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[NextINpact] Loi Numérique : les amendements « à suivre »

mercredi 13 janvier 2016 à 13:28

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Les députés membres de la commission des lois de l'Assemblée nationale viennent de déposer les premiers amendements au projet de loi numérique d'Axelle Lemaire. Tour d'horizon des principales propositions des parlementaires, dont l'examen débutera mercredi matin. [...]

Plus de 500 amendements ont été déposés au fil des derniers jours par les membres de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Un grand nombre d'entre eux vise à rectifier des aspects purement rédactionnels. D'autres tendent en revanche à remodeler en profondeur le projet de loi d'Axelle Lemaire, quand il ne s'agit pas d'introduire de nouvelles mesures en lien avec le numérique. Next INpact vous propose une sélection des amendements pouvant être considérés comme « à suivre ». Celle-ci sera progressivement mise à jour si de nouveaux amendements venaient à être mis en ligne sur le site de l'Assemblée nationale.[...]

Précisions sur la définition de la neutralité du Net. Plusieurs amendements ont été déposés afin de revoir le périmètre de la neutralité du Net, telle qu'elle devra être respectée par les opérateurs français (416, 243, 409, 410) [...]

http://www.nextinpact.com/news/98034-loi-numerique-amendements-a-suivre.htm

Promouvoir les communs – pour une société de la connaissance partagée et inclusive

mercredi 6 janvier 2016 à 14:18

Paris, le 6 janvier 2016 — La Quadrature du Net propose les amendements suivants au Projet de loi pour une République numérique, n° 3318, en commun avec les associations et personnalités listés ci-après.

Déclaration commune des organisations :

Les biens communs – ou communs – nourrissent depuis toujours les pratiques d’échange et de partage qui structurent la production scientifique et la création culturelle. Mais ils s’inscrivent aussi dans une perspective plus large de défense d’un mode de propriété partagée et de gestion collective des ressources, sur le modèle des“communaux”, ces ressources naturelles gérées par tous les individus d’une communauté. L’irruption massive du numérique dans la plupart des champs de l’activité humaine a permis de faciliter l’émergence de larges communautés distribuées, capables de se mobiliser pour créer et partager les savoirs. Ces communs de la connaissance sont autant de gisements d’initiatives, de créativité et de mobilisation des individus dans un but collectif.

Il n’existe aucun statut juridique – et donc aucune protection associée – pour le domaine commun dans le code de la propriété intellectuelle. En France, aucune « liberté de panorama » ne vient faire rempart à la privatisation de l’espace public, et l’absence d’une exception pour la fouille de textes et de données fait peser la menace de la création d’un nouveau droit d’accès aux informations, dont les chercheurs devraient s’acquitter auprès des éditeurs afin de pouvoir traiter de manière automatisée les données dont ils sont pourtant souvent les auteurs.

À l’occasion de la future loi sur le numérique, la libre diffusion des savoirs et de la culture pourrait à la fois être protégée et promue par un nouveau cadre juridique, adapté aux potentialités nouvelles offertes à notre société par l’arrivée d’Internet, afin d’en faire une société plus solidaire, plus équitable et plus émancipatrice.

À ce titre, l’avant-projet de loi présenté par le Gouvernement contient d’ores et déjà plusieurs avancées notables, il faut s’en féliciter. L’ouverture des données publiques y est largement soutenue, et l’accès ouvert aux publications scientifiques financées par l’argent public semble enfin à portée de vue, par la reconnaissance d’un droit d’exploitation secondaire pour les chercheurs. D’autres éléments du texte favorisent une diffusion plus large des informations et de la connaissance. L’inscription du droit à la portabilité des données, qui permet à l’utilisateur de ne pas se retrouver enfermé dans un écosystème captif et de faire lui-même usage de ses données, ou encore le maintien de la connexion Internet pour les personnes en incapacité de paiement en sont des exemples. Ils constituent autant de nouveaux chemins pour une politique d’inclusion qui vise à développer l’accès partagé aux connaissances et le pouvoir d’agir de tous.

