PROJET AUTOBLOG


La Quadrature du Net

source: La Quadrature du Net

⇐ retour index

Le Parlement européen va-t-il permettre la discrimination en ligne ou la neutralité du Net sans compromis ?

jeudi 21 novembre 2013 à 16:43

Paris, 19 novembre 2013 – La rapporteur Pilar del Castillo Vera (PPE - Espagne) vient de conclure son projet de rapport [en] sur la proposition de législation sur les télécommunications de Neelie Kroes. Malgré les nombreuses critiques exprimées1 contre cette proposition, del Castillo Vera a choisi de ne pas supprimer ses inacceptables dispositions anti-neutralité du Net. Avant qu'il ne soit trop tard, les citoyens doivent contacter la rapporteur et les membres de la commission ITRE, pour les appeler à garantir une application inconditionnelle du principe de neutralité du Net.

Neelie Kroes
Neelie Kroes

La proposition législative de Neelie Kroes sur les télécommunications prétend défendre le principe de neutralité du Net, mais le vide en réalité de son sens notamment en autorisant explicitement la discrimination commerciale par le biais de priorisations2. Après sa difficile adoption par la Commission européenne3, la proposition est maintenant entre les mains du Parlement européen, notamment de sa commission « Industrie » (ITRE) et de la rapporteur Pilar del Castillo Vera (PPE - Espagne), nommée le 10 octobre. Malgré les critiques, et particulièrement la prise de position ferme du Contrôleur européen de la vie privée, la rapporteur joue le jeu de Neelie Kroes et de sa fausse neutralité du Net au lieu de corriger les dangereuses failles du texte. Son projet de rapport tend en effet lui aussi à légitimer la priorisation que souhaitent mettre en œuvre les opérateurs dominants4.

De plus, malgré la complexité et l'importance de ce dossier, la rapporteur a accepté de préparer son projet de rapport en seulement un mois, sur la base d'un calendrier extrêmement serré5 qui est complètement inhabituel et dangereux pour un texte de ce type, censé achever le marché unique des télécoms6. Un tel calendrier – même avec la parodie [en] de consultation publique [en] ouverte pendant quelques jours par la rapporteur – ne permettra pas un examen approfondi des amendements que les députés du Parlement européen déposeront d'ici le 17 décembre, et pourrait conduire à un texte final désastreux.

Del Castillo Vera
Del Castillo Vera

La rapporteur Pilar del Castillo Vera, qui contrôle cette procédure, puis contrôlera la négociation des amendements de compromis déposés sur l'ensemble du texte, porte donc une énorme responsabilité. Soit elle participera à la mise en œuvre des propositions anti-neutralité du Net de Neelie Kroes autorisant la discrimination de nos communications, soit elle jouera un rôle majeur pour la garantie d'une vraie neutralité du Net protégeant nos libertés en ligne, en choisissant de mettre en place des protections significatives [en] contre les restrictions abusives et les discriminations de nos communications imposées par les opérateurs de télécommunication.

Dans de telles circonstances, il est nécessaire que les citoyens européens prennent part au débat afin d'éviter une adoption précipitée des dispositions anti-neutralité du Net de Neelie Kroes. Les citoyens doivent contacter les membres de la commission ITRE et les appeler à intégrer dans la version finale du rapport une vision sans compromis7 de la neutralité du Net, n'acceptant aucune forme de discrimination, et qui soit garantie par des procédures de recours efficaces et des sanctions contre les opérateurs qui violeraient ce principe fondamental.

« Si le Parlement européen laisse passer le texte de Neelie Kroes sans amender ses mesures sur la neutralité du Net, il fera le jeu des opérateurs télécoms dominants aux dépends de la liberté de communication sur Internet et de l'innovation dans l'environnement numérique. Dès maintenant et jusqu'au vote final en session plénière, prévu quelques mois seulement avant les élections européennes, les citoyens doivent contacter les membres de la commission ITRE et tous les membres du Parlement européen concernés8 pour les appeler à garantir une vraie neutralité du Net, afin de garantir notre liberté de communication en ligne » conclut Jérémie Zimmermann, porte-parole de l'association La Quadrature du Net.

Agissez maintenant !

