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jeudi 26 novembre 2020 à 18:01
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Futur et sécurité.

Nos dirigeants et leur armée d’industriels n’ont que ces mots à la bouche. Ils prétendent nous guider tels des prophètes vers ce futur auquel, paraît-il, on n’échappera pas, parce que ce serait pour notre bien. Ce futur qu’ils nous promettent c’est celui de la surveillance biométrique, des drones et des caméras partout.

« Expérimenter la reconnaissance faciale est nécessaire pour que nos industriels progressent » déclarait notre secrétaire d’État chargé du numérique. De toute façon, comme toutes les autres technologies de surveillance, « la reconnaissance faciale ne peut être désinventée » ; alors à quoi bon s’y opposer ?

Prétendre que le futur est tracé de manière immuable et nier son caractère politique, c’est le meilleur moyen de se dédouaner, de s’ôter la culpabilité de transformer nos villes en Technopolice, en laissant nos vies exsangues de libertés.

La Quadrature du Net refuse ce futur.

Nous nous battrons pour choisir notre futur. Nous nous battrons pour que les machines et techniques servent les habitants des villes et de la Terre. Qu’elles ne nous soient plus imposées, qu’elle ne servent plus à nous faire taire et à nous contrôler. Rejoignez-nous dans ce combat. Soutenez La Quadrature du Net.

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Quand on ventile toutes les dépenses (salaires inclus) sur nos campagnes, en fonction du temps passé par chacun·e sur les sujets de nos luttes, ça ressemble à ça :

« Sécurité globale » : l’Assemblée nationale vote pour la Technopolice

mardi 24 novembre 2020 à 18:01

L’Assemblée nationale vient de voter la proposition de loi de « Sécurité Globale ». Déposée le 20 octobre dernier, elle a donc été examinée en commission des lois, débattue en séance publique puis votée en à peine un mois, alors que l’agenda parlementaire était déjà surchargé. Outre le caractère liberticide de plusieurs de ses dispositions, le gouvernement et sa majorité viennent de faire adopter un texte très certainement inconstitutionnel. Espérons que le Sénat saura se montrer à la hauteur des enjeux et refusera cette nouvelle atteinte à nos libertés.

Nous avons dès le début alerté sur plusieurs dispositions particulièrement dangereuses de ce texte. L’article 21, qui autorise la transmission en direct des images filmées par les caméras-piétons de la police et de la gendarmerie à un centre de commandement – et qui facilite ainsi leur analyse automatisée, comme la reconnaissance faciale. L’article 22, qui autorise la police à surveiller nos villes, nos rues et nos manifestations avec des drones. L’article 24, évidemment, qui nous interdit de dénoncer les violences policières.

Le passage-éclair en commission des lois nous a effrayé encore un peu plus. Nous avons relaté l’ambiance lugubre et fuyante des débats entre des rapporteur·euses aux ordres des syndicats de police, et des député·es de l’opposition insulté·es et méprisé·es. Le texte y a été étoffé de nouvelles dispositions pour que la police puisse avoir plus facilement accès aux caméras dans nos halls d’immeubles et pour étendre, encore un peu, le nombre de personnes pouvant visionner les images de la voie publique (on en parlait ici).

Nous avons ensuite suivi, mot par mot, les débats en séance publique. Ceux-ci, comme l’attention médiatique, étaient particulièrement concentrés sur l’article 24 et ses conséquences sur la liberté de la presse. À l’issue des débats, cet article n’a d’ailleurs en aucun cas été arrangé mais, au contraire, aggravé, s’étendant à la police municipale. L’article 22, majeur pourtant, a été lui débattu vendredi en pleine nuit et voté à 1h du matin, alors que le ministre de l’intérieur ne prenait même plus la peine de répondre aux parlementaires.

Il est particulièrement difficile de voir un texte qui aura autant de conséquences sur nos libertés être voté aussi vite et dans des conditions aussi déplorables. Quand on le lit à la lumière du livre blanc de la sécurité intérieure et du schéma national de maintien de l’ordre publiés récemment, on comprend que ce texte veut faire entrer la surveillance dans une nouvelle ère : celle de la multiplication des dispositifs de captations d’images (caméras fixes, caméras sur les uniformes, caméras dans le ciel), de leur croisement afin de couvrir toutes nos villes (espaces publics ou privés) et de leur analyse massive par des algorithmes, avec en tête la reconnaissance faciale. Si en 2019, grâce au fichier TAJ, il y a déjà eu plus de 375 000 traitements de reconnaissance faciale faits par la police en France, combien y en aura-t-il en 2021 quand chaque coin de rue sera filmé et analysé en direct ? Comment croire en l’intérêt d’un encadrement quand un tel pouvoir de surveillance est donné aux gouvernants ? Comment faire confiance à la majorité parlementaire et au gouvernement qui nous assure que la reconnaissance faciale sur les images des drones et caméras-piétons ne sera pas permise par ce texte – ce qui est juridiquement faux –, alors même que tous les amendements visant à écarter explicitement cette possibilité ont été rejetés ?

