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Égalité Femmes-Hommes : l'Assemblée nationale doit dire non à la censure privée !

mercredi 15 janvier 2014 à 13:49

Paris, 15 janvier 2014 — Ce 20 janvier, l'Assemblée nationale se prononcera en première lecture sur le projet de loi sur l'égalité entre les femmes et les hommes. En l'état, l'adoption de son article 17 étendrait les obligations de signalement de contenus pesant sur les hébergeurs, les encourageant ainsi à développer des mesures de censure privée inacceptables dans un État de droit. La Quadrature du Net appelle les députés à supprimer cet article et invite les citoyens à contacter leurs élus à l'aide du PiPhone et à leur faire part de leurs inquiétudes.

Alors que le régime de responsabilité juridique des hébergeurs échoue à assurer une protection satisfaisante de la liberté de communication sur Internet, un nouveau projet de loi propose d'étendre encore davantage l'une des failles de ce régime. Ainsi, le dispositif de signalement devant être mis en place par chaque hébergeur serait élargit, et les inciterait encore d'avantage à retirer les contenus en ligne signalés par des tiers.

L'obligation de mettre en place un dispositif de signalement, qui couvre déjà un grand nombre de catégories de contenus souvent mal définies1 et déjà en cours d'élargissement par l'Assemblée nationale à l'apologie de la prostitution, pourrait bientôt être étendue aux propos sexistes, homophobes, transphobes et handiphobes, ainsi qu'à la diffusion d'enregistrement de violences sur les personnes. Compte tenu de la jurisprudence qui tient les hébergeurs pour responsables dès lors qu'ils ont connaissance de l'existence de contenus sur leurs services, cette extension risque de poursuivre la transformation des hébergeurs en police privée du Net, les incitant à la censure automatique de tout contenu signalé.

La Quadrature du Net a envoyé une analyse détaillée reproduite ci-dessous aux députés, afin de les avertir des dangers de la censure privée prévue à l'article 17 de ce projet de loi, et leur proposer des alternatives efficaces à ces mesures. Avant le vote, il est urgent que les citoyens contactent leurs députés. Pour cela, La Quadrature du Net met à disposition le PiPhone, un outil permettant d'appeler gratuitement les députés, afin d'exiger la suppression de l'article 17.

Madame la Députée, Monsieur le Député,

Dans le cadre du vote en séance publique du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes par votre assemblée, le 20 janvier prochain, et en vue des risques importants de censure privée d'Internet que cet article comporte, nous vous appelons à soutenir tout amendement proposant la suppression de l'article 17 de ce projet de loi.

L'article 17 propose d'étendre la liste des contenus devant faire l'objet d'un dispositif permettant aux utilisateurs de services en ligne de signaler de tels contenus aux éditeurs de ces services (« hébergeurs »). Un tel dispositif, déjà existant en droit français, serait étendu :

  • aux contenus incitant à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap (alinéas 2 et 3) ;
  • aux enregistrements de violence, d'acte de barbarie, de torture ou d'agression sexuelle (alinéa 4).

Le régime de la LCEN fragilisé par une dérive jurisprudentielle

La loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004 (LCEN) prévoit à son article 6.I.2 que la responsabilité d'un hébergeur ne peut être engagée en raison d'un contenu hébergé que si celui-ci a connaissance du caractère illicite de ce contenu et n'en a pas promptement empêché la diffusion. La question étant de savoir ce qui déclenche la connaissance de l'illicéité du contenu pour l'hébergeur. Au terme de son examen de la LCEN en 2004, le Conseil constitutionnel considère qu'un hébergeur n'est pas responsable en raison d'une information qu'il stocke « si celle-ci ne présente pas "manifestement" un tel caractère ou si son retrait n'a pas été ordonné par un juge ». Le Conseil explique aux commentaires de cette décision que les hébergeurs ne doivent pas être responsables de tous les contenus dont ils ont connaissance car « la caractérisation d'un message illicite peut se révéler délicate, même pour un juriste ». Les hébergeurs, n'ayant ni les compétences ni les moyens pour les caractériser, risquaient selon lui de censurer tout contenu signalé afin d'éviter toute insécurité juridique.

