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La Quadrature du Net

source: La Quadrature du Net

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De nouveaux combats pour 2024

mercredi 15 novembre 2023 à 14:40

La Quadrature du Net défend depuis quinze ans les droits et les libertés fondamentales de toutes et tous à l’ère du numérique. Ces quinze années de combat n’auraient pas été possibles sans vous, merci beaucoup ! Et nous avons besoin de vous pour continuer la lutte en 2024 !

Les chantiers que nous suivons depuis quinze ans déjà, vous les connaissez sans doute : contre la criminalisation du partage de la culture depuis la loi Hadopi de 2008, pour la neutralité du Net, contre l’exploitation des données personnelles et la tyrannie de la publicité en ligne, contre la censure et la surveillance du Web par les États, contre la Technopolice, les drones et la vidéosurveillance algorithmique.

Mais de nouvelles questions surgissent, de nouveaux fronts se réactivent, où nous sentons que nous pouvons jouer un rôle utile. On a vu les administrations publiques s’armer d’algorithmes dans la guerre aux pauvres et aux « fraudeurs », avec pour effet l’amplification des discriminations structurelles, le tout sous sous prétexte de modernité caricaturale, de pseudo-efficacité et de « dématérialisation ». On a vu la logique de la surveillance s’immiscer partout et s’étendre à tous les aspects de nos vies publiques et intimes. D’abord pour les besoins d’une surenchère publicitaire qui a transformé le Web en gigantesque galerie marchande, où chacune de nos curiosités, chacun de nos intérêts et chacune de nos relations amoureuse ou amicale devient l’enjeu d’une vente, d’un produit, ou d’un « service » toujours plus inutile et farfelu. Ensuite, et surtout, pour les besoins d’un pouvoir politique et étatique friand de fichage et toujours plus intrusif, beaucoup trop content d’exploiter nos innombrables traces numériques pour mieux nous surveiller, nous connaître, et anticiper nos comportements politiques et sociaux. Face à ces défis, nous voulons amplifier de nouveaux chantiers — sans pour autant oublier ceux sur lesquels nous travaillons déjà.

D’abord, nous continuerons de porter toujours plus loin et toujours plus haut (ça tombe bien, on entre dans une année olympique) l’idée d’un Web interopérable. L’Internet ouvert et horizontal des débuts, qui fut une réalité incontestable, s’est retrouvé ces quinze dernières années mis en « silos » par les grandes plateformes et les réseaux sociaux privés (Facebook, Twitter, Instagram bien sûr, mais aussi YouTube, etc.). Aujourd’hui, quitter un de ces réseaux c’est perdre les relations et les échanges qui sont tout le sel du Web. Alors que si les différents services sont interopérables, on peut déménager sans perdre de vue personne, et choisir l’environnement dans lequel on se sent libre de s’exprimer sans être soumis à l’hostilité qui fait vivre les plateformes et détruit le tissu des sociétés. Nous porterons avec entêtement cette idée simple, qui a déjà une réalité technique (dans le Fédivers par exemple), jusqu’à ce que les lois européennes et françaises en fassent un principe de base du Web et de l’Internet en général.

Nous allons aussi continuer notre travail d’enquête et de lutte contre les algorithmes de contrôle social, jusqu’à leur disparition. Aujourd’hui, des algos de « scoring » ou de profilage traquent les bénéficiaires des minima sociaux, que ce soit à la CAF, à Pôle Emploi ou ailleurs, pour transformer en enfer la vie des personnes les plus précaires, sous prétexte de lutter contre les abus. En réalité, ici comme ailleurs, l’outil numérique n’a servi qu’à introduire une surveillance très fine des vies les plus ordinaires pour contester les droits des personnes et criminaliser les comportements marginaux. Le numérique ne doit pas être l’instrument complaisant d’une politique sociale qui déresponsabilise la société dans son ensemble et déshumanise les personnes. Nous ferons tout pour que ces outils dangereux soient remplacés par une volonté d’humanité et le désir d’une société plus aimante et plus juste.

