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Projection - débat - cantine : « Bakur - à l'intérieur du PKK »

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Cantine solidaire suivie par une projection d'un film sur la lutte du mouvement kurde. Venez et discutez avec nous !

Rejoignez-nous pour manger, regarder le film « Bakur – à l'interieur de PKK » ensemble le jeudi 25 janvier à 19h à la Parole Errante (9 Rue François Debergue, 93100 Montreuil) et en discuter avec nous après !

« Bakur – à l'interieur de PKK » retrace la vie quotidienne des combattants du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) dans trois différents camps dans les montagnes du Bakur (Nord Kurdistan). Il a été tourné en 2013-2014, alors qu'il y avait un cessez-le-feu entre la guérilla kurde et le gouvernement turc. Les bombardements actuels des régions kurdes par la Turquie démontre la duplicité du gouvernement ennemi et la légitimité de la lutte de libération kurde. Cette lutte pour la liberté, franchit de nombreuses frontières nationales, portant partout avec elle espoir et force pour les peuples du monde entier. Pour cette raison, l'internationalisme a toujours été une part du paradigme de libération. Il s'agit d'un élément essentiel, remis en exergue par le contexte global actuel. Il est donc d'autant plus urgent d'en parler, ce que nous vous proposerons de faire après le film.

Echos d'Atlanta (Décembre 2O23)

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Recueil de textes publiés sur des sites en France a propos de la lutte contre le Cop city a Atlanta.

Cette brochure est un recueil de textes, entretiens,... publiés sur divers sites militants en France.

La confection de cette brochure a pour but d'approfondir la critique de la police et la justice pénale en prenant exemple sur ce qui se passe actuellement aux États-Unis.

Retrouvez-la au format pdf et au format brochure à imprimer.

Défendre la forêt, abolir la police

Texte paru sur Lundi Matin le 23 août 2022

Atlanta, les habitants s'organisent contre la destruction d'une forêt et la construction d'un centre d'entraînement de la police. [Entretien]

Depuis avril 2021, la forêt d'Atlanta est devenue le point de rencontre symbolique et pratique de deux champs de lutte habituellement distincts : l'abolition de la police et la défense de la terre. En effet, le gouvernement y a pour projet de détruire une forêt afin de construire un gigantesque complexe d'entraînement pour la police ainsi qu'un plateau d'enregistrement pour l'industrie cinématographique. La police, le spectacle, le béton et les pelleteuses.
Évidemment, la résistance s'organise et s'annonce féroce. La reporter Greta Kaczynski est allée interroger un·e militant·e active dans cette lutte qui s'inscrit dans le double sillage de l'insurrection George Floyd et des luttes écologiques radicales : occupation de la forêt, harcèlement d'élus et sabotages des infrastructures des entreprises complices au menu.

Bonjour, peux-tu te présenter ?

Je suis un·e anarchiste originaire de l'île de la Tortue, impliqué·e dans le mouvement de défense de la forêt de Weelaunee, et je bénéfice d'une expérience internationale assez étendue. C'est pourquoi l'on m'a demandé d'être votre interlocuteur·ice pour cette interview. Je ne parle qu'en mon nom, aucune organisation ou individu ne pouvant représenter ce mouvement diversifié et décentralisé qu'est Defend the Atlanta Forest. Gardez cela à l'esprit pour le reste de cette interview.
En quoi consiste le mouvement Defend the Atlanta Forest (DTF) ? Pourquoi défendez-vous cette la forêt de Weelaunee, contre quoi et contre qui ?
En tant que mouvement, Defend the Atlanta Forest (DTF) est un ensemble décentralisé et diversifié de groupes et d'individus qui ont pour objectif d'empêcher deux projets menaçant la forêt de South River/Weelaunee à Atlanta : - la construction du complexe d'entraînement Cop City, - et la construction du Soundstage Complex des Blackhall Studios. Au-delà de l'importance locale et écologique de cette forêt urbaine unique, nous luttons également contre les avancées dystopiques en matière de militarisation de la police et de destruction de l'environnement. Notre mouvement recueille l'héritage militant de la rébellion George Floyd à Atlanta ainsi que celui de la tradition séculaire de défense des forêts et des terres sur notre continent.
Pour emprunter une expression zadiste, nos ennemis sont Cop City « et son monde », mais surtout, dans les circonstances présentes : l'Atlanta Police Foundation (APF) et les Blackhall Studios, les diverses forces de police qui les servent (Atlanta Police Department, Dekalb Police, etc.), ainsi que leurs partisan·es, leurs soutiens financiers et leurs sous-traitants : Brassfield & Gorrie, Atlas Consultants, Long Engineering, et quelques autres, que nous ciblerons tous sans relâche jusqu'à ce qu'ils s'engagent publiquement à abandonner leurs plans de destruction.

Quels sont vos objectifs, et que considéreriez-vous comme une victoire ?
Pour l'instant, nous nous concentrons sur l'arrêt de ces projets et la défense de la forêt. Une fois que nous aurons définitivement atteint cet objectif, je pense que les différents groupes et individus en lutte auront une idée et une vision différentes de la victoire ainsi que des projections différentes sur l'avenir de cette terre : nombreux sont celles et ceux qui soutiennent sa restitution aux habitant·es d'origine, les Muscogee (Creek) ; d'autres défendent simplement son maintien en tant que forêt publique. À cet égard, certains d'entre nous cherchent bien sûr à tirer les leçons de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et espèrent apprendre de ses succès et de ses échecs.