Toutefois, l'interprétation extensive du critère de « manifestement illicite » par les juges du fond depuis 2004 a conduit à la situation que le Conseil avait tenté d'éviter : la majorité des hébergeurs, incapables d'évaluer le caractère manifestement illicite des contenus qui leur sont signalés, sont incités à supprimer la plupart de ces contenus, en dehors de tout cadre judiciaire, afin de s'exonérer de tout risque juridique (voir l'affaire jugée le 11 juin 2013 par le TGI de Brest, où la société d'hébergement Overblog est condamnée à 10 000 euros d'amende pour ne pas avoir retiré un contenu dont le tribunal estime qu'il était « manifestement illicite » tout en n'étant pas « certainement illicite ». Voir : http://www.laquadrature.net/wiki/Jurisprudence_sur_la_communication_en_l...).

Les problèmes et risques inhérents à la censure privée

Conformément à la directive européenne 2000/31/CE dite « eCommerce » qu'elle transpose pour partie, la LCEN dispose à son article 6.I.7 qu'il ne peut être imposé aux hébergeurs aucune obligation générale de surveiller les contenus qu'ils stockent. Néanmoins, ce même article impose aux hébergeurs de mettre en place un dispositif permettant au public de leur signaler tout contenu illicite relevant de l'apologie des crimes contre l'humanité, de l'incitation à la haine raciale, de la pornographie enfantine, de l'incitation à la violence – notamment de la violence faite aux femmes – ou des atteintes à la dignité humaine, puis de transmettre aux services de police tout contenu illicite ainsi signalé. La liste, déjà longue, pourrait être étendue avec la proposition de loi sur le « système prostitutionnel » adoptée en première lecture à l'Assemblée en novembre 2013. Cette obligation de signalement ne figure nullement dans la directive eCommerce.

D'après la loi, les intermédiaires ne jouent au travers du dispositif de signalement qu'un rôle de relais entre les internautes et les pouvoirs publics, notamment les services de police de l'OCLTIC. Or ce relais n'est pas neutre : en raison des dérives jurisprudentielles rappelées ci-dessus, chaque contenu ainsi porté à leur connaissance risque d'engager leur responsabilité, les incitant à le censurer sans l'intervention d'un juge. La répression d'un grand nombre de contenus diffusés sur Internet est ainsi délégué aux hébergeurs.

Il est inacceptable que la loi délègue aux hébergeurs la censure des communications sur Internet : l'autorité judiciaire a seule la légitimité de restreindre la liberté d'expression des citoyens en vertu du principe répressif institué avec la loi sur la liberté de la presse en 1881. L'instauration de mécanismes de censure privée via la loi contrevient au droit au procès équitable et méconnaît les principes qui sous-tendent l'État de droit, le tout dans une opacité totale puisqu'aucune transparence n'est faite sur la nature des contenus ainsi censurés par ces acteurs privés.

Enfin, nous attirons votre attention sur le caractère contreproductif de cette disposition. Compte tenu du caractère vague des catégories de contenus citées, la censure privée, tout en étant dangereuse pour l'État de droit, pourrait aggraver le problème qu'elle est censée résoudre. En effet, le risque est grand que des contenus licites soient signalés et censurés, ce qui contribuerait à empêcher la discussion publique et la sensibilisation sur ces sujets de société fondamentaux que sont l'égalité homme-femme, les droits LGBT ou des handicapés. Au Royaume-Uni, le mécanisme de censure privée encouragé par le gouvernement visant à faire bloquer les contenus à caractère pornographique en ligne par les fournisseurs d'accès à Internet a finalement abouti à la censure de sites d'éducation sexuelle, d'espaces de prévention des viols domestiques ou de traitement de l'addiction à la pornographie (source : LeMonde.fr). Un exemple récent parmi d'autres qui illustre bien les dangers de « surblocage » inhérents à la privatisation de la censure.