Toutefois, l’opportunité de légiférer sur les grands principes qui fonderont notre « République numérique » nous appelle à être plus audacieux, afin de ménager une place plus grande pour les communs de la connaissance, qui doivent être protégés des tentatives d’exclusivités abusives. Plus généralement , c’est leur développement global qui doit être favorisé, afin d’en faire la matrice d’un changement général, redéfinissant les modes de production, de distribution des richesses et de rapport à la valeur. Cinq mesures en particulier, largement soutenues au cours de la consultation citoyenne menée par le Gouvernement sur l’avant-projet de loi, nous semblent mériter d’être réintroduites dans le projet de loi au cours du débat parlementaire :

La définition positive et la protection des communs de la connaissance

L’inscription de contenus librement accessibles dans le régime de l’article 714 du Code civil revêt un double intérêt : tout d’abord permettre une protection large du domaine commun informationnel, qui n’est ni inscrit dans la loi ni codifié aujourd’hui,ensuite réactiver la notion de chose commune au creuset des nouveaux enjeux de la société de l’information. La valeur économique d’une promotion du domaine commun,et plus particulièrement ses effets bénéfiques sur l’innovation et la croissance – notamment pour les plus petits acteurs – ont été démontrés empiriquement . Or le péril aujourd’hui est la fermeture et la création d’exclusivités abusives sur ce qui appartient à tous, alors même que c’est la circulation des connaissances, des informations, des données, mais aussi des œuvres qui a permis l’essor de l’économie numérique et l’apparition de formes nouvelles, voire alternatives, de création et de production au cœur de la diversité culturelle. On observe en effet un risque de développement des pratiques d’appropriation qui, sans cause légitime, compliquent ou interdisent de fait l’accès à des choses communes, notamment à travers ce que l’on appelle le “copyfraud” (la revendication illégitime de droits exclusifs sur une œuvre). Les exemples sont nombreux : il est ainsi fréquent que la numérisation d’une œuvre du domaine public, ou même le simple fait de la photographier, serve de justification pour revendiquer un droit d’auteur sur cette œuvre ! N’est-il pas étonnant – et c’est un euphémisme – que le département de la Dordogne ait pu revendiquer un droit d’auteur sur les reproductions de la grotte de Lascaux, 17 000 ans après la mort de ses créateurs ? Parce qu’il limite la diffusion et la réutilisation des œuvres qui composent le domaine public, le copyfraud constitue une atteinte aux droits de la collectivité toute entière.

La création d’un domaine commun volontaire

Un domaine commun informationnel ne pourrait toutefois être complet sans prise en compte de l’apport des nombreux développeurs qui contribuent aux logiciels libres ou des millions d’auteurs qui ont recours aux différentes solutions contractuelles de type Creative Commons aujourd’hui. Cette forme de gratuité coopérative basée sur la contribution et le partage rassemble de nombreuses communautés d’échange et crée une nouvelle forme de richesse, aussi bien économique que sociale. C’est elle qui donne au domaine commun informationnel son caractère vivant et dynamique. La création d’un domaine commun volontaire garantirait une protection effective contre les réappropriations. Ainsi, à l’instar du droit d’exploitation secondaire accordé aux chercheurs, le domaine commun volontaire serait un nouveau droit pour les auteurs, et plus largement, une nouvelle arme de défense face aux pressions qui peuvent résulter de la possibilité d’acquérir une exclusivité commerciale sur une œuvre.

La priorité aux logiciels libres et aux formats ouverts dans le service public national et local

Le recours aux logiciels libres et formats ouvert représente des avantages majeurs pour l’Etat, mais aussi pour les collectivités territoriales. L’auditabilité du code, la liberté d’étudier le fonctionnement du programme, la libre exécution du logiciel pour tous les usages, la possibilité de l’adapter et de l’enrichir, l’interopérabilité, l’évolutivité ou les capacités de mutualisation du code, sont autant de caractéristiques propres au logiciel libre qui garantissent une véritable souveraineté, une meilleure sécurité, mais aussi un plus grande flexibilité aux systèmes d’informations gérés publiquement. De plus, selon une récente étude, réalisée pour le compte du Conseil National du Logiciel Libre et du Syntec Numérique, le marché du logiciel libre représenterait en France plus de 50 000 emplois, pour une valeur estimée à 4,1 milliards d’euros en 2015.