Qui est impliqué dans ce mouvement ? Êtes-vous lié·es à des groupes comme Extinction Rebellion ou Youth for climate ?

Nous ne sommes pas lié·es à ces groupes, bien que certains d'entre eux nous aient soutenus sur les réseaux sociaux. Le mouvement se compose surtout d'individus et de groupes locaux d'Atlanta, mais aussi de nombreuses personnes non affiliées venant de tout le continent, qui sont inspirées par notre lutte.

Quand le mouvement Defend the Atlanta Forest a-t-il commencé, et que s'est-il passé depuis ? Peux-tu nous faire une brève chronologie des événements ? Y a-t-il eu des tentatives d'évacuation ?

Le mouvement a commencé en avril-mai 2021, lorsque des militants locaux ont découvert les plans secrets de construction de Cop City. La première semaine d'action a eu lieu en juin. Nous avons maintenu une présence permanente dans la forêt depuis l'automne 2021, et survécu à deux tentatives d'expulsion. Simultanément et indépendamment, des personnes anonymes ont lancé une campagne ciblant les diverses entreprises et personnes impliquées dans la destruction de la forêt. Elles rapportent leurs sabotages, leurs manifestations et leurs autres activités sur ce site : https://scenes.noblogs.org/ .
À cet égard, l'événement le plus marquant a sans doute été le retrait de l'entreprise de construction Reeves Young (qui devait se charger de Cop City) le 18 avril 2022, après une série de sabotages féroces, de manifestations et la création du site web stopreevesyoung.com/ contenant une liste de noms et les adresses personnelles de leurs dirigeants et affiliés. Il y a eu trois semaines d'actions au total, la quatrième début le 23 juillet 2022.

Chronologie du mouvement :

  • Printemps-été 2021 : La ville d'Atlanta, en partenariat avec Blackhall Studios, approuve l'échange de terrains publics du comté de Dekalb au Intrenchment Creek Park contre une parcelle de terrain appartenant actuellement au studio de cinéma.
  • Avril-mai 2021 : Des activistes et des écologistes locaux découvrent un plan de la Fondation de la police d'Atlanta visant à transformer le terrain connu sous le nom de Old Atlanta Prison Farm, à l'angle de Key Road et de Fayetteville Road, en un vaste complexe d'entraînement de la police.
  • 15 mai 2021 : Plus de 200 personnes se réunissent au parc Intrenchment Creek pour une séance d'information sur les propositions de développement. 17 mai 2021 : Selon une déclaration anonyme sur Abolition Media Worldwide, sept machines laissées sans surveillance sur la parcelle de terrain appartenant à Blackhall - principalement des tracteurs et des excavateurs - sont vandalisées.
  • Juin 2021 : Des avis sont apposés dans la forêt pour informer les passants que les arbres de la zone ont été 'cloués', ce qui a pour conséquence que leur coupe pourrait endommager les tronçonneuses et éventuellement blesser ceux qui les utilisent.
  • Le 10 juin 2021 : Trois autres excavatrices sont brûlées sur la parcelle de terrain appartenant à Blackhall Studios. [...]
  • Du 23 au 26 juin 2021 : Première semaine d'action attirant des centaines de personnes dans le mouvement.
  • Été 2021 : La coalition Stop Cop City et d'autres groupes de gauche rejoignent le mouvement. Les organisations et réseaux militants de base organisent leurs propres manifestations, réunions et créent des pages sur les réseaux sociaux. [...]
  • Du 10 au 14 novembre 2021 : Un large éventail d'événements culturels, de soirées d'information, de feux de joie et de réunions ont lieu pendant une deuxième semaine d'action. Celle-ci coïncide avec l'établissement d'un campement dans la forêt, qui a tenu six semaines.
  • 12 novembre 2021 : une manifestation a lieu au siège de Reeves Young. Les renseignements recueillis par les militants indiquent que la société Reeves Young Construction a été engagée pour détruire la forêt et construire le projet Cop City. Une trentaine de personnes convergent vers le siège de l'entreprise à Sugar Hill, en Géorgie, brandissant des banderoles et exigeant que l'entreprise rompe son contrat avec la Fondation de la police d'Atlanta.
  • 27 novembre 2021 : Un groupe de Muscogee (Creek) retourne sur ses terres ancestrales à l'emplacement actuel du parc Intrenchment Creek dans la forêt de South River, qui, en creek, s'appelle Weelaunee. La délégation Muscogee appelle tout le monde à défendre la terre contre les développements de Cop City et de Blackhall. [...]
  • 20 décembre 2021 : selon une déclaration écrite anonymement et republiée sur le site Scenes from the Atlanta Forest, des bannières sont accrochées dans l'arrière-cour de la résidence privée de Dean Reeves, président de Reeves Young. [...]
  • 9 janvier 2022 : Survival Resistance, une organisation écologiste locale, entame une campagne contre AT&T, qui finance le développement de Cop City, en organisant des manifestations devant ses bureaux. [...]
  • De janvier à mars 2022 : de nombreuses machines de Long Engineering et Reeves Young sont détruites, ainsi que des distributeurs de banques qui financent la Fondation de la police d'Atlanta.

