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Newsletter #62

mardi 3 mars 2015 à 11:44

Bonjour à toutes et à tous !
Voici la newsletter numéro 62 de La Quadrature du Net !

Sommaire

L'activité de La Quadrature du Net

Aux côtés des fournisseurs d'accès associatifs de la fédération FFDN, La Quadrature du Net a déposé devant le Conseil d'État un recours contre le décret d'application de la Loi de Programmation Militaire (LPM) sur l'accès administratif aux données de connexion. Ce recours intervient alors que le gouvernement instrumentalise les événements sanglants de janvier dernier pour aggraver les dérives actuelles, avec la présentation prochaine du projet de loi sur le renseignement annoncée pour le 18 mars prochain.

La Quadrature du Net, Pila et de nombreuses autres associations ont appellé le président François Hollande et les élus européens à défendre les lanceurs d'alerte, à définir et protéger le statut de lanceur d'alerte et à assurer les moyens nécessaires à un réel suivi judiciaire des crimes et délits révélés. La directive sur le « secret des affaires » sera débattue au Parlement Européen fin avril 2015, cette directive pourrait rendre la situation des lanceurs d'alerte encore plus difficile en criminalisant l'atteinte au secret des affaires en Europe.

Au niveau européen, le rapport sur la réforme du droit d'auteur de la députée européenne, Julia REDA (Verts/ALE - DE) nourrit des débats vifs entre ayants-droits et partisans d'une réforme de celui-ci. Un autre rapport est examiné par la commission culture et éducation (CULT), celui-ci porte sur le renforcement de la « propriété intellectuelle » et contient de nombreux points inquiétants sur le volet répressif, rappelant des dispositions contestées de l'accord ACTA. Afin de soutenir ce rapport lors des votes en commission du Parlement Européen et lors de la plénière le 20 mai prochain, La Quadrature du Net va lancer une campagne dans quelques jours afin d'appeler les représentants européens à soutenir les initiatives progressistes présentes dans le rapport Reda.

Jérémie Zimmermann, co-fondateur de La Quadrature du Net, a publié une tribune dans le journal berlinois Taz sur l'instrumentalisation de la terreur pour contrôler les communications chiffrées.

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English version

Together with FFDN, a federation of community-driven non-profit ISPs, La Quadrature du Net is bringing a legal action before the French Council of State against a decree on administrative access to online communications metadata. Through this decree, it is a whole pillar of the legal basis for Internet surveillance that is being challenged. This appeal comes as the French government is instrumentalizing last month's tragic events to further its securitarian agenda, with an upcoming bill on intelligence services announce for the next 18 March.

La Quadrature du Net, Pila and a number of other organisations called on the French president François Hollande and European representatives to defend whistleblowers, to define and protect their status and to ensure the necessary means are provided for judiciary follow-up on the crimes and offences that are revealed. The “trade secrets” directive will be discussed in the European Parliament in late April 2015, this directive could worsen the situation of whistleblowers by criminalising the violation of trade secrets in Europe.

At the European level, the report on the reform of copyright of the eurodeputy, Julia Reda (Greens/EFA – DE MEP) is vividly debated between rightholders and advocates for the reform. Another report is being examined by the Committee on Culture and Education (CULT), this one concerns the reinforcement of the “Intellectual Property” and contains a number of disturbing provisions regarding repression and enforcement that bring back to mind highly contested provisions from the ACTA agreement. In order to support this report in the coming votes in Committees of the European Parliament and in the Plenary the next 20 May, La Quadrature du Net will launch in the next days a campaign to call on European Representatives to support the progressive initiatives in the Reda report.

Jérémie Zimmerman, co-founder of La Quadrature du Net, published an op-ed in the Berliner magazine, Taz on the instrumentalisation of fear in order to control encrypted communications.