La création d’une liberté de panorama

La liberté de panorama est une exception au droit d’auteur par laquelle il est permis de reproduire et de diffuser l’image d’une œuvre protégée se trouvant dans l’espace public, notamment les œuvres d’architecture et de sculpture. C’est l’une des exceptions optionnelles prévues par la directive européenne 2001/29/CE relative au droit d’auteur. Nombreux sont les pays, parmi nos voisins européens, qui ont fait le choix d’appliquer cette exception. Certains pays tels que le Royaume-Uni, l’Inde ou l’Australie disposent même d’une liberté de panorama qui s’étend jusqu’à l’intérieur des bâtiments publics. L’absence de liberté de panorama pose nécessairement la question de la privatisation de l’espace commun. Les Français n’auraient -ils pas un certain droit sur le patrimoine architectural national? D’autant plus lorsque la construction a engagé des fonds publics et que les artistes ont sciemment consenti à exposer leurs œuvres dans l’espace public. Un juste équilibre entre droit d’auteur et biens communs semble également souhaitable afin de favoriser le rayonnement culturel français sur Internet. En développant un meilleur accès à la connaissance, la liberté de panorama permettrait de mettre en valeur le travail des artistes, mais aussi de permettre des retombées économiques consécutives à ce supplément de visibilité que ce soit pour le tourisme en France ou pour les artistes eux-mêmes à travers l’obtention de nouvelles commandes.

L’autorisation de la fouille de textes et de données pour la recherche

L’exception pour la fouille automatique de données de texte (text et data mining) consiste à autoriser la recherche automatisée parmi un volume très important de textes ou de données : il est possible d’accéder à des résultats qui n’auraient pas pu être découverts par une autre méthode. Cela donnerait une force nouvelle à l’entrée de la recherche française à l’heure des mégadonnées (big data) et de réaliser des gains de productivité très importants, alors même que d’autres pays, comme le Royaume-Uni, le Japon et les Etats-Unis, ont pris une avance considérable dans ce domaine. La fouille automatisée de textes et de données, en tant qu’activité de lecture et d’extraction d’informations, est une pratique qui ne se distingue pas fondamentalement du relevé manuel des informations qui a toujours été effectué par la recherche. Pourtant, les grands éditeurs qui détiennent la majeure partie des publications scientifiques, peuvent aujourd’hui proscrire, par des solutions contractuelles, la fouille de textes et de données – notamment la copie provisoire, techniquement nécessaire afin de la réaliser – aux chercheurs, même lorsque ces derniers disposent d’un accès légal à l’ensemble des publications scientifiques comprises dans les bases de données fouillées.

PROJET DE LOI

Pour une République numérique.

(procédure accélérée)

AMENDEMENTS COMMUNS

A/ Définition positive et protection des communs de la connaissance

I. Relèvent du domaine commun informationnel :
1° Les informations, faits, idées, principes, méthodes, découvertes, dès lors qu’ils ont fait l’objet d’une divulgation publique licite, notamment dans le respect du secret industriel et commercial et du droit à la protection de la vie privée ;
2° Les oeuvres, dessins, modèles, inventions, bases de données, protégés par le code de la propriété intellectuelle, dont la durée de protection légale, à l’exception du droit moral des auteurs, a expiré ;
3° Les informations issues des documents administratifs diffusés publiquement par les personnes mentionnées à l’article 1 de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 et dans les conditions précisées à l’article 7 de la même loi, sans préjudice des dispositions des articles 9, 10, 14 et 15 de ladite loi.

Les choses qui composent le domaine commun informationnel sont des choses communes au sens de l’article 714 du Code civil. Elles ne peuvent, en tant que tels, faire l’objet d’une exclusivité, ni d’une restriction de l’usage commun à tous, autre que l’exercice du droit moral. Les associations agréées ayant pour objet la diffusion des savoirs ou la défense des choses communes ont qualité pour agir aux fins de faire cesser toute atteinte au domaine commun informationnel. Cet agrément est attribué dans des conditions définies par un décret en Conseil d’Etat. Il est valable pour une durée limitée, et peut être abrogé lorsque l’association ne satisfait plus aux conditions qui ont conduit à le délivrer.