Quelle est la situation actuelle sur place, le lieu est-il occupé en permanence ?

Actuellement, plusieurs groupes occupent en permanence différentes parties de la forêt avec des campements et des cabanes dans les arbres. Je dirais que la situation est assez tendue depuis quelques mois, car l'Atlanta Police Foundation a prévu de commencer les travaux et de construire une clôture pour protéger leur déroulement (bien qu'elle n'ait pas de permis pour le faire). De multiples raids ont déjà eu lieu contre la forêt, à ses abords, et certaines de nos cabanes dans les arbres ont été détruites. Pourtant il est clair, de l'aveu même de nos ennemis, qu'il suffit d'un petit nombre de militant·es pour causer des retards significatifs, même si nous avons toujours besoin de plus de monde.

Où les personnes qui prennent part à votre lutte se situent-elles sur l'échiquier politique ?

De larges pans de la gauche soutiennent la lutte et participent plus largement. Ceux qui défendent la forêt en première ligne restent pour la plupart des anarchistes se situant hors de l'échiquier politique, bien que des personnes d'orientations politiques plus inattendues fassent parfois leur apparition.

Soutenez-vous uniquement l'action non-violente, ou acceptez-vous la diversité des tactiques ?

Il est évident que la non-violence ne domine pas nos modes d'action. Le mouvement s'est engagé dès le départ en faveur d'une diversité des tactiques, refusant de se conformer à la pratique libérale consistant à dénoncer les tactiques les plus combatives. Comme certains l'ont affirmé, le mouvement a démarré en trombe, les radicaux donnant immédiatement le ton avec une campagne de sabotage impliquant la destruction de machinerie lourde et le bris des fenêtres des bureaux de l'APF dans le centre-ville. De ce fait, les tactiques combatives font partie de l'ADN de DTF. De manière quelque peu inhabituelle dans les mouvements dits américains, l'un des défis que nous nous donnons aujourd'hui est en réalité d'entamer volontairement une désescalade, pour pouvoir recourir efficacement à des tactiques non-violentes plus classiques lorsque c'est utile pour notre campagne, plutôt que de se conformer à un modus operandi particulier, soit-il combatif, que nos ennemis seraient en mesure d'anticiper et donc de neutraliser

Quelle relation entretiennent les habitant·es d'Atlanta avec la police depuis le mouvement George Floyd ?
Les personnes qui ont été impliquées dans ce mouvement, notamment les populations noires, sont-elles également impliquées dans la défense de la forêt d'Atlanta ?

L'esprit de George Floyd dynamise évidemment notre mouvement, et des groupes et individus qui ont participé à la rébellion de 2020 à Atlanta sont aussi présents sur place et dans les rues avec nous, ou soutiennent le mouvement par d'autres moyens. Il est important de rappeler qu'Atlanta possède aussi une bourgeoisie diversifiée, et que les populations noires sont représentées à tous ses échelons, des médias dominants au maire d'Atlanta. L'élite qui niait l'existence du soulèvement de George Floyd à Atlanta, à l'occasion duquel [s'était tout de même établie une zone autonome armée sur les ruines du Wendy's (une chaîne de fast-food) où Rayshard Brooks a été assassiné par la police, nie aujourd'hui la participation des Noirs à notre mouvement et nous traite d'« anarchistes blancs » et d'« agitateurs extérieurs ». Mais toutes celles et ceux qui ont été sur le terrain et dans les rues avec nous savent que c'est faux. Ils essaient de nous appâter pour que nous fassions du profilage racial et que nous nous exposions à des condamnations en divulguant nos identités officielles. Un de nos défis, justement, est d'arriver à conserver notre sécurité tout en montrant notre diversité pour revendiquer une légitimité publique.

Que pensez-vous de la police en général ? Est-elle une institution utile, d'intérêt général ? Ou bien plaidez-vous pour son abolition ?

La police est notre ennemie en tant qu'institution et en tant que concept. La police doit être démantelée à la fois matériellement et dans nos esprits. Personnellement, je n'en ai rien à foutre du réformisme du mouvement Defund the police (définancer la police) et de ceux qui pensent pouvoir abolir la police par le biais des conseils municipaux ou d'autres moyens électoraux. Le soulèvement George Floyd a montré les faiblesses de la police. Elle n'est plus perçue comme une force omnipotente, mais comme une institution hiérarchique limitée, intrinsèquement stupide, dont les faiblesses peuvent être exploitées. Le type d'abolitionnisme mis en acte par ceux qui ont réussi à brûler le Third Precinct à Minneapolis le 28 mai 2020 est le seul abolitionnisme qui m'inspire . Mais dans la campagne contre Cop City en tant que mouvement, on trouvera aussi des personnes prônant l'abolitionnisme Defund ou réformiste, et cette diversité d'opinions et de méthodes fait partie de la force du mouvement.

Y a-t-il d'autres luttes écologiques en cours à Atlanta, et plus généralement aux États-Unis ? Êtes-vous en lien avec elles ?

Certain·es d'entre nous participent, bien sûr, à un vaste réseau de défense écologique qui s'inspire de la tradition de résistance et d'action directe des autochtones. Par exemple : Standing Rock , et plus récemment la défense des forêts en Californie du Nord, la défense des forêts et la résistance contre les pipelines dans le Michigan et le Minnesota, et la résistance contre les pipelines en Virginie.

