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source: La Quadrature du Net

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[Reporterre] Le passe sanitaire, un pas de plus dans « l’autoritarisme » et la « société du contrôle »

lundi 26 juillet 2021 à 19:00

« Overdose d’autoritarisme », « adoption hâtive de lois », « politique absurde »… Penseurs telle Barbara Stiegler, associatifs, défenseurs des libertés, syndicats, politiques s’inquiètent des mesures liberticides de l’exécutif. Car avec le passe sanitaire, un cran de plus a été atteint dans le contrôle des corps et des esprits. […]

Bastien Le Querrec, membre de la Quadrature du net, regrette que « la fin justifie désormais les moyens. Les effets de bord en matière de liberté ne sont pas pris en considération, dit-il à Reporterre. On habitue la population à ce genre de contrôle, on lui refuse l’anonymat. Il y a une continuité entre cet outil et les autres dispositifs de surveillance qui se sont développés avec la crise sanitaire : la vidéosurveillance automatisée, la reconnaissance faciale, etc. ». […]

https://reporterre.net/Le-passe-sanitaire-un-pas-de-plus-dans-l-autorita…

Lundi prochain, Laurent Wauquiez veut autoriser la reconnaissance faciale dans les trains et les gares

vendredi 16 juillet 2021 à 19:25

Cet article a été publié à l’origine sur notre blog Technopolice

Lundi 19 juillet prochain, Laurent Wauquiez présentera à l’assemblée de la région Auvergne-Rhône-Alpes un projet de délibération pour lui permettre de déployer la reconnaissance faciale dans les gares, de financer l’achat de logiciel d’analyses comportementales et de multiplier les caméras de vidéosurveillance. C’est un pur projet de Technopolice, dangereux et illégal, que l’assemblée plénière du conseil régional se doit de rejeter.

Après les mensonges et les fantasmes sécuritaires de Valérie Pécresse en Île-de-France, Laurent Wauquiez veut lui aussi faire la promotion de la Technopolice dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Lundi 19 juillet prochain, jour de l’assemblée générale du conseil régional, il présentera un projet qu’il entend bien faire voter (le projet, qui nous été transmis par le groupe « Les Écologistes » de la région est disponible ici). Au programme, notamment :

– « accompagner, [dans les trains régionaux et les gares] à titre expérimental, un premier dispositif de reconnaissance faciale, uniquement accessible aux autorités compétentes » ;

– « déployer la vidéoprotection à l’intérieur des cars scolaires et interurbains » ;

– « poursuivre l’équipement en caméras de vidéoprotection en temps réel des trains régionaux » ;

– « renforcer le bouclier “vidéoprotection” avec 10 000 caméras supplémentaires et en l’étendant à la vidéoprotection intelligente ainsi qu’à l’expérimentation de systèmes innovants (exemple : la technologie biométrique…) ».

Logique sécuritaire sans fin

Dans le document, Laurent Wauquiez revient ainsi sur sa politique de sécurité des dernières années : déploiement massif de caméras dans les gares, les trains et les lycées, financement de la vidéosurveillance en temps réel… Selon lui, cela ne suffit toujours pas : il faut surveiller encore plus et « intégrer de nouveaux espaces », comme les « stationnements des vélos, certains ascenseurs, passages souterrains, passerelles », sans oublier « l’ensemble des transports scolaires ». Filmer tout, tout le temps, en temps réel, ne plus laisser un seul espace de libre à l’anonymat. Peut-être rejoindra-t-il Christian Estrosi qui veut maintenant mettre des projecteurs de lumière ultra-puissants dans la ville qui se déclencheraient en cas d’attroupements : comme si l’ombre était liée à la criminalité.

On imagine tristement leur ville rêvée : partout de la lumière et des caméras, la ville transformée en un grande un espace où des robots dissèquent et analysent nos moindres gestes.

Reconnaissance faciale et analyse comportementale

Car évidemment, le projet de Laurent Wauquiez rejoint un son de cloches que l’on entend de plus en plus du côté des promoteurs de la Technopolice : toutes ces caméras ne serviraient selon eux à rien si des logiciels d’ « intelligence artificielle » ne venaient pas aider à alerter sur les comportements préalablement établis comme « suspects ». C’est une inversion de logique : alors que la vidéosurveillance est toujours contestée, et puisque son efficacité est régulièrement remise en question (la Cour des comptes en parlait encore en 2020), ses promoteurs affirment qu’il faut donc aller encore plus loin.