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[Mediapart] Traité avec les États-Unis : Paris accusé de double discours

lundi 2 mars 2015 à 15:29

Une note des services français a « fuité », qui défend l'une des clauses les plus controversées du traité de libre-échange avec les États-Unis. Joint par Mediapart, Matthias Fekl, le secrétaire d'État au commerce, assure que cette note n'a été « ni vue ni validée », et met en cause des fonctionnaires « dans la technostructure ». L'affaire pose la question des vraies marges de manœuvre politiques dans ce dossier très sensible. […]

Mais dans le cas présent, le contenu des quatre pages est plutôt surprenant. Il détonne même par endroits avec les discours officiels. Un point, en particulier, n'a pas manqué d'attirer l'attention : le mécanisme d'arbitrage entre État et investisseur (ISDS, dans le jargon), l'une des dispositions les plus contestées du traité en négociation, parce qu'elle autorise des entreprises à attaquer des États en justice (lire notre enquête). Cette clause est si controversée qu'elle menace même d'engloutir l'ensemble des négociations. […]

Pour sortir l'épine ISDS du traité en chantier, le gouvernement français s'est rapproché, depuis janvier, de ses partenaires sociaux-démocrates. Fekl s'est rendu à Berlin en janvier pour sceller une position commune avec Sigmar Gabriel (ministre de l'économie) et Matthias Machnig (secrétaire d'État aux affaires économiques), deux figures du SPD. Des réunions au format élargi – avec des ministres suédois, néerlandais, luxembourgeois et danois – se sont déroulées dans la foulée, à Paris puis Bruxelles. Dernière étape en date : samedi dernier à Madrid, lors d'un sommet du Parti socialiste européen, les sociaux-démocrates se sont entendus sur une approche commune opposée à l'actuel ISDS, si l'on en croit les déclarations officielles. Cette dynamique, inédite depuis le début des négociations sur le TTIP à l'été 2013, pourrait obliger la commission européenne à intégrer certaines de leurs propositions dans le nouveau texte sur ISDS, qu'elle prépare. […]

http://www.mediapart.fr/journal/international/270215/traite-avec-les-eta...

Décret LPM : La Quadrature du Net dépose un recours devant le Conseil d'État

mercredi 18 février 2015 à 17:33

Paris, 18 février 2015 — Aux côtés des fournisseurs d'accès associatifs de la fédération FFDN, La Quadrature du Net vient de déposer devant le Conseil d'État un recours contre le décret d'application de la Loi de programmation militaire (LPM) sur l'accès administratif aux données de connexion. À travers cette action contentieuse qui s'appuie sur une récente décision de la Cour de justice de l'Union européenne, c'est toute une partie de l'édifice juridique de la surveillance d'Internet qui est attaquée. Ce recours intervient alors que le gouvernement instrumentalise les événements sanglants du mois dernier pour aggraver les dérives actuelles, avec la présentation prochaine du projet de loi sur le renseignement.

Conseil d'État - Marie-Lan Nguyen - Domaine Public - Wikimedia Commons
Conseil d'État - Marie-Lan Nguyen - Domaine Public - Wikimedia Commons

En décembre 2013, le Parlement français adoptait la Loi de programmation militaire (LPM), et avec elle plusieurs dispositions visant à parachever l'édifice juridique en matière de surveillance extra-judiciaire d'Internet : non seulement le nombre de services de police et de renseignement ayant accès aux données de connexion a été élargi, mais le champs des données concernées a lui aussi été étendu (la loi renvoie à l'ensemble des « informations et documents », « y compris » les métadonnées détenues à la fois par les fournisseurs d'accès et par les hébergeurs). Qui plus est, le dispositif ne s'accompagne d'aucun contrôle préalable de la CNCIS, l'autorité administrative indépendante dédiée au contrôle des interceptions administratives des communications, par ailleurs largement sous-dotée pour conduire à bien ses missions. Enfin, la LPM prévoit qu'une telle surveillance des communications puisse être conduite en temps réel, « sur sollicitation du réseau » des opérateurs, cette fois avec un contrôle préalable de la CNCIS, laissant toutefois craindre une aspiration massive et directe des données.