Les risques accrus dans les textes en débat

Dans son rapport, rendu le 18 décembre dernier, la commission des lois de l'Assemblée nationale reprend deux amendements déposés par son rapporteur et le groupe SRC, et propose de supprimer l'alinéa 4 du projet de loi. Le rapporteur justifie ce choix en ce que seuls les « faits dont l'illicéité est évidente et ne saurait être contestée » devraient entrer dans le dispositif de signalement imposé par la LCEN. Si nous ne pouvons que saluer cette approche, il semble incohérent de ne limiter son application qu'aux seules images de violences car, de fait, les hébergeurs auront tout autant – et même sans doute davantage – de difficulté à déterminer si les contenus signalés comme potentiellement sexistes, homophobes, transphobes ou handiphobes sont ou non illicites. Les amendements (CL34 et CL171) déposés par messieurs les députés Serge Coronado et Christian Paul, que la commission n'a finalement pas adoptés, visaient pourtant à maintenir ces contenus en dehors du dispositif de signalement prévu dans la LCEN. Plus globalement, si la position de la commission semble faire écho à la réserve du Conseil constitutionnel, elle manque aussi de cohérence en refusant de reconnaître que les seuls « faits dont l'illicéité est évidente et ne saurait être contestée » sont ceux dont l'illicéité a été reconnue par une décision de justice.

Nous vous invitons ainsi à soutenir tout amendement proposant la suppression des alinéas 2, 3 et 4 de cet article 17. Tant que que le processus de signalement de la LCEN et le régime de responsabilité des hébergeurs dans son ensemble n'auront pas été réformés afin de corriger les dérives de leur application, ils ne doivent pas être étendus.

Pour ces mêmes raisons, nous vous invitons de nouveau à prendre position contre l'extension du dispositif de signalement inscrite à l'article 1er de la proposition de loi contre le système prostitutionnel, votée en première lecture par votre assemblée le 29 novembre dernier.

Une alternative plus efficace et moins dangereuse

Le traitement complexe des signalements reçus par les hébergeurs peut en freiner la transmission aux services de police, voire prévenir la mise en place initiale d'un tel dispositif de signalement. Une alternative plus efficace, et qui protégerait la liberté d'expression des citoyens, serait de sortir les hébergeurs de ce processus : les hébergeurs auraient alors pour seule obligation de mettre à disposition de leurs utilisateurs via leurs services un dispositif (un outil logiciel conçu par les pouvoirs publics) transmettant directement les signalement des citoyens aux services de police (via la plateforme www.internet-signalement.gouv.fr de l'OCTLTIC, qui a été prévue à cet effet, mais reste largement sous-utilisée), le tout sans que les hébergeurs n'aient à en avoir connaissance. Le rôle actif que jouent actuellement les hébergeurs dans ce processus n'est d'aucune utilité dans la répression des contenus illicites, et ne fait qu'entraîner les risques de censure privée décrits ci-dessus. Un rôle passif, de simple intermédiaire technique, serait donc préférable sur tous les plans, et laisserait aux services de police et à la justice la possibilité de jouer pleinement leur rôle.

Au-delà de ce projet de loi, La Quadrature du Net vous présentera des propositions à l'occasion des débats et travaux annoncés par le gouvernement et certains membres de votre assemblée en vue d'une grande loi sur les libertés fondamentales à l'heure de l'Internet, et ce afin d'assurer une protection pleine et entière de la liberté d'expression, notamment dans le cadre de la LCEN. Dans l'attente d'un tel débat, nous vous invitons à ne pas aggraver les dérives du régime existant.

Nous restons à votre disposition pour toute information complémentaire et vous prions d'agréer l'expression de nos salutations les plus respectueuses,

La Quadrature du Net

SaveTheInternet.eu : Agissons pour la neutralité du Net !

mardi 14 janvier 2014 à 11:32

Paris, le 14 janvier 2014 — À quelques semaines des étapes législatives cruciales pour le futur règlement sur le Marché unique des télécommunications, une coalition d'organisations européennes publie le communiqué ci-dessous et invitent les citoyens à faire entendre leur voix en appelant leurs eurodéputés à protéger la neutralité du Net.

