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55 organisations contre la « sécurité globale »

jeudi 12 novembre 2020 à 14:02

Nous signons aux côtés de 54 organisations la lettre ci-dessous pour nous opposer à la loi de sécurité globale. Si vous êtes une association partageant notre combat, écrivez-nous à contact@laquadrature.net pour signer la lettre (mettez « signature lettre sg » en objet). Si vous êtes un particulier, appelez les députés pour leur demander de rejeter ces dispositions.

Contre la loi « sécurité globale », défendons la liberté de manifester

Nous nous opposons à la proposition de loi « sécurité globale ». Parmi les nombreuses propositions dangereuses de ce texte, trois articles risquent de limiter la liberté de manifester dans des proportions injustifiables, liberté déjà fortement restreinte sur le terrain et de nouveau remise en cause par le Schéma national du maintien de l’ordre.

L’article 21 concerne les caméras portables qui, selon les rapporteurs du texte, devraient équiper « toutes les patrouilles de police et de gendarmerie […] dès juillet 2021 ». S’il est voté, le texte autorisera donc la transmission des flux vidéo au centre de commandement en temps réel. Cela permettra l’analyse automatisée des images, et notamment la reconnaissance faciale des manifestants et des passants, en lien avec les 8 millions de visages déjà enregistrés par la police dans ses divers fichiers.

Ces nouveaux pouvoirs ne sont justifiés par aucun argument sérieux en matière de protection de la population et ne s’inscrivent aucunement dans une doctrine de gestion pacifiée des foules. L’effet principal sera de faciliter de façon considérable des pratiques constatées depuis plusieurs années en manifestation, visant à harceler des opposants politiques notamment par des placements en « garde à vue préventive », par l’interdiction de rejoindre le cortège ou par des interpellations arbitraires non suivies de poursuites. Ces pratiques illicites seront d’autant plus facilement généralisées que l’identification des militants et des militantes sera automatisée.

L’article 22 autoriserait la surveillance par drones qui, selon le Conseil d’État, est actuellement interdite. Ici encore, la police n’a produit aucun argument démontrant qu’une telle surveillance protégerait la population. Au contraire, nous avons pu constater en manifestation que les drones sont avant tout utilisés pour diriger des stratégies violentes contraires à la liberté de manifester : nassage, gaz et grenades lacrymogènes notamment. Comme pour les caméras mobiles, la reconnaissance faciale permettra ici aussi d’identifier des militantes et militants politiques.

En clair, le déploiement massif des caméras mobiles et des drones, couplés aux caméras fixes déjà existantes, entraînerait une capacité de surveillance généralisée de l’espace public, ne laissant plus aucune place à l’anonymat essentiel au respect du droit à la vie privée et ne pouvant avoir qu’un effet coercitif sur la liberté d’expression et de manifestation.

L’article 24 vise à empêcher la population et les journalistes de diffuser des images du visage ou de tout autre élément d’identification de fonctionnaire de police ou militaire de gendarmerie. Autrement dit, les images des violences commises par les forces de l’ordre ne pourront dés lors plus être diffusées. Le seul effet d’une telle disposition sera d’accroître le sentiment d’impunité des policiers violents et, ainsi, de multiplier les violences commises illégalement contre les manifestantes et manifestants.

Nous appelons les parlementaires à s’opposer à ces trois dispositions qui réduisent la liberté fondamentale de manifester dans le seul but de faire taire la population et de mieux la surveiller.

Signataires

« Sécurité globale » : appelons les députés

mardi 10 novembre 2020 à 12:30

Défendons notre droit de manifester, opposons nous à la censure et à la surveillance généralisée de nos rues. La proposition de loi sera examinée à partir du mardi 17 novembre par l’ensemble des députés (voir notre première analyse du texte et notre compte rendu de l’examen en commission). Profitons du confinement pour prendre le temps d’appeler les personnes censées nous représenter.

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Malgré le confinement, il y a encore un bon nombre de députés présents à l’Assemblée et qui nous répondrons (ou alors ce sera leurs assistant·es, qui connaissent parfois mieux le dossier, donc prenons le temps de leur parler aussi). Si personne ne répond, écrivons-leur (venez consulter ou proposer vos modèles de messages sur ce document participatif).

Résumé de nos arguments

L’article 21 autorisera la transmission en temps réel des vidéos enregistrées par les caméras individuelles de chaque brigade de police et de gendarmerie, ouvrant la voie à la vidéosurveillance automatisée et particulièrement à la reconnaissance faciale généralisée (pour rappel, en 2019, sans même disposer de ces futures vidéos transmises en temps réels, la police a déjà réalisé 375 000 opérations de reconnaissance faciale). La Défenseure des droits considère elle-aussi qu’une telle transmission porterait « une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée ».

