme : non au double discours sur les libertés !

mercredi 21 janvier 2015 à 13:19

Paris, le 21 janvier 2015 — Après les attentats des 7 et 9 janvier, le premier ministre Manuel Valls a annoncé ce matin une série de mesures pour « lutter contre le terrorisme ». Devant ce discours évoquant longuement une augmentation du renseignement et de la surveillance, La Quadrature du Net rappelle que nombre d'annonces récentes préparent un nouveau recul des libertés publiques sur Internet et appelle à la plus grande vigilance politique et citoyenne sur les mesures qui seront mises en œuvre.

Manuel Valls croit rassurer lorsqu'il affirme vouloir mieux encadrer la surveillance des communications, ou lorsqu'il appelle à des mesures exceptionnelles en les distinguant de l'état d'exception. Mais ces effets rhétoriques ne peuvent masquer la réalité d'un pouvoir qui cherche à contourner toute forme de contrôle et instrumentalise les attentats pour achever la mise en place d'une des législations les plus répressives qui soient1.

Alors que les condamnations absurdes et d'une sévérité extrême se multiplient au nom de la lutte contre l'apologie du terrorisme ; alors que le gouvernement ne cesse d'appeler à l'accentuation de la régulation extra-judiciaire de la liberté d'expression en faisant pression sur les acteurs du Web au nom d'une responsabilité « morale » dans la propagation des discours d’embrigadements radicaux ; alors que le Conseil de l'Union européenne s'apprête à remettre en cause la confidentialité et le chiffrement des communications2 ; alors même que le rôle d'Internet dans la radicalisation des tueurs de Charlie Hebdo et de l'HyperCacher est contredit par les faits, c'est clairement un nouveau recul des libertés publiques qui s'annonce.

« Comme l'a illustré l'an dernier le passage en force de la loi de programmation militaire et la dernière loi contre le terrorisme, la légalité n'est pas en soi une garantie suffisante : elle permet souvent de légitimer des entorses inacceptables aux droits fondamentaux. La future loi sur le renseignement devra dès lors être irréprochable sur le contrôle et le périmètre de la surveillance des communications, avec un véritable dispositif de défense des libertés individuelles et publiques. Les citoyens doivent demeurer vigilants pour faire en sorte que l'attachement aux libertés et à la tolérance exprimés lors des marches du 11 janvier dernier ne servent pas de caution à un énième tour de vis sécuritaire », déclare Benjamin Sonntag, cofondateur de La Quadrature du Net.

Réforme du droit d'auteur : le Parlement européen doit suivre le rapport Reda !

mardi 20 janvier 2015 à 11:04

Paris, 20 janvier 2015 — L'eurodéputée Julia Reda présente aujourd'hui devant la Commission des affaires juridiques (JURI) du Parlement européen un rapport sur l'harmonisation du droit d'auteur en Europe. Elle y soutient des propositions de réforme positive du droit d'auteur rejoignant sur plusieurs points celles que défend La Quadrature du Net.

Julia Reda – 31c3
Julia Reda

Tirant le constat des nombreux problèmes d'harmonisation qui subsistent au niveau européen et de l'inadaptation de l'actuelle directive face à l'évolution des usages, l'eurodéputée Julia Reda (Verts/ALE – DE) propose dans son rapport d'agir sur divers leviers permettant de renforcer les droits des utilisateurs. Elle incite notamment à promouvoir le domaine public, en ramenant la durée des droits de 70 à 50 ans après la mort de l'auteur. Elle demande également à ce que les exceptions au droit d'auteur figurant dans l'actuelle directive deviennent toutes obligatoires, de manière à ce qu'aucun citoyen de l'Union ne soit lésé par une législation nationale trop restrictive.

Pour libérer les usages innovants, Julia Reda propose d'élargir certaines des exceptions existantes. En ce qui concerne le droit au remix, mashup et autres usages transformatifs, elle invite à rendre applicable l'exception de citation dans le domaine audiovisuel, ainsi qu'à admettre l'exception de parodie pour des créations non-humoristiques. Dans le domaine de la recherche et de l'enseignement, Julia Reda propose d'élargir l'exception pédagogique actuellement existante et d'introduire une nouvelle exception en faveur de l'exploration de données (Text et Data Mining). Elle demande également à ce que les bibliothèques puissent mettre à disposition des œuvres sous forme numérique, dans le prolongement de leurs missions traditionnelles d'accès à la culture.

