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source: La Quadrature du Net

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Surveillance de tous les citoyens : le gouvernement a désormais carte blanche

mercredi 29 juillet 2015 à 14:40

Paris, 29 juillet 2015 — Le Conseil constitutionnel a rendu, jeudi 23 juillet, une décision historique par son mépris des libertés individuelles, du respect de la vie privée et de la liberté d'expression. Les «  sages » ont choisi de faire l'économie d'une analyse réelle de la proportionnalité des lois de surveillance et démontré ainsi leur volonté de ne pas enrayer le jeu politique, pour finalement endosser le rôle de chambre d'enregistrement.

Communiqué commun de l'Observatoire des Libertés et du Numérique (OLN)1

Pourtant, le Conseil constitutionnel avait reçu de nombreuses contributions des organisations citoyennes, via la procédure de la porte étroite, appelant à une analyse en profondeur de la loi et une censure de nombreuses dispositions, à commencer par les trop nombreuses et trop larges finalités. Bien sûr, le Conseil constitutionnel donne les limites de chacune des finalités, en renvoyant aux différents articles des différents codes (pénal et de procédure pénale, de la défense et de la sécurité intérieure). Toutefois ces finalités restent si larges que toute « atteinte à l'ordre public », comme la participation à une manifestation, peut faire l'objet d'une technique de renseignement. Ainsi, il reviendra aux services de renseignement puis à la CNCTR de définir dans l'urgence ce qui entre dans le champ des finalités, sans aucun contrôle judiciaire.

Par ailleurs, la validation de la mise à l'écart du juge affaiblit profondément le principe de séparation des pouvoirs, qui constitue pourtant une garantie démocratique fondamentale. Le juge judiciaire, garant des libertés individuelles, est totalement écarté. Quant au Conseil d'État, il pourra en principe être saisi de plaintes par les citoyens, concernant des procédures qui leur sont inconnues, puisque secrètes par nature. C'est dire si l'on est loin d'un droit de recours effectif !

Sur les techniques de renseignement, le Conseil constitutionnel choisit la démonstration par la tautologie : pur écho au gouvernement, il affirme que « ces dispositions ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée ». Quant aux risques liés au fonctionnement des algorithmes et aux faux-positifs, il se garde bien d'en mesurer les effets.

Le Conseil constitutionnel ne s'inquiète pas davantage du secret professionnel des avocats et parlementaires ou du secret des sources des journalistes. Il ne craint pas d'écrire que la collecte des métadonnées, dès lors qu'il ne s'agit pas du contenu des correspondances, ne porte pas atteinte au droit au secret des correspondances et à la liberté d'expression. Ainsi, il fait fi de la quasi-impossibilité de déterminer, par avance, si les données interceptées relèvent d'échanges professionnels ou personnels.

Ce n'est pourtant pas faute d'arguments juridiques étayés, ni de décryptages techniques mis à sa disposition par de nombreux mémoires 2. Pour n'avoir pas voulu voir la réalité concrète d'une terminologie nébuleuse — ce que sont, et ce que produisent un IMSI catcher ou une « boîte noire » — et pour n'avoir pas voulu la confronter, dans une analyse systématique, avec les articles de la Constitution qui consacrent pourtant la séparation des pouvoirs, le secret des correspondances et le droit au respect de la vie privée, le Conseil constitutionnel signe ici une double démission.

Ce ne sont finalement que les quelques dispositions qui crient à l'inconstitutionnalité — dont la surveillance internationale sans aucun contrôle de la CNCTR — ou qui heurtent des principes purement formels — une disposition budgétaire que l'on devra ranger dans la loi de finance plutôt que dans une loi ordinaire — qui ont retenu l'attention de la plus haute juridiction française. Le message est clair : le Conseil constitutionnel n'est pas un frein au « progrès décisif » (selon l'expression de Manuel Valls) que constitue la surveillance généralisée de la population.

L'Observatoire des libertés et du numérique condamne fortement cette dérive vers une société panoptique où tous les citoyens seront susceptibles d'être surveillés, et qui témoigne du naufrage d'un pouvoir aux abois prêt à bafouer les valeurs fondamentales de la République et œuvrant contre l'intérêt de tous en manipulant les peurs. Cette défaite doit résonner comme un appel pour tous les citoyens : mobilisons-nous toujours plus pour défendre nos libertés !