L’article 22 autorisera la surveillance de masse de nos rues par drones, ce qui n’augmentera pas la protection de la population mais servira surtout à renforcer des stratégies violentes du maintien de l’ordre, visant notamment à épuiser et dissuader les manifestants d’exercer leur liberté fondamentale d’exprimer leurs opinions politiques. Pour la Défenseure des droits, cette surveillance « ne présente pas les garanties suffisantes pour préserver la vie privée ».

L’article 24 empêchera la population de diffuser des images de violences policières, et ce dans des conditions si floues et si générales qu’elles conduiront en pratique à empêcher presque toute captation d’images de policiers et de gendarmes, en violation totale de la liberté fondamentale de la population d’être informée des pratiques et dérives des institutions publiques.

Réponses aux contre-arguments

« La reconnaissance faciale par transmission de vidéo en temps réel (article 21) ne s’en prendra qu’aux criminels ».

La reconnaissance faciale est autorisée depuis 2012 dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires, le « TAJ » (lire notre analyse). Ce fichier est géré seule par la police, sans contrôle extérieure effectif, de sorte qu’elle peut y inscrire en pratique à peu près qui elle veut, et même des opposants politiques. Le TAJ contiendrait 19 millions de personnes fichées et 8 millions de photos.

« Les drones (article 22) permettront de limiter les violences en manifestation ».

Si la police voulait diminuer les violences, elle adopterait une approche de désescalade de la violence fondée sur la communication et l’apaisement. Les drones sont parfaitement inutiles pour une telle approche apaisée. Ils ne sont utiles que pour l’approche confrontationnelle actuellement adoptée par la police, consistant à gérer les manifestants comme des flux dans des stratégies d’épuisement.

« Il faut bien une loi pour encadrer l’utilisation des drones, c’est ce que demande le Conseil d’État »

Telle que rédigée aujourd’hui, la proposition de loi n’est pas un encadrement mais un blanc-seing donnée aux forces de l’ordre pour déployer tout type de surveillance dans l’espace public. Une telle capacité de surveillance de masse est en totale opposition avec les exigences de nécessité et de proportionnalité qui sont normalement nécessaires avant le déploiement de chaque nouvelle caméra dans la rue.

« L’article 24 n’empêchera que les diffusions faites dans le but de nuire physiquement ou psychiquement aux policiers et gendarmes. »

La dénonciation d’une violence policière se fait forcément avec la conscience et même la volonté de pouvoir nuire au moral des personnes qu’on dénonce : on veut les empêcher d’agir. Quand on fait une telle dénonciation, on souhaite une sanction disciplinaire, ce qui est une attente parfaitement légitime et normale, qu’il serait donc injustifiable de criminaliser. S’agissant des appels à la violence contre les policiers, ils sont déjà interdits comme pour n’importe quelle personne.

« L’article 24 n’empêchera que la diffusion des images, pas leur captation. »

Ce sera déjà une atteinte injustifiable au droit fondamental de la population d’être informée de l’usage de la violence réalisée par la police. De plus, en pratique, la police empêche déjà régulièrement les manifestants et les passants de filmer ses interventions, alors que la population est parfaitement autorisée à le faire. Une interdiction aussi floue et générale que celle introduite par l’article 24 ne pourra que renforcer cette interdiction « de fait » imposée par la police de façon complètement arbitraire et très souvent violente.

Fichage policier : recours contre le détournement du fichier du « Système de contrôle automatisé »

lundi 9 novembre 2020 à 17:47

Nous venons de déposer un recours devant le Conseil d’État contre l’extension du fichier du Système de contrôle automatisé (SCA). Depuis avril, ce fichier permet de conserver pendant 5 à 10 ans les informations relatives à une contravention ou un délit conduisant au paiement d’une amende forfaitaire. Nous attaquons cet énième fichier de police.

Le SCA — ou ADOC, pour « Accès au dossier des contraventions » — est un fichier de police qui permettait, avant avril, de conserver des informations relatives aux délits routiers. En avril, pendant le confinement, le gouvernement a détourné ce fichier pour y inscrire des informations relatives au non-respect du confinement. La police et la gendarmerie l’ont ainsi utilisé pour repérer les récidivistes, afin tout simplement, de les mettre en prison1Le non-respect des règles de confinement, aujourd’hui encore, vous expose à une amende de 135€, mais la récidive peut en effet vous conduire en prison.<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_16354_1').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_16354_1', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], });.