En tant que plateforme citoyenne, La Quadrature du Net met à disposition le PiPhone, un outil en ligne permettant d'appeler gratuitement les membres de la commission ITRE :

Agissez maitenant !

La liberté d’expression sur Internet, envers et contre la haine

jeudi 21 novembre 2013 à 09:04

Depuis le début de « l’affaire des tweets antisémites », il y a plus d’un an, la question est de nouveau posée de savoir s’il faut adapter la législation française pour renforcer la répression sur Internet, en particulier contre les discours racistes, sexistes, homophobes. À l’heure où des initiatives gouvernementales convergent en ce sens et après plusieurs mois de dialogue avec les associations de lutte contre les discriminations, les membres de La Quadrature du Net ont voulu rappeler les raisons qui nous poussent à une défense résolue de la liberté d’expression sur Internet face aux remises en cause dont elle fait l’objet. Dire aussi que, dans un contexte caractérisé par la banalisation des discours d’intolérance dans les sphères politiques et médiatiques et en plein débat sur les injures racistes qui visent la ministre de la Justice, Internet ne doit pas être vu comme une menace mais bien davantage comme un des outils par lequel la peur de l’autre doit être combattue.

Le « non-droit » sur Internet n’est pas forcément celui que l’on croit

Dès le déclenchement de l'affaire des tweets antisémites, certains représentants des associations de lutte contre les discriminations ont recommandé de réprimer ces abus en imposant des missions de police et de justice aux acteurs privés que sont les plate-formes comme Twitter, Google et autres services d’hébergement. Une censure privée qui ne dit pas son nom, et déjà largement encouragée par les lobbies des industries culturelles pour faire appliquer le droit d’auteur sur Internet.

De son côté, le gouvernement a prêté une oreille attentive à ces propositions. La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a fait en sorte que ces associations puissent traiter directement avec Twitter afin de censurer l’expression publique. Dans la même logique, le projet de loi pour l’égalité des sexes, actuellement examiné au Parlement, ainsi qu’un récent arrêté relatif à la loi pour la confiance pour l’économie numérique (LCEN) adoptée en 2004, visent à renforcer le rôle des hébergeurs – qui sont avant tout des prestataires techniques sans compétence juridique – dans la régulation des contenus en ligne. Exit le juge judiciaire. Quant au ministère de la Culture, il œuvre depuis des mois à étendre les missions régulatrices de l’autorité administrative qu’est le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à Internet. Et ce alors que le droit de l’Internet souffre du caractère extrêmement vague de la LCEN, qui contribue non seulement à la régulation extra-judiciaire dont Internet fait d'ores et déjà l’objet, mais aussi à la généralisation de mesures de censure disproportionnées comme le blocage de l’accès à certains sites web.

Ces initiatives gouvernementales contraires aux acquis du XIXème siècle en matière de liberté d’expression se sont accompagnées d’une remise en cause frontale des garanties procédurales offertes par la loi de 1881 sur la liberté de la presse, qui contient la plupart des dispositions pénales réprimant les abus de liberté d’expression. Il y a quelques mois, Manuel Valls, affirmait sans ambages que « la question est posée aujourd’hui, compte tenu de la force de frappe d’Internet et son influence sur les citoyens, de savoir si la répression de tels délits relève encore de cette législation ». La sénatrice écologiste Esther Benbassa regrettait quant à elle qu’Internet offre « à tout particulier la possibilité de bénéficier des garanties de la loi de 1881, sans pour autant être soumis à la déontologie des journalistes ». Non content d’encourager la censure extra-judiciaire d’Internet, le pouvoir politique veut aussi nier aux citoyens « ordinaires » – lorsqu’ils pourront tout de même être jugés par un magistrat – le bénéfice des différentes protections contenues dans cette loi qui honora en son temps la Troisième République. Comme si ces citoyens, au prétexte qu’ils ne sont pas diplômés d’écoles de journalisme et ne travaillent pas au sein de rédactions professionnelles, ne pouvaient jouir des garanties offertes par ce texte vieux de plus de 130 années. Comme s’il ne fallait pas plutôt considérer comme tout-à-fait normal le fait qu’ils bénéficient des mêmes protections légales, et concevoir la sujétion des journalistes professionnels aux règles déontologiques non pas comme une contrepartie de la liberté d’expression, mais bien davantage comme une manière de consacrer leur rôle de tiers de confiance dans le débat public.