Honte sur la France : le Conseil Constitutionnel valide largement la loi Renseignement !

jeudi 23 juillet 2015 à 23:43

Paris, le 23 juillet 2015 —  En validant la quasi-totalité des mesures de surveillance prévues par la loi sur le renseignement votée le 25 juin dernier, le Conseil constitutionnel légalise la surveillance de masse et avalise un recul historique des droits fondamentaux. Les boîtes noires algorithmiques sont validées. Seule la surveillance internationale a été jugée non conforme à la Constitution.

Champ d'application, boîtes noires, éviction du juge, non protection du secret professionnel des avocats et autres professions protégées, ainsi que du secret des sources des journalistes, absence de toute transparence sur les abus constatés : la quasi-totalité des dispositions de la loi sur le renseignement sont déclarées conformes à la Constitution. Seule la surveillance internationale est censurée, ce qui risque paradoxalement de conforter les services de renseignement dans leurs pratiques sans aucune base légale.

Cette décision est extrêmement décevante. Les juges du Conseil constitutionnel ont décidé d'écarter sommairement les nombreux arguments soulevés dans la dizaine de mémoires transmis au Conseil constitutionnel par de nombreux acteurs de la défense des droits fondamentaux. Elle intervient alors qu'aujourd'hui encore, le comité des droits de l'Homme des Nations-Unies a publié un rapport condamnant vertement cette loi dangereuse.

À rebours de la vague de censure des législations européennes sur la surveillance, qui sont dénoncées les unes après les autres par de nombreuses juridictions, le Conseil constitutionnel a démissionné de son rôle de garant des droits et libertés. En refusant d'instaurer un contrôle effectif des services de renseignement, il consacre de fait un recul historique de la vie privée et de la liberté de communication, et contribue ainsi à saper les fondements même de la démocratie.

Ce soir, la raison d'État s'est brutalement imposée à l'État de droit.

Nous continuerons cependant le combat contre cette loi scélérate et toutes celles qui suivront partout où nous le pourrons, en particulier devant les institutions et juridictions européennes. Et puisque la France en est arrivée là, nous aiderons les citoyens à se protéger contre la surveillance de leur propre gouvernement.

Neutralité du Net : des améliorations sont encore possibles

jeudi 16 juillet 2015 à 11:14

Paris, 16 juillet 2015 — La commission ITRE du Parlement européen entérine le compromis adopté en trilogue le 30 juin dernier sur le règlement sur les télécommunications. Malgré les améliorations apportées au texte par rapport à la version du Conseil, le règlement comporte des failles et imprécisions qui pourraient porter atteinte aux droits des individus et des PME.

La commission ITRE du Parlement européen a voté pour le texte de compromis du trilogue du 30 juin dernier qui comporte des améliorations non négligeables, et assure un traitement égal et non discriminatoire du trafic dans le cadre de la fourniture de services d'accès à internet. Cette avancée avait été farouchement combattue par le Conseil qui s'est opposé jusqu'au bout à toute inscription de l'expression « neutralité du Net » dans le texte.

Le Parlement européen a ainsi beaucoup travaillé à conserver un texte protecteur des droits et de l'innovation. Malgré ses efforts, un certain nombre de failles ou imprécisions demeurent :

Par ailleurs, un point soulève des inquiétudes plus fortes encore : la censure par le blocage administratif de sites, fortement combattue par La Quadrature du Net est autorisée par le texte. Nous invitons les parlementaires européens à ne pas laisser subsister ce contournement du judiciaire potentiellement porteur d'atteintes graves à la liberté d'expression dans le texte final.

« Ce compromis est plus positif que les positions du Conseil ne le laissaient espérer, mais ses imperfections pourraient laisser trop de place aux entreprises de télécommunication qui chercheraient à contourner la neutralité du Net. La marge de manœuvre laissée aux autorités de régulation pour l'interprétation du règlement laisse aussi craindre une mise en œuvre hétérogène qui pourrait défavoriser certains citoyens ou certaines PME et irait à l'encontre d'un marché unique du numérique voulu par la Commission européenne. Quelques amendements déposés par les eurodéputés avant le vote en plénière permettraient de combler les lacunes du texte et de revenir à un équilibre favorable pour chacun ainsi que pour l'innovation et le développement du numérique dans l'Union européenne » déclare Agnès de Cornulier coordinatrice de l'analyse juridique et politique à La Quadrature du Net.