Contrairement à ce que soutiennent déjà les tenants d'une conception maximaliste du droit d'auteur, ces propositions ne visent en rien à « détruire le droit d'auteur ». Au contraire, Julia Reda rappelle en préambule à son rapport l'importance de reconnaître une protection au bénéfice des créateurs et la possibilité pour eux de toucher une rémunération appropriée, en appelant même à renforcer leur position face aux intermédiaires de type producteurs et éditeurs.

Soutenons La Quadrature du Net !
La Quadrature du Net salue ces propositions, dont l'essentiel figure dans le programme de réforme positive du droit d'auteur défendu par l'association depuis le rejet de l'accord ACTA. Néanmoins, il est regrettable que la question de la légalisation du partage non-marchand des œuvres entre individus ait été laissée de côté. Centrale pour la reconnaissance de nouveaux droits des individus sur la culture, elle reste aussi la meilleure façon de mettre fin à la spirale répressive dans laquelle la plupart des pays de l'Union sont engagés sous la pression du lobby des industries culturelles.

Moyennant cette réserve, La Quadrature du Net invite les citoyens à soutenir et commenter les propositions du rapport Reda et à appeler les eurodéputés des commissions du Parlement européen à voter dans le sens proposé. Le débat devant la Commission des affaires juridiques (JURI) aura lieu les 23 et 24 février prochains, pour un vote final en session plénière prévu le 20 avril. Citoyens, créateurs professionnels et amateurs, entrepreneurs, chercheurs, enseignants, bibliothécaires ont intérêt à ce qu'une telle réforme positive s'engage !

« Il est temps de prendre la mesure de la révolution des usages impulsée par le numérique et d'adapter le droit d'auteur en conséquence. Les propositions du rapport Reda peuvent avoir un impact positif sur la création elle-même, mais aussi sur la recherche, l'enseignement et l'accès à la culture. Elles doivent en ce sens être soutenues comme la première étape d'une réforme positive du droit d'auteur européen ! » déclare Lionel Maurel, membre du Conseil d'Orientation Stratégique de la Quadrature du Net.

Piratage et régies publicitaires : non aux listes noires et à la régulation extra-judiciaire !

mardi 13 janvier 2015 à 14:46

Paris, le 13 janvier 2015 — Le ministère de la Culture annonce depuis le 2 janvier un nouveau train de mesures pour lutter contre les sites illicites permettant l'accès à des œuvres protégées par le droit d'auteur. Dans la lignée du rapport Imbert-Quaretta, la première action passera par une collaboration avec les régies publicitaires par le biais d'une Charte pour tenter d'assécher leurs ressources financières. Or un article paru dans la Tribune lundi montre que les acteurs du secteur de la publicité sont aujourd'hui prêts à agir de manière pro-active pour mettre fin à leurs relations avec des sites figurant sur une liste noire établie sans intervention du juge. Ces procédés traduisent une nouvelle étape dans l'implication des intermédiaires et de leur transformation progressive en une police du droit d'auteur, ainsi que de la volonté de contourner à la fois le juge et le Parlement.

Approchées en février 2014 dans le cadre de la préparation du rapport Imbert-Quaretta, les régies publicitaires s'étaient dites prêtes à coopérer, mais à condition que le juge reste bien présent dans le dispositif. La directrice du Syndicat des Régies Internet déclarait : « Si demain on nous dit qu’il faut exclure tel ou tel site web, c’est possible mais cela ne peut venir que d’une autorité compétente et sur décision du juge ». Cet attachement aux garanties apportées par la justice n'est visiblement plus à l'ordre du jour. Dans l'article de la Tribune, un représentant du secteur publicitaire impliqué dans l'élaboration de la Charte indique que les régies sont prêtes à agir de leur propre chef pour « retirer purement et simplement les publicités sur ces sites ».

Comme l'indique le ministère de la Culture, cette auto-régulation des publicitaires sera articulée avec une liste noire de sites « massivement contrefaisants », qui si l'on en croit les orientations du rapport Imbert-Quaretta, sera établie elle aussi sans intervention du juge, par une autorité administrative qui pourrait être la Hadopi. Or cette catégorie de « sites massivement contrefaisants » est particulièrement floue et ouvre la voie à un arbitraire important. Une fois que les régies publicitaires seront impliquées, rien n'empêchera d'élargir ce type de mesures aux intermédiaires de paiement, aux moteurs de recherche, aux hébergeurs, aux registraires de noms de domaine, etc.

Ces dispositions rappellent très fortement les principes de fonctionnement de la loi SOPA aux États-Unis ou de l'accord ACTA. Il s'agit à nouveau d'impliquer des intermédiaires dans la mise en œuvre du droit d'auteur, cette fois par une coopération volontaire et non plus par la contrainte de la loi et du juge. Mais en contournant à la fois le Parlement et la Justice, cette nouvelle stratégie renforce encore l'opacité du système et fragilise les garanties des droits fondamentaux.