Fin de l'entretien.

USA : acharnement répressif contre les opposant-es au projet « Cop City » à Atlanta

Paru dans Contre Attaque le 7 juin 2023

Ces derniers jours, de nouvelles arrestations ont eu lieu à l'encontre des activistes qui s'opposent au projet de « Cop City » dans l'état de Géorgie, aux États-unis. Trois personnes ont été perquisitionnées et arrêtées par le SWAT, unité de police militarisée, pour avoir distribué des tracts où apparaissait le nom du policier qui a tué Manuel Terán, militant écologiste, en janvier 2023. Ils « encourent 20 ans d'emprisonnement » déclarent nos confrères de Lundi Matin.

Pour rappel, depuis 2021 une lutte s'est engagée à Atlanta contre le projet d'implantation d'un centre d'entraînement de la police que les opposant-e-s baptisent « Cop City », la ville des flics. Un projet qui détruira une importante partie de la South River Forest, « la plus grande forêt urbaine de la capitale de Georgie ». Ce sont 34 hectares qui devraient être sacrifiés pour y installer ce centre policier gigantesque, un « complexe à 90 millions de dollars », soit 84 millions d'euros, et qui « abritera une mini-ville pour recréer des situations armées » explique Reporterre. Cette ville des flics servira de camp d'entraînement mais aussi de décor de cinéma. Une combinaison entre capitalisme, guerre, répression et Spectacle. Un concentré de ce que notre époque produit de pire.
Le 18 janvier, le jeune activiste environnemental Manuel Terán, surnommé « Tortuguita », a été lâchement assassiné par la police. Le rapport d'autopsie révèle que son corps a été
criblé de 57 balles, selon Reporterre. La police affirmait au moment du meurtre qu'il aurait tiré en premier sur les forces de police. Théorie complètement réfutée par le rapport d'autopsie qui ne relève « aucun résidu de poudre sur les mains ou sur les vêtements de Paez Terán, qui levait les mains lorsqu'il a été tué ». C'est une exécution sommaire, pure et simple.
Les militant-es anti-Cop city font face à une répression d'une extrême violence pour défendre le « poumon vert » d'Atlanta. 1000 membres de la garde nationale ont été mobilisés contre ces opposant-es. Selon Le Monde, plus de 40 personnes – dont un français – sont poursuivies pour des faits de « terrorisme intérieur », sous couvert d'une loi datant de 2006, promulguée par Georges W. Bush. Ils encourent entre 5 et 35 ans de prison explique Radio France. Les ONG de défense des droits s'indignent : « D'après les informations contenues dans les mandats d'arrêt, de nombreux individus accusés de terrorisme intérieur ne sont accusés que d'intrusion ou d'autres délits mineurs », dénonçant ainsi « une tactique d'intimidation ».
Il faut dire que le projet est porté par d'importants lobbies, notamment « Atlanta Police Foundation (APF), un puissant acteur local qui compte à son conseil d'administration plusieurs dirigeants de prestigieuses entreprises : AT&T, UPS, JPMorgan ou encore Delta Air Lines ». Comme bien souvent, pour justifier des violences et des meurtres policiers au service d'intérêts privés, la répression judiciaire et policière s'abat d'autant plus fermement sur celles et ceux qui les dénoncent.
Une répression extrême des militant-es écologistes qui traverse les frontières. Ces derniers jours, en France, une vague d'arrestation a sévit à l'encontre de militant-es écologistes, soupçonné-es d'avoir participé à l'action de désarmement de l'usine de ciment Lafarge. C'est partout dans le monde que les militant-es écologistes et anticapitalistes subissent une répression de plus en plus féroce. En 2021, on dénombrait 1733 personnes assassinées pour avoir lutté contre la déforestation et l'agro-industrie. Ce meurtre policier à Atlanta fait écho bien évidemment à celui de Rémi Fraisse, tué par un gendarme en 2014 alors qu'il militait contre le projet de
barrage à Sivens. Et l'arsenal militaire et antiterroriste contre la lutte d'Atlanté rappelle les mots du gouvernement français qui parle d'éco-terrorisme.

Atlanta (États-Unis) : trois engins de chantier incendiés pour Tortuguita

Paru dans Sans noms le 20 février 2023

Trois engins incendiés en honneur de Tortuguita pourdéfendre la forêt de WeelauneeTraduit de l'anglais de Scenes from the Atlanta Forest,
19 février 2023
Hier, nous avons appris qu'une zone de la forêt de Weelaunee, près de la rivière, à proximité des studios BlackHall, avait été coupée à blanc. Les engins de chantier qu'ils ont utilisés ont été laissés sur place, alors au petit matin, nous sommes venus et avons incendié une pelleteuse, un bulldozer et un chargeur frontal.