Ensuite, nous défendrons partout où il le faudra le droit au chiffrement des données et des communications. C’est une vieille lune des États, quels qu’ils soient : accéder aux correspondances des citoyens pour des raisons de police. Le « cabinet noir », c’était autrefois ce lieu secret métaphorique où la police lisait discrètement les lettres des opposants avant de les remettre en circulation. Alors que le numérique menace de rendre tout transparent aux yeux du pouvoir, le chiffrement des données a rétabli un peu de l’équilibre perdu entre le secret des correspondances et la prétention du « cabinet noir » à tout voir. Sans le chiffrement des communications, n’importe qui d’un peu déterminé peut accéder aux photos et aux blagues que vous échangez avec votre famille, aux échanges scientifiques inaboutis des chercheurs, aux discussions des groupes politiques ou syndicaux, etc. Le secret des communications est un des piliers de la démocratie bien tempérée : la transparence totale des opinions aux yeux de l’État est exactement la définition d’un régime policier. Pour mille raisons, dont le fait qu’il s’agit d’un droit fondamental, nous devons donc défendre notre droit au chiffrement et au secret contre tous les sophismes sécuritaires et policiers. Et plus les États voudront forcer ce droit au secret, plus nous aurons de raisons urgentes de le protéger.

Enfin, nous ne pouvons plus longtemps faire l’impasse sur les dangers immédiats et majeurs que notre mode de vie numérique fait collectivement peser sur les conditions de notre survie, et celle d’innombrables autres espèces. L’écosystème dont nous faisons partie craque de toutes parts, on le sait, on le voit, et la surproduction numérique a largement sa part dans ce désastre. Porté par le culte incontesté de la croissance et de la nouveauté permanente, le numérique entraîne avec lui une industrie colossale et polluante, qui détruit des territoires et des vies, pour alimenter notre ivresse d’écrans et de connectivité. Des mines de cobalt et de lithium jusqu’aux entrepôts des géants de la distribution mondiale, de la frénésie consumériste à l’économie de l’attention qui nous retient avec des procédés d’addiction, le numérique est aujourd’hui sans conteste un facteur de destruction autant que d’échanges, de liberté et de savoir. Il faut donc rendre au « digital » le poids de son corps physique, et à la « dématérialisation » sa matérialité, pour réfléchir aux outils et aux usages qui nous paraissent devoir être sauvés, préservés, cultivés ou inventés, et ceux auxquels ils nous faut renoncer.

Vaste programme ! Et on ne s’arrêtera pas à cela. Notre campagne Technopolice va connaître des rebondissements avec l’expérimentation prochaine de la vidéosurveillance algorithmique légalisée par la loi relative aux Jeux Olympiques. Nous voulons aussi participer de manière plus résolue à lutter contre la surveillance numérique croissante à laquelle font face les groupe militants. Enfin, nous envisageons d’ouvrir un front contre l’« intelligence artificielle », qui déferle partout sans qu’une résistance organisée puisse y faire face.

Tout cela pour vous dire à quel point votre soutien et vos dons seront précieux pour cette nouvelle année qui s’annonce !

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L’équipe de La Quadrature du Net

Vidéosurveillance algorithmique à la police nationale : des révélations passibles du droit pénal

mardi 14 novembre 2023 à 19:23

Dans un article publié aujourd’hui, le média d’investigation Disclose révèle que depuis des années, en se sachant dans l’illégalité la plus totale, la police nationale a recouru au logiciel de l’entreprise israélienne Briefcam, qui permet d’automatiser l’analyse des images de vidéosurveillance. Cette solution comporte une option « reconnaissance faciale » qui serait, d’après Disclose, « activement utilisée ».

Cela fait désormais près de cinq ans qu’à travers la campagne Technopolice, La Quadrature du Net, en lien avec des collectifs partout dans le pays, documente l’usage illégal de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) par les forces de police municipale. De fortes présomptions existaient quant à son utilisation par la police nationale. Nous l’évoquions d’ailleurs dans notre dossier sur la VSA publié lors de la campagne contre la loi sur les jeux olympiques et paralympiques (voir page 20). La confirmation faite aujourd’hui n’en est pas moins choquante. Non seulement compte tenu de l’échelle du déploiement de cette technologie, avec des licences Briefcam couvrant plusieurs départements. Mais aussi en raison des dissimulations dont ce marché public hautement sensible a fait l’objet de la part de hauts fonctionnaires et de responsables politiques.

Il faut se souvenir de Gérald Darmanin qui, l’an dernier en préparation des débats sur l’article 10 de la loi Jeux Olympiques, reconnaissait qu’il n’existait aucune base légale pour l’utilisation policière de ces technologies d’analyse automatisée. L’intelligence artificielle transforme radicalement l’économie politique de la vidéosurveillance, raison pour laquelle nous refusons la VSA. Même dans le cadre d’enquêtes judiciaires, l’État se devrait au minimum de prévoir une base juridique claire pour l’encadrer.

