PROJET AUTOBLOG


La Quadrature du Net

source: La Quadrature du Net

⇐ retour index

Une avancée importante pour le droit de savoir et une occasion manquée pour les droits culturels

jeudi 8 octobre 2015 à 11:18

Paris, 8 octobre 2015 — La Quadrature du Net republie ici la contribution que Philippe Aigrain et Edwy Plenel ont effectuée en annexe au rapport de la Commission ad-hoc de réflexion et de proposition sur le droit et les libertés à l'âge numérique, rapport remis au président de l'Assemblée nationale aujourd'hui. Cette contribution est également mise en ligne dans l'édition Libres enfants du numérique de Mediapart.


Informaticien pour l’un, journaliste pour l’autre, tous deux acteurs du débat public, nous avons participé assidûment aux travaux de la Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, depuis sa création en juin 2014. Nous l’avons fait au nom des engagements qui sont les nôtres, au sein de l’association La Quadrature du Net pour Philippe Aigrain, du journal en ligne Mediapart pour Edwy Plenel, deux entités toutes deux créées en 2008 qui ont en commun une défense entêtée des droits individuels des usagers et des libertés collectives des citoyens à l’heure des immenses bouleversements économiques, démocratiques, culturels, géopolitiques, écologiques, etc., qu’accompagne ou provoque la révolution multidimensionnelle dont le numérique est le moteur.

Venus de la société civile, qui plus est de la culture démocratique participative propre à l’univers du Net, nous lui devons un compte-rendu.

1. La question démocratique

Sans autre expérience que celle liée à nos professions et métiers, ce n’est pas sans appréhension ni réserve que nous avons fait le pari de cette réflexion collective, entre députés élus dont la légitimité institutionnelle est un fait acquis et « experts » désignés dont les légitimités peuvent toujours être contestées par d’autres compétences. De ce point de vue, nous devons donner acte à nos deux co-présidents, le député Christian Paul et l’avocate Christiane Féral-Schuhl, d’avoir su créer un climat fructueux d’échange, de participation et de délibération, qui a presque toujours permis de dégager des majorités d’idées, soucieuses d’ouvrir des perspectives partagées dans le souci du bien commun.

Ce fut notamment le cas quand notre Commission fut d’emblée mise à l’épreuve par l’accélération, sous la pression du pouvoir exécutif, d’un agenda parlementaire strictement sécuritaire, à rebours de l’intitulé même de notre instance. Mise en cause de l’État de droit et régression des libertés acquises étaient en effet à l’ordre du jour de la nouvelle – et énième – loi antiterroriste de l’automne 2014 tout comme de la loi relative au renseignement du printemps 2015 – impulsée sous le choc des attentats de janvier. Dans les deux cas, notre Commission a su faire front, en adoptant des recommandations transpartisanes où majorité et opposition parlementaires se sont retrouvées avec des citoyen-ne-s, eux aussi de sensibilités diverses, venus de la société civile sur les mêmes inquiétudes face aux risques d’un pouvoir de police sans contrôle fiable ni limite solide.

Ce consensus, qui ne fut pas très difficile à obtenir, a mis en évidence le fossé grandissant entre une minorité de parlementaires avertis du numérique, familiers de ses usages et curieux de ses inventions, et une majorité de leurs collègues prompts à le diaboliser par peur de la modernité et par méconnaissance de ses réalités. Car c’est peu dire que nous n’avons pas été entendus : les avis de la seule Commission de l’Assemblée nationale où étaient représentées des expertises variées, concrètes et documentées, venues du numérique, de son économie comme de sa démocratie, furent tenus pour quantité négligeable lors des débats dans l’hémicycle. Au lieu de quoi, l’émotion, le fantasme et le simplisme – bref, la politique de la peur – ont tenu lieu de réflexion. A cette occasion, le pouvoir exécutif a confirmé sa tentation absolutiste faute de ce contre-pouvoir vivant et vigilant qu’aurait représenté un parlementarisme libéré de la servitude du présidentialisme.