Fuck les engins. Fuck les flics. Fuck les libéraux* qui ne se salissent pas les mains et qui essaient de dépeindre notre compagnon.ne tombé.e comme une version blanchie de quelque chose qu'ille (Tortuguita préférait le pronom « it ») n'était PAS. Nous pensons & espérons que Tort a bien tiré sur ce flic, purement et simplement…

Ce matin, à l'aube, un feu sacré a brûlé en son honneur – Nous souhaitons simplement que davantage de véhicules de patrouille de l'État de Georgie puissent se joindre au brasier.
La force d'intervention conjointe pour venger Tortuguita**

NdT :* c'est-à-dire la gôche dans le contexte nord-américain** voir ici sur l'assassinat de Tortuguita par les flics le 18 janvier dernier, et les attaques vengeresses qui continuent depuis

« If you build it, we will burn it »

Paru dans Lundi matin le 14 mars 2023

Un week-end offensif pour la défense de la forêt d'Atlanta

Cette semaine, un correspondant français s'est rendu dans la forêt d'Atlanta, lieu d'une lutte de défense où se conjuguent et se rejoignent une pluralité d'expérimentations politiques, culturelles, et où se déploie depuis bientôt deux ans un combat qui témoigne d'une inventivité sans cesse renouvelée de la part des activistes et groupes de camarades présents sur place. Nous avons publié plusieurs articles sur LundiMatin qui traitent de la situation sur place, et nous étions entretenus avec certains de ces activistes pendant l'hiver. Voici cette fois le récit de deux journées de construction, de courses-poursuites, de fêtes et de sabotage.

Dès samedi, nous étions donc plus de 400 personnes à nous retrouver à Gresham Park pour se diriger joyeusement vers la forêt de Weelaunee et reprendre le territoire qui avait été spolié par les autorités. L'ambiance était excellente, les enfants se lançaient de la peinture en poudre colorée, nous dégustions des burritos méticuleusement préparés, écoutions les discours vitalisants des écologistes radicaux et des prêtre.sse.s queer.

C'est au moment où nous nous sommes élancé.e.s vers la forêt que la foule est réellement apparue déterminée à enterrer Cop City et son monde. Cette déambulation bon enfant se déroulait sur la piste cyclable qui parcourt le parc, nous guidant jusqu'au RC Field où une magnifique scène en bois était construite pour le festival.

Pendant toute l'après-midi nous avons acheminé le matériel essentiel à la bonne vie du camp : des barnums, des jerricans d'eau, des tables et des tentes, de la nourriture... Puis nous avons construit un nouveau living room. Ce fut une belle journée ensoleillée, dépourvue de présence policière, où chacun.e a pu profiter de l'ombre qu'offraient les pins pour se détendre et aménager les lieux de vie. À 18h les musicien.ne.s ont commencé à jouer et nous étions plus de 500 à nous déhancher sur du punk hardcore et de la bonne trap anti-police. La soirée s'est finie tard, rythmée par de folles danses de corps sautant dans tous les sens et de cris collectifs contre Cop City.

Légèrement barbouillé.e.s par la sauterie de la veille, nous étions néanmoins bien frai.che.s le lendemain pour lutter. Un grand soleil nous a réveillés et un grand petit déjeuner était organisé dans la forêt pour remplir les ventres gargouillant de tout.e.s ces créatures en lutte qui ont eu la nuit pour conspirer. Le festival a redémarré dans la journée et nous a offert un beau début d'après-midi pour se détendre et réfléchir à la nouvelle manifestation annoncée pour 17h.

Une foule camouflée s'est donc retrouvée derrière le château gonflable afin de prendre d'assaut le poste de surveillance du projet. Un petit tour du festival avant l'expédition a permis de motiver de nombreuses personnes à rejoindre l'action. Ça chantait fort pendant ces 20 minutes de marche, les défenseur.se.s de la forêt appelant à venger Tortuguita. Les forces de l'ordre se sont positionné.e.s au loin sur la colline, derrière un grillage. Nous nous chargeâmes de désarmer les barrières des travaux en cours lorsque nous montions la pente. Très mal préparé.e.s, les flics n'avaient visiblement aucun dispositif anti-émeute et iels s'enfuirent au premier caillou jeté pour se réfugier derrière le dernier grillage, laissant même leur petite voiture de golf à l'abandon. C'est dans cet enclos abandonné à notre bon vouloir que nous infligeâmes un lourd tribut à toutes les machines de construction présentes ainsi qu'aux lumières de surveillance installées. C'était un joli zbeul, le mouvement s'activait rapidement pour mettre le feu à tout ce qui se trouvait devant nous. Ça lançait des cocktails, des mortiers et des pierres sur les policiers, toujours cachés derrière la route.

Un nouveau contingent de voitures sérigraphiées s'avance vers nous. Une pluie de pierre lui répond, et le fait reculer. Nous sommes nombreux.se.s, avec l'avantage d'être protégés par le grillage de l'enclos. En un éclair, nous laissons derrière nous d'immenses flammes et panaches de fumée, bien heureux d'avoir pu rendre hommage au défunt camarade Tortuguita et gagner du terrain face à Cop City. Si iels construisent, nous brûlerons tout.

La nuit tombe, la musique retentit fort. C'est alors que nous apprenons que les flics investissent le parking principal et sont en train d'arrêter des gens. Plusieurs campeurs se dirigent alors vers le parking et tombent nez à nez avec 3 policiers munis de grosses flashlights. Nous nous empressons de revenir en courant au camp, ils nous poursuivent, et parviennent à mener une percée absolument inattendue. Les 3 flics rentrent dans le camp et font face aux occupant.e.s qui leur crient de dégager. Un des agents de police jure sur Dieu qu'il nous tirera dessus. Personne a l'intention de se laisser faire. On se saisit de n'importe quel projectile à disposition, chassant les trois imbéciles qui nous avaient provoqué par leur visite. S'ensuit un affrontement de 15 minutes sur la piste cyclable avec échanges de gazs lacrymogènes, balles en caoutchouc contre feux d'artifices, banderoles et cailloux en abondance pour les tenir à distance (et en respect).
D'autres forces de police arrivées depuis le champ parviennent à nous entourer, on décide alors de se réfugier parmi les festivaliers. Les policiers cherchent des occupant.e.s dans les bois. Iels arrêtent de nombreuses personnes, certaines simplement allongées sur des tapis près du festival, en les visant au revolver et au taser. Une femme avec son bébé est poursuivie dans la forêt. Situation compliquée : stress, encerclement.