II. Au troisième alinéa de l’article L.411-1 du code de la propriété intellectuelle, après les mots « protection des innovations, », il est inséré les mots : « pour la promotion de l’innovation collaborative et du domaine commun informationnel ».

B/ Le domaine commun volontaire

Le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle, de quelque nature que ce soit, peut autoriser l’usage commun d’un objet auquel ce droit est rattaché par le biais d’une manifestation de volonté à portée générale, à condition que celle-ci soit expresse, non équivoque et publique. Cette manifestation de volonté peut notamment prendre la forme d’une licence libre ou de libre diffusion. Elle ne peut être valablement insérée dans un contrat d’édition tel que défini à l’article L. 132-1.

Le titulaire de droits est libre de délimiter l’étendue de cette autorisation d’usage commun pour la faire porter uniquement sur certaines des prérogatives attachées à son droit de propriété intellectuelle. L’objet de cette manifestation de volonté fait alors partie du domaine commun informationnel tel que défini à l’article 8, dans la mesure déterminée par le titulaire de droit.

Cette faculté s’exerce sans préjudice des dispositions de l’article L. 121-1 du Code de propriété intellectuelle relatives à l’inaliénabilité du droit moral.

C/ La priorité aux logiciels libres et aux formats ouverts dans le service public national et local

Les services de l’État, administrations, établissements publics et entreprises du secteur public, les collectivités territoriales et leurs établissements publics donnent la priorité aux logiciels libres et aux formats ouverts lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation d’un système informatique.

D/ La liberté de panorama

L’article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
10°) Les reproductions et représentations des œuvres architecturales et des sculptures, réalisées pour être placées en permanence dans des extérieurs publics.

E/ Autoriser la fouille de textes et de données pour la recherche (text and data mining)

I. – L’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
Après le neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 10° Les copies ou reproductions numériques réalisées à partir d’une source licite, en vue de l‘exploration de textes et de données pour les besoins de la recherche publique, à l’exclusion de toute finalité commerciale. Un décret fixe les conditions dans lesquelles l’exploration des textes et des données est mise en œuvre, ainsi que les modalités de conservation et communication des fichiers produits au terme des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites »

II. – Après le cinquième alinéa de l’article L. 342-3 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Les copies ou reproductions numériques de la base réalisées par une personne qui y a licitement accès, en vue de fouilles de textes et de données dans un cadre de recherche, à l’exclusion de toute finalité commerciale. La conservation et la communication des copies techniques issues des traitements, au terme des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites, sont assurées par des organismes désignés par décret. Les autres copies ou reproductions sont détruites. »

État d'urgence : l'infamie ne doit pas cacher la mise en place d'un état policier

mardi 5 janvier 2016 à 14:33

Paris, le 7 janvier 2016 — Philippe Aigrain, cofondateur de La Quadrature du Net, a publié le 27 décembre dernier un texte personnel sur l'état d'urgence et la révision constitutionnelle proposée par le gouvernement. Nous le republions, pour prendre conscience, derrière les débats enflammés et souvent indécents sur la déchéance de nationalité, de la réalité et des risques de l'inscription dans la Constitution française de l'état d'urgence. Nous renvoyons également à l'excellente analyse publiée sur le sujet par le juriste Cédric Mas.


P. Aigrain,
photo M-L Nguyen, CC-BY-SA 2.5

Dans son blog du Monde, Thomas Piketty a caractérisé comme infamie le projet de déchéance de la nationalité pour les bi-nationaux même nés Français, projet dont il apparaît de plus en plus qu’il est poursuivi avec acharnement par François Hollande, y compris dans l’éventualité d’une opposition parlementaire. Thomas Piketty le décrit comme créant :

une inégalité insupportable et stigmatisante – en plus d’être totalement inutile et inefficace dans la lutte contre le terrorisme – pour des millions de Français nés en France1, dont le seul tort est d’avoir acquis au cours de leur vie une seconde nationalité pour des raisons familiales.

On pourrait ajouter qu’il représente aussi une dénégation majeure et porteuse des pires dérives et retours du refoulé : ce projet veut nier que ce sont bien des Français, ayant grandi dans l’état réel de nos sociétés qui commettent les crimes qui lui servent de prétexte. Tout comme ce sont des Français qui se servent de ces crimes pour déverser leur propre haine contre des populations entières.