Si notre Commission a pu si facilement s’accorder, à la fois dans son refus d’évidentes régressions démocratiques et dans sa demande d’un sursaut radicalement inverse, c’est qu’elle partage cette conviction, affirmée dès les premières lignes de son rapport final, que la révolution numérique appelle l’invention d’une nouvelle culture démocratique, plus approfondie, plus horizontale, plus partagée. Bien au-delà des étiquettes partisanes, tant la ligne de clivage traverse toutes les familles politiques, les débats autour des enjeux inédits soulevés par les bouleversements en cours de façon de plus en plus accélérée mettent en évidence la faiblesse de notre écosystème démocratique, ses retards et ses fragilités. Tandis que nos travaux s’efforçaient d’affronter patiemment ce défi, qui est au ressort de notre sourde crise politique, de ses silences comme de ses impatiences, les coups de force sécuritaires imposés en urgence par le gouvernement, sans expertise fouillée ni bilan véritable des dispositions déjà en vigueur – et de leurs échecs manifestes –, témoignaient de ce que notre pays est encore, hélas, une démocratie de basse intensité, superficielle, verticale et confisquée, tant elle dépend de la volonté d’un seul, en lieu et place de la mobilisation de tous.

2. Le droit de savoir

« La démocratie, soulignait à l’inverse Pierre Mendès France dans La vérité guidait leurs pas 1, c’est beaucoup plus que la pratique des élections et le gouvernement de la majorité : c’est un type de mœurs, de vertu, de scrupule, de sens civique, de respect de l’adversaire ; c’est un code moral. » Il reviendra, espérons-le, à d’autres assemblées de fonder, institutionnellement, cette culture démocratique nouvelle qui nous libérera de la fascination pour le pouvoir personnel où s’épuise, voire se nécrose, notre vie publique. Mais, sans attendre cette échéance, la démocratie est déjà notre affaire, ici et maintenant. Le principal acquis des travaux de notre Commission et de son rapport final est de l’affirmer fortement et concrètement sur le terrain de deux libertés fondamentales, sans l’épanouissement desquels l’exercice du droit de vote peut n’être qu’une comédie des apparences, une liberté minée de l’intérieur parce que corrompue par les propagandes et les mensonges, les illusions idéologiques ou communicantes : le droit de savoir et la liberté de dire.

En plaçant la question du droit de savoir – droit de connaître tout ce qui est d’intérêt public, droit d’accès, droit de communication, droit de diffusion, etc. – avant celle de la liberté de dire – liberté d’expression, d’opinion, de conviction, de point de vue, etc. –, notre rapport met l’accent sur une question politique centrale que posait Hannah Arendt dans un texte célèbre de 1967, Vérité et politique : « La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat ». Posant que les « vérités de fait », qu’il s’agisse du présent ou du passé, sont « les vérités politiquement les plus importantes », la philosophe mettait au centre de la vie démocratique la question du libre accès des citoyens aux informations d’intérêt public qui, les concernant au premier chef, ne sauraient être confisquées par les pouvoirs, étatiques ou économiques, nationaux ou transnationaux, tenues au secret ou couvertes par l’opacité. S’appuyant sur les potentialités nouvelles – d’accès facile, d’archivage infini et de partage démultiplié – ouvertes par les technologies numériques, notre rapport met en évidence l’immense retard démocratique de la France en ce domaine du droit à l’information.

Tel est pour nous l’acquis principal de ce rapport dont nous appelons tous les citoyen-ne-s à se saisir : exiger la consécration d’un droit fondamental à l’information d’intérêt public, non seulement par la loi mais par diverses dispositions qui sont détaillées dans les propositions énoncées. Loin d’en faire un enjeu limité aux métiers de l’information, elles placent cette question du droit de savoir au ressort de la vie démocratique, comme un enjeu citoyen que le surgissement des lanceurs d’alerte concrétise. C’est donc à la société de s’emparer de ce qui est ici affirmé et revendiqué, tant il est à craindre que ce rapport, hélas, reste lettre morte. De fait, malgré ses engagements électoraux de 2012, l’actuelle majorité parlementaire, réduite à sa discipline présidentielle, a pour l’heure remisé sa promesse d’une nouvelle loi protégeant réellement le secret des sources, alors même qu’elle adoptait une loi sur le renseignement qui, potentiellement, le met en péril.

Les quatre premières parties de ce rapport ont donc notre entière approbation, avec le souhait qu’elles servent de base, demain ou après-demain, à ce sursaut démocratique dont notre pays a urgemment besoin, en redonnant au peuple lui-même la capacité d’inventer et de délibérer de façon informée, par l’accès le plus large aux savoirs et aux connaissances. En revanche, tout en approuvant avec ses limites le compromis final énoncé dans la cinquième partie, nous regrettons que, faute de temps et de débats, notre Commission ait échoué à produire une avancée de la même ampleur sur la question des droits culturels.