Après cette odieuse chasse à l'homme, le SWAT barricade la sortie de la prairie et plusieurs camions anti-émeute et riotcops arrivent pour se positionner à 50 mètres de la foule. Malgré cette proportion absurde de flics, on reste devant la scène, à crier que nous avons des enfants avec nous (ce qui était bien vrai) et à écouter les groupes de punk et de chill music, qui appellent le public à se dresser calmement face aux flics tout en continuant les festivités. Aucune arrestation à ce moment là, on reste sur le terrain du festival, bien déterminé.e.s à lutter encore et encore.
C'est dans ce contexte de lutte et de répression que la diversité des tactiques révolutionnaires puise toute sa puissance. Ce que la forêt a à nous offrir ici et que nous pouvons tenter de reproduire, c'est un écosystème de tactiques où chaque partie entre en relation avec les autres. De l'organisation de concerts, d'actions semi-clandestines aux cultes religieux, il est sûrement difficile de comprendre en quoi cela importe et comment les liens résonnent entre eux.
Mais c'est justement en faisant participer une pluralité de sphères qu'une force politique majeure peut émerger dans la lutte pour la forêt. Celle-ci, composée de nouveaux partisans prêts à défendre ce territoire, comme sur la ZAD de NDDL ou au camp de Standing Rock auparavant, donne à voir une hétérogénéité locale, singulière et diversifiée. « I will defend this land », un slogan répété depuis deux ans maintenant, a encore pris tout son sens grâce à la solidarité et aux batailles vécues par les 1000 personnes présentes ce week-end. De bons présages s'annoncent pour la forêt de Welaunee.

Fuck Cop City

Paru dans le numéro de septembre 2023 du Ravachol

Entretien avec une camarade de Unity and struggle à propos de la lutte contre le cop city à Atlanta.

Pour le numéro de rentrée on s'attaque a du lourd et vu qu'on est internationaliste on a eu la chance de pouvoir faire un entretien avec Fern militante de Unity & struggle et engagé dans le mouvement a Atlanta contre le Cop city. Le cop city c'est un projet énorme soutenu de la mairie d'Atlanta et le service de police pour construire un centre de formation a la sécurité publique dans la forêt de Welaunee. Ce mouvement contestataire inédit a su rallier en lui le mouvement écolo et le mouvement pour l'abolition de la police. Maintenant place à l'entretien !

Salut, peux-tu te présenter et nous dire comment et quand as-tu rejoint le mouvement Stop cop city ?

Salut, je m'appelle Fern et j'utilise le pronom « elle ». Je vis à Atlanta depuis 8 ans maintenant et je me suis engagée dans des collectifs anarchistes. Avant la pandémie de la covid 19, j'ai milité dans un groupe, A world without police, qui est un groupe qui lutte pour l'abolition de la police. J'ai pris une pause dans le militantisme parce que je ne me sentais pas rassurée avec les risques de la pandémie, je les ai donc retrouvés plus tard, courant 2022, et iels faisaient à ce moment pas mal de boulot avec le mouvement Stop cop city. C'est comme ça que je me suis mise à militer dans le mouvement, en aidant dans les évènements, en faisant de la défense collective et en soutenant des camarades et personnes qui se faisaient arrêter. Ça va faire à peu près 2 ans que je suis dans le mouvement.

Qui est derrière le projet et quel groupe apporte le financement ?

Le financement de ce projet provient d'une part de l'argent des contribuables, donné par la ville d'Atlanta, mais une majeure partie du financement vient d'un groupe nommé The Atlanta police foundation. Pour résumer, c'est une association à but non lucratif. Ils ont une place très importante concernant les votes pour le budget de la police et sont un grand soutien du service de police d'Atlanta. Beaucoup de sociétés et d'entreprises financent cette association, comme Home Depot, Delta Airlines, mais aussi des universités comme celle de Georgia. Beaucoup d'entreprises soutiennent le projet puisqu'ils ont des intérêts communs avec la police, comme celui de protéger la propriété privée qui a pour conséquence de repousser les pauvres en dehors des villes.

Après l'expulsion de la forêt de Weelaunee en décembre (ou des militant.e.s s'étaient installé.e.s), et le meurtre de Tortuguita par la police, que devient le mouvement actuellement ? Y a-t-il de nouveaux endroits où les gens discutent et s'organisent ?

