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Chiffrement et droits humains : La Quadrature du Net participe à une conférence à l'ONU

mardi 14 juin 2016 à 22:37

Paris, le 14 juin 2016 — La Quadrature du Net participe à la conférence « Chiffrement et Droits de l'Homme » organisée à l'Organisation des Nations Unies par le comité Justice et Paix de l'Ordre des Dominicains. Cette conférence se concentrera sur le droit au chiffrement ainsi qu'à la vie privée à un moment où, en Europe, ces droits sont régulièrement mis en danger. La vidéo de cette conférence sera rapidement disponible sur le Mediakit de La Quadrature du Net.

Le droit au chiffrement est une condition essentielle à l'existence du droit à la vie privée et à la liberté d'expression.

Les individus et la société civile sont soumis régulièrement à des intrusions et restrictions de ces droits par les États, alors même que ceux-ci sont tenus de respecter la vie privée de leurs citoyens. Le développement des technologies de surveillance de masse et leur légalisation au nom de la lutte antiterroriste fait obstacle à ces droits fondamentaux et portent lourdement atteinte à de nombreuses libertés individuelles. Au sein de cette problématique, le chiffrement est devenu de plus en plus un point de crispation majeur, et apparaît comme un rempart indispensable à l'érosion des libertés dans l'espace numérique.

Afin de porter cette question au sein même des discussions relatives aux droits humains qui se tiennent durant la 32ième sessions du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU à Genève cette semaine, le comité Justice et Paix de l'ordre des Dominicains a souhaité organiser une conférence dédiée à la question du chiffrement et des droits humains.

Cette conférence cherchera à exposer les raisons d'une demande accrue de protection du droit au chiffrement des communications, et donc du respect de la vie privée, à l'heure où ceux-ci sont de plus en plus mis en cause notamment dans les États démocratiques. La balance entre les besoins d'investigation et de surveillance dans les politiques de sécurité et le respect du droit fondamental à la vie privée penche de plus en plus souvent vers une remise en question du chiffrement par les autorités publiques, mettant ainsi gravement en question le respect des libertés individuelles.

Il devient crucial de rappeler en quoi le droit au chiffrement des communications est un des éléments indispensables à l'exercice du droit fondamental à la vie privée et à la confidentialité, condition d'exercice des autres droits fondamentaux tels que la liberté d'opinion, d'expression, d'information ou de circulation.

Mercredi 15 juin à 11h dans la salle IV du Palais des Nations à Genève, la conférence Chiffrement et droits de l'Homme réunira donc :

Introduction : Monseigneur Ivan Jurkovic, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations-Unies à Genève
Orateurs :

Modération : Fr. Eric Salobir (OPTIC - Order of Preachers for Technology, Information and Communication)

Neutralité du Net : La « consultation » du BEREC (ou la politique du découragement)

mardi 7 juin 2016 à 16:13

Paris, le 7 juin 2016 — Le BEREC1 (ou ORECE en français) vient de publier officiellement le projet de lignes directrices ayant vocation à clarifier le règlement sur les télécommunications2 et donc la neutralité du Net. Après des négociations qui se sont opérées dans le plus grand secret entre régulateurs nationaux - l'ARCEP en France - au sein du BEREC, il semble que rien ne soit mis en œuvre pour faciliter la procédure de consultation. La Quadrature du Net invite donc les internautes soucieux d'une défense solide de la Neutralité du Net à la rejoindre pour répondre collectivement à cette consultation.

Le projet de lignes directrice n'est publié qu'en anglais, ce qui ne facilite pas la lecture d'un texte technique pour les non-anglophones. D'autre part, le seul moyen de répondre à la consultation est d'envoyer un email dont la taille est limitée à 2MB, si possible en anglais, sans précision sur la façon dont seront prises en compte les réponses dans d'autres langues.

Afin de pallier le manque de transparence de cette procédure et des négociations, La Quadrature du Net, associée à d'autres organisations, avait lancé en mars une consultation, toujours disponible, ainsi qu'une plateforme permettant d'indiquer les atteintes à la neutralité du Net des opérateurs dans toute l'Union européenne.