Une peur d’Internet qui traduit l’inconfort des gouvernants face à la liberté d’expression

Dans le même temps, en matière d’Internet comme dans d’autres domaines, les accents sarkozystes résistent à l’alternance. Internet est ainsi présenté par Najat Vallaud-Belkacem comme « une zone de non-droit ». Pour François Hollande, il est cet espace où « toutes les rumeurs seraient vraies ». Quant au député Malek Boutih, il a récemment estimé que, « si on a aujourd’hui un tel développement de propos inacceptables, d’ailleurs sur le racisme comme sur plein de sujets, c’est qu’Internet est pour l'instant une sorte de Far West ». Autant de propos caricaturaux qui renvoient à l’image de la nouvelle frontière à civiliser dont l’ancien président usait à l’envie.

L’essentiel du discours politique reste ainsi cantonné à une vision qui fait d’Internet un espace dangereux pour la paix sociale et les droits d’autrui. Ces diatribes récurrentes chez l'essentiel de l’élite politique expliquent pourquoi, depuis près de quinze ans que l’accès à Internet se démocratise, rien n’a été entrepris au niveau législatif pour protéger sérieusement la liberté d’expression sur le réseau, et pourquoi le discours politique reste enfermé dans la logique du contrôle et de la répression.

Cette diabolisation trahit en fait de la part de nos représentants élus un inconfort profond vis-à-vis de la liberté d’expression en général. Pendant que la majorité s’enorgueillit d’avoir abrogé le délit d’outrage au chef de l’État, elle fait mine d’oublier que ce dernier pourra toujours s’appuyer sur les dispositions spéciales qui protègent l’essentiel de la classe politique. Que, loin de battre en brèche ces protections dérogatoires accordées aux représentants de l’autorité, le législateur a adopté ces dernières années des nouvelles dispositions réprimant la critique de l’État, de ses représentants ou de ses symboles, en proscrivant l’outrage à l’hymne national et au drapeau tricolore. Que les sites Internet documentant et critiquant l’action de la police ont fait l’objet de poursuites récurrentes devant les tribunaux à l'initiative du ministère de l'Intérieur, et même parfois de mesures de censure. Qu’en 2010, le ministre Éric Besson a cherché en toute impunité à faire pression sur la société OVH basée à Roubaix pour qu’elle mette fin à l’hébergement de WikiLeaks, sans aucune décision ni même saisine préalable de l’autorité judiciaire. Qu’au plus haut sommet de l’État, on encourage l’exportation par des sociétés françaises de matériel de surveillance et de censure d’Internet vers des régimes autoritaires souhaitant réprimer la dissidence politique. Que dans le cadre de l’affaire Bettencourt, la justice française a récemment ordonné la censure d’articles et d’enregistrements sélectionnés par des journalistes d’investigation mettant en évidence les formes de corruption qui continuent d’entacher la vie politique française. Ou encore que les gouvernements successifs sont parfaitement incapables de proposer une réforme convenable de la protection des sources. Au-delà de l’épineuse question des discours haineux, la longueur de cet inventaire non-exhaustif illustre le fait que la liberté d’expression reste le parent pauvre des droits de l’Homme.

À rebours de l’extra-judiciarisation et la stigmatisation, mieux protéger la liberté d’expression

Dans ce contexte, et suite aux polémiques autour de l’incitation à la haine sur Internet, La Quadrature du Net a donc recherché le dialogue avec les associations de lutte contre les discriminations. À ce titre, nous avons contacté et rencontré l’hiver dernier les représentants de l’UEJF afin de débattre sereinement et autrement que par médias interposés. Nous avons également répondu favorablement à l’invitation de SOS Racisme à participer à des tables rondes consacrées à la « la lutte contre le racisme et les discriminations sur Internet ».