Dans la même lignée, Laurent Wauquiez veut expérimenter la reconnaissance faciale et financer l’équipement des communes en logiciels de vidéosurveillance automatisée (la délibération telle que présentée est d’ailleurs étonnamment floue : « reconstituer rapidement a posteriori le parcours de délinquants ou criminels dans les trains régionaux »).

Alors même que de tels dispositifs seraient illégaux car ils ne remplissent en aucun cas les critères posés par la loi française ou le droit européen (voir notamment la directive Police-Justice) : ils n’obéissent nullement à une « nécessité absolue », ne présentent pas les « garanties appropriées » et ne sont encadrés par aucun texte spécifique (comme l’exige pourtant l’article 10 de la directive Police-Justice).

C’est pour cela que nous avons gagné contre le projet de portiques de reconnaissance faciale à Nice et Marseille (voir notre article ici), que nous avons attaqué le projet de surveillance de Marseille (voir notre article ici) et que nous sommes en ce moment devant le Conseil d’État contre la reconnaissance faciale via le fichier des traitements des antécédents judiciaire (voir notre article).

Surenchère sécuritaire et élection présidentielle

Il est probable que Laurent Wauquiez et son équipe soient parfaitement conscients de l’illégalité de leur projet. On imagine que, comme Valérie Pécresse ou Christian Estrosi, la véracité de leur propos ou la légalité de leurs actions ne les intéressent que peu. Ils veulent avant tout mettre en avant une idéologie sécuritaire, qu’ils imaginent flatter une certaine catégorie d’électeurs en vue des échéances électorales à venir. A chaque échéance, ils iront donc un peu plus loin dans leurs propositions.

Il faut que cessent ces projets mis en place illégalement par la classe politique, comme l’usage de drones par la police l’année dernière et tous ces projets technopoliciers que nous avons pu participer à faire échouer. Il faut leur opposer, aujourd’hui et demain, notre refus de la surveillance biométrique et du tout-sécuritaire. Il nous faut dénoncer leurs fantasmes totalitaires. Nous appelons le conseil régional à s’opposer lundi prochain à ce projet de délibération.

In memoriam Philippe Aigrain (1949-2021)

jeudi 15 juillet 2021 à 12:40

C’est avec une immense tristesse que nous avons appris lundi le décès de Philippe Aigrain en montagne, près de sa maison dans les Pyrénées.

Photo : Jérémie Zimmermann

Informaticien et grand humaniste, militant infatigable, chercheur et intellectuel qui aidait à y voir clair dans ces temps troublés, Philippe a fait partie en 2008 des cofondateurs historiques de La Quadrature du Net. Il fut président de l’association de 2013 à 2017. Tout jeune, il avait été actif lors du soulèvement de mai 1968. Il fut ensuite un compagnon de route des radios libres dans les années 1970, avant d’explorer les potentialités démocratiques d’Internet et de devenir un ardent défenseur des logiciels libres et des biens communs. Ces dernières années, il travaillait à l’accueil solidaire des exilés et dirigeait la maison d’édition publienet, tout en faisant paraître ses poèmes et, plus récemment, son premier roman, intitulé Sœur(s).

Philippe était de ces personnes qui forcent d’emblée le respect et l’admiration par ses qualités humaines exceptionnelles, son immense gentillesse et sa grande sensibilité, mais aussi par la profondeur de sa réflexion, sa curiosité, sa générosité, sa capacité à conjuguer les savoirs à travers une pensée proprement interdisciplinaire. Tout cela lui permettait non seulement de naviguer entre des communautés militantes, intellectuelles et artistiques de par le monde, mais aussi d’y apporter des contributions précieuses et de tisser des ponts entre tous ces gens.