SaveTheInternet.eu - Campagne pour la neutralité du Net

Une large coalition d'organisations de la société civile vient de lancer SaveTheInternet.eu, une campagne pour protéger la neutralité du Net dans la législation européenne à venir. À moins que nous n'agissions rapidement, une proposition de règlement de la Commission va réduire la liberté d'expression sur Internet, augmenter les prix et entraver l'innovation. Les citoyens doivent contacter les députés européens de la commission Industrie et les appeler à défendre un Internet ouvert.

Au terme de quatre ans d'inaction dans ce domaine, la nouvelle proposition de la Commission pourrait gravement nuire à un Internet ouvert. Ce règlement pourrait autoriser des entreprises de l'Internet à altérer arbitrairement le trafic du réseau pour prioriser les services des sociétés les plus riches, au détriment de l'innovation et de la liberté d'expression. Certaines des pires violations de la neutralité du Net auxquelles nous avons assisté en Europe ces dernières années deviendraient légales à cause de la faille des soi-disant « services spécialisés » contenue dans la proposition. De plus, le texte de la Commission pourrait autoriser des activités « volontaires » de surveillance et de filtrage ad hoc du réseau par les fournisseurs d'accès à Internet – en violation flagrante des obligations légales de l'Union européenne.

Les ONG critiquent de manière unanime cette proposition de règlement. Les organisations de la société civile sont furieuses que cette proposition ne reflète pas les différents points de vues exprimés dans les réponses envoyées aux consultations que la Commission a tenues sur ce sujet. Ces organisations critiquent également l'examen précipité dont ces mesures font l'objet. Mais le plus préoccupant reste que les opérateurs télécom majeurs puissent remplacer l'actuel modèle économique de l'Internet – efficace et rentable – par celui de la téléphonie – inefficace, coûteux et obsolète.

Les citoyens doivent à présent se faire entendre dans ce débat crucial pour l'avenir d'Internet. Le règlement est maintenant entre les mains du Parlement européen, qui a l'opportunité unique d'en corriger les dangereuses failles et de mettre en place les garde-fous nécessaires à la protection d'un Internet neutre et ouvert.

Le temps presse. La commission Industrie du Parlement européen amendera la proposition de règlement le 27 février. Au cours des six prochaines semaines, chaque citoyen européen soucieux de l'avenir d'Internet devra contacter les membres du Parlement européen et faire entendre sa voix.

SaveTheInternet.eu offre tous les outils et informations dont chacun a besoin pour agir. Il fournit tous les détails relatifs au règlement, à ce processus législatif et des arguments pour débattre. Grâce à SaveTheInternet.eu, chaque citoyen peut téléphoner gratuitement à ses eurodéputés ou leur envoyer un email pour les appeler à modifier le texte, et permettre de protéger nos droits fondamentaux et l'innovation sur Internet.

Cette campagne est menée par :

La Quadrature du Net passe en version 2.0

vendredi 10 janvier 2014 à 11:14

Paris, le 10 janvier 2014 — Après près de 6 ans comme porte-parole et coordinateur de La Quadrature du Net, Jérémie Zimmermann va changer de rôle au 1er février 2014. Il continuera d'agir au sein du collège d'orientation stratégique1, mais va quitter ses fonctions opérationnelles de coordinateur et porte-parole. Nous le remercions de son engagement surhumain, récompensé par le Pioneer Award de l'EFF en 2012, et nous réjouissons qu'il puisse enfin retrouver du temps pour ses activités personnelles. Cette décision, mûrement concertée, intervient dans le cadre d'une consolidation de notre structure, suite à la constitution en association opérée il y a un an. Voici comment La Quadrature du Net se réorganise dans cette nouvelle situation.

Depuis un an, notamment grâce à vos dons, La Quadrature du Net a mis en place une équipe élargie, qui combine maintenant 7 personnes dans l'équipe opérationnelle (dont 3 stagiaires) – sans compter Jérémie – et 6 membres actifs dans le collège d'orientation stratégique (qui continuera à s'élargir dans les mois qui viennent). De nombreux bénévoles sont eux-aussi fortement impliqués dans les activités de La Quadrature, et lui permettent d'agir au quotidien. Le changement de rôle de Jérémie va accélérer la mise en place d'une nouvelle organisation.