Infamie il y a donc bien. Mais c’est sur autre chose que je veux insister ici. À considérer ce seul aspect de la révision constitutionnelle dont le projet a été adopté en Conseil des ministres le 23 décembre 2015, on risque de considérer le reste du projet comme anodin, alors qu’en réalité, si on le situe dans son contexte, il s’agit bel et bien d’une dérive gravissime vers la mise en place d’un état policier autoritaire.

De ce point, je suis surpris et choqué de lire sous la plume de nombreux juristes que l’inscription constitutionnelle de l’état d’urgence ne serait en elle-même pas choquante. Cela me paraît relever d’une incompréhension fondamentale de la situation des droits fondamentaux en France. La Constitution de 1958 ne comporte dans son texte proprement dit qu’un article établissant clairement un droit fondamental : l’article 66 qui affirme

Nul ne peut être arbitrairement détenu.

L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi.

Une interprétation ouverte de cet article a longtemps servi à la reconnaissance d’autres droits fondamentaux avant que le Conseil constitutionnel ne limite cet usage en affirmant par une série de décisions à partir de 1999 qu’il est d’interprétation stricte. Notons cependant au passage que ce n’est pas par hasard que les rédacteurs de la Constitution ont affirmé que seul le juge judiciaire est gardien de la liberté individuelle. La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, partie intégrante du socle de constitutionnalité, affirme d’autres droits fondamentaux, y compris le premier d’entre eux : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » que l’infamie piétine allègrement. Mais ces droits (par exemple la liberté d’expression définie à l’article XI) ne sont que faiblement défendus, que ce soit contre les abus de la loi (exemple des nombreux articles instituant une censure administrative de sites internet) ou contre les actes de police administrative ou les décisions du pouvoir politique. Ce malgré quelques sursauts comme la décision du Conseil constitutionnel du 10 juin 2009 sur la loi HADOPI.

Dans ce contexte de faiblesse structurelle de la défense constitutionnelle des droits fondamentaux, l’inclusion dans la Constitution de dispositions sur l’état d’urgence, loin de constituer un rempart contre des abus de l’état d’urgence ouvre la porte à une extension des atteintes aux droits qui lui sont associées à travers des lois de police. L’exposé des motifs de la révision constitutionnelle le reconnaît d’ailleurs :

Mais les mesures que cette loi [de 1955 sur l’état d’urgence], même modifiée, permet de prendre pour faire face à des circonstances exceptionnelles sont limitées par l’absence de fondement constitutionnel de l’état d’urgence.

Par ailleurs, le seul recours contre des abus sera le juge administratif. À répétition Bernard Cazeneuve et Jean-Jacques Urvoas prétendent que le juge administratif serait aussi ou plus défenseur des libertés que le juge judiciaire. Il s’agit d’une novlangue particulièrement scandaleuse. Dès qu’il y a invocation de la raison d’État et de l’ordre public, c’est tout le contraire.

Il faut crier haut et fort notre rejet absolu des menaces que font peser cette perspective sur nos libertés (menaces avérées dans la loi sur l’état d’urgence du 20 novembre 2015 et les abus innombrables relevés depuis le 14 novembre 2015, menaces prévisibles au vu des diverses lois de police annoncées). Il faut crier non moins fort notre indignation qu’on débatte à partir du 3 février de la constitutionnalisation de l’état d’urgence en situation d’état d’urgence, c’est-à-dire avec une possibilité discrétionnaire pour le pouvoir politique d’interdire les manifestations de défense des libertés. L’état policier n’est pas une perspective lointaine. Il est là si nous ne lui fermons pas la porte.

Lettre ouverte aux gouvernements du monde : protégeons le chiffrement !

lundi 4 janvier 2016 à 16:17

Paris, le 4 janvier 2016 — La Quadrature du Net s'est associée a des organisations et personnalités du monde entier en signant cette lettre ouverte aux gouvernements, pour les encourager et les inciter à promouvoir les techniques de chiffrement des communications et des systèmes informatiques. Le texte original et la liste des signataires peuvent être consultés sur le site « SecureTheInternet.org ».