Ce fichier ne permettant pas, à l’époque, de conserver des informations autres que sur les délits routiers, les procédures judiciaires ont depuis été annulées et les personnes relaxées.

Qu’à cela ne tienne. Puisque les tribunaux reprochaient à la police d’utiliser un fichier sans en avoir le droit, la police — par le biais du ministre de l’intérieur — a changé les règles du jeu. Et voilà que, depuis mi-avril 2020, toute infraction réprimée par une amende forfaitaire sera inscrite dans ce fichier, et cela pour une durée de 5 ans (pour les contraventions) à 10 ans (pour les délits).

Outre la méthode infâme et indigne d’un État de droit, cette manœuvre accentue de manière inquiétante le fichage de la population. Non seulement les infractions visées sont peu graves2C’est justement parce que ces infractions sont « peu graves » que l’on peut décider de de payer une amende forfaitaire au lieu de passer devant un tribunal.<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_16354_2').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_16354_2', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], });, mais elles sont aussi très nombreuses. Vous pourrez donc vous retrouver dans ce fichier de police pour avoir vendu une Tour Eiffel à la sauvette, pour avoir du cannabis sur vous, pour le dépôt d’ordures3Notons à ce propos que la police sanctionne l’affichage militant sauvage par une amende pour dépôt d’ordures sauvage.<script type="text/javascript"> jQuery('#footnote_plugin_tooltip_16354_3').tooltip({ tip: '#footnote_plugin_tooltip_text_16354_3', tipClass: 'footnote_tooltip', effect: 'fade', predelay: 0, fadeInSpeed: 200, fadeOutSpeed: 200, position: 'top right', relative: true, offset: [10, 10], });, pour avoir participé à une manifestation interdite sur la voie publique, ou encore, depuis fin octobre, pour ne pas avoir respecté les obligations de confinement. Et cette liste est très loin d’être exhaustive : nous avons relevé dix délits et une trentaine de contraventions qui, seulement parce qu’ils et elles font l’objet du paiement d’une amende, vous inscrira dans un énième fichier de police. Et ce pour une période relativement longue.

À travers ce fichier, c’est encore une fois l’impunité policière qui doit être dénoncée. Le gouvernement fait fi des règles d’un l’État de droit pour arriver à ses fins : mettre les gens sous surveillance, les envoyer en prison et réprimer toujours plus durement. Il est pourtant établi qu’un fichage policier conduit toujours à des abus — le TAJ ou les drones ne sont que deux exemples dans un océan d’arbitraire.

References

Le non-respect des règles de confinement, aujourd’hui encore, vous expose à une amende de 135€, mais la récidive peut en effet vous conduire en prison.
C’est justement parce que ces infractions sont « peu graves » que l’on peut décider de de payer une amende forfaitaire au lieu de passer devant un tribunal.
Notons à ce propos que la police sanctionne l’affichage militant sauvage par une amende pour dépôt d’ordures sauvage.
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Sécurité globale : la police fait la loi

vendredi 6 novembre 2020 à 19:22

La loi « sécurité globale » a été adoptée hier en commission des lois de l’Assemblée nationale (relire notre première analyse de la loi). Un premier constat s’impose aux personnes qui ont suivi l’examen du texte : une ambiance singulière, lugubre et fuyante. Un silence de plomb rompu seulement par divers éclats de rires du groupe LREM, incongrus et parfaitement indécents compte tenu de la gravité du texte examiné. Certains diront qu’il faut écrire la loi d’une main tremblante. Alors tremblons.

Le RAID dans l’Assemblée

Cette loi illustre la méthode législative propre aux États policiers : la police écrit elle-même les règles qui définissent ses pouvoirs.

D’abord, littéralement, l’auteur principal du texte, Jean‑Michel Fauvergue (LREM), est l’ancien chef du RAID, de 2013 à 2017. Il est l’un des deux rapporteurs du texte. À travers lui et, depuis son pupitre en commission des lois, la police a pu imposer son autorité.

Quand la députée Danièle Obono (LFI) s’inquiète pour nos libertés fondamentales, Fauvergue lui reproche de « déverser [son] fiel sur la société française » – car, comprenez-vous, critiquer la police, c’est critiquer « la France ». Voyant Obono insister, il lui intime même : « Allez prendre vos gouttes ! ». Sans doute voit-il le « débat parlementaire »a comme un champ de bataille où il est exclu de négocier avec l’ennemi, tout en se permettant de reprocher à Obono de « voir la société de façon binaire entre les « gentils » et les « méchants »».

