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source: La Quadrature du Net

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Pas de programme Prism à la française

mardi 17 décembre 2013 à 14:17

Tribune de Philippe Aigrain et Jérémie Zimmermann, cofondateurs de La Quadrature du Net, publiée dans l'édition du Monde datée du mercredi 18 décembre 2013.

Nos libertés fondamentales sont en danger

Le mardi 10 décembre, le Sénat a voté en deuxième lecture le texte de la loi sur la programmation militaire pour les années 2014 à 2019.

Ce texte étant identique à celui voté en première lecture le 3 décembre à l'Assemblée, la loi est donc adoptée et, en son sein, le très contesté article 20. Cet article porte sur l'accès aux « informations ou documents traités ou conservés par » les réseaux des hébergeurs ou services de communications électroniques, « y compris les données techniques relatives à l'identification des numéros d'abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques ». Il précise que ces informations et documents « peuvent être recueillis sur sollicitation du réseau et transmis en temps réel par les opérateurs ». Le débat autour de cet article continue de plus belle dans l'espoir de le voir aboutir à une saisine du Conseil constitutionnel par des parlementaires.

Certains prétendent clore ce débat en affirmant que l'article ne ferait qu'un habillage cosmétique de dispositions existantes pour en assurer la lisibilité ou même serait plus protecteur des libertés. Selon eux, l'opposition n'est due qu'à une désinformation issue de l'Association des services Internet communautaires, dont certains membres sont de grands collecteurs et exploiteurs de données personnelles.

Nous constatons l'inaction du gouvernement pour protéger ses propres citoyens d'atteintes sévères à leurs droits fondamentaux par la surveillance. Loin d'accorder l'asile à Edward Snowden, il s'est transformé un temps en auxiliaire de police à la demande des Etats-Unis lors de l'interdiction de survol du territoire de l'avion du président bolivien. Depuis, la France a consenti au Conseil européen à reporter à 2015 l'adoption du nouveau règlement européen sur la protection des données.

A-t-on suspendu l'accord sur la sphère de sécurité (Safe Harbor Agreement), qui permet le transfert des données personnelles aux Etats-Unis, comme les Etats membres en ont le droit face à une violation aussi patente ? Et enfin, voilà qu'on adopte un texte qui ouvre la porte aux mêmes abus que le FISA Amendement Act de 2008 , base légale invoquée par la NSA pour justifier le programme Prism.

L'article 20 marque une dérive vers un système dans lequel les informations issues des communications de chacun pourront être capturées sur simple décision administrative, sans mandat judiciaire ni contrôle effectif et décisionnel de la part d'un juge ou d'autres autorités indépendantes. En assemblant les dispositions de la loi de 1991 et celles de la loi antiterroriste de 2006, loi d'exception provisoire rendue maintenant pérenne, en y ajoutant la « sollicitation du réseau et transmission en temps réel », en y incluant de nouvelles formes de données de géolocalisation, on change l'étendue possible de la surveillance.

Les garanties invoquées comme sécurisantes sont d'une insigne faiblesse. Elles sont bien inférieures à celles qui existaient pour les citoyens américains dans le FISA Amendement Act qui, pourtant, n'ont pas empêché d'immenses abus à leur égard. Enfin, l'un des membres de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, autorité administrative chargée d'une tâche relevant du pouvoir exécutif, a joué un rôle-clé dans l'adoption de l'article 13 comme président de la commission des lois à l'Assemblée nationale, rapporteur pour avis, et propagandiste de ce texte qui étend les pouvoirs de la CNCIS et son domaine d'activité. Qu'en penser au regard de la séparation des pouvoirs ?

Il fut un temps où nous considérions que les services chargés de la sécurité y travaillaient honnêtement, quitte à ce que des autorités abusent parfois de leurs moyens pour des motifs politiques ou pour couvrir quelque affaire louche. Cette confiance relative est rompue par l'ouverture à un régime de surveillance généralisée. Le Conseil constitutionnel censurera, espérons-le, cette atteinte aux droits fondamentaux. L'invocation sécuritaire, ici aussi vague qu'extensible, ne doit pas empêcher de penser ni de défendre les libertés.

[Vidéo] Surveillance ou vie privée… ? Soutenons La Quadrature du Net !

mardi 17 décembre 2013 à 10:03

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Cette vidéo a été réalisée bénévolement à l'initiative d'amis de La Quadrature du Net. Merci au "Couz Krew", Mag, So, Rozlav, Marph et aux invités qui se sont prêtés au jeu !