Ce texte, que vient donc d’adopter l’Assemblée nationale, c’est celui de la Technopolice. Celle que nous dénonçons depuis deux ans : une dystopie préparée par ceux qui prétendent nous gouverner, la mise sous coupe réglée de nos villes pour en faire une vaste entreprise de surveillance.

La prochaine étape se jouera au Sénat, pas avant janvier si l’on en croit son calendrier. Nous en sommes réduits à espérer que celui-ci prenne son rôle au sérieux et vienne rappeler à la majorité présidentielle les bases du respect des libertés et de nos droits. Il faudra en tous cas, et quoiqu’il arrive, maintenir la pression sur nos institutions pour que ce texte disparaisse, ne revienne jamais, et que la voix des citoyens et citoyennes – mobilisé·es massivement – soient entendue.

La Technopolice, moteur de la « sécurité globale »

jeudi 19 novembre 2020 à 18:00

L’article 24 de la loi sécurité globale ne doit pas devenir l’arbre qui cache la forêt d’une politique de fond, au cœur de ce texte, visant à faire passer la surveillance et le contrôle de la population par la police à une nouvelle ère technologique.

Quelques jours avant le vote de la loi Sécurité Globale à l’Assemblée Nationale, le ministère de l’intérieure présentait son Livre blanc. Ce long rapport de prospective révèle la feuille de route du ministère de l’Intérieur pour les années à venir. Comme l’explique Gérard Darmanin devant les députés, la proposition de loi Sécurité Globale n’est que le début de la transposition du Livre dans la législation. Car cette loi, au-delà de l’interdiction de diffusion d’images de la police (article 24), vise surtout à renforcer considérablement les pouvoirs de surveillance des forces de l’ordre, notamment à travers la légalisation des drones (article 22), la diffusion en directe des caméras piétons au centre d’opération (article 21), les nouvelles prérogatives de la police municipale (article 20), la vidéosurveillance dans les hall d’immeubles (article 20bis). Cette loi sera la première pierre d’un vaste chantier qui s’étalera sur plusieurs années.

Toujours plus de pouvoirs pour la police

Le Livre blanc du ministère de l’intérieur envisage d’accroître, à tous les niveaux, les pouvoirs des différentes forces de sécurité (la police nationale, la police municipale, la gendarmerie et les agents de sécurité privée) : ce qu’ils appellent, dans la novlangue officielle, le « continuum de la sécurité intérieure ». Souhaitant « renforcer la police et la rendre plus efficace », le livre blanc se concentre sur quatre angles principaux :

Ce livre prévoit une multitude de projets plus délirants et effrayants les uns que les autres. Il propose une analyse automatisée des réseaux sociaux (page 221), des gilets connectés pour les forces de l’ordre (page 227), ou encore des lunettes ou casques augmentés (page 227). Enfin, le Livre blanc insiste sur l’importance de la biométrie pour la police. Entre proposition d’interconnexion des fichiers biométriques (TAJ, FNAEG, FAED…) (page 256), d’utilisation des empreintes digitales comme outil d’identification lors des contrôles d’identité et l’équipement des tablettes des policiers et gendarmes (NEO et NEOGEND) de lecteur d’empreinte sans contact (page 258), de faire plus de recherche sur la reconnaissance vocale et d’odeur (!) (page 260) ou enfin de presser le législateur pour pouvoir expérimenter la reconnaissance faciale dans l’espace public (page 263).

Le basculement technologique de la surveillance par drones

Parmi les nouveaux dispositifs promus par le Livre blanc : les drones de police, ici appelés « drones de sécurité intérieure ». S’ils étaient autorisés par la loi « Sécurité Globale », ils modifieraient radicalement les pouvoirs de la police en lui donnant une capacité de surveillance totale.