Voir notre analyse sur le wiki de La Quadrature du Net

Voir l'analyse co-signée avec EDRI, Access, Bits of Freedom et IT Politisk Forening

Surveillance : soutenons Netzpolitik contre les pressions du gouvernement allemand !

mercredi 15 juillet 2015 à 16:05

Paris, le 15 juillet 2015 — La Quadrature du Net dénonce avec force la tentative d'intimidation dont est l'objet le site allemand Netzpolitik, mis en accusation pour trahison par la justice allemande pour avoir diffusé des documents révélant l'extension de la surveillance de l'Internet par les services secrets allemands. La Quadrature apporte son soutien et son appui aux activistes allemands, qui défendent les libertés fondamentales et subissent pour cette raison la pression des autorités.

Le site de défense des droits fondamentaux allemand Netzpolitik a été mis en examen pour « trahison » le 10 juillet dernier sur demande du président des services de renseignement allemands. L'affaire sera menée par le procureur fédéral allemand en charge des questions d'espionnage et de terrorisme.

L'État allemand reproche aux activistes d'avoir publié dans deux articles, en février et avril 2015, des documents fuités décrivant les nouveaux moyens de surveillance déployés par les services de renseignement allemand. Des journaux allemands avaient auparavant révélé l'existence de cette élargissement des pouvoirs dévolus aux services, mais n'avaient pas publié de documents internes.

Au nom du droit à l'information, Netzpolitik revendique le droit de mettre à disposition du public les sources originales des programmes de surveillance qu'elle conteste, afin que les citoyens puissent avoir conscience de l'ampleur de la surveillance dont ils sont l'objet, quand bien même cette surveillance a pu être approuvée par les parlementaires.

La Quadrature du Net apporte son soutien aux défenseurs des libertés de Netzpolitik et condamne avec fermeté l'intimidation et les menaces judiciaires dont ils font l'objet. À l'heure où la loi française sur le Renseignement sanctionne la révélation d'actes de surveillance, même si ces actes sont illégaux, sans mettre en place aucun dispositif sérieux de protection des lanceurs d'alerte, il est fondamental de soutenir ceux qui œuvrent à l'information des citoyens.

« Les relations sont de plus en plus tendues entre défenseurs des libertés et services de renseignement appuyés par les pouvoirs publics. Invoquant la raison d'État, les services n'hésitent pas à en user dans l'objectif de faire taire toute tentative de contrôle démocratique des activités de surveillance. En Allemagne comme en France, les multiples révélations sur la surveillance nationale par nos propres services, ou extérieure par la NSA, se heurtent à des portes closes au nom du secret d'État. Les citoyens ont le droit d'être informés et le devoir de se révolter, et nous serons aux cotés de nos amis de Netzpolitik dans leur combat pour la défense des droits fondamentaux » déclare Philippe Aigrain, co-fondateur et membre du conseil d'orientation stratégique de La Quadrature du Net.

[NextINpact] Une autorité administrative indépendante comme bouée de la copie privée

mercredi 15 juillet 2015 à 14:16

Faut-il réformer la redevance copie privée, et si oui comment ? Après un rapport remis voilà quatre jours au ministère de la Culture, à l’occasion des 30 ans de la ponction, c’est au tour d’une mission parlementaire de rendre sa copie. Le document rédigé par le député Marcel Rogemont (PS) sera voté la semaine prochaine, mais il a été présenté hier à une brochette de députés. Quelles sont ses préconisations ? [...]

La situation est cependant pourrie à souhait. Les professionnels sont peu remboursés. Les consommateurs mal informés. Les barèmes sont opaques. La France caracole de plus en tête des perceptions, ce qui nourrit le marché gris. Paradoxalement, Marcel Rogemont n’est pas favorable à une harmonisation, craignant sans doute - comme les ayants droit - un recul des perceptions en France. [...]

Ferry-Fall oublie en outre de rappeler qu’une dizaine de barèmes ont été annulés par le Conseil d’État car ils étaient tout simplement illicites... De plus, comme le souligne le document, le contrôle du Conseil d’État (C.E.) se limite aux bugs les plus flagrants (les « erreurs manifestes d’appréciation » disent les spécialistes). Le rapporteur au C.E. s’était d’ailleurs lui aussi étonné des bidouilles en vigueur au sein de la Commission copie privée, notamment lorsque les études d’usages ont dû ignorer les pratiques de copie illicites, pour remplacer ce critère par la prise en compte du taux de compression. Comme par magie, les barèmes nouveaux étaient alors identiques au dixième de centime près aux anciens. [...]

http://www.nextinpact.com/news/95723-une-autorite-administrative-indepen...