3. Les droits culturels

Le contexte

L'irruption du numérique, a représenté un véritable séisme pour la réflexion sur les droits à l'égard des œuvres, notamment à partir des années 1990, lorsque l'usage massif du Web s'est ajouté à celui de l'informatique. Vingt ans plus tard, un fossé considérable s'est creusé entre le droit et les pratiques culturelles, mais aussi entre les différents acteurs de ce qui est devenu un écosystème complexe, où s'affrontent et s'allient aujourd'hui au moins quatre catégories d'acteurs : le public, les contributeurs à la création (auteurs, interprètes, techniciens), les éditeurs et producteurs et enfin les distributeurs et fabricants de matériels et logiciels pour ces matériels. Par ailleurs, des acteurs institutionnels comme les sociétés de perception et de répartition de droits, qui jouent ou pourraient jouer un rôle important de gestion collective pour tous les créateurs sont souvent contrôlés par les éditeurs, les héritiers et les gros bénéficiaires et interviennent de façon dominante dans le lobbying concernant l'évolution du droit d'auteur.

Nous voulons ici affirmer avec force qu'il est possible de servir ensemble les droits des auteurs et autres contributeurs à la création, le financement des activités créatives, le partage et la diversité de la culture. Mais que ce n'est possible qu'à condition de dépasser certaines incompréhensions concernant ce qui est en jeu dans l'espace numérique et de rompre avec certains dogmes.

Face à l'irruption du numérique, la réaction des acteurs en place a été marquée par un contresens majeur mais compréhensible. Ils ont été obnubilés par la perte de leur contrôle sur la circulation des œuvres, et sidérés que cette perte s'effectue au profit de ceux-là mêmes qui sont leurs clients : les individus qui apprécient les œuvres.

Les industries culturelles lancèrent ainsi une campagne pour empêcher les individus de partager les œuvres entre eux et pour pouvoir contrôler dans le détail leurs usages de celles-ci aux moyens de dispositifs techniques. Elles appelèrent « respect des droits d'auteur (ou du copyright) » et adaptation de ceux-ci à l'ère numérique cette offensive pour empêcher le développement de pratiques constitutives du Web (la copie, le partage, la réutilisation) lorsqu'elles portaient sur des œuvres soumises au droit d'auteur, même lorsque ces pratiques se développaient sans but de profit. Cette approche reposait sur diverses erreurs ou omissions :

Le bilan de l'approche qui fut activement poursuivie par les pouvoirs exécutifs et acceptée par les législateurs est fort peu satisfaisant :

Puisque le passé est déjà écrit, peut-on faire mieux dans le futur ? Nous en sommes convaincus, et nous sommes convaincus que c'est à cette condition qu'une vraie adaptation du droit d'auteur au numérique sera possible.

Comprendre l'écosystème et y favoriser de nouvelles synergies

Revenons aux quatre catégories d'acteurs listées plus haut, et prenons acte des profondes transformations que le numérique y a provoquées.

Comment sortir de ce cycle infernal où les seuls bénéficiaires sont les acteurs oligopolistiques, principalement les plateformes, secondairement les majors de l'édition ? C'est évidemment en reconnaissant enfin des droits au public et en construisant et soutenant des synergies positives entre lui, les auteurs et interprètes et les acteurs éditoriaux et de médiation innovants.

Repartir du socle des droits fondamentaux

Tout au court du travail de la commission, nous nous sommes basés sur les droits culturels fondamentaux. Définis dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme (article 27) et dans le Pacte des droits sociaux économiques et culturels (article 15 notamment), ils affirment en parallèle les droits de chacun à participer à la vie culturelle de la cité et ceux des auteurs — au sens large — à voir leurs intérêts moraux et matériels protégés. Sur ce dernier point, la déclaration comme le pacte sont agnostiques en ce qui concerne les moyens à employer, droits exclusifs ou toute autre méthode.

Les droits fondamentaux doivent à chaque époque être interprétés en prenant en compte les conditions concrètes de leur exercice. C'est d'ailleurs ce qu'a fait le Conseil Constitutionnel lorsque dans sa décision du 10 juin 2009 il a affirmé l'accès à internet comme condition de l'exercice du plus important de tous les droits du point de vue de la démocratie, la liberté de pensée et d'expression. La prise en compte des droits culturels appelle le même effort d'actualisation. Conscients que cette prise en compte qui suppose une réorientation du cours dominant de l'évolution des droits ne serait que progressive, nous avons mis sur la table une approche pragmatique et modérée, minimale, même. Tout en invitant le législateur à animer les débats futurs sur une définition plus large des droits culturels des individus dans la sphère non marchande, nous lui avons recommandé de faire de petits pas dans la direction des droits minimaux des usagers et des auteurs, selon quatre aspects.