Pensées interdites

Cette négociation impossible s’est aussi traduite dans l’attitude de l’autre rapporteure du texte, Alice Thourot. Chaque fois qu’un amendement proposait de limiter ne serait-ce qu’un tant soit peu les nouveaux pouvoirs de la police, elle restait cloîtrée dans une unique et lancinante réponse, se résumant à : « Cette disposition a été demandée par la police, il faut l’adopter telle quelle ».

Elle n’est sortie de ce mutisme intellectuel que pour demander aux députés d’arrêter d’envisager des hypothèses où la police abuserait de ses nouveaux pouvoirs, car de telles pensées seraient insultantes pour la police. Entre ces « crimepensées » et le slogan choisi par Thourot pour cette loi, « protéger ceux qui nous protègent », 1984 est à l’honneur.

Trois député·es

Ne laissons ici aucun doute : le rôle historique du Parlement et du droit est précisément d’envisager des hypothèses où les institutions abuseraient de leur pouvoir afin d’en limiter les risques. Mais il n’y avait plus hier qu’une poignée de députés pour s’en souvenir. Saluons-les pour leur étrange baroud d’honneur. Danièle Obono, déjà citée, l’ancien marcheur Paul Molac et le centriste Philippe Latombe qui, devant les barrières dressées par la police au sein même de l’Assemblée nationale, a fait tomber les masques, rempli d’amertume, avouant que « les députés ne servent à rien ». Et en effet, ils n’auront servi à rien.

Alors que le sujet de cette loi, dont le processus d’adoption est – rappelons le – d’une rapidité exceptionnelle, touche à nos libertés publiques et nécessiterait une discussion solennelle et sérieuse de la part des parlementaires, nous avons à l’inverse pu observer une absence criante de la mesure de la gravité des enjeux, chaque augmentation de pouvoir de la police étant votée comme une simple formalité administrative.

La police autonome

Ce débat, tant sur sa forme que sur son fond, aura démontré que la police est une institution politique autonome, avec son agenda et ses idéologies propres qu’elle entend défendre elle-même. Les discussions sur l’article 21 sur les « caméras-piétons » l’ont parfaitement illustré.

Les députés de droite ont martelé qu’il fallait que cet article 21 permette aux policiers de publier les vidéos prises par leur caméra portative afin de « rétablir la vérité », ou plus exactement d’établir « leur vérité » dans la « guerre des images », et de justifier les violences policières filmées par les journalistes et la population. La police n’est donc plus uniquement chargée de protéger la population contre les infractions. Elle est aussi destinée à faire de la communication politique au même titre qu’un parti politique ou qu’un journal militant – les armes et les hélicoptères en plus.

Un chien-fou en liberté

Le gouvernement et sa majorité parlementaire ont toujours dû laisser à la police certaines libertés en contrepartie de la protection armée offerte contre les débordements populaires. Mais ce rapport de force semble largement déraper. Sur la forme, on pourrait se demander ce qu’il reste de l’indépendance du pouvoir législatif, soumis de fait à la police et à ses lobbyistes élus.

Sur le fond du texte aussi, le rapport de force semble basculer brutalement en faveur de la police. L’article 24 de la loi, qui conduira en pratique à empêcher la population et les journalistes de filmer et de diffuser les images de violences policières, fera disparaître un contre-pouvoir fondamental dans l’équilibre des institutions. Car la documentation des abus policier dans les médias, par la presse et la population, permettait de les contenir un minimum, ce qui arrangeait bien les autres pouvoirs. Si le contre-pouvoir de la presse devait sauter, plus grand-chose n’empêcherait la police de verser dans l’arbitraire le plus total.

Les amendements de la police

Hier, l’agenda a bel et bien été dicté par la police. Les seuls amendements sérieux à avoir été adoptés sont ceux qui accroissent les pouvoirs de la police.

Sur les articles qui nous intéressent, un premier amendement « vise à étendre aux polices municipales les avancées permises par le présent article en matière de caméras individuelles » (notamment la transmission en temps réel au centre de commandement, où les images pourront être analysées automatiquement). Un deuxième ensemble d’amendements allonge la liste des finalités permettant la surveillance par drones (lutte contre les rodéos urbains et les petits dealers notamment).