À l'époque, en plein débat sur les révélations d'Edward Snowden et alors que le gouvernement a toujours refusé de faire la transparence sur les pratiques des services français en la matière, ces dispositions — visant selon les dires de ses promoteurs à consacrer dans la loi des pratiques « alégales » (et donc illégales) — avaient suscité une vive opposition de la société civile. En dépit des appels en ce sens, les parlementaires avaient cependant refusé de saisir le Conseil constitutionnel pour évaluer la conformité de ces dispositions à la Constitution.

Le 24 décembre dernier, le gouvernement adoptait en catimini le décret d'application permettant la mise en œuvre de ces dispositions. La publication de ce décret est l'occasion pour La Quadrature du Net et les fournisseurs d'accès associatifs de la fédération FFDN d'attaquer l'ensemble de l'édifice juridique de la surveillance d'Internet qui s'est développé depuis les attentats du 11 septembre 2001.

Au travers de ce recours, c'est en effet le principe même d'une surveillance généralisée de la population qui est mis en cause. Le régime applicable s'appuie sur l'ensemble des acteurs de l'Internet — fournisseurs d'accès et hébergeurs situés sur le territoire français —, en les obligeant à conserver pendant une durée d'un an l'ensemble des données de connexion des utilisateurs d'Internet.

Ce régime avait été étendu à l'ensemble de l'Union européenne par une directive de 2006 adoptée sous le coup de l'émotion suscitée par les attentats de Madrid et de Londres. Certaines lois nationales de transposition avaient été déclarées anti-constitutionnelles dans plusieurs États membres, dont l'Allemagne où un tel régime est demeuré inappliqué. Et le 8 avril 2014, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) rendait une décision historique invalidant l'ensemble de la directive de 2006. Dans son arrêt Digital Rights Ireland, la Cour indique clairement qu'un tel mécanisme de conservation des données est contraire aux droits fondamentaux. Selon la Cour :

« La directive 2006/24 concerne de manière globale l’ensemble des personnes faisant usage de services de communications électroniques, sans toutefois que les personnes dont les données sont conservées se trouvent, même indirectement, dans une situation susceptible de donner lieu à des poursuites pénales. Elle s’applique donc même à des personnes pour lesquelles il n’existe aucun indice de nature à laisser croire que leur comportement puisse avoir un lien, même indirect ou lointain, avec des infractions graves. En outre, elle ne prévoit aucune exception, de sorte qu’elle s’applique même à des personnes dont les communications sont soumises, selon les règles du droit national, au secret professionnel. » (§ 58)

Dans cet arrêt, c'est donc le principe d'une surveillance générale de la population qui est mis en cause, au profit d'une surveillance ciblée des personnes pour lesquelles il existe un intérêt légitime à attenter au droit à la vie privée.

Partout en Europe, dans le contexte du débat public suscité par les révélations d'Edward Snowden sur les dérives sécuritaires de l'après 11 septembre 2001, l'arrêt de la CJUE a déjà conduit à remettre en cause le droit et les pratiques actuelles en matière de surveillance d'Internet. En Autriche, en Roumanie, en Slovaquie et en Slovénie, les cours constitutionnelles ont depuis lors suspendu ou annulé les lois nationales sur conservation des données. En Suède, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, d'importantes controverses sont en cours. Dans le cadre de procédures détachées de l'arrêt de la CJUE, le GCHQ britannique vient également d'être condamné pour ne pas avoir fait la transparence sur les échanges de données avec la NSA. Enfin, un recours dans lequel La Quadrature du Net intervient au côté d'une coalition d'ONG est également porté contre les programmes du GCHQ devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).