D’abord pour être clairs sur le fait qu’il ne s’agit évidemment pas pour nous de défendre l’intolérance et la violence qui s’expriment parfois au grand jour sur Internet, mais simplement de rappeler l’importance des principes sur lesquels sont fondés nos régimes politiques : la démocratie et l’État de droit. Redire que, face aux propositions inconséquentes que nous entendions, face à la censure privée ou administrative qui se banalise sur Internet, le rôle du juge dans la répression des abus de la liberté d’expression doit être réaffirmé et sanctuarisé ; que les infractions et sanctions en la matière doivent être réformées afin que la loi française respecte rigoureusement le droit international, et notamment la Convention européenne des droits de l'Homme ; que bien plus qu’une menace à conjurer coûte que coûte, le recours à l’anonymat sur Internet est avant tout un droit certes non pas absolu mais néanmoins partie intégrante de la liberté d’expression. Dire enfin que, pour rétablir une symétrie dans le rapport de force judiciaire avec ceux qui cherchent à réprimer certaines expressions publiques et amener les tribunaux à mieux prendre en compte cette liberté qui en démocratie est le premier des droits politiques, il faut habiliter les associations spécialisées dans la défense de la liberté d’expression à intervenir dans les procès en la matière (comme cela existe par exemple en matière de lutte contre les discriminations).

Poser lucidement la question des responsabilités

Bref, le but était de faire prendre conscience à nos interlocuteurs du régime d’exception qui se met progressivement en place pour réguler la liberté d’expression sur Internet, et de les appeler à ne pas faire de la moindre provocation le prétexte d’un renforcement de politiques contraires aux droits fondamentaux. Car, à notre sens, en faisant d’Internet leur bête noire, ces associations se trompent de cible. Ce moyen de communication n’est que le reflet des tensions qui habitent notre société. Même s’il peut parfois s’en faire une caisse de résonance, il n’en est en rien la cause.

Aussi faut-il poser lucidement la question des responsabilités dans la montée de l’intolérance. Et décider qui est le plus responsable, d’un adolescent immature lançant par pure provocation un concours de blagues antisémites sur Twitter ou d’une classe politique qui, à force de prises de parole, renforce les préjugés en instiguant et en exploitant la peur de l’autre à de basses fins électorales. Décider s’il ne faut pas en effet pointer du doigt l’exemple désastreux donné par ces responsables politiques qui, lorsque des mouvements venus de la société civile reprennent à leur compte le discours de l’intolérance, aboient avec les loups et entretiennent ainsi une spirale dangereuse. Aucune déconstruction, aucun barrage rhétorique n’est opposé à ces retours de flamme qui, immanquablement, leur reviennent des parties du peuple enivrées à force d’instrumentalisation du discours sécuritaire. Au contraire, ils soufflent sur les braises.

De même, n’est-il pas trop commode d’accuser Internet alors que les discours xénophobes ou misogynes sont non seulement relayés tels quels par les médias de masse, mais sont aussi bien souvent entretenus et montés en épingle à des fins mercantiles ?

Repenser les stratégies de lutte contre l’intolérance avec Internet et non pas contre Internet

Poser la question des responsabilités amène aussi à s’interroger sur les moyens mis en œuvre dans la lutte contre les discours de haine, et notamment sur le recours fréquent au droit pénal par ces associations. Les injures racistes visant la ministre de la Justice ne sont que l'arbre qui cache la forêt. De plus en plus, au gré de sa banalisation, l’intolérance se pare des allures de discours modérés, échappant ainsi à la définition des infractions de la loi de 1881. On évite les expressions les plus grossières, outrageantes, ouvertement racistes, mais à force de sous-entendus, de petites phrases aux apparences anodines, d’écrits et de discours soi-disant savants venant justifier des conceptions politiques d’un autre âge, on stigmatise des minorités ethniques, religieuses, sexuelles. C’est pourquoi il faut rompre avec l’idée selon laquelle les stratégies pénales contre les pourvoyeurs de l’intolérance sont une solution efficace.

Certes, les associations de lutte contre les discriminations le savent bien, et s’engagent autant que leurs ressources le permettent dans des actions de sensibilisation. Mais sans doute peuvent elles mieux faire encore, et innover davantage. Au cours de nos rencontres, nous avons ainsi invité nos interlocuteurs à cesser de voir Internet avant tout comme une menace, pour réfléchir plutôt à la manière d’en faire une chance pour la cause en faveur de l’égalité et contre les discriminations. À notre sens, la priorité ne doit pas être de lutter contre le racisme sur Internet, mais par Internet, avec Internet, c’est-à-dire d’utiliser les formidables outils de mobilisation citoyenne dont il est le support pour créer un large mouvement de société capable de lutter contre les préjugés, de contrecarrer les propos de haine, de dénoncer l’instrumentalisation des différences, de déconstruire les interventions pseudo-intellectuelles qui dressent une partie des citoyens contre les autres. Comme nous l’a rappelé il y a peu le mouvement spontané des lycéens opposés aux expulsions de leurs camarades de classe, c’est d’abord dans l’espace public – là où se forment nos représentations collectives et où se construisent les normes sociales – que se mène la lutte contre la haine. Bien plus que dans les prétoires.