À La Quadrature, il a été un modèle pour nombre d’entre nous, un mentor et un ami qui se montrait toujours curieux, ouvert, mais aussi très encourageant avec les personnes fraîchement arrivées au sein du collectif. Il était l’un des piliers qui nous permettait de tenir et de traverser les moments difficiles. Nous admirions sa capacité d’indignation, la rigueur et la richesse de ses analyses, la manière dont il savait mettre à distance certains réflexes militants pour appréhender une situation dans toute sa complexité. Lors qu’on risquait de se perdre dans les détails d’un dossier, il savait aussi nous inviter à prendre de la hauteur et à revenir aux questions politiques fondamentales. Par exemple, lors d’un débat interne fin 2016, nous discutions de notre position sur la création du fichier biométrique TES, que le gouvernement présentait alors comme une manière de lutter contre la fraude à l’identité… on fourbissait des arguments un peu trop techniques et juridiques à son goût, et il avait mis tout le monde d’accord en évoquant la Résistance et en rappelant que des documents d’identité infalsifiables étaient tout simplement contraires aux formes de vie démocratiques.

Philippe avait également insisté dès le début pour que La Quadrature soit force de propositions positives. Il avait ainsi envisagé un système complet pour permettre au public et aux créateurs et créatrices de se rencontrer autour de leurs œuvres en permettant le partage libre de celles-ci, tout en soutenant et encourageant financièrement la création. Il fut à l’origine de la Contribution Créative, une idée avant-gardiste permettant autant l’accès généralisé à la culture que le soutien matériel à la création. En lien avec Lionel Maurel, il compila ces pistes de réforme dans les propositions positives de réforme du droit d’auteur, publiées par La Quadrature suite au rejet de l’accord commercial anti-contrefaçon ACTA, à l’été 2012.

Durant toutes ces années, Philippe nous a surtout appris par l’exemple qu’on peut conjuguer un regard lucide sur le monde et une grande exigence dans l’engagement politique, sans pour autant se départir ni du soin de soi et des autres, ni de la joie et de la poésie.

Nous allons prendre le temps d’honorer sa mémoire. Nous ferons vivre son héritage en continuant nos combats, que ce soit pour les droits humains dans l’environnement numérique, pour le partage des savoirs ou tout simplement pour plus de beauté et d’humanité dans ce monde.

Pour l’heure, nos pensées endeuillées vont à sa femme Mireille, à ses filles et à ses petits-enfants.

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Dysfonctionnements systémiques des autorités de protection des données : le cas belge

jeudi 8 juillet 2021 à 18:21

Nous dénonçons depuis un bon moment le fonctionnement de la CNIL française et son manque de volonté politique de protéger nos libertés. Depuis 2018 et le dépôt de nos plaintes collectives contre les GAFAM nous avons aussi pu constater l’incurie des autorités irlandaise et luxembourgeoise : cela fait 3 ans que nous avons déposé avec plusieurs milliers de personnes des plaintes, sans aucune nouvelle depuis. Mais ce ne sont pas les seules en Europe à connaître des dysfonctionnements. Petite analyse des soucis que rencontre l’Autorité de protection des données (APD) en Belgique.

En mai 2016 était voté le RGPD, règlement européen visant à protéger les données personnelles contre leur utilisation abusive, tant par les entreprises privées que par les États. Applicable depuis mai 2018, ce texte ordonne par son article 51 la mise en place d’« autorités nationales indépendantes […] chargées de surveiller l’application du présent règlement ». Il est prévu qu’elles coopèrent entre elles, sous une forme de fédération. L’article 52 exige l’indépendance de ces autorités.

Nous avons régulièrement critiqué le fonctionnement de la CNIL en France, tout comme l’autorité irlandaise ou luxembourgeoise, pour la faible qualité de la prise en charge des plaintes et les retards pris dans le traitement de ces dernières.

La commission LIBE1commission libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_17436_2_1').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_17436_2_1', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, delay: 400, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], });du parlement européen elle-même confirmait en février notre analyse (voir ici, § « Enforcement »), préoccupée par l’insuffisante mise en œuvre du RGPD, la trop longue durée des instructions, et les déclarations par les autorités elles-même sur les manque de moyens, humains et financiers, pour mener à bien leur mission.