D'une part, le recrutement d'un(e) responsable de la coordination des campagnes vient d'être engagé. Son rôle sera de conduire et d'animer les interactions de La Quadrature avec les décideurs, parlementaires, les autres groupes citoyens et les citoyens eux-mêmes, notamment pour les campagnes menées sur les différents dossiers, et de coordonner la mobilisation des volontaires impliqués dans ces campagnes. Jérémie était jusqu'à présent en première ligne de ces actions, notamment au niveau européen, et si celles-ci s'appuient largement sur ceux et celles qui font le travail de fond sur les dossiers, elles demandent néanmoins un engagement et un travail spécifiques.

D'autre part, nous allons poursuivre la transformation de la gestion du porte-parolat de La Quadrature du Net et de l'interaction avec les médias dont Jérémie avait la charge jusqu'à présent, afin de la rendre collégiale. Ce changement, entamé il y a 6 mois, est l'occasion parfaite de rendre visible la richesse des approches, styles et points de vue réunis au sein de notre organisation. Ce passage à une présence plus collective de La Quadrature du Net permettra de continuer à assurer notre disponibilité et notre capacité de réaction rapide et approfondie à toutes les demandes, qu'elles émanent de journalistes, de politiques, d'associations ou de citoyens. C'est aussi l'occasion d'un développement pour chacun des membres de notre équipe élargie.

Vous pouvez compter sur nous pour faire le maximum pour que cette réorganisation rende La Quadrature du Net encore plus efficace dans la défense des libertés sur Internet et pour promouvoir la capacité de chacun à agir dans l'espace numérique. Et si jamais vous aviez le moindre doute, rappelez-vous que Jérémie sera au collège d'orientation stratégique pour nous aiguillonner, si besoin. <3

Le conseil d'administration et l'équipe opérationnelle de La Quadrature du Net

Les droits culturels fondamentaux doivent être au cœur de la réforme du droit d'auteur en Europe !

lundi 23 décembre 2013 à 08:05

Paris, le 23 décembre 2013 — Pour la troisième fois en trois ans, la Commission européenne a lancé une nouvelle consultation sur le droit d'auteur dans le marché intérieur. Malgré le signal historique envoyé par la société civile et les parlementaires européens lors du rejet de l'accord ACTA en juillet 2012, la Commission refuse toujours de placer au cœur de la réforme du droit d'auteur en Europe la reconnaissance des droits culturels fondamentaux des individus. La Quadrature du Net appelle un maximum de citoyens et d'organisation à répondre à cette consultation pour en critiquer l'approche et pousser des solutions positives en faveur d'une réelle adaptation du droit d'auteur à l'environnement numérique.

[MÀJ : les conseils de La Quadrature pour préparer votre réponse sont en ligne ici,et la réponse de l'association ici]

En déconnexion avec les aspirations profondes des citoyens européens, l'objectif principal de la Commission dans cette consultation reste « l'amélioration de la mise à disposition de services de fourniture de contenus au sein du Marché Unique au-delà des frontières nationales, tout en assurant un niveau de protection adéquat des titulaires de droits »1. Par ailleurs, la Commission a inscrit cette consultation dans la lignée du processus Licences for Europe, qui s'est soldé pour elle par un échec en novembre dernier. Le questionnaire continue à proposer de simples solutions contractuelles pour l'adaptation du droit d'auteur à l'environnement numérique, alors qu'une révision en profondeur de la directive 2001/29 est aujourd'hui plus que jamais nécessaire.

Les droits culturels fondamentaux oubliés

La Commission balaie un grand nombre de questions dans sa consultation, mais elle passe sous silence les plus importantes pour la reconnaissance des droits culturels des individus en Europe. Aucun questionnement n'est ouvert sur la principe des DRM (Mesures Techniques de Protection), alors que ces "menottes numériques" fragilisent gravement les droits des individus sur les contenus culturels depuis leur consécration par la directive de 2001.