Les sites ici visés par ces mesures seront principalement des plateformes centralisées de streaming ou de Direct Download ou des acteurs type T411, se livrant à des activités de contrefaçon commerciale. La Quadrature du Net rappelle qu'elle ne soutient pas ces formes d'accès aux œuvres, mais réaffirme que le meilleur moyen d'assécher les revenus de ces sites sans porter atteinte aux droits fondamentaux consiste à légaliser le partage non marchand entre individus pour revenir à des formes d'échanges décentralisés.

« En refusant d'approfondir la réflexion sur le partage non-marchand, comme l'y invitait pourtant le rapport Lescure, le ministère de la Culture s'est enfermé dans une lutte contre la contrefaçon commerciale qui révèle aujourd'hui sa dangerosité. L'acte II de l'exception culturelle se terminera en contournement du juge et du législateur, avec une fragilisation de la garantie des droits », déclare Lionel Maurel, membre du Conseil d'Orientation Stratégique de La Quadrature du Net.

#CharlieHebdo : Non à l'instrumentalisation sécuritaire

vendredi 9 janvier 2015 à 13:52

Paris, le 9 janvier 2015 — Sans même attendre la fin d'une quelconque enquête sur l'ignoble attentat ayant visé Charlie Hebdo le 7 janvier, le gouvernement persévère dans son obstination à accroître l'arsenal antiterroriste, en notifiant à Bruxelles du décret d'application permettant le blocage de sites « terroristes » ou pédopornographiques et en annonçant de nouvelles mesures antiterroristes. La Quadrature du Net appelle les citoyens à refuser cette surenchère absurde et à défendre coûte que coûte la liberté d'expression et d'information.

L'attentat commis contre l'équipe de Charlie Hebdo mercredi matin 7 janvier montre de façon terrible à quel point la liberté d'expression est une valeur à défendre comme un des fondements de notre démocratie. Les victimes de l'attentat, journalistes, policiers ou visiteurs, ont donné leur vie pour ce qui, plus qu'un symbole, est en démocratie la première des libertés publiques.

Je suis Charlie

L'immense émotion populaire qui s'est manifestée depuis lors, spontanément, en faveur de la liberté d'expression et en mémoire de ces victimes est un signe d'espoir dans la capacité des citoyens français (et ceux du monde entier) à défendre ces valeurs qui nous sont chères : la liberté d'expression, la liberté d'information, le respect de l'État de droit et l'idéal démocratique.

C'est pourquoi La Quadrature du Net met en garde solennellement le gouvernement de Manuel Valls contre toute tentative de récupération politique de ce terrible événement par l'instauration de nouvelles lois d'exception. Depuis 1986 chaque acte terroriste a été suivi d'une loi antiterroriste, lesquelles entraînent systématiquement un recul des libertés fondamentales au prétexte de la sécurité. Aujourd'hui, la dernière loi votée en novembre n'est même pas encore entrée en application que le gouvernement en annonce déjà de nouvelles, sans prendre le moindre temps de réflexion ou de mise à l'épreuve de la réalité, des effets ou de l'efficacité de ces lois.

Au lendemain de l'attentat contre Charlie Hebdo, le gouvernement a notifié à Bruxelles de la parution prochaine du décret d'application de la LOPPSI, permettant le blocage administratif, sans juge, de sites faisant l'apologie ou la provocation au terrorisme. Contre tous les avis informés protestant de l'inefficacité de ces mesures et de leur caractère attentatoire aux libertés publiques, sans même qu'il semble y avoir la moindre relation entre les actes terribles survenus quelques jours plus tôt et une responsabilité de sites internet dans ces actes, le gouvernement répond à une attaque contre les libertés par une restriction des libertés. Quel mauvais hommage à rendre à ceux qui ont donné leur vie pour la liberté d'expression !

La Quadrature du Net appelle la Commission européenne à entamer les procédures permettant d'évaluer les conséquences nuisibles de ce décret, le gouvernement à renoncer à de nouvelles législations restreignant les libertés publiques, et les citoyens à poursuivre leur engagement pour la liberté d'expression en marquant leur refus de ces mesures dangereuses.

Répondre à la terreur par la restriction des libertés et de l'État de droit est un piège sans fin. C'est trahir nos idéaux démocratiques, et trahir tous ceux qui, dans le monde et en France, sont morts pour ces libertés.