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Le Parlement entérine une nouvelle censure du Net dans la loi relative à la consommation

mardi 17 décembre 2013 à 07:30

Paris, 17 décembre 2013 — Lors de l'examen en seconde lecture du projet de loi relatif à la consommation, l'Assemblée nationale a adopté hier les articles 25 et 49, autorisant de fait le ministère de l'économie (via la DGCCRF) à faire bloquer par voie judiciaire tout site contrevenant au code de la consommation. Il s'agit une nouvelle fois de consacrer le blocage de sites Internet, en dépit des vives critiques exprimées à l'encontre de ce mode de régulation, notamment par le rapporteur de l'ONU pour la liberté d'expression.

Les article 25 et 49 du projet de loi relatif à la consommation adoptés hier par l'Assemblée nationale conféreront à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) le pouvoir de demander à l’autorité judiciaire, en cas d’infraction à de nombreuses dispositions du code de la consommation, d'imposer à tout hébergeur ou, à défaut, à tout fournisseur d'accès à Internet, « toutes mesures proportionnées propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage causé » par un contenu accessible en ligne. Et ce malgré les deux amendements1 déposés par Lionel Tardy alertant les députés sur les dangers de ces dispositions, et leur offrant l'opportunité de s'y opposer avant l'adoption définitive du texte.

Cette nouvelle mesure confirme l'orientation adoptée par l'actuel gouvernement et la majorité parlementaire, qui multiplient les projets législatifs étendant la censure de l'Internet, tout en refusant l'évaluation de l'efficacité et des risques inhérents à ces pratiques. Qu'elle soit judiciaire – comme c'est le cas ici – ou privée – comme dans la proposition de loi dite contre le « système prostitutionnel » ou dans le projet de loi « pour l'égalité entre les femmes et les hommes » –, la censure de l'Internet comporte des risques techniques intrinsèques de surblocage et porte atteinte de manière disproportionnée à la liberté d'expression. En votant en faveur de la censure du Net, le législateur renonce à promouvoir des modes de régulation plus efficaces et bien moins dangereux sur le plan des droits fondamentaux (comme le blocage des flux financiers).

« Cette loi vient une nouvelle fois banaliser le blocage de sites comme mode de régulation de la liberté de communication sur Internet, et ce en dépit des graves risques inhérents à ce type de mesure comme le surblocage de contenus parfaitement licites. Pour s'attaquer aux sites commerciaux qui ne respectent pas la loi française, il est bien plus aisé, efficace mais aussi proportionné sur le plan des droits fondamentaux de s'en prendre aux flux monétaires plutôt qu'aux flux d'informations. Poursuivant les dangereuses politiques répressives de leurs prédécesseurs2, le gouvernement et le législateur s'obstinent dans leur entreprise de contrôle d'Internet, et restent sourds aux appels à protéger dans les faits la liberté de communication en ligne », déclare Félix Tréguer, cofondateur de l'association La Quadrature du Net.

Le sort de la neutralité du Net en Europe entre les mains d'une poignée d'eurodéputés ?

lundi 16 décembre 2013 à 18:48

Paris, 16 décembre 2013 — À l'approche de la date butoir jusqu'à laquelle les eurodéputés peuvent déposer des amendements au projet de règlement anti-neutralité du Net de Neelie Kroes au sein de la commission ITRE, La Quadrature du Net leur a envoyé ses propositions d'amendements. D'ici au 17 décembre, les citoyens doivent contacter leurs représentants, afin de les appeler à modifier le projet de Neelie Kroes et à s'assurer que les citoyens européens puissent profiter d'une véritable et inconditionnelle neutralité du Net.

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Lundi dernier, Pilar del Castillo Vera (PPE - Espagne) a présenté aux membres de la commission « Industrie » (ITRE) du Parlement européen son projet de rapport sur le projet de Règlement de la Commission relatif au marché unique des communications électroniques. Jusqu'au 17 décembre, les eurodéputés ont la possibilité de déposer des amendements à ce rapport, et pourraient défendre concrètement les libertés des citoyens européens et protéger leurs communications électroniques. Le rapport préliminaire de la rapporteur, censé donner les grandes orientations sur le sujet, servira de base aux discussions de la commission ITRE et, par conséquent, du Parlement européen tout entier lors du vote du rapport en session plénière.