En France, le gouvernement a toujours refusé de tirer les leçons des révélations Snowden ou de l'arrêt de la CJUE. Au contraire, ces derniers mois ont vu l'adoption des nouvelles législations d'exception, avec non seulement la LPM mais aussi la loi de novembre 2014 de lutte contre le terrorisme. Alors que les crimes odieux au Moyen-Orient et en Afrique ou les attentats meurtriers des 7 et 9 janvier dernier sont actuellement l'objet d'une honteuse instrumentalisation sécuritaire, avec des appels à l'élargissement de la surveillance et à la criminalisation du chiffrement des communications, il est grand temps qu'en France aussi ce débat puisse avoir lieu, à la fois dans l'espace public et devant les juridictions.

La police et la justice doivent évidemment faire leur travail, mais de manière proportionnée et dans le respect de l'État de droit. C'est le sens de ce recours conjoint déposé aujourd'hui devant le Conseil d'État — le premier porté directement par La Quadrature du Net, dont les statuts prévoient depuis 2013 qu'elle peut agir en justice pour défendre les droits fondamentaux des citoyens dans l'espace numérique. À terme, ce recours permettra non seulement de saisir le Conseil constitutionnel, puisque la LPM n'a fait l'objet d'aucun contrôle de constitutionnalité, mais également de confronter le droit français existant à la jurisprudence européenne du 8 avril 2014, ainsi qu'à celle de la CEDH.

[Mediapart] Inquiets de « l'après-Charlie », des militants anti-discrimination font cause commune

mercredi 18 février 2015 à 15:36

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Les responsables de diverses associations – de la Quadrature du net à La voix des Rroms en passant par Stop le contrôle au faciès, Urgence notre police assassine et le Collectif contre l’islamophobie – ont décidé de « faire cause commune », pour dire leur volonté de « ne pas céder au repli sur soi ». Et aussi leur intention de rester offensifs.

« L’après-Charlie est dans la continuité de la loi de programmation militaire et la loi sur la lutte contre le terrorisme de la fin 2014 », dit ainsi Félix Tréguer, de la Quadrature du net, pour qui « le “Patriot act” était déjà voté ». Lui dénonce une « instrumentalisation sécuritaire des attentats », où le gouvernement « profite d’un contexte de peur » pour « attenter aux libertés numériques ». D’après Tréguer, « le blocage administratif des sites est contournable en un clic » et « l’apologie du terrorisme est largement mobilisé pour des propos imbéciles, mais n’a que très peu d’effet sur les filières djihadistes ». En pensant au projet de loi sur le renseignement, qui devrait arriver au parlement en mars, il s’inquiète enfin d’une philosophie du pouvoir tourné vers « la surveillance de masse », au lieu d’« une surveillance ciblée » et de son contrôle. « On assiste à une contre-réaction, après les progrès réalisés en termes de débat public depuis l’affaire Snowden », dit-il.

http://www.mediapart.fr/journal/france/130215/inquiets-de-l-apres-charli...

Instrumentaliser la terreur pour contrôler les communications chiffrées : une dérive dangereuse et anti-démocratique

mardi 17 février 2015 à 13:03

Tribune de Jérémie Zimmermann, co-fondateur de La Quadrature du Net, initialement publié et édité par Taz, en allemand, le 12 février 2015.

Les attentats de janvier à Paris ont déclenché une vague de discours sécuritaires et de dangereux projets législatifs s'annoncent bien au-delà des frontières françaises. Un contrôle des communications en ligne, de la surveillance, des attaques contre l'expression anonyme et le chiffrement sont déjà à l'ordre du jour, sous prétexte de combattre un ennemi invisible dans une guerre perpétuelle.