Plus significativement, la Commission européenne ne pose pas la question de savoir s'il convient de légaliser le partage non marchand entre individus des œuvres protégées en ligne, alors que cette problématique constitue l'enjeu majeur auquel l'adaptation du droit d'auteur à l'environnement numérique est confronté.

Ces questions sont au contraire au cœur du programme de réforme positive du droit d'auteur et des politiques culturelles liées que promeut La Quadrature du Net. La dernière partie du questionnaire intitulée « Autres sujets » permettra de faire valoir ce qui aurait dû être la première préoccupation de la Commission !

Des orientations dangereuses qu'il faut contrer

Par ailleurs, plusieurs parties de la consultation pourraient amener à une remise en question d'acquis fondamentaux permettant le fonctionnement même d'Internet. C'est le cas lorsque la Commission demande si « le fait de mettre à disposition un lien hypertexte vers un contenu protégé par le droit d'auteur (…) devrait être soumis à autorisation du titulaire de droit » ou si le simple fait de « voir une page web lorsque cela implique une reproduction temporaire d'un contenu protégé à l'écran ou dans la mémoire cache de l'ordinateur de l'utilisateur (…) devrait faire l'objet d'une autorisation ». La remise en question des libertés de lier ou de consulter des pages web – déjà attaquées en Allemagne et en Angleterre [en] – constituerait une régression majeure.

Mais les passages les plus dangereux de la consultation figurent dans la partie VI consacrée au « Respect des droits ». La Commission demande si « le cadre juridique actuel est assez clair pour permettre l'implication suffisante des intermédiaires (comme les fournisseurs d'accès Internet, les régies publicitaires, les moyens de paiement en ligne, les registaires de noms de domaines) dans la prévention des violations en ligne au droit d'auteur dans un cadre commercial »2 et « quelles mesures seraient utiles pour favoriser la coopération de ces intermédiaires »3. On retrouve ici la volonté de faciliter l'engagement de la responsabilité des intermédiaires techniques qui était au coeur de la loi SOPA ou de l'accord ACTA. Mais les formulations employées par la Commission font aussi écho au concept « d'auto-régulation des plateformes » qui est poussé actuellement par la France au niveau européen et qui peut conduire à la mise en place de nouvelles formes de police privée du droit d'auteur.

Sur ces point, La Quadrature appelle les citoyens et les organisations citoyennes à manifester leur désaccord vis-à-vis de ces mesures rétrogrades et répressives !

Pousser en faveur d'une réforme positive

Pour autant, la Commission envisage aussi dans son texte plusieurs sujets qui peuvent être l'occasion de demander une réforme positive du droit d'auteur européen, dans le sens des usages et de la circulation de la connaissance. La Commission demande par exemple si la durée des droits ne devrait pas être diminuée ou si les œuvres ne devraient pas faire l'objet d'un enregistrement préalable pour être protégées, deux mesures qui conduiraient à renforcer le domaine public en Europe. Elles demandent également si des exceptions au droit d'auteur ne devraient pas être mieux harmonisées et renforcées, notamment pour les usages pédagogiques et de recherche, en faveur des institutions culturelles ou des handicapés, pour des pratiques innovantes comme le data mining ou les usages transformatifs (remix, mashup).

Sur tous ces points, il importe que la société civile, individus et institutions publiques ou privées, fasse entendre sa voix pour demander un assouplissement du cadre législatif européen.

La Quadrature du Net répondra à cette consultation, à partir des Éléments pour la réforme du droit d'auteur et des politiques culturelles liées. Il est peu probable que l'actuelle Commission soit en mesure de lancer un processus de réforme, à cause de l'approche de nouvelles élections européennes. Mais il importe que la nouvelle Commission reçoive dès sa prise de fonction un signal fort en faveur d'une révision positive de la directive de 2001 et cette consultation en donne l'occasion !

« L'Union européenne ne peut plus repousser la mise en œuvre d'une véritable réforme du droit d'auteur qui prenne en compte les droits culturels fondamentaux des individus, tout en mettant fin à la spirale répressive constatée ces dernières années », déclare Philippe Aigrain, co-fondateur de La Quadrature du Net.