C'est une bonne question et pour être honnête, c'est plutôt compliqué. Depuis janvier le mouvement a pas mal changé. Je ne connaissais pas personnellement Tortuguita mais certain.e.s de mes ami.e.s étaient proches de lui. Après sa mort ça nous a fait un choc mais on n'a pas eu le temps de faire notre deuil, ni de prendre soin de nous car l'État était constamment sur notre dos, à nous surveiller quoi qu'on fasse. Tu sais que si toi tu prends une pause, le projet du Cop City ne va pas en prendre. C'était difficile pour nous de prendre du temps et de prendre soin de nous collectivement, mais on avait besoin de ce temps-là. D'autres personnes du mouvement se sont faites arrêter aussi, il fallait donc les soutenir car iels se sont pris de grosses peines. La mort de Tortuguita et l'expulsion de la forêt étaient une grande perte pour le mouvement. La forêt était un lieu formidable où l'on pouvait tous se rassembler. Par la suite il y a eu des tentatives de revenir occuper la forêt, qui n'ont pas vraiment abouti, même si certaines personnes font des distributions de nourriture et de vêtement et ça n'a pas l'air de déranger les flics. Pendant une semaine d'action il y a eu une espèce de fête/barbecue avec les camarades qui se tenait à l'entrée de la forêt et la police était là pour surveiller. Elle n'est pas intervenue, ce qui laisse penser qu'il n'y aura plus d'autres occupations dorénavant. En mai et juin, lors des deux réunions du conseil d'état, des militant.e.s se sont mis.e.s, de manière complètement inattendue, à occuper temporairement la mairie. Il y avait beaucoup de colère mais aussi beaucoup de joie d'enfin se retrouver après tout ce temps, et l'on a pu revenir, pendant un temps, à ce qu'on avait créé comme forme d'organisation dans la forêt. Lors de la dernière semaine d'action, il y a eu plusieurs occupations de la forêt mais encore une fois c'était temporaire et il y a surtout eu de la distribution de nourriture et des gens avec du matériel de camping. Il y a eu un changement dans la stratégie de lutte, qui n'est plus basée sur une défense des terres mais sur le fait de cibler les entreprises qui sont derrière le projet, de faire pression sur les élu.e.s et de faire des pétitions. Ça ne marche pas énormément on espère donc revenir à une stratégie comme la précédente, plus offensive.

Comment le mouvement est organisé ?

Le mouvement est organisé d'une manière décentralisée. On est constamment en train de réfléchir à nos manières de faire en observant ce qui marche et ce qui ne marche pas. Pendant pas mal de temps c'était assez informel, il n'y avait pas de mouvement ou de lieu où les gens pouvaient discuter entre elleux, mais il y a de ce la un an environs, des camarades de confiance et impliqués dans le mouvement ont décidé de mettre en place un espace de coordination. C'était un espace pour partager des informations, des projets et discuter collectivement. La coordination n'avait pas pour but de prendre des décisions pour le mouvement, mais de regrouper différents groupes politiques ou individu.e.s afin de parler stratégies etc. On fait très attention sur la manière dont on s'organise, parce que depuis le début le mouvement est très ouvert à la pluralité des moyens d'action. Personne ne condamne les stratégies des uns ou des autres et si des gens veulent par soucis de sécurité s'organiser ailleurs iels peuvent tout à fait le faire. Cette coordination et son fonctionnement ont un peu changé au fil du temps en raison d'une visibilité grandissante. Des gens faisant partie d'associations légalistes ou des ONG sont venus dans la coordination et des gens, comme moi, un peu sceptiques vis-à-vis de ces organisations, ont quitté petit à petit la coordination. Il y en a toujours toutes les semaines mais je n'y vais plus. Il y a un nouvel espace d'échange qui vient de se lancer ce mois-ci sous forme d'assemblée populaire. Il y a eu une réunion, à laquelle je n'étais pas, mais des gens de A world without police m'ont rapporté que ça reprenait les mêmes idées que la coordination à ses débuts, mais en un peu plus formel, où chaque personne représente un groupe différents. Il y a aussi un temps dédié aux personnes qui souhaitent partager des informations importantes et demander de l'aide à d'autres groupes et individu.e.s pour organiser des évènements. Il y a eu des problèmes en interne notamment à propos de groupes qui prennent des décisions sans consulter les autres pour faire les semaines d'actions. C'est un point assez difficile dans l'organisation, et il y a eu quelques conflits à propos de ça la semaine dernière. Mais quand un groupe appelle à une semaine d'action, on se doit d'apporter du soutien parce que si ça tourne mal c'est l'entièreté du mouvement qui prend. On essaie d'être le plus à l'écoute des besoins des uns et des autres, et de faire en sorte que tous les groupes puissent faire les actions qu'ils avaient prévues, mais c'est toujours complexe à mettre en place. L'organisation décentralisée peut générer de la frustration et des moments de tensions, on doit donc trouver certains compromis pour que tout le monde soit écouté et pour qu'on puisse prendre soin des uns des autres. Quelques groupes formels sont dans l'organisation comme A world without police ou Unity and struggle, et beaucoup de gens font des allers retours dans des collectifs selon leurs affinités. Jusqu'alors, personne n'a dénoncé qui que ce soit sur l'espace public donc c'est un bon signe pour la suite, et ça montre que les gens sont prêt.e.s à travailler ensemble.

Le mouvement pour l'abolition de la police et le mouvement écolo sont deux groupes bien distincts mais ce mouvement semble être le trait d'union entre les deux. Comment cette rencontre s'est-elle passée ?