Tout aussi choquant est le sentiment d’impunité généralisé que révèle cette affaire. Les cadres de la Direction Générale de la Police Nationale, de même que les ministres successifs, ont sciemment organisé le secret par peur de la controverse, se sachant hors du droit.

Rappelons-le : « Le fait de collecter des données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. » (cf. art. 226-18 et -19 du code pénal). Par ailleurs, tout·e fonctionnaire est tenu·e de signaler sur le champ une infraction dont il ou elle aurait connaissance au procureur (article 40 du code de procédure pénale). Enfin, Disclose explique que pour financer le renouvellement des licences Briefcam, « la hiérarchie policière a pioché dans le « fonds concours drogue » ». Ce qui pourrait s’apparenter à du détournement de fonds publics.

Ces faits sont extrêmement graves. L’impuissance chronique à laquelle se condamnent les contre-pouvoirs institutionnels, de la CNIL à l’IGPN, est elle aussi symptomatique d’une crise systémique de l’État de droit. L’actualité donne d’ailleurs une nouvelle et triste illustration de cette coupable inaction : la CNIL s’est contentée d’un « rappel à l’ordre » à l’encontre de deux ministères après le détournement de fichiers et l’envoi au printemps dernier de 2 millions de messages de propagande destinés à manipuler l’opinion au sujet de la réforme des retraites.

Une coalition de 6 organisations attaque en justice le dangereux règlement de l’UE sur les contenus terroristes

jeudi 9 novembre 2023 à 12:15

Le 8 novembre 2023, une coalition de six organisations – La Quadrature du Net (LQDN), Access Now, ARTICLE 19, European Center for Not-for-Profit Law (ECNL), European Digital Rights (EDRi) et Wikimedia France – a déposé un recours devant la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d’État, contre le décret français adaptant le règlement européen relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne (également connu sous le nom de « TERREG »).

Elles demandent au Conseil d’État de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle sur la validité du TERREG au regard des droits fondamentaux protégés par le droit de l’UE.

Ce règlement permet aux forces de police d’un pays de l’UE d’ordonner à un site web, à un réseau social ou à tout fournisseur de services en ligne hébergeant des contenus créés par les utilisateurs de bloquer, dans un délai d’une heure, tout contenu supposé être à caractère terroriste – et cela dans tous les États membres de l’UE. Ces fournisseurs de services peuvent également être contraints de mettre en œuvre des « mesures spécifiques » pour prévenir la publication de contenus terroristes. Ces « mesures spécifiques » – dont la nature reste à la discrétion des fournisseurs de services – peuvent inclure, par exemple, des dispositifs de filtrage automatisé, afin d’analyser l’ensemble des contenus avant leur publication. Ces systèmes automatisés sont incapables de prendre en compte le contexte de la publication et sont notoirement prédisposés à commettre des erreurs, entraînant la censure de contenus protégés tels que le travail de journalistes, la satire, l’art ou les contenus documentant les violations des droits humains. En outre, l’obligation d’adopter des « mesures spécifiques » peut violer l’interdiction d’imposer une obligation générale de surveillance en vertu du règlement sur les services numériques (Digital Services Act, ou DSA).

Depuis que la proposition législative a été publiée par la Commission européenne en 2018, les organisations de la société civile parties au litige – comme beaucoup d’autresont dénoncé le risque de violation des droits fondamentaux qu’implique le TERREG. Bien que la lutte contre le terrorisme soit un objectif important, le TERREG menace la liberté d’expression et l’accès à l’information sur internet en donnant aux forces de l’ordre le pouvoir de décider de ce qui peut être dit en ligne, sans contrôle judiciaire indépendant préalable. Le risque d’excès et d’abus des forces de l’ordre en matière de suppression de contenu a été largement décrit, et augmentera inévitablement avec ce règlement. Cette législation renforce également l’hégémonie des plus grandes plateformes en ligne, car seules quelques plateformes sont actuellement en mesure de respecter les obligations prévues par le TERREG.

« La question de la modération des contenus en ligne est grave et la réponse ne peut être une censure policière technosolutionniste, simpliste mais dangereuse », déclare Bastien Le Querrec, juriste à La Quadrature du Net, l’ONG cheffe de file de la coalition.