En novembre 2014, le Premier ministre Manuel Valls et le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve ont vu leur nouvelle loi anti-terrorisme être adoptée à l'unanimité. Cette loi permet au ministère de l'Intérieur de censurer des sites web s'il estime qu'ils incitent au terrorisme. Elle retire également les mesures de protection de la liberté de la presse pour les propos relevant « d'apologie du terrorisme », et permet la mise en place administration d'une restriction des déplacements et d'une surveillance pour les individus considérés comme terroristes potentiels. L'institution gouvernementale chargée de la protection des droits de l'Homme, la CNCDH (Commission Nationale Consultative pour les Droits de l'Homme) a elle-même considéré que cette loi constituait une violation des droits fondamentaux. Pour couronner le tout, après avoir été adopté en procédure d'urgence, le nouveau texte n'a même pas été examiné par le Conseil Constitutionnel, aucun groupe politique n'ayant osé le remettre en question de peur d'être taxé de « pro-terroriste ».

Quelques mois auparavant, en décembre 2013, la Loi de Programmation Militaire avait déjà été adoptée dans des conditions similaires, autorisant la surveillance en masse, sur simple requête administrative, de nombreux types de données provenant de sources diverses, pour des buts multiples. Ce texte légalisait sans doute ce qui était déjà des pratiques courantes des services de renseignement.

Aujourd'hui, le débat public hystérisé alimenté par la peur est instrumentalisé afin de justifier l'adoption hâtive de nouvelles lois sécuritaires. Dans les semaines à venir, MM. Valls et Cazeneuve proposeront une nouvelle loi sur le renseignement. Dans le contexte actuel, il est probable que ce nouveau texte apportera son propre lot de nouvelles mesures de surveillance, de pouvoir renforcé pour l'exécutif et la police, et de réduction constante du rôle du judiciaire en tant que gardienne-fou des droits fondamentaux. Tout porte à croire qu'Internet deviendra le bouc émissaire de ces atteintes à nos libertés.

Cette instrumentalisation de la terreur pour attaquer les libertés fondamentales ne concerne cantonne pas que à la France, elle est une spirale qui entraîne l'ensemble des citoyens européens.

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Le Premier ministre britannique M. Cameron a prétexte les attaques de Paris pour lancer une offensive contre la liberté des citoyens à communiquer de façon sécurisée en chiffrant leurs messages, ce que le coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme a rapidement soutenu dans une note préparatoire destinée au Conseil Européen, suggérant que : « La Commission devrait être invitée à étudier des règles qui obligeraient les entreprises des secteurs Internet et télécommunications opérant dans l'Union Européenne à fournir aux autorités nationales compétentes, sous certaines conditions établies dans les lois nationales applicables et en plein accord avec les droits fondamentaux, un accès aux communications des utilisateurs (i.e. partager les clés de chiffrement). »1

De telles tentatives de prise de contrôle des outils permettant le chiffrement des communications illustrent une tendance alarmante à l'extension autoritaire du pouvoir du gouvernement et de la police en portant massivement atteinte à nos libertés fondamentales.

L'analyse des documents d'Edward Snowden montre que la NSA dépense 250 millions de dollars par an (environ 220 millions d'euros) pour son programme « BullRun », dont l'objectif est de saboter activement les technologies de sécurisation des données et des communications. À l'aide de diverses méthodes allant de la corruption des organes de standardisation à l'infiltration des équipes de développement, en passant par des pots-de-vin destinés aux sociétés pour qu'elles affaiblissent délibérément leur technologie ou laissent en place des failles de sécurité ou des portes dérobées, la NSA a fait en sorte de pouvoir accéder aux communications transitant par tous les équipements commerciaux conçus par des sociétés américaines. La conséquence directe est cette leçon ô combien précieuse : à moins que la loi américaine ne soit radicalement réformée, la confiance est irrémédiablement rompue dans ces sociétés qui participent à la fabrication de plus de 90% des technologies que beaucoup utilisent quotidiennement, parmi lesquelles Apple, Microsoft, Google, Facebook, Cisco, Motorola, etc. Cette prise de conscience doit faire naître d'indispensables changements radicaux dans notre rapport à la technologie.