C'est un sujet sur lequel on a beaucoup parlé avec Unity and struggle car c'est un mouvement vraiment unique qui traite de ces deux problèmes. Avant que je sois impliquée dans le mouvement, il y avait ce groupe nommé South River Watershed Alliance qui était beaucoup plus penché sur des questions écologiques, d'une manière assez libérale et légaliste, pour protéger la rivière et la forêt de Welaunee. Lorsque des gens plus radicaux ont commencé à s'organiser et notamment à évoquer des concepts d'abolition du système pénal et carcéral, le groupe les regardait d'un mauvais œil en disant que les radicaux allaient faire peur aux gens susceptibles de les rejoindre. En bref, iels avaient peur que des anarchistes utilisent la forêt pour conspirer. Iels étaient donc sceptiques mais quand iels ont vu que les radicaux s'organisaient également autour des questions environnementales ça les a rassurés. Au fur et à mesure qu'iels ont commencé à mieux se connaître, une relation de confiance s'est instaurée. Ce groupe est aujourd'hui encore dans le mouvement, mais plus au centre de l'organisation. C'est une généralisation, mais les gens qui sont dans le mouvement pour des raisons écologiques sont plus du côté libéral politiquement, tandis que ceux qui militent pour l'abolition de la police ont un fonctionnement plus radical, ce qui peut être à l'origine de tensions. Les gens impliqués pour des raisons écologiques ont tendance à dire « Je suis d'accord avec le Cop City mais pas dans la forêt » alors que bien entendu, notre positionnement est que le Cop City ne doit être ni dans la forêt ni ailleurs. Mais je pense finalement que les gens ont conscience que s'ils veulent un mouvement d'ampleur avec un massif soutien populaire, il faut accepter que les gens s'impliquent dans le mouvement pour des raisons différentes des nôtres. Et plutôt que de fermer ses portes, il faut espérer qu'en accueillant ces gens, en discutant avec eux et en leur montrant nos actions, ils changeront d'avis et prendront conscience qu'aucun Cop City n'est souhaitable. 

Nous pouvons dire que le mouvement est très local et populaire, mais est-ce que des organisations écologiques ou politiques nationales ont rejoint et soutenu la lutte ?

Le mouvement a clairement été populaire avec une organisation par la base depuis le début, les gens opposés en ville font le travail depuis des années maintenant pour le combattre. Au début, pendant la première année, il n'y avait pas d'assos / ONG impliquées, à part le Community Movement Builders qui est techniquement un organisme à but non lucratif, mais qui opérait beaucoup plus sur le terrain et à la base. Le DSA (Democratic Socialists of America) a été impliqué au début et iels essayaient de combattre le projet par des moyens électoraux et quand cela n'a plus fonctionné, iels ont en quelque sorte abandonné.e.s. Pendant longtemps, c'était donc juste des organisations anarchistes / communistes, et peut-être dans les six derniers mois, surtout après l'assassinat de Tortuguita et après que toutes les accusations de terrorisme intérieur aient commencé à tomber, le mouvement a commencé à avoir plus d'attention nationale et internationale. C'est à ce moment que les organisations à but non lucratif ont commencé à s'impliquer et que le DSA a recommencé à s'impliquer. Le NAACP (national association for the advancement of colored people ), le mouvement Black Lives Matter, et beaucoup de grands groupes sans but lucratif sont derrière la stratégie référendaire. Par exemple, au cours des deux ou trois derniers mois, il y a eu cette nouvelle stratégie qui consiste à essayer d'obtenir un référendum sur le financement afin que les gens puissent voter pour ou contre que la population dépense de l'argent pour financer le Cop City. Je suis très sceptique à l'égard de ce plan et de la stratégie électorale en général. Même si on ne veut pas soutenir cette stratégie, on aide du mieux qu'on peut, mais nous sommes très critiques à ce sujet, avec notre groupe. Certains de mes amis et camarades pensent que c'est une excellente idée, mais je pense que les ONG ont été beaucoup plus impliquées dans cette stratégie parce qu'elle leur est familière. Il y a des pour et des contre dans le mouvement par rapport à l'implication des ONG : d'un côté certains pensent que c'est une bonne manière d'avoir du soutien financier et matériel, mais d'un autre côté cette présence pousse toujours des mouvements à avoir une stratégie moins radicale que celle initialement imaginée, on reste donc sur nos gardes. Jusqu'à présent, les relations sont correctes, ils font leurs choses de leur côté, nous faisons les nôtres de notre côté, et ils nous laissent en quelque sorte seuls, sans essayer de dénoncer nos tactiques ou de créer une fracture dans le mouvement. Je pense que ce mouvement a été fort parce que c'est un mouvement très populaire et je pense que ce qui va le rendre plus fort c'est que personne ne se met des bâtons dans les roues.

Est-ce que la construction du Cop City a déjà commencé ?

Oui, et c'est vraiment horrible et déchirant. On peut voir les chantiers dans la forêt en suivant une longue route que l'on peut parcourir en voiture. J'avais des ami.e.s qui vivaient là-bas, donc j'y passais plus souvent mais maintenant j'évite d'y aller parce que ça me rend triste. On peut voir des endroits où ils ont commencé le chantier et il y a eu des images de drone où l'on pouvait voir la zone complète qu'ils avaient dégagée et coupée. Certaines personnes, lors d'une réunion publique de la ville, ont montré une photo de ce qu'ils avaient coupé et on remarquait qu'iels avaient coupé beaucoup plus que prévu. Je