La défense de l’affaire par le gouvernement français est attendue pour les prochains mois. La décision du Conseil d’État n’est pas attendue avant l’année prochaine.

La Quadrature du Net (LQDN) promeut et défend les libertés fondamentales dans le monde numérique. Par ses activités de plaidoyer et de contentieux, elle lutte contre la censure et la surveillance, s’interroge sur la manière dont le monde numérique et la société s’influencent mutuellement et œuvre en faveur d’un internet libre, décentralisé et émancipateur.

Le European Center for Not-for-Profit Law (ECNL) est une organisation non-gouvernementale qui œuvre à la création d’environnements juridiques et politiques permettant aux individus, aux mouvements et aux organisations d’exercer et de protéger leurs libertés civiques.

Access Now défend et améliore les droits numériques des personnes et des communautés à risque. L’organisation défend une vision de la technologie compatible avec les droits fondamentaux, y compris la liberté d’expression en ligne.

European Digital Rights (EDRi) est le plus grand réseau européen d’ONG, d’expert·es, de militant·es et d’universitaires travaillant à la défense et à la progression des droits humains à l’ère du numérique sur l’ensemble du continent.

ARTICLE 19 œuvre pour un monde où tous les individus, où qu’ils soient, peuvent s’exprimer librement et s’engager activement dans la vie publique sans crainte de discrimination, en travaillant sur deux libertés étroitement liées : la liberté de s’exprimer et la liberté de savoir.

Wikimédia France est la branche française du mouvement Wikimédia. Elle promeut le libre partage de la connaissance, notamment à travers les projets Wikimédia, comme l’encyclopédie en ligne Wikipédia, et contribue à la défense de la liberté d’expression, notamment en ligne.

QSPTAG #296 — 13 octobre 2023

vendredi 13 octobre 2023 à 14:15

Parmi les mesures contestables et contestées de la loi « visant à sécuriser et réguler l’espace numérique » (SREN), l’obligation des filtres anti-arnaques n’est pas la moindre. L’article 6 du projet de loi oblige les navigateurs web à bloquer les sites identifiés par les autorités administratives (la police) comme étant des arnaques (phishing, mineurs de Bitcoin, usurpation d’identité, etc.).

Aujourd’hui déjà, la police peut exiger que les plateformes et les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) censurent les contenus terroristes ou pédocriminels. Dans ce cas, les FAI paramètrent leurs serveurs DNS, chargés de traduire les URL des sites (www.laquadrature.net) en adresses IP (185.34.33.4). Après cette modification, le site n’est plus trouvable à partir de son URL et se trouve donc hors d’atteinte pour la grande majorité des internautes. Sauf si.
Sauf si l’internaute sait choisir son DNS et contourner l’interdiction en passant par un autre serveur. Il est donc tout à fait possible, et pas très difficile à vrai dire, de contourner une censure par DNS. C’est un procédé utilisé lorsque certains États bloquent les DNS nationaux, comme cela s’est vu lors des révoltes du Printemps arabe en 2011 par exemple.

Mais la solution choisie dans le projet de loi pour les « arnaques » implique directement le navigateur web de l’internaute. Les navigateurs incluent déjà des listes de sites ou de pages web malhonnêtes, sur lesquelles les utilisateurs pourraient croiser des virus ou des scripts malveillants. Si le navigateur détecte une tentative de connexion à l’une de ces pages « dangereuses », il prévient l’internaute, qui a le choix de passer outre à ses risques et périls. L’outil est donc envisagé à l’heure actuelle comme un service que les navigateurs choisissent de rendre à l’utilisateur, qui garde la main sur la décision finale.

Avec ce que le projet de loi SREN propose, les listes seraient non seulement tenues par la police, mais s’imposeraient surtout aux navigateurs. Une pratique très différente dans sa philosophie, et qui ouvre la porte à tous les excès possibles, à la censure de sites politiques par exemple, quand le fait sera installé et qu’il suffira de l’étendre pour censurer à discrétion tous les sites « gênants ».
Plus de détails dans notre article paru le 5 octobre dernier, avant le vote de l’article 6 à l’Assemblée ce mercredi 11 octobre.