Puisque le rapport Del Castillo reproduit les mesures anti-neutralité du net sévèremment critiquées1 de la proposition de Neelie Kroes, la participation de chaque membre du Parlement européen avant la date butoir du 17 décembre est indispensable et fortement recommandée. L'avenir de la neutralité du Net au sein de l'Union européenne repose à présent sur le vote de la commission ITRE et sur les amendements que ses membres adopteront le 27 février 2014 : de bons amendements2 pourraient aboutir à une vraie protection de la neutralité du Net en Europe. Au contraire, l'adoption d'amendements destinés à satisfaire l'industrie réduirait à néant ce principe essentiel et nuirait profondément à la liberté de communication sur Internet, à la vie privée, mais aussi à la compétition et à l'innovation dans l'économie numérique.

Certains eurodéputés semblent avoir entendu les nombreuses critiques exprimées à l'encontre des failles de la proposition de Kroes, tels que Catherine Trautmann (S&D - France) ou Marietje Schaake (ALDE - Pays-Bas). Après avoir publiquement exprimé3 leur opposition à ces mesures, elles se doivent d'empêcher l'adoption des clauses les plus dangereuses.

D'ici au 17 décembre, les citoyens doivent agir et appeler leurs eurodéputés à proposer des amendements positifs, et à ne pas se contenter de suivre les suggestions insuffisantes de la rapporteur. Il est particulièrement nécessaire qu'ils spécifient plus précisément la nature et les caractéristiques des services spécialisés et précisent les mécanismes d'application destinés à assurer une vraie protection de la neutralité du Net, tel que suggéré dans la proposition d'amendements de La Quadrature du Net.

« Les propositions de Neelie Kroes et de Del Castillo Vera pourraient mettre en péril le principe essentiel de la neutralité du Net pour des dizaines d'années. Mais si nous pouvons convaincre les eurodéputés de proposer et d'adopter des amendements positifs permettant de corriger les failles du projet de Règlement, nous pourrions arriver à un progrès substantiel pour nos libertés en ligne, ainsi que pour l'innovation dans le domaine de l'économie numérique. Pour toutes ces raisons, les citoyens doivent agir maintenant et appeler leurs députés à garantir une vraie et inconditionnelle neutralité du Net ! » conclut Miriam Artino, chargée de l'analyse juridique et politique pour La Quadrature du Net.

Agissez maintenant !

En tant que plateforme citoyenne, La Quadrature du Net met à disposition le PiPhone, un outil en ligne permettant d'appeler gratuitement les membres de la commission ITRE :

Agissez maintenant !

Loi de programmation militaire : les Parlementaires doivent saisir le Conseil Constitutionnel

vendredi 13 décembre 2013 à 17:58

Paris, 13 décembre 2013 — La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), la Ligue des droits de l'homme, La Quadrature du Net et Reporters sans frontières, viennent d'envoyer une lettre ouverte à chaque Parlementaire, les appelant à saisir le Conseil constitutionnel à propos de la Loi de programmation militaire adoptée par le Parlement le 10 décembre.

Messieurs et Mesdames les sénateurs, Messieurs et Mesdames les députés,

Nous sollicitons votre attention au sujet de la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 (LPM), définitivement adoptée en deuxième lecture par les sénateurs le mardi10 décembre. Plus particulièrement, la présente requête porte sur la constitutionnalité de son article 20, anciennement article 13, visant à définir les modalités des interceptions légales des télécommunications exercées par les ministères de la Défense, de l'Intérieur, de l'Économie et des Finances, et du Budget.

Cet article autorise notamment la capture en temps réel d'informations et de documents auprès des hébergeurs et des fournisseurs de service, dans le cadre d'une procédure administrative, sans contrôle judiciaire, au simple motif de recherche de renseignements touchant à « la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous ».

La loi explique que les termes « documents » et « informations » regroupent :

  • les données techniques relatives à l'identification des numéros d'abonnement ou de connexion,
  • les données des connexions d'une personne désignée,
  • la localisation des équipements utilisés,
  • les communications portant sur la liste des numéros appelés et appelant,
  • la durée et la date des communications.

Cette liste n'est pas exhaustive, et le terme « documents » n'est ici pas défini, ce qui risque d'étendre l'application de la loi à d'autres éléments non cités, laissés à la discrétion des responsables de sa mise en œuvre.