Il est d’ailleurs particulièrement marquant de voir que les rapporteurs de la loi considèrent cette légalisation comme une simple étape sans conséquence, parlant ainsi en une phrase « d’autoriser les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale et les forces de sécurité civile à filmer par voie aérienne (…) ». Cela alors que, du côté de la police et des industriels, les drones représentent une révolution dans le domaine de la sécurité, une acteur privé de premier plan évoquant au sujet des drones leur « potentiel quasiment inépuisable », car « rapides, faciles à opérer, discrets » et « tout simplement parfaits pour des missions de surveillance »

Dans les discours sécuritaires qui font la promotion de ces dispositifs, il est en effet frappant de voir la frustration sur les capacités « limitées » (selon eux) des caméras fixes et combien ils fantasment sur le « potentiel » de ces drones. C’est le cas du maire LR d’Asnières-sur-Seine qui en 2016 se plaignait qu’on ne puisse matériellement pas « doter chaque coin de rue de vidéoprotection » et que les drones « sont les outils techniques les plus adaptés » pour pallier aux limites de la présence humaine. La police met ainsi elle-même en avant la toute-puissance du robot, le fait par exemple pour les contrôles routiers, que « la caméra du drone détecte chaque infraction », que « les agents démontrent que plus rien ne leur échappe ». Même chose pour la discrétion de ces outils qui peuvent, « à un coût nettement moindre » qu’un hélicoptère, « opérer des surveillances plus loin sur l’horizon sans être positionné à la verticale au-dessus des suspects ». Du côté des constructeurs, on vante les « zooms puissants », les « caméras thermiques », leur donnant une « vision d’aigle », ainsi que « le décollage possible pratiquement de n’importe où ».

Tout cela n’est pas que du fantasme. Selon un rapport de l’Assemblée nationale, la police avait, en 2019, par exemple 30 drones « de type Phantom 4 » et « Mavic Pro » (ou « Mavic 2 Enterprise » comme nous l’avons appris lors de notre contentieux contre la préfecture de police de Paris). Il suffit d’aller voir les fiches descriptives du constructeur pour être inondé de termes techniques vantant l’omniscience de son produit : « caméra de nacelle à 3 axes », « vidéos 4K », « photos de 12 mégapixels », « caméra thermique infrarouge », « vitesse de vol maximale à 72 km/h » … Tant de termes qui recoupent les descriptions faites par leurs promoteurs : une machine volante, discrète, avec une capacité de surveiller tout (espace public ou non), et de loin.

Il ne s’agit donc pas d’améliorer le dispositif de la vidéosurveillance déjà existant, mais d’un passage à l’échelle qui transforme sa nature, engageant une surveillance massive et largement invisible de l’espace public. Et cela bien loin du léger cadre qu’on avait réussi à imposer aux caméras fixes, qui imposait notamment que chaque caméra installée puisse faire la preuve de son utilité et de son intérêt, c’est-à-dire des nécessité et proportionnalité de son installation. Au lieu de cela, la vidéosurveillance demeure une politique publique dispendieuse et pourtant jamais évaluée. Comme le rappelle un récent rapport de la Court des comptes, « aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique, ou encore les taux d’élucidation ». Autre principe fondamental du droit entourant actuellement la vidéosurveillance (et lui aussi déjà largement inappliqué) : chaque personne filmée doit être informée de cette surveillance. Les drones semblent en contradiction avec ces deux principes : leur utilisation s’oppose à toute notion d’information des personnes et de nécessité ou proportionnalité.

Où serons-nous dans 4 ans ?

En pratique, c’est un basculement total des pratiques policières (et donc de notre quotidien) que préparent ces évolutions technologiques et législatives. Le Livre blanc fixe une échéance importante à cet égard : « les jeux olympiques et paralympiques de Paris de 2024 seront un événement aux dimensions hors normes posant des enjeux de sécurité majeurs » (p. 159). Or, « les jeux olympiques ne seront pas un lieu d’expérimentation : ces technologies devront être déjà éprouvées, notamment à l’occasion de la coupe de monde de Rugby de 2023 » (p. 159).

En juillet 2019, le rapport parlementaire cité plus haut constatait que la police nationale disposait de 30 drones et de 23 pilotes. En novembre 2020, le Livre blanc (p. 231) décompte 235 drones et 146 pilotes. En 14 mois, le nombre de drones et pilotes aura été multiplié par 7. Dès avril 2020, le ministère de l’intérieur a publié un appel d’offre pour acquérir 650 drones de plus. Rappelons-le : ces dotations se sont faites en violation de la loi. Qu’en sera-t-il lorsque les drones seront autorisés par la loi « sécurité globale » ? Avec combien de milliers d’appareils volants devra-t-on bientôt partager nos rues ? Faut-il redouter, au cours des JO de 2024, que des dizaines de drones soient attribués à la surveillance de chaque quartier de la région parisienne, survolant plus ou moins automatiquement chaque rue, sans répit, tout au long de la journée ?