Lire l’article : https://www.laquadrature.net/2023/10/05/projet-de-loi-sren-et-filtre-anti-arnaque-les-navigateurs-comme-auxiliaires-de-police/

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QSPTAG #295 — 6 octobre 2023

vendredi 6 octobre 2023 à 16:03

Sensivic, couic

Voilà déjà deux ans que nous avons attaqué en justice et devant la CNIL l’initiative de la mairie d’Orléans qui voulait installer dans certaines rues les micros de surveillance de l’entreprise Sensivic pour détecter « des sons anormaux ». Des cris de misère, des ventres qui gargouillent, des protestations contre la suppression des services publics ? Non : des bruits de bombe de peinture, de bagarre, de verre brisé ou des éclats de voix. Petit problème : le système implique « d’analyser en permanence le son ambiant pour pouvoir détecter des anomalies ». N’allez pas raconter votre dernier secret amoureux dans les rues d’Orléans.

Suite à notre action, Sensivic (aujourd’hui en redressement judiciaire) et la ville d’Orléans ont reçu la visite de la CNIL qui a étudié de près cette surveillance. Finalement, par un courrier du 27 septembre dernier, l’autorité nous a informé qu’elle considère illégal le couple maléfique constitué par les caméras et les micros dans les rues. On détaille dans l’article pourquoi cette position est insatisfaisante à nos oreilles – les micros tout seuls seraient-ils donc plus acceptables ?

Lire l’article : https://www.laquadrature.net/2023/09/30/audiosurveillance-algorithmique-a-orleans-la-cnil-donne-raison-a-la-quadrature-sur-lillegalite-du-dispositif/

Affaire du « 8 décembre » : le chiffrement mis en procès

C’est un sujet grave dont nous parlons depuis le mois de juin dernier. Un groupe de sept personnes est inculpé du chef de terrorisme, pour diverses raisons sans lien apparent, et surtout sans trace d’un projet terroriste avéré. Mais les enquêteurs de la DGSI et le parquet national antiterroriste ne doutent pas de leur intuition et pensent que les intentions terroristes des inculpé·es sont d’autant plus certaines qu’elles sont cachées.

Et ce n’est même pas une blague : pour l’accusation, le fait que les accusé·es utilisaient des messageries chiffrées (Signal par exemple) et des disques durs chiffrés est la marque évidente d’une « culture de la clandestinité ». Encore plus fort : alors qu’elle a saisi tous les appareils électroniques des accusé·es, ordinateurs et téléphones, et qu’elle a pu lire 80 à 90 % de leur contenu, l’accusation prétend que les preuves d’un projet terroriste se cachent forcément dans les 10% restants, qui sont chiffrés. Comme le dit l’un des avocats d’une inculpée, « l’absence de preuve devient une preuve ».

L’histoire serait absurde si elle n’était pas très grave. D’abord, des vies ont été détruites : surveillance, prison, procès, emplois perdus, désastre psychologique. Et pour nous, les prémisses et les conséquences du raisonnement policier et judiciaire concernent tout le monde : tout le monde utilise des messageries chiffrées. Whatsapp par exemple, qui est le moyen de communication utilisé pour un très grand nombre de conversations amicales et familiales, est une messagerie chiffrée. Les journalistes, les lanceur·euses d’alerte, les militant·es politiques et syndicales, les chercheur·euses, les industriel·les, ont besoin de protéger leurs communications. Au quotidien, le secret des correspondances est protégé par le droit, comme principe de base de libertés civiles et du débat démocratique. Le droit à la vie privée est la condition sine qua non à l’exercice d’autres libertés fondamentales.

Si l’utilisation d’outils de chiffrement devenait, lors de ce procès et de son verdict, un élément incriminant ou aggravant, alors nous serions toutes et tous des terroristes, des malfaiteurs ou des comploteurs en puissance. Et si les outils de chiffrement était interdits, alors nos échanges numériques seraient accessibles à toutes les personnes malintentionnées et à toutes les polices. Cela n’est pas envisageable. C’est pourquoi nous suivons de très près ce procès, pour les droits de toutes et tous.

Lire l’article : https://www.laquadrature.net/2023/10/02/affaire-du-8-decembre-le-droit-au-chiffrement-et-a-la-vie-privee-en-proces/

La Quadrature dans les médias

Technopolice (reconnaissance faciale)

Technopolice (audiosurveillance algorithmique)

Technopolice (police prédictive)

Loi SREN (Espace numérique)

Règlement CSAR (Chat control)

Chiffrement et « 8 décembre »

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