Enfin, la seule modification apportée à l’article 24 sur la diffusion d’images policières sonne comme une provocation : l’article 24, qui interdit toujours la diffusion du visage et d’autres éléments d’identification des policiers, permet désormais de diffuser des images illustrant leur matricule – ce fameux RIO dont l’absence est justement si souvent déplorée… Réagissant aux vives oppositions, notamment celle de la défenseure des droits, contre l’atteinte à la liberté d’informer constituée par cet article, l’ancien chef du RAID a été définitif : « nous voulons que les agents ne soient plus identifiables du grand public ».

La suite

Le texte sera examiné par l’ensemble des députés à partir du 17 novembre. Vous pouvez appeler ou écrire aux élus d’ici là via l’outil ci-dessous.

Nos espoirs principaux seront peut-être à placer dans le Sénat et le Conseil constitutionnel, qui ont une place singulière dans les rapports de force entre les institutions et sont récemment parvenus à réduire à néant les initiatives du gouvernement, notamment en s’opposant à la loi Avia.

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Identité numérique et reconnaissance faciale : défaite au Conseil d’Etat, le combat continue !

vendredi 6 novembre 2020 à 13:44

En juillet 2019, nous avions attaqué l’application pour smartphone « ALICEM » devant le Conseil d’Etat. Cette application, développée par l’Agence des Titres Sécurisés (ANTS), visait à développer une identité numérique gouvernementale, soi-disant « sécurisée », conditionnée à un traitement de reconnaissance faciale obligatoire. Soit une manière détournée de commencer à imposer à l’ensemble de la société française la reconnaissance faciale à des fins d’identification. La CNIL s’était, pour une fois, autorisée à contredire frontalement le gouvernement en soulignant dans son avis qu’un tel dispositif était contraire au droit européen. Le gouvernement n’avait pas suivi son avis et avait publié, sans le modifier, le décret permettant la création de cette application.

Outre cette violation du droit européen sur la protection des données, nous avions souligné de notre côté le risque de normalisation de la reconnaissance faciale : à force de l’utiliser volontairement comme outil d’authentification, nous risquerions de nous y accoutumer, au point de ne plus nous indigner de ce mode de contrôle social particulièrement insidieux et dangereux pour les libertés publiques. Notre recours était également concomitant à un rapport signé par l’ancien ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, où ce dernier faisait d’inquiétants liens entre Alicem, la haine en ligne et son désir de mettre fin à l’anonymat. Enfin, nous avions attaqué la disproportion des données traitées pour l’application Alicem : pour créer cette identité, l’application traite en effet 32 données différentes (nom, prénom, taille, date de délivrance du passeport…).

Hier, le Conseil d’Etat a rendu sa décision. Elle est choquante : plus d’un an après le dépôt de notre recours. Il rejette ce dernier en trois paragraphes. Il reprend notamment l’argumentation du ministère de l’Intérieur en considérant que la CNIL s’est trompée : le droit européen serait selon lui respecté car les personnes ne voulant pas utiliser l’application (du fait de la reconnaissance faciale) ne subiraient pas de préjudice. Elles pourraient en effet utiliser d’autres moyens d’identification pour accéder aux services publics en ligne (par exemple via un identifiant et un mot de passe via France Connect). Cette interprétation de la notion de « consentement libre et éclairé » méconnaît non seulement celle de la CNIL mais aussi celle du comité européen de la protection des données. Sur la question de l’étendue des données, il considère tout simplement que le traitement est « adéquat et proportionné ». Sans plus de détails. Une conclusion aucunement argumentée, qui résume à elle seule tout l’arbitraire de cette décision. Un seul lot de consolation  : le Conseil d’État y reconnaît donc que conditionner l’accès à un service public en ligne à la reconnaissance faciale ne respecte pas le droit des données personnelles (il faut toujours qu’une alternative soit proposée, et Alicem risque donc de ne jamais sortir de sa phase d’expérimentation).

Cette décision marque une bataille perdue contre la surveillance biométrique, contre son utilisation dans le cadre d’une identité numérique, et surtout contre sa normalisation. Notre recours aura néanmoins rempli un de ses objectifs : celui de mettre la lumière sur ce projet du gouvernement et de lancer le débat sur la reconnaissance faciale en France. De montrer aussi à ses promoteurs que chaque initiative, chaque tentative de leur part de nous imposer cette surveillance sera combattue. C’est dans cette même idée que nous avons déposé il y a quelques mois un recours contre la reconnaissance faciale dans le TAJ. C’est aussi dans cette idée que nous suivrons de près le prochain sujet de la carte d’identité numérique, où la biométrie sera, encore une fois, au cœur des débats.