Nous sommes suffisamment nombreux en France à en avoir assez du racisme et de l’intolérance pour que – au-delà des poursuites pénales qui resteront évidemment nécessaires dans les cas les plus graves (incitation directe à la violence, harcèlement, ou lorsqu’est menacé le caractère républicain de nos institutions) –, nous puissions collectivement battre en brèche la tendance à la xénophobie, aux replis identitaires, au rejet de l'autre, à la violence. Mais en prétendant que la prohibition systématique des « discours dangereux » et la remise en cause de l’État de droit sont des solutions efficaces contre la montée de l’intolérance, ceux qui fomentent l’entreprise de diabolisation d’Internet se bercent d’illusions. C’est au contraire grâce à la liberté d’expression, de communication et d'association qu’il permet que nous pourrons œuvrer à une société dans laquelle l'on puisse, comme disait Marcel Mauss, « s’opposer sans se massacrer ». Et ainsi porter l’espérance d’un vivre-ensemble refondé dans la reconnaissance bienveillante de nos différences.

Félix Tréguer, membre fondateur de La Quadrature du Net, association de défense des droits fondamentaux sur Internet.

Tribune publiée initialement sur Mediapart.

TAFTA : Non aux négociations anti-démocratiques US-UE !

mardi 12 novembre 2013 à 12:30

Paris, 11 novembre 2013 — Alors que le second cycle de négociations de TAFTA, l'accord commercial US-UE (également appelé TTIP), vient de démarrer, La Quadrature du Net met solennellement en garde les négociateurs contre le danger inhérent à l'élaboration de politiques, sans aucune légitimité démocratique, qui concerneront des millions de citoyens. La Quadrature du Net appelle les citoyens à contribuer à ses efforts d'identification des négociateurs de TAFTA et de leurs éventuels conflits d'intérêts, et exhorte toutes les personnes ayant accès aux documents de travail à les rendre publics sans attendre.

TAFTA logo

TAFTA ne concernera pas uniquement l'économie et le commerce. Le mandat de négociations1 de la Commission lui permet d'ores et déjà de négocier un accord « global »2, concernant un grand nombre de domaines, aussi variés et importants que l'agriculture, l'accès aux médicaments, la protection des données3, le droit d'auteur, la sécurité alimentaire, ou le règlement des différends privés-publics4. De plus, si la Commission européenne le juge nécessaire, ce mandat de négociations pourra être modifié « sur n'importe quel sujet »5 pour intégrer de nouveaux domaines. Concernant Internet, des documents fuités ont déjà démontré que certaines dispositions de TAFTA pourraient avoir un profond impact sur nos libertés en ligne. Enfin, les récentes révélations concernant l'espionnage massif des négociateurs européens par les États-Unis jettent un doute sur la possibilité de mener des négociations équitables et équilibrées.

Si, après avoir été négocié en dehors de tout cadre démocratique, TAFTA entrait en vigueur, les dispositions de cet accord s'appliqueraient pour des décennies et concerneraient des centaines de millions de citoyens. Bien qu'il soit évident que les enjeux des négociations de TAFTA dépassent largement le cadre d'un simple accord commercial, les représentants des citoyens n'auront le choix que de l'approuver ou de le rejeter dans son ensemble, sans aucune possibilité de modifier son contenu une fois les négociations terminées. Pire, la Commission européenne ne cesse de tenter de réintroduire les dispositions déjà rejetées dans des accords commerciaux internationaux en cours de négociations (par exemple, des paragraphes entiers d'ACTA, pourtant rejetés par le Parlement européen en juillet 2012, ont été copiés-collés dans l'accord commercial Europe - Singapour). Ce contournement des procédures démocratiques ne sert que quelques intérêts privés, défendus par un petit groupe d'individus non élus au cours de négociations opaques, voulant à tout prix éviter un débat qui risquerait de leur être défavorable. Comme n'ont de cesse de l'exiger les organisations de la société civile, il est temps de mettre un terme à ces pratiques anti-démocratiques et d'ouvrir un débat transparent et légitime pour ces questions.