Les évolutions en matières de reconnaissance faciale invite à des projections encore plus glaçantes et irréelles. Dès 2016, nous dénoncions que le méga-fichier TES, destiné à contenir le visage de l’ensemble de la population, servirait surtout, à terme, à généraliser la reconnaissance faciale à l’ensemble des activités policières : enquêtes, maintien de l’ordre, contrôles d’identité. Avec le port d’une caméra mobile par chaque brigade de police et de gendarmerie, tel que promis par Macron pour 2021, et la retransmission en temps réelle permise par la loi « sécurité globale », ce rêve policier sera à porté de main : le gouvernement n’aura plus qu’à modifier unilatéralement son décret TES pour y joindre un système de reconnaissance faciale (exactement comme il avait fait en 2012 pour permettre la reconnaissance faciale à partir du TAJ qui, à lui seul, contient déjà 8 millions de photos). Aux robots dans le ciel s’ajouteraient des humains mutiques, dont le casque de réalité augmentée évoqué par le Livre blanc, couplé à l’analyse d’image automatisée et aux tablettes numériques NEO, permettrait des contrôles systématiques et silencieux, rompus uniquement par la violence des interventions dirigées discrètement et à distance à travers la myriade de drones et de cyborgs.

En somme, ce Livre Blanc, dont une large partie est déjà transposée dans la proposition de loi sécurité globale, annonce le passage d’un cap sécuritaire historique : toujours plus de surveillance, plus de moyens et de pouvoirs pour la police et consorts, dans des proportions et à un rythme jamais égalées. De fait, c’est un État autoritaire qui s’affirme et se consolide à grand renfort d’argent public. Le Livre blanc propose ainsi de multiplier par trois le budget dévolu au ministère de l’intérieur, avec une augmentation de 6,7 milliards € sur 10 ans et de 3 milliards entre 2020 et 2025. Une provocation insupportable qui invite à réfléchir sérieusement au définancement de la police au profit de services publiques dont le délabrement plonge la population dans une insécurité bien plus profonde que celle prétendument gérée par la police.

Libération de Jeremy Hammond, hacktiviste emprisonné depuis 7 longues années !

jeudi 19 novembre 2020 à 11:28

La libération de Jeremy Hammond, hacktiviste étatsunien à qui l’on doit la publication des Stratfor Leaks, vient d’être annoncée par son comité de soutien.

Après avoir passé 7 années de sa vie en prison, il vient d’être libéré.

Jeremy Hammond fut dénoncé par Sabu, un ex-hacker devenu informateur pour le gouvernement américain.

En octobre 2019, Hammond refusa de témoigner contre Julian Assange, et ce malgré les menaces du gouvernement d’augmenter sa peine.

La Quadrature se réjouit de cette nouvelle, et rappelle que d’autres lanceuses et lanceurs d’alertes sont toujours emprisonné·es ou poursuivi·es (Reality Winner, Julian Assange, Ola Bini…).

Les ordres du sommet : Le programme de l’UE pour démenteler le chiffrement de bout en bout

vendredi 13 novembre 2020 à 11:57

Ceci est une republication en français de l’article de l’EFF « Orders from the Top: The EU’s Timetable for Dismantling End-to-End Encryption »

Aux États-Unis, ces derniers mois, un flux continu de propositions de lois, incitées et encouragées par le discours du FBI et du Département de la Justice, est venu prôner un « accès légal » aux services chiffrés de bout en bout. Ce mouvement de lobbying est récemment passé des États-Unis, où le Congrès est complètement paralysé par la polarisation critique de la société, à l’Union Européenne, où le lobby anti-chiffrement espère pouvoir passer plus facilement. Plusieurs documents qui ont fuité des plus hautes instances de l’UE montrent un plan d’action en ce sens, avec l’apparente intention de présenter une loi anti-chiffrement au parlement européen dès l’année prochaine.

Les premiers signaux de ce retournement de l’Union européenne — qui soutenait jusqu’alors les technologies de protection de la vie privée comme le chiffrement de bout en bout — datent de juin 2020, avec le discours de Ylva Johansson, commissaire européenne aux affaires intérieures.