Nous avions un a-priori plutôt positif sur l’autorité belge, l’APD (Autorité de protection des données). Dirigée par 5 co-directeurs et co-directrices, avec une présidence tournante de 3 ans, très proche du public (l’APD a par exemple organisé un vrai-faux concours pour accéder à un concert pour sensibiliser les jeunes à la protection de leurs données personnelles), critiquant ouvertement l’action des autorités publiques – en particulier pendant la crise sanitaire –, l’APD semblait bénéficier d’une santé politique inégalée.

Malheureusement, les dysfonctionnements dépassaient en réalité ce que nous imaginions. Sa mise en place courant 2019, soit avec un an de retard par rapport à l’entrée en application du RGPD et trois ans après le vote du texte, était un premier signal. L’APD est composée, entre autres organes, d’un Centre de Connaissances qui émet des avis sur des avant-projets de lois, de décrets ou d’arrêtés du gouvernement belge. Cette mission implique naturellement qu’il soit hautement protégé de toute influence de l’État et que ses membres ne soient pas en situation de conflit d’intérêts.

Las : le Centre de Connaissances a vu la nomination d’ « experts » ayant un ou plusieurs mandats publics, mais aussi l’ingérence du président de l’APD dans son travail. On peut citer notamment l’arrivée au sein du Centre de Franck Robben, grand ami du gouvernement et homme multi-casquettes des données personnelles en Belgique : il est entre autres directeur du Comité de Sécurité de l’Information (CSI), organisme qui décide du partage des données personnelles par les administrations belges, et gère aussi une entreprise qui fournit les outils informatiques de gestion des données personnelles, notamment dans le cadre de la crise du covid-19. L’outil de contrôle des lois a bien du mal à remplir sa mission de manière indépendante.

Cette situation a été maintes fois dénoncée, en particulier par deux co-directrices de l’APD, Alexandra Jaspar et Charlotte Dereppe. Que ce soit auprès de la Chambre des représentants (chambre basse du parlement fédéral belge) ou directement auprès des député·es, plusieurs courriers officiels ont régulièrement dénoncé les agissements de certains membres au sein de l’autorité et la mise en péril de son indépendance. Pour un résultat, ne nous le cachons pas, proche du néant. La racine du problème viendrait-elle en ce que l’ADP est la continuation de l’autorité historique, la CPVP, à l’époque si complaisante avec le pouvoir politique ?

La Ligue des Droits Humains s’en était aussi émue en juin 2020 dans un courrier à la Chambre des représentants, pointant nommément les violations flagrantes de la loi belge et du RGPD par le président de l’autorité, mais aussi par la présence d’experts en situation de conflit d’intérêts.

Suite à ces diverses alertes, l’ensemble de l’équipe de co-direction de l’APD avait été auditionnée le 21 octobre 2020 par la commission Justice de la Chambre des représentants. La conséquence ? L’envoi d’un courrier aux co-directrices demandant à ce que les « conflits interpersonnels ne produisent pas d’effets négatifs sur le fonctionnement et le rayonnement de l’APD » : pas de vagues, pas de problèmes.

Il aura fallu que soit saisie la Commission européenne en février 2021, puis que cette dernière finisse par lancer en juin 2021 une procédure d’infraction à l’encontre de la Belgique pour son non-respect du RGPD. L’affaire n’est donc pas terminée, et le fait que la Commission soit obligée d’agir contre un État membre comme la Belgique pour obtenir qu’une autorité indépendante le soit réellement n’est pas pour nous rassurer sur la bonne santé des institutions européennes.

De nouveau, l’équipe de co-direction sera auditionnée ce vendredi par la Chambre des représentants. Cette fois, l’objectif semble être la levée des mandats de certains directeurs, y compris les lanceuses d’alerte. Une tactique de la terre brûlée plutôt qu’une remise en question.

Les autorités de contrôle dans l’Union européenne n’appliquent pas le droit tel qu’elles le devraient. Parce qu’elles n’en ont pas les moyens techniques, financiers ou politiques. Elles ont – de même que les États qui se complaisent de cette situation – une responsabilité forte dans la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, avec des entreprises et des États toujours plus équipé·es en outils de surveillance et d’analyse de nos données personnelles, au mépris flagrant des différents textes juridiques pourtant protecteurs sur le papier.