Une fois encore, La Quadrature du Net appelle solennellement toutes les personnes ayant accès à des documents relatifs à TAFTA à les rendre publics sans attendre, et à aider à ouvrir un vrai débat public sur les domaines censés être concernés par cet accord commercial.

« La parodie de transparence mise en place par la Commission pour faire oublier les problèmes de TAFTA ne trompe personne. Ce nouvel accord commercial, négocié dans la plus totale opacité alors qu'il pourrait concerner nos libertés fondamentales et des domaines politiques cruciaux, est une offense pour notre démocratie. Opaque et conçu pour contourner la démocratie, l'accord commercial US-UE nuira aux citoyens de chaque côté de l'Atlantique » déclare Jérémie Zimmermann, porte-parole de l'association La Quadrature du Net.

Comment agir contre TAFTA ?

La résolution Castex sur la copie privée doit prendre en compte le partage !

jeudi 31 octobre 2013 à 09:49

Paris, le 31 octobre 2013 — La commission « affaires juridiques » (JURI) du Parlement européen examinera lundi 4 novembre le projet de résolution de l'eurodéputée Françoise Castex sur la copie privée. Celui-ci propose que la Commission européenne et les Vingt-huit étudient « la possibilité d'une légalisation du partage d'œuvres à des fins non commerciales, afin de garantir aux consommateurs un accès à une grande variété de contenus et un choix réel en matière de diversité culturelle », et a fait l'objet de nombreuses attaques pour que la question du partage soit une nouvelle fois escamotée. À l'approche du vote, les citoyens doivent se mobiliser pour que cette mention soit conservée, afin d'obliger la Commission à examiner toutes les pistes permettant de sécuriser le partage et de consacrer les droits culturels en Europe.

Alors que le rejet massif par le Parlement européen de l'accord ACTA en juillet 2012 avait envoyé un signal fort à la Commission européenne en faveur d'un meilleur équilibre entre le droit d'auteur et les libertés, l'immobilisme le plus total règne depuis sur cette question. La Commission n'a eu de cesse de réinjecter des dispositions répressives dans les accords de commerce internationaux en cours de négociation (CETA, Accord Singapour-Europe). Au lieu de lancer un processus de réforme du droit d'auteur répondant aux aspirations des citoyens, elle a cherché à gagner du temps avec le dialogue Licences for Europe, dont plusieurs organisations de la société civile dénoncent les conditions et la non-représentativité.

Marielle Gallo
Marielle Gallo (France - EPP)

Devant la commission JURI, la députée Marielle Gallo a demandé « la suppression du paragraphe 27 sur la légalisation du P2P », au motif que « Cette disposition ne fait l'unanimité de personne, ni les titulaires de droit ni la société civile ne le soutient ». De tels propos bafouent les revendications de nombreuses organisations citoyennes qui, en France, aux Pays-Bas, en Pologne ou en Suède, demandent la légalisation du partage et la réforme du droit d'auteur. Marielle Gallo caricature également la position des titulaires de droits, puisqu'en France, des représentants d'interprètes musicaux ou de photographes se prononcent en faveur de la légalisation des échanges non-marchands. Par ailleurs, le rapport Lescure lui-même a recommandé au gouvernement français d'approfondir la réflexion sur la légalisation des échanges non-marchands, en portant le sujet au niveau européen, qui est le mieux adapté pour envisager cette réforme. Plusieurs députés français, de la majorité comme de l'opposition, ont récemment manifesté leur souci que cette question du partage soit débattue.

Contrairement à ce qu'affirme Marielle Gallo, la proposition de Françoise Castex n'a pas pour objet de « lier copie privée et usages illicites ». Sa formulation ouverte permet au contraire d'envisager plusieurs pistes pour légaliser le partage, l'adaptation de l'exception de copie privée n'étant qu'une option parmi d'autres qui pourraient être envisagée dans le cadre de la révision de la directive 2001/29 dont le processus a commencé.