Nous vous exhortons à protéger la sécurité de vos citoyens, de votre économie et de votre gouvernement, en soutenant le développement et l'usage d'outils et de technologies de communication sûrs, et en refusant toute mesure susceptible d'empêcher ou d'affaiblir l'utilisation d'un chiffrement fort, ainsi qu'en incitant les autres chefs de gouvernement à faire de même.

Les outils, technologies et services de chiffrement sont essentiels pour protéger notre infrastructure numérique et nos communications personnelles des intrusions indésirables. Le développement et l'utilisation libres du chiffrement sont aujourd'hui devenus la pierre angulaire de l'économie mondiale. A l'ère numérique, la croissance économique repose sur la capacité à faire confiance et à authentifier nos interactions, et à nous livrer à des activités commerciales en toute sécurité, à l'échelle nationale comme transnationale.

Certains des plus éminents experts et techniciens du chiffrement ont récemment expliqué que les lois ou politiques affaiblissant le chiffrement vont « forcer l'abandon des bonnes pratiques déjà en vigueur aujourd'hui et qui rendent Internet plus sûr », « augmenter significativement la complexité » des systèmes et les coûts associés, et « créer des cibles concentrées qui attireront les acteurs malveillants ». L'absence de chiffrement facilite l'accès à des données personnelles sensibles, notamment les informations d'identité et les données financières, par des criminels et autres acteurs malintentionnés. Une fois obtenues, les données sensibles peuvent être revendues, rendues publiques, ou utilisées à des fins de chantage ou de manipulation. De plus, des appareils ou du matériel insuffisamment chiffrés sont des cibles de choix pour les criminels.

Le Rapporteur spécial des Nations Unies pour la liberté d'expression a relevé : « le chiffrement et l'anonymat, et les concepts protecteurs qui en découlent, fournissent la confidentialité et la sécurité nécessaires pour l'exercice du droit à la liberté d'opinion et d'expression à l'ère numérique. » Alors que nous nous dirigeons vers la connexion du prochain milliard d'utilisateurs, des restrictions sur le chiffrement dans tout pays auraient probablement un impact global. Le chiffrement et autres technologies d'anonymisation permettent aux avocats, journalistes, lanceurs d'alerte, et organisateurs de communiquer librement au-delà des frontières et de consolider leurs communautés. Ils assurent également aux utilisateurs l'intégrité de leurs données et authentifient les individus auprès des entreprises, des gouvernements, et de leurs concitoyens.

Nous vous encourageons donc à soutenir la sûreté et la sécurité des utilisateurs en renforçant l'intégrité des communications et des systèmes informatiques. Tous les gouvernements devraient donc refuser les lois, mesures, mandats ou autres pratiques, y compris les accords secrets avec des entreprises, qui limitent ou affaiblissent l'accès au chiffrement ainsi qu'aux autres outils et technologies de communication sécurisés. Les utilisateurs devraient avoir le choix d'utiliser, et les entreprises de proposer, les méthodes de chiffrement les plus efficaces actuellement disponibles, y compris le chiffrement de bout en bout, sans craindre de voir les gouvernements les contraindre à fournir un accès au contenu, aux métadonnées ou aux clés de chiffrements, si ce n'est dans le respect à la fois de la procédure judiciaire et des droits de l'Homme.

C'est pourquoi :

  • Les gouvernements ne devraient pas interdire ou limiter de quelque façon que ce soit l'accès au chiffrement, ni interdire la mise en oeuvre ou l'utilisation du chiffrement en fonction de son standard ou de son type ;
  • Les gouvernements ne devraient pas imposer la création ou la mise en service de « backdoors » (portes dérobées) ou de failles dans les outils, les technologies ou les services ;
  • Les gouvernements ne devraient pas imposer que les outils, les technologies et les services soient conçus ou développés de façon à permettre à des tiers d'accéder aux données non chiffrées ou aux clés de chiffrement ;
  • Les gouvernements ne devraient pas chercher à affaiblir ou à dégrader les standards de chiffrement, ni à influencer intentionnellement l'établissement de standards de chiffrement, hormis dans le sens d'une amélioration de la sécurité de l'information. Nul gouvernement ne devrait imposer des algorithmes, standards, outils ou technologies de chiffrement insuffisamment sûrs ; et
  • Les gouvernements ne devraient pas, par des accords publics ou privés, forcer ou pousser une entité à des activités qui violeraient les principes ci-dessus.