Quand même les droits les plus minimaux sont rejetés

Notre approche était si pragmatique que nous avons proposé nous-mêmes de renoncer au troisième volet que nous jugeons pourtant essentiel pour une véritable « mutation numérique » du droit d'auteur. Malgré cela, nous nous sommes heurtés en ce qui concerne les droits d'usage minimaux à une opposition de principe d'un petit nombre de membres de la Commission opposant la lettre du droit existant à ce que nous affirmons être les conditions réelles de son application.

Pourquoi un tel blocage ?

Le droit d'auteur n'était certainement pas le seul sujet traité par notre commission pour lequel existaient des divergences de vue entre ses membres. Cependant, d'autres cas, la mission d'expliciter de nouveaux droits pour l'âge numérique a prévalu, et nous devons remercier les membres de la commission qui ont ainsi permis que des recommandations fortes et claires soient formulées.

Quelle est donc la spécificité du droit d'auteur de ce point de vue ? Quels facteurs ont joué pour aboutir à une telle crispation en faveur du statut quo ? Il est probable que la prévalence d'une approche juridique centrée le droit matériel existant et non sur son devenir souhaitable a joué. Mais une autre source de blocage provient de ce que l'objet réel des débats sur le droit d'auteur est en réalité plus large que son appellation le laisse supposer. Dans de très nombreux cas, il ne s'agit pas des droits des auteurs mais aussi des intérêts des éditeurs, producteurs, distributeurs ou fournisseurs de technologies et services ou plus récemment des droits — ou de leur absence — pour le public. Nous espérons que notre contribution aura contribué à rendre visible cet élargissement du champ, à y cerner synergies et contradictions et qu'elle contribuera au développement d'une culture des droits culturels fondamentaux en France et en Europe.

Philippe Aigrain et Edwy Plenel

Proposition ambigue sur la neutralité du Net renvoyée au Parlement européen - Les organisations citoyennes appellent à l'action

mardi 6 octobre 2015 à 18:38

Bruxelles, 6 octobre 2015 — Suite à la conclusion, plus tôt cette année, d'un compromis ambigu portant sur la neutralité du Net et les frais d'itinérance des téléphones portables, la proposition de règlement sur le Marché unique des télécommunications [EN] a finalement été renvoyée au Parlement européen pour son approbation finale.

La neutralité du Net est le principe selon lequel tout le trafic internet doit être traité de façon égale par les fournisseurs d'accès Internet. En assurant un accès équitable à Internet dans sa totalité, la neutralité du Net permet la liberté d'expression et d'information en ligne.

Au cours de la dernière semaine d'octobre, le Parlement sera appelé à voter un texte contenant des principes positifs interdisant la plupart - mais pas toutes - des discriminations sur la toile. L'imprécision du texte laisse la porte ouverte à de nombreuses formes de comportements discriminatoires. On fait donc face à un « processus décisionnel dévoyé » duquel les principales décisions ont été retirées.

« Le Parlement européen est face à un choix simple » , selon Joe McNamee, Directeur exécutif de European Digital Rights (EDRi). « Soit il accepte les amendements afin de donner un sens réel et prévisible au texte, soit il laisse les régulateurs nationaux décider si, quand et comment les Européens obtiendront la neutralité du Net. »

Par exemple :

« Avec nos co-signataires, nous appelons tous les citoyens européens à passer d'urgence à l'action maintenant, via SaveTheInternet, afin de porter ces lacunes à l'attention du Parlement européen », poursuit Joe McNamee.

Contexte :

Safe Harbor : collecte abusive de données et surveillance de masse invalidées par la Cour européenne !

mardi 6 octobre 2015 à 12:00

Paris, le 6 octobre 2015 — Par une décision rendue publique ce matin, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), plus haute juridiction de l'Union, a invalidé le Safe Harbor. Cet accord, permettant le transfert de données personnelles entre l'Europe et les États-Unis, en application depuis 2000 dans différentes versions, autorisait le traitement par les entreprises américaines des données des citoyens européens, avec des garanties encore plus faibles que celles existantes en Europe. L'autrichien Max Schrems a attaqué Facebook en estimant que la surveillance exercée par la NSA sur les données hébergées par Facebook affectait ses libertés et sa vie privée. La CJUE lui a aujourd'hui donné raison, en invalidant le Safe Harbor et en jugeant que la Commission avait abusé de son pouvoir en l'approuvant. Elle a aussi affirmé qu'une autorité locale de protection des données avait capacité à contester un accord européen si les garanties offertes aux citoyens avaient été modifiées.