Lors d’une conférence en ligne sur la lutte contre la pédophilie et l’exploitation des enfants, Johannsson avait appelé à une « solution technique » à ce qu’elle décrit comme le « problème » du chiffrement et annoncé que son bureau avait réuni « un groupe spécial d’experts issus du monde académique, des gouvernements, de la société civile et des entreprises afin de trouver des manières de détecter et de signaler les contenus pédophiles chiffrés ».

Le rapport a ensuite été fuité via Politico. Il fournit une liste de procédés inavouables et tortueux pour ateindre cet objectif impossible : permettre aux Etats d’accéder aux données chiffrées, sans pour autant casser le chiffrement.

En haut de cette liste bancale, on trouve, comme cela fut en effet proposé aux États-Unis, le scan côté client. Nous avons déjà expliqué en quoi le scan côté client est tout bonnement une porte dérobée (ou « backdoor ») qui ne dit pas son nom. Un code informatique inaltérable qui tourne sur votre terminal (ordinateur ou téléphone), et compare en temps réel le contenu de vos messages avec une liste noire de mots (liste dont le contenu est secret et impossible à audite)r : voilà qui est en contradcition complète avec l’expression « chiffrement de bout en bout », censée garantir une protection de la vie privée. La même approche est d’ailleurs utilisée par la Chine pour suivre les conversations politiques sur des services comme WeChat. Cette technique n’a pas sa place dans un outil qui prétend protéger la confientialité des conversations privées.

Tout gouvernement qui utiliserait cette technique franchirait un pas décisif dans l’intrusion. Pour la première fois en dehors d’un régime autoritaire, l’Europe déclarerait quels programmes de communication par Internet sont légaux et lesquels ne le sont pas. Même si les propositions de loi étaient les meilleures solutions possibles imaginées par les meilleurs chercheurs appliqués à résoudre cette quadrature du cercle, la solution serait toujours trop agressive pour en faire une réglementation applicable politiquement, même avec le soi-disant objectif de lutter contre la pédophilie comme l’assurait Johannsson.

Le sujet exige une avancée politique concertée, et les instances supérieures de l’Union Européenne se préparent pour la bataille. Fin septembre, Statewatch a publié une note, maintenant diffusée par la présidence allemande de l’UE, intitulée « La sécurité via le chiffrement et la sécurité malgré le chiffrement » qui invite les états membres à se mettre d’accord sur une nouvelle position commune au sujet du chiffrement avant la fin de l’année 2020.

Tout en concédant que « l’affaiblissement du chiffrement par quelconques moyens (incluant les portes dérobées) n’est pas une option souhaitable », la note de la présidence cite explicitement une note du Coordonnateur du Contre-Terrorisme (CCT) de l’Union Européenne, écrite en mai et divulgée par NetzPolitik.org, site allemand d’actualité et de défense des libertés sur Internet. Cette publication appelle à la création d’une « front-door », c’est-à-dire une solution d’accès dédié, autorisant la lecture légale des données chiffrées par les forces de police, sans imposer toutefois de solutions techniques particulières aux fournisseurs de services.

Le CCT souligne ce qui serait nécessaire pour légiférer sur ce cadre légal :

L’UE et ses Etats membres devraient prendre position de manière croissante dans le débat public sur le chiffrement, dans le but de l’orienter selon un angle juridique et policier…
Cela éviterait un débat à sens unique mené par le secteur privé et les organisations non gouvernementales. Cela pourrait impliquer de s’engager auprès de groupes militants, y compris des associations de victimes qui relateraient les efforts gouvernementaux dans ce domaine. S’engager au parlement européen sera aussi important pour préparer le terrain d’une possible légifération.

Un discours de la Commissaire Johannsson qui établit un lien entre la remise en cause des messageries sécurisées et la protection des enfants ; une publication appelant à des « solutions techniques » pour tenter de briser le front d’opposition ; et, dans un futur proche, une fois que l’UE aura publié sa nouvelle position commune sur le chiffrement, un lobbying concerté pour inciter les membres du parlement européen à adopter ce nouveau cadre légal ; tout cela correspond parfaitement aux étapes proposées par le Coordonnateur du Contre-Terrorisme.

Nous en sommes aux toutes premières étapes d’une longue charge anti-chiffrement aux plus hauts niveaux de l’UE, pour forcer la porte des conversations sécurisées des européens. La Grande-Bretagne, l’Australie et les États-Unis suivent la même voie. Si l’Europe veut conserver son statut de juridiction sacralisant la vie privée, il faudra donc se battre.