Un chiffrement robuste et le déploiement d'outils et de systèmes sûrs qui reposent sur le chiffrement sont cruciaux pour améliorer la sécurité sur Internet, renforcer l'économie numérique, et protéger les utilisateurs. Pour continuer à tirer parti d'Internet comme moteur de croissance et de prospérité mondiales, et comme outil d'émancipation et d'activisme, il est nécessaire de pouvoir communiquer de manière confidentielle et sécurisée sur des réseaux de confiance.

En espérant travailler ensemble vers un avenir plus sûr.

Cordialement,

Campagne de dons 2015 : mille mercis et rendez-vous en 2016 ! <3

mardi 22 décembre 2015 à 18:28

Paris, le 22 décembre 2015 — La campagne de dons 2015 de La Quadrature s'achève sur une grande satisfaction : notre budget pour l'an prochain est assuré, et nous pouvons meme espérer pouvoir renforcer nos actions !
La Quadrature du Net remercie très chaleureusement ses donateur-trices du soutien apporté et s'engage à poursuivre avec ardeur et intransigeance ses combats pour la défense des droits fondamentaux.

Cher-e-s donateurs-trices,

campagne 2015

Lorsque nous avons lancé le 4 novembre dernier notre campagne annuelle de dons, nous espérions que vous seriez nombreux à répondre à notre appel, afin de nous permettre de continuer l'an prochain le travail indispensable de défense des libertés dans l'espace numérique que nous menons depuis 2008.

En effet, la campagne 2014 avait été difficile et ce n'est que grace à un sursaut inespéré de très nombreux donateur-trices (fin décembre) que nous avons pu poursuivre nos actions. Cette année, après de très dures campagnes politiques contre les lois de surveillance, nous avons à nouveau appelé à nous soutenir en espérant que réunir notre budget serait chose moins ardue.

Nous ne pouvions évidemment imaginer quelle serait la situation dix jours plus tard après le 13 novembre et à quel point nos combats s'intensifieraient encore, en pleine période d'état d'urgence. Nous avons choisi de mettre la priorité sur une dénonciation claire de cet état d'urgence et des restrictions de libertés, ainsi que des dérives institutionnelles qu'il entraine, au péril de notre financement.

Et vous avez pris magnifiquement le relais, prenant en charge notre campagne de dons et la faisant circuler, vous engageant jour après jour plus nombreux-ses pour nous permettre de continuer, faisant vôtres nos besoins et nos actions.

Nous sommes infiniment touchés par votre engagement, qui est notamment passé par un très grand nombre de nouveaux donateurs-ices récurrents !

Aujourd'hui nous pouvons débuter 2016 avec l'assurance de poursuivre nos actions, et peut-etre même de les amplifier en renforçant notre équipe, prioritairement sur nos campagnes internationales comme nous l'avions annoncé.

Un immense merci à tous ! Votre soutien est pour nous une forme d'approbation de nos actions, et un encouragement à les poursuivre avec toujours plus de force et de rigueur.

Nous espérons continuer à répondre à vos attentes en 2016, et nous vous assurons de toute notre reconnaissance et de notre enthousiasme pour nos futures campagnes.

Datalove ! <3

Le conseil d'orientation stratégique :
Philippe Aigrain, Benjamin Bayart, Laurent Chemla, Lionel Maurel, Yoann Spicher, Benjamin Sonntag, Félix Tréger, Laurence Vandewalle et Jérémie Zimmermann.
Et l'équipe opérationnelle de La Quadrature du Net :
Adrienne Charmet, Agnès de Cornulier, Baptiste Dagneaux, Mathieu Labonde, Okhin, Lori Roussey et Christopher Talib.

PS : si vous souhaitez poursuivre vos dons, nous vous invitons à soutenir d'autres associations défendant les libertés dans l'espace numérique, et particulièrement nos amis de l'APRIL, de Framasoft et de Nos Oignons ou d'autres !

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