Françoise Castex
Françoise Castex (France - S&D)

Il est urgent d'adapter le périmètre du partage non-marchand des œuvres numériques autorisé entre individus aux réalités des pratiques numériques et au progrès des connaissances sur leur impact économique. La Quadrature du Net appelle les eurodéputés de la commission « affaires juridiques » (JURI) du Parlement européen a conserver le paragraphe 27 du projet de résolution de Françoise Castex. Les études indépendantes concluent toutes à un impact positif, nul ou faiblement négatif du partage décentralisé sur les revenus des créateurs. La Commission européenne doit cesser d'escamoter le débat et présenter une communication sur les modalités possibles d'une légalisation du partage non-marchand entre individus et sur les nouveaux modèles de financements adaptés aux pratiques créatives de l'espace numérique.

« Il est essentiel que le paragraphe 27 du projet de résolution Castex soit conservé. Le récent Conseil européen sur le numérique a encore une fois mis l'accent sur la répression, en passant sous silence la question du partage. Il appartient au Parlement européen de faire en sorte que cette aspiration des citoyens ne soit pas ignorée plus longtemps » déclare Lionel Maurel, co-fondateur de l'association La Quadrature du Net.

« Nous ne voulons plus de faux-semblants, comme le pseudo-dialogue 'Licences for Europe' qui n'a débouché sur rien, sinon la confirmation du déficit démocratique européen en matière de réforme du droit d'auteur. Les eurodéputés de la commission JURI doivent entendre les citoyens et enfin mettre la question de la reconnaissance de leurs droits culturels à l'ordre du jour » déclare Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net.

Internet a besoin d'une « Marco Civil » sans compromis au Brésil !

lundi 28 octobre 2013 à 11:45

Paris, 28 octobre 2013 — Des organisations majeures du monde entier, défendant la liberté d'expression et les libertés en ligne, ont signé cette lettre ouverte rédigée par La Quadrature du Net. Elle encourage l'adoption rapide, au Brésil, d'une « Marco Civil de Internet » sans compromis, qui protégerait réellement les libertés en ligne. Le vote est prévu pour mardi. (Votre organisation peut toujours signer la lettre après sa publication, en envoyant un email à signature (AT) laquadrature.net)

Mise à jour : le vote a été reporté au mardi 5 novembre mercredi 6 novembre.

Internet a besoin d'une « Marco Civil » sans compromis au Brésil !

La « Marco Civil da Internet » est un projet de loi remarquablement progressiste visant la protection d'Internet et des droits fondamentaux en ligne au Brésil. Elle a été ébauchée dans un effort collaboratif sans précédent impliquant les citoyens, puis a été bloquée durant 3 ans au Parlement sous la pression importante des lobbies industriels - essentiellement des télécoms.

Les récentes révélations d'espionnage massif des citoyens du monde entier, ainsi que de compagnies comme Petrobas par les État-Unis ont poussé la Présidente brésilienne Dilma Rousseff à remettre la « Marco Civil » sur les rails au Parlement dans une procédure d'urgence.

La « Marco Civil », qui garantit la neutralité du Net ainsi que la vie privé et la liberté de publication en ligne, est plus nécessaire que jamais. Si elle était adoptée, elle constituerait un modèle que les citoyens et leurs représentants dans tous les pays pourraient reproduire pour permettre le développement d'un Internet libre et ouvert et garantir la protection des libertés sur Internet.

Une prise de contrôle par des acteurs industriels de certains aspects du texte, notamment sur les questions du copyright (paragraphe 2, article 15), reviendrait à vider le texte de sa substance. Des dispositions visant à protéger la vie privée et à empêcher la surveillance devraient être ajoutées ; par ailleurs, toute mesure risquant de contrevenir à la possibilité pour les citoyens de collaborer à une échelle internationale devrait être supprimée.

Nous encourageons les citoyens du Brésil et les membres du Parlement à travailler en vue de l'adoption rapide d'une « Marco Civil » sans compromis, cohérente avec l'idée originale, libérée de l'influence des intérêts industriels, et qui garantirait réellement les libertés en ligne.

Vous pouvez compter sur notre soutien car une telle loi serait d'une importance globale pour Internet !

Signataires :