emblême CJUE

C'est un jugement historique ! En reconnaissant que la surveillance exercée par la NSA sur les données personnelles hébergées aux États-Unis portait préjudice aux citoyens européens, la CJUE met en application ce que les organisations de défense des droits et les parlementaires européens appelaient de leurs vœux : les conditions de transfert de données personnelles doivent être revues, à la lumière des législations sur la surveillance et des pratiques qui ont été mises au jour par Edward Snowden. En invalidant le Safe Harbor et en mettant les autorités de régulation en capacité d'examiner des demandes individuelles contre le transfert de données, c'est un signal fort envoyé à la Commission européenne qui renégocie en ce moment cet accord du Safe Harbor, mais également aux gouvernements qui mettent en place des mesures de surveillance. Ces mesures sont bien reconnues comme portant atteinte aux libertés fondamentales, et ce dès qu'il y a potentialité de collecte et de conservation1 des données (sans qu'il soit indispensable de prouver qu'on a effectivement fait l'objet d'une surveillance).

La Quadrature du Net salue ce jugement courageux de la CJUE, et appelle à en appliquer les principes aux différents dossiers législatifs en cours concernant les données personnelles et la surveillance :

« C'est un message clair qui est ici envoyé par la CJUE, après son jugement de 2014 sur la rétention des données : par deux fois en 18 mois, la CJUE estime que la collecte et la conservation des données à des fins de surveillance est contraire aux droits fondamentaux. Nous appelons les législateurs français et européens à en tirer les conclusions nécessaires, à travailler à la protection des citoyens à l'intérieur de l'Union et à revenir sur les législations de surveillance actuellement votées dans différents pays européens, notamment en France » déclare Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes de La Quadrature du Net.

Propositions de La Quadrature du Net pour la consultation du projet de loi pour une République numérique

vendredi 2 octobre 2015 à 17:59

Paris, le 2 octobre 2015 — La consultation publique sur l'avant-projet de loi numérique a pour objectif de faire remonter les demandes des citoyens et organisations quant aux améliorations à apporter sur le texte du projet de loi.

Bien que prudente sur le processus et attendant de voir ce qui sera effectivement retenu dans le projet de loi final, La Quadrature du Net soumet plusieurs propositions d'amélioration des articles existants et ajouts de nouveaux articles, et invite les citoyens à appuyer ses propositions.

Les propositions de modification de l'avant-projet de loi « pour une République numérique » mises en ligne par La Quadrature du Net s'appuient sur le travail effectué depuis 2008 en matière de propositions positives pour un internet libre et ouvert.

Cette page a pour objectif de lister les propositions apportées et sera mise à jour au fur et à mesure de l'avancée du travail d'amendement. Les citoyens qui souhaitent appuyer ces propositions sont invités à le faire sur la plateforme mise en place par le ministère.

Toutes les parties du projet de loi ne sont pas traitées, certaines étant davantage dans le champ de compétences d'autres associations ou ne faisant pas partie des thèmes prioritaires de La Quadrature du Net. Nous signalerons également les propositions émanant d'autres organisations que nous soutenons.

Les Communs

Article 8 : définition du domaine commun informationnel

Soutenir l'amendement 1 : éviter la légalisation du copyfraud

L'article prétend définir un domaine commun et garantir les usages associés, mais en l'état, il risque paradoxalement de conduire à une légalisation des pratiques de réappropriation abusives. Il est admis que les informations, les faits, les idées ne peuvent en elles-mêmes directement faire l'objet d'un droit de propriété. Même lorsqu'elles sont incluses dans une base de données, ce ne sont pas les données en elle-mêmes qui font l'objet d'un droit de propriété intellectuelle mais la structure de la base de données.

Or ici, l'article sous-entend que ces éléments pourraient faire l'objet d'un droit de propriété et fragilise la protection du domaine commun plus qu'il ne le protège. La même remarque vaut pour les « obligations contractuelles ou extra-contractuelles ». Avec une telle restriction, de simples conditions d'utilisation d'un site internet pourraient, par leur seule force contractuelle, faire obstacle à la réutilisation d'éléments du domaine commun. La fin de l'article doit donc être supprimée, sous peine de vider de son sens les dispositions qui suivent : « Elles ne peuvent, en tant que tels, faire l'objet d’une exclusivité, ni d'une restriction de l’usage commun à tous ».