Le plus inquiétant dans cet article est bien le fait qu'aucune mesure concrète ne vient contrôler la nécessité et la proportionnalité du recueil des données ni garantir l'effacement de données récoltées inutilement dans le cadre d'une enquête. La validation de la demande d'interception par une « personne qualifiée », installée auprès du Premier ministre auquel il devra son poste, et éventuellement le renouvellement de sa fonction, ne constitue en rien une garantie.

La loi ne prévoit pas de mécanismes pour contester judiciairement la légalité du recueil de données. Seule une autorité administrative, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) disposera d'un accès au dispositif de recueil des informations. Celle-ci ne pourra donner qu'un avis a posteriori en cas de manquements. Les données ayant déjà été récoltées, ce contrôle après coup apparaît dès lors inutile.

Ce dispositif ainsi que les incertitudes relatives à la rédaction du texte violent manifestement plusieurs dispositions constitutionnelles au premier rang desquelles :

  • Les articles 2 et 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 garantissant la protection de la vie privée et la liberté d'expression
  • Les dispositions de l'article 16 de la Déclaration précité impliquant qu'il ne peut être porté une atteinte substantielle au droit des personnes d'exercer un recours effectif devant une juridiction (2012-288 QPC, 17 janvier 2013)
  • L'objectif à valeur constitutionnelle de “l’intelligibilité et l’accessibilité de la loi” qui “oblige à prendre des dispositions précises et non equivoques” – Cons. Const. n°2005-514 DC, 28 acr. 2005, cons.14
  • L'article 34 de la Contitution prévoyant que la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques
  • L'article 66 de la Constitution qui fait du juge judiciaire le garant des libertés individuelles

Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l'université de Paris I La Sorbonne, a d'ailleurs manifesté ses doutes sur la constitutionnalité de cette loi, qualifiant dans l'édition du 13 décembre 2013 des Échos, l'article 13 de "cavalier législatif".

La Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) déplore de ne pas avoir été consultée alors que son rôle est précisément de donner un avis a priori sur de telles mesures afin de s'assurer de leur respect des libertés individuelles.

Le Conseil National du Numérique (CNN) a également réagi en pointant du doigt l'absence de débat public sur un projet de loi concernant l'ensemble des citoyens.

La Fédération Internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) et la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) ont toutes deux demandé le 9 décembre dernier à ce que l'article 13 soit retiré du projet de loi.

De même, Reporters sans frontières a communiqué le 10 décembre son inquiétude quant aux implications de cette loi sur le travail des journalistes et la protection des sources.

La Quadrature du Net a également exprimé son indignation et demandé aux parlementaires la suppression de l'article 13 lors du vote du projet de loi.

Les révélations d'Edward Snowden sur les pratiques de surveillance massive de la NSA, celles du Monde, dans son édition du 29 novembre, sur les relations étroites entre la DGSE et la NSA, et l'ouverture par le parquet de Paris d'une enquête préliminaire sur les violations des droits individuels qui auraient été commises en France par le biais de ces programmes, laissaient espérer une prise de conscience de la nécessité d'introduire des mécanismes de contrôle des mesures de surveillance. Au lieu de cela, on observe une course à la surveillance qui heurte les principes démocratiques, et ce malgré l'adoption, le 20 novembre dernier, par l'Assemblée générale des Nations unies d'une Résolution relative au droit à la vie privée à l'ère du numérique, qui va à contresens de la loi qui vient d'être adoptée.

Quel signal envoyons-nous à la communauté internationale ? Après avoir soutenu et encouragé les printemps arabes qui ont démontré, en Tunisie ou en Libye, les dérives d'un dispositif de surveillance généralisé, et avoir crié au scandale face aux révélations de Snowden sur la surveillance massive perpétrée par la NSA americaine aux États-Unis et en Europe, comment expliquerons-nous demain que la France se soit dotée d'une loi facilitant la surveillance de masse ?

Les organisations signataires de cette lettre vous demandent par conséquent de faire partie des 60 parlementaires nécessaires pour saisir le Conseil constitutionnel afin que celui-ci se prononce sur la conformité de cette loi par rapport à notre Constitution.

Nous vous remercions par avance pour l’attention que vous porterez à nos demandes et vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de notre haute considération.