Aujourd'hui, nous souhaitons permettre au plus grand nombre de participer à la consultation. C'est pourquoi nous publions les lignes directrices du BEREC ci-dessous sur une plateforme permettant les commentaires : ainsi chacun pourra participer de façon transparente, et nous aider à élaborer collaborativement notre réponse à cette consultation. Cette démarche a également pour but d'inviter chacun à donner son avis au BEREC.

Afin de rendre encore plus accessibles les lignes directrices, nous proposons de travailler sur une traduction collaborative en français.

Nous invitons le plus grand nombre de personnes à participer à cette consultation et à s'approprier ce sujet qui ne doit pas rester le pré carré des gros opérateurs de télécommunications.

Pour commenter les lignes directrices, c'est ici.

Directive Terrorisme : Le Parlement européen contre nos libertés

mercredi 1 juin 2016 à 16:21

Paris, le 1er juin 2016 — Loin des feux de l'actualité françaises et européennes, un projet de directive sur le terrorisme est en cours de discussion au Parlement européen et sera voté par la commission LIBE le 15 juin prochain. Cette directive, destinée à encadrer les politiques et législations antiterroristes européennes présentes et futures, est cruciale pour l'exercice des droits fondamentaux des européens.

Or les discussions et négociations politiques actuelles laissent craindre un fiasco généralisé des libertés et un alignement par le pire des mesures attentatoires aux droits, notamment concernant Internet, par la censure et la surveillance. Les eurodéputés doivent redresser la barre et renforcer les garanties apportées aux citoyens européens.

Le projet de directive sur le terrorisme a été présenté en décembre 2015 par la Commission européenne. Il visait initialement à apporter des définitions communes et un cadre harmonisé pour faciliter la coopération entre pays sur la lutte antiterroriste, le financement du terrorisme et l'aide aux victimes. Peu à peu, sous l'égide de la rapporteure Monika Hohlmeier (PPE - DE1 ), et avec le soutien ou la pression des gouvernements (notamment français), le texte se durcit au Parlement européen et s'achemine vers un texte-chapeau pour l'ensemble de l'Union européenne où la lutte antiterroriste reprendra ce que La Quadrature du Net dénonce depuis plus de deux ans en France : censure de sites Internet, attaques contre le chiffrement et le droit à la vie privée, surveillance électronique lourde et absence de garanties pour les droits fondamentaux.

Où en est actuellement la discussion de ce texte au Parlement européen ?

Le texte sera voté par la Commission Libertés publiques (LIBE) le 15 juin prochain. Ce vote est crucial, c'est là que la forme quasi définitive du texte se décidera. Les amendements actuellement discutés sont donc à scruter quasi quotidiennement pour pouvoir repérer là où les dispositions s'améliorent ou s'aggravent. Les rapports de force sont mauvais pour les défenseurs des libertés :

La situation est donc fragile : sous la pression morale et médiatique du risque terroriste, sous la pression des gouvernements (dont la France en particulier) qui veulent faire couvrir leurs législations existantes par cette directive, le texte s'apprête à créer une sorte de parapluie législatif trop large et trop peu protecteur, ciblant encore et toujours Internet et les droits fondamentaux.

Quelles sont les mesures visées par La Quadrature du Net dans ce projet de directive ?

La Quadrature du Net s'est penchée spécifiquement sur les amendements de compromis2 actuellement débattus qui touchent aux droits fondamentaux sur Internet et dans les communications électroniques. Ce n'est donc pas l'intégralité de la directive.

Sur l'atteinte à la liberté d'expression

L'amendement de compromis 6 (considérant 7a et article 14a) a pour objectif de mettre en place « toute mesure nécessaire » pour retirer ou bloquer l'accès aux pages incitant publiquement à la commission d'actes terroristes. Il ouvre explicitement l'accès au blocage de site Internet, qui porte lourdement atteinte à la liberté d'expression et au droit à l'information, sans pour autant être réellement efficace dans la lutte contre la propagande terroriste, comme l'expérience française nous le montre depuis sa mise en place il y a 18 mois.

Le texte de l'amendement ne prévoit aucune garantie de recours judiciaire ni d'encadrement de cette censure par un juge judiciaire, ce qui rapproche le texte européen du cadre législatif français et entraînera les autres pays européens, sommés de mettre en place ces mesures, dans les mêmes travers que la France : censure opaque, garanties inexistantes, résultats négligeables.