« Sans une mobilisation massive de la société civile, le processus enclenché par la Commission peut conduire à une régression. Mais des propositions positives sont portées par des organisations citoyennes, partout en Europe, qui doivent à présent faire entendre leur voix », déclare Lionel Maurel, co-fondateur de l'association La Quadrature du Net.

LPM promulguée : la dérive du politique vers la surveillance généralisée

jeudi 19 décembre 2013 à 10:22

Paris, 19 décembre 2013 — Le président de la République a promulgué la loi de programmation militaire dont le texte est paru cette nuit au Journal officiel. L'adoption de son article 20 et l'absence de saisine du Conseil constitutionnel manifestent une profonde crise d'un pouvoir politique n'hésitant plus à porter massivement atteinte aux droits fondamentaux. La Quadrature du Net remercie tous ceux qui ont participé à la lutte contre ces dispositions et appelle à poursuivre le combat contre la surveillance des contenus et communications sur Internet par tous les moyens : législatifs, judiciaires, technologiques et de choix d'usage.

Le texte de la Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale a été publié cette nuit au Journal officiel. Son article 20 (anciennement 13) ouvre la porte à une surveillance largement étendue des informations et documents sur Internet, y compris par la sollicitation du réseau en temps réel et avec la participation des opérateurs de télécommunication et de services Web, pour des finalités dépassant très largement les impératifs de la défense et la sécurité nationale.

L'adoption de ces dispositions à la rédaction ambiguë et n'ayant rien à faire dans une loi de programmation militaire, puis l'absence de saisine constitutionnelle, manifestent une très grave crise de la représentation démocratique et de son respect des droits fondamentaux. Cette loi a été adoptée unanimement par les élus socialistes, pourtant très largement divisés sur l'article 20 (à l'époque article 13), et alors qu'ils avaient voté en sens inverse sur des dispositions provisoires et moins dangereuses en 2006 et 2008. Ceux de l'UMP, du groupe écologiste et de la gauche GDR ont rejeté la loi dans les deux chambres1.

Pourtant, une fois cette loi adoptée, les clivages politiques et la discipline de groupe ont été la principale cause de l'échec des tentatives pour réunir les 60 signatures nécessaires à la saisine du Conseil constitutionnel, malgré la mobilisation citoyenne et les nombreuses alertes d'organisations diverses. Le vote politicien d'un PS tenu en laisse, le sectarisme de l'UMP refusant de co-signer avec des députés verts ou communistes et l'intimidation brutale de ses membres par son chef de groupe Christian Jacob resteront dans nos mémoires comme emblématiques de la dérive vers un régime post-démocratique.

De nombreuses étapes permettront aux citoyens de continuer la lutte contre le développement d'une surveillance généralisée devenue l'instrument de pouvoirs politiques incapables d'agir pour l'intérêt commun. Sur le plan juridique, la parution du décret en Conseil d'État prévu dans la loi et les lois annoncées sur le renseignement et les libertés en ligne donneront de nouvelles occasions de débats, de décision et de recours. Mais c'est sur le plan politique et celui des usages que se joueront tout autant nos droits et nos libertés.

« Avec les autres associations de défense des droits et libertés qui se sont mobilisées contre l'article 20, nous allons mener campagne sans relâche contre la surveillance et ces violations de la séparation des pouvoirs. Nous demanderons une affirmation forte du rôle du judiciaire, du droit à la vie privée et des libertés individuelles dans les lois à venir et par toutes les voies de recours possibles » déclare Jérémie Zimmermann, co-fondateur et porte-parole de l'association La Quadrature du Net.

« L'équilibre des droits ne pourra être retrouvé que si les citoyens manifestent fortement qu'il n'y a pas de démocratie ni d'être humain libre de s'exprimer dans une société de surveillance diffuse et si chacun, dans ses choix de services, d'outils et d'usage se réapproprie ce que l'on a abandonné aux opérateurs centralisés » déclare Philippe Aigrain, co-fondateur de La Quadrature du Net.