La situation au sein de l’APD belge s’ajoute aux précédents dysfonctionnements que nous avions relevé. Une remise à plat générale du fonctionnement des APD européennes nous semble essentielle pour que le droit soit enfin appliqué et que le RGPD joue pleinement son rôle protecteur des données personnelles de la population.

References

References
1 commission libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures
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Passe sanitaire : le Conseil d’État valide la violation de la loi

mardi 6 juillet 2021 à 13:05

Par une ordonnance rendue aujourd’hui, le Conseil d’État a rejeté le référé liberté que nous avions déposé en juin. Dans une décision déplorable qui traduit une absence de compréhension des faits et qui revient sur des éléments que nous ne contestions pas, le Conseil d’État, après avoir laissé la situation pourrir pendant trois semaines (alors que les textes prescrivent un délai de 48 heures) refuse de voir une illégalité manifeste dans le passe sanitaire.

En juin, quelques jours après la mise en œuvre de l’obligation de présenter un passe sanitaire, nous attaquions le dispositif utilisé en raison des nombreuses données personnelles présentes. Nous estimions ainsi que le code en deux dimensions présent sur les passes et qui est scanné à l’entrée de divers lieux banalise un contrôle d’identité permanent et inutile. Nous attaquions également le fait que le passe sanitaire – que ce soit le format français utilisé avant le 25 juin ou le format européen utilisé depuis – permet à n’importe quelle personne scannant les codes en deux dimensions de consulter les données de santé (en plus du nom, prénoms, date de naissance) des personnes détentrices des documents : date, lieu et type de test RT-PCR, résultat du dépistage ; nom et fabricant du vaccin, nombre de doses reçues et nombres de doses nécessaires, date de la dernière injection. Comme l’a relevé un groupe de chercheur·euses, dont NextINpact résumait l’analyse, ces données sont particulièrement bavardes, et permettent par exemple de déterminer si une personne est immunodéprimée.

Dans son ordonnance, le Conseil d’État se pose comme tutelle du gouvernement. Le ministère des solidarités et de la santé n’a absolument pas défendu le dossier, produisant d’abord quatre pages creuses de défense, enchaînant ensuite les contres-vérités techniques à l’audience et assumant avoir fait le choix de mettre en danger les données personnelles des personnes. Malgré tout, le juge des référés estime que ce passe n’est pas manifestement illégal (une condition de recevabilité du référé liberté ; autrement dit, le doute profite à l’administration).

La plus haute juridiction administrative enchaîne également les erreurs pour sauver le passe. Le Conseil d’État dénature ainsi notre requête en affirmant que nous estimions que « [les] données ne sont pas lisibles par les personnes habilitées à contrôler le passe sanitaire ». Au contraire, nous affirmions – preuves techniques à l’appui – que les données du passe sanitaire peuvent être détournées par n’importe quelle personne scannant un passe sanitaire (dont, bien évidemment, les personnes chargées de vérifier ces passes à l’entrée d’un festival ou d’un concert).

L’analyse d’impact produite par le gouvernement estimait pourtant elle-même que ce risque de fausse application de lecture permettant de détourner les données était d’une gravité et d’une vraisemblance importante. Cela n’empêche pas le Conseil d’État de juger que ce risque « semble peu élevé. ».

Par ailleurs, alors que nous ne contestions pas devant le Conseil d’État l’application officielle de vérification des passes sanitaires (nous précisions en outre dans notre requête que cette question était sans conséquence sur l’issue du litige), ni la fonction « Carnet » de TousAntiCovid qui permet de sauvegarder sur son téléphone un passe sanitaire, la décision d’aujourd’hui revient sur ces deux éléments. Le Conseil d’État précise que la version numérique est facultative, alors même que la version papier des passes sanitaires met en danger de la même manière les données personnelles contenues dans le code en deux dimensions…

Résumons cette triste décision : la CNIL, tout en admettant que le détournement des données est possible, se fait depuis le début la porte-parole du gouvernement ; le Conseil d’État laisse pourrir la situation avant de sauver in extremis le gouvernement ; le Parlement a quant à lui été ignoré. Naturellement, le gouvernement prépare donc déjà l’extension du passe sanitaire. Nous avons donc particulièrement besoin de votre soutien pour continuer ces luttes.