Non contents d'encourager ce type de censure pour toute l'Europe alors qu'elle est aujourd'hui une exception française, les eurodéputés proposent en outre de rendre pénalement responsables les entreprises qui ne coopéreraient pas dans le cadre de la suppression de contenu et du blocage de sites Internet3. Les dernières rédactions du texte demandant simplement aux sites internet de retirer tout contenu « à la demande », sans aucune garantie, sous peine d'être attaqués. C'est une démolition en règle de tout le fragile équilibre de la responsabilité des contenus en ligne et des droits fondamentaux4.

Sur le chiffrement et les preuves électroniques

L'amendement de compromis 10 instituant un considérant 15b traite de la coopération entre les États membres, Eurojust et Europol pour rassembler, partager et rendre recevable les preuves électroniques5, c'est à dire qu'elle s'attache aux investigations et à la surveillance exercée sur les réseaux. Or le texte est beaucoup trop flou. Si la coopération entre États ne peut qu'être encouragée, le texte actuel est trop vague. Les amendements déposés par la rapporteure au début de l'examen du texte citaient explicitement Tor, les VPN et autres outils de protection de la vie privée comme des obstacles aux investigations. Si ces outils ne sont plus aujourd'hui explicitement mentionnés, cela laisse augurer de dispositions futures inquiétantes. Au minimum, il faudrait accompagner ces dispositions d'une définition claire du droit au respect de la vie privée et du droit au secret des communications électroniques, réaffirmant le droit au chiffrement, le droit à l'anonymat et le droit d'utiliser des pseudonymes (voir la proposition de La Quadrature du Net sur la surveillance).

Sur les notions d'aide et de complicité

L'amendement de compromis 4 traite de l'aide et de la complicité à la commission d'infractions terroristes. Le considérant 11 et l'article 16 en particulier ne sont pas suffisamment clairs sur la notion d'intention, laissant la porte ouverte à des interprétations très larges. Le fait de savoir que des outils - et en particulier des outils de chiffrement - peuvent être utilisés par des terroristes ne peut suffir à rendre complices ceux qui conçoivent et distribuent ces outils. Il est absolument nécessaire de faire en sorte que la notion de complicité soit clairement définie, et implique que la personne complice ait l'intention d'aider les personnes directement à l'origine d'une infraction. Qu'en sera-t-il sinon de la personne qui mettrait en place un système de discussion en ligne chiffré à la disposition de tous ? Comment serait envisagée la responsabilité d'un service comme Tor ?

La Quadrature du Net regrette l'escalade de propositions validant les principes de censure de sites Internet et la généralisation sans garde-fou de mesures de surveillance extrêmement intrusives dans cette directive. Par nature, ce texte a vocation à servir de cadre et d'objectif à l'ensemble des pays de l'Union européenne. Il devrait donc être strictement encadrant et empêcher toute dérive et toute escalade de surveillance contraire aux droits fondamentaux qui forment le socle de valeurs de l'Union européenne. « Il est indispensable que les eurodéputés de la Commission LIBE restreignent l'appétit sécuritaire de la rapporteure Hohlmeier et résistent aux desiderata des pays déjà engagés dans cette spirale, comme la France, qui cherchent ainsi à faire valider leurs stratégies dangereuses » déclare Agnès de Cornulier, coordinatrice de l'analyse juridique de La Quadrature du Net.

Lire notre analyse du texte de la directive sur notre wiki.

Suivre les amendements de compromis sur notre wiki.

[NextInpact] Devant la Cour de cassation, la liberté de la presse peut l’emporter sur le droit à l’oubli

mardi 31 mai 2016 à 18:55

[NextInpact] Devant la Cour de cassation, la liberté de la presse peut l’emporter sur le droit à l’oubli

Deux frères mécontents de retrouver leur nom dans les archives du site de nos confrères Les Échos ont vainement exigé l’effacement de ces traces personnelles. La Cour de cassation a rejeté leur pourvoi, estimant que leur demande était trop attentatoire à la liberté de la presse [...].

Cet équilibre subtil entre liberté de la presse et droit d’opposition s’est donc fait ici au profit de la première [...].

Dans tous les cas, les juges européens ont rappelé aussi que « des raisons particulières justifiant un intérêt prépondérant du public à avoir, dans le cadre d’une telle recherche, accès à ces informations » peuvent restreindre le droit d’opposition des individus [...].

http://www.nextinpact.com/news/100059-devant-cour-cassation-liberte-pres...