Un tel sabotage gouvernemental de nos outils quotidiens prouve qu'il n'y a pas de technologie digne de confiance pour la protection de nos données et communications qui ne soit pas du logiciel libre. Le logiciel libre appartient à tous, c'est un bien commun sur lequel nous avons tous, par l'intermédiaire de la publication de son code source, de sa « recette », une capacité collective de compréhension, de participation et de contrôle. Il est beaucoup plus difficile d'inclure des fonctionnalités malveillantes de surveillance dans un logiciel libre si suffisamment d'yeux et de cerveaux vigilants y prêtent attention.

Développer, améliorer et diffuser des logiciels libres pour le chiffrement « de bout en bout » et les communications décentralisées encourage le développement de talents et d'économies locales. Cette démarche donne aux citoyens le pouvoir de partager les connaissances technologiques et d'être eux-mêmes acteurs de la sécurité de leurs données et communications. En outre, c'est une façon de construire des modèles de sécurité résilients permettant à nos sociétés de mieux résister à des tentatives de contrôle totalitaire. Des politiques industrielles intelligentes pourraient favoriser le développement de logiciel et matériel libres (par entre autres des incitations fiscales, la commande publique, l'éducation supérieure) comme un objectif stratégique pour un futur technologique permettant des sociétés libres et justes.

data encryptionLorsque David Cameron pose la question rhétorique : « Souhaitons-nous autoriser des moyens de communication inter-personnelles que nous (le gouvernement) ne pouvons pas lire ? », la réponse collective doit être « Oui, absolument, et les gouvernements doivent protéger ce droit ! ». La possibilité d'écrire et de communiquer sans être surveillé est une condition essentielle pour la liberté d'expression et la démocratie. Les communications privées sécurisées sont l'un des rares outils dont disposent les citoyens du monde entier pour s'organiser contre l'oppression et la tyrannie.

Les enquêteurs qui travaillent sur des crimes graves disposent d'une multitude de moyens d'accéder au contenu des communications d'un individu, à travers une surveillance ciblée qui peut et doit être contrôlée démocratiquement. Plutôt que d'affaiblir la cryptographie de tous les citoyens du monde, ils peuvent par exemple intercepter en clair les entrées et sorties des communications chiffrées d'un individu par le biais d'un mouchard placé sur sa machine, de caméras ou de micros espions, de l'infiltration des réseaux, etc. Dans la plupart des cas, ce sont bien ces « bons vieux » moyens d'enquête ciblée, qui doivent obligatoirement être soumis au contrôle d'un juge judiciaire indépendant, qui permettent une prévention efficace des crimes et du terrorisme. Les autres techniques, basées sur la surveillance de masse et la corruption de la technologie elle-même sont inefficaces pour cela. En permettant un espionnage économique et politique de grande envergure, elles sont un redoutable outil de contrôle social, menant inévitablement à des abus. Cette doctrine est incompatible avec la démocratie.

Si les libertés fondamentales, y compris le droit aux communications privées et à l'expression anonyme, ne sont pas pleinement protégés par ceux qui prétendent combattre les criminels qui cherchent à détruire nos sociétés, nous obtiendrons à coup sûr le pire des deux mondes : la peur et le contrôle autoritaire.

En tant que citoyens, nous devons résister collectivement à cette instrumentalisation de la terreur par ceux qui veulent restreindre nos libertés et contrôler les populations, avec l'illusion qu'ils seront ainsi maintenus au pouvoir. Pour ce faire, nous devons investir nos énergies dans la diffusion, le développement et l'amélioration des technologies basées sur le logiciel libre, les communications décentralisées et le chiffrement de bout-en-bout. En parallèle, nous devons créer une dynamique politique pour imposer une évaluation en profondeur des pratiques de surveillance et reprendre le contrôle des institutions de renseignement lorsqu'elles sont hors de contrôle, et mettre en place des politiques qui protégeront efficacement et durablement nos libertés en ligne et hors ligne.