Soutenir l'amendement 2 : élargir les possibilités d'action contre les atteintes au domaine commun informationnel

La rédaction actuelle du projet de loi restreint l'intérêt pour agir en défense du domaine commun à des associations agréés. Si l'on souhaite que la protection du domaine commun soit effective, il importe d'ouvrir plus largement ces possibilités d'action en supprimant la procédure d'agrément préalable, ainsi qu'aux simples individus. Par ailleurs, il est nécessaire que cette action ne se limite pas à demander que cesse l'atteinte au domaine commun, mais aussi que la responsabilité des fautifs puissent être engagée.

Soutenir l'amendement 3 : reconnaître les communs volontaires

Les Communs ne sont pas constitués uniquement d'un domaine public statique. La partie la plus vivante des communs est aujourd'hui constituée par des ressources mises volontairement en partage par leurs créateurs : logiciels libres ou Open Source, œuvres placées sous licence Creative Commons, objets en Open Design ou en Open Hardware, etc. Ces communs volontaires ou consentis méritent une existence législative et une protection par la loi contre les tentatives de réappropriation abusive. L'article ici proposé précise les modalités par lesquelles des titulaires de droits peuvent choisir d'autoriser des usages communs sur leurs créations, notamment par le biais de licences libres ou de libre diffusion. Il leur permet de moduler le degré d'ouverture de ces usages communs selon leur volonté et ne remet pas en cause le droit moral dont ils bénéficient.

Neutralité de l'Internet

Soutenir l'amendement 4 : préciser le périmètre d'application de la Neutralité du Net

Afin de pallier à toute éventuelle interprétation du principe de neutralité du Net qui irait dans un sens défavorable à celle-ci et aux utilisateurs, en y imposant des limitations, il est nécessaire de préciser dans la notion de neutralité dans la loi.

Droit au chiffrement

Soutenir l'amendement 5 : ajouter la promotion du chiffrement des communications dans les missions de la CNIL

Dans son rôle de promotion des technologies respectueuses de la vie privée et de la sécurisation des données, il convient que la CNIL porte une attention particulière au développement et à la promotion d'outils permettant un chiffrement sûr des informations, données et correspondances des citoyens. Le chiffrement joue un rôle fondamental dans la sécurisation des communications et est une protection efficace contre les atteintes à la vie privée et la surveillance, la CNIL doit donc explicitement l'intégrer dans ses missions d'information et de recommandation.

Soutenir l'amendement 6 : affirmer le droit et encourager l'usage du chiffrement des communications

La pénalisation plus lourde des crimes et délits lorsque des moyens de cryptologie ont été utilisés a pour conséquence de limiter la promotion, le développement et l'utilisation de ces techniques, au détriment de la vie privée des citoyens mais également de la sécurisation des opérations économiques.

L'affirmation du droit au chiffrement permet de mettre en cohérence la loi qui affirme le droit au secret des correspondances numériques. Cet amendement a pour objectif de permettre les conditions d'un développement des technologies de chiffrement et donc de permettre aux individus de d'exercer leurs droits au secret des correspondances et des communications.

La surveillance de masse, trou noir des libertés

vendredi 2 octobre 2015 à 14:44

Paris, le 2 octobre 2015 — Sans surprise, l'Assemblée nationale a voté hier la surveillance internationale de masse sans apporter de modification majeure au texte. Un seul député, Sergio Coronado, est venu défendre les libertés fondamentales dans un hémicycle presque vide.

Le même jour, le Gouvernement adoptait un décret relatif à la composition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Cette loi instaurant la surveillance de masse en France entrera en vigueur demain, le 3 octobre 2015, banalisant ainsi l'État d'exception, au détriment d'un État de droit moribond. Votée en extrême urgence et comme une simple rustine à la Loi Renseignement, elle met pourtant la France en état de surveiller les communications du monde entier sans qu'il ne puisse y avoir de contrôle effectif de cette surveillance.

« Le Sénat discutera et votera à son tour la proposition de loi sur la Surveillance internationale le 27 octobre, après un passage en commission des lois le 21 octobre. Aura-t-il à coeur de redonner un peu de vérité à l'image de la France comme pays des droits de l'Homme ? Il peut encore stopper ce processus délétère d'abandon des libertés fondamentales, au bénéfice de l'ensemble des citoyens français et du monde », déclare Agnès de Cornulier, coordinatrice de l'analyse juridique et politique de La Quadrature du Net.