Sale (prin)temps pour les libertés

vendredi 27 mai 2016 à 14:55

Paris, le 27 mai 2016 — La Quadrature du Net publie ici un communiqué du Syndicat de la magistrature, du Syndicat des Avocats de France, de La Quadrature du Net, du Cecil et de Creis-Terminal, membres de l'Observatoire des libertés et du numérique (OLN).

Sale (prin)temps pour les libertés. Une troisième prorogation de l’état d’urgence a été adoptée le 19 mai sans vrai débat, comme par fatalisme, au nom de la sécurisation de l’Euro de football et du Tour de France. Parallèlement, la loi sur la réforme pénale et la lutte antiterroriste votée en mai introduit dans le droit de nombreuses prérogatives de l'état d'urgence, installant les principes de l'état d'urgence permanent et de la régression des droits.

L’expérience d’un semestre sous cet état d’exception aurait dû finir de convaincre les élus que l'état d'urgence est tout aussi inutile à la lutte contre le terrorisme – qui nécessite en réalité de minutieuses enquêtes judiciaires sur ces réseaux criminels – que dangereux pour les libertés. Les chiffres parlent pourtant d’eux-mêmes : fondées sur des vagues suspicions, et des dénonciations conduisant à confondre pratiques religieuses strictes et action criminelle, les perquisitions et les assignations ordonnées en nombre – près de 4 000 pour les perquisitions - n’ont accouché que de six enquêtes proprement anti-terroristes. Signe du danger que fait peser l'état d'urgence sur nos libertés, les perquisitions informatiques ont été censurées par le conseil constitutionnel, sans pour autant que l'ensemble de l'édifice juridique de l'état d'urgence ne soit remis en cause profondément par des parlementaires mis sous pression par le gouvernement au nom du risque terroriste.

Stigmatisant nos concitoyens musulmans d’un côté, ces outils servent de l’autre à museler les expressions politiques, de la COP 21 à la mobilisation contre le projet de loi de travail, par des interdictions de manifestations, des assignations à résidence ou des interdictions de paraître à l’encontre de militants. Les – de moins en moins – rares annulations contentieuses ne suffisent pas à garantir nos libertés, ne serait-ce que parce qu'elles interviennent après coup. Ce dont notre démocratie a besoin, c’est de la levée de l’état d’urgence.

Présentée par le gouvernement de Manuel Valls comme une condition de sortie de l'état d'urgence, la loi de réforme pénale et contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement vient d'être adoptée au Parlement. L'apnée sécuritaire se poursuit.

Cinquième texte anti-terroriste du quinquennat, cette loi introduit dans le droit commun des mécanismes directement inspirés de l’état d’urgence. Assignation administrative à résidence, extension des fouilles de bagage sans motif individualisé, retenue administrative de quatre heures sur des bases floues : l’exécutif et les services de police voient gonfler leurs pouvoirs, sans contrôle réel. La loi amplifie toujours plus le champ des techniques pénales de surveillance (IMSI catcher, captations de données, sonorisation…) dans un cadre procédural où le contrôle s’amoindrit et où le juge d’instruction est marginalisé.

La persistance paye : la réclusion criminelle à perpétuité incompressible, la surveillance et la fouille systématique des personnes détenues, l’intégration de l’administration pénitentiaire dans la communauté du renseignement aux pouvoirs exorbitants et la création du délit de consultation habituelle de sites faisant l’apologie du terrorisme ont finalement été votés. Repoussées pour certaines à de nombreuses reprises, ces dispositions nourrissent un arsenal antiterroriste qui inquiète jusqu’aux autorités onusiennes. Des alertes majeures et répétées que le gouvernement s’obstine à ignorer.

L’espace numérique continue à être l’objet d’atteintes aux droits fondamentaux : les dispositions de cette loi étendent les techniques intrusives confiées aux services de renseignement et votées en 2015 dans le domaine de la police judiciaire sans contrôle suffisant au regard de l'impact sur la vie privée de l'ensemble des citoyens dont les données personnelles et les communications privées seront prises dans la nasse de la surveillance policière.

Les organisations signataires continueront à se mobiliser pour dénoncer cette dérive massive de nos législations, qui sapent les fondements de notre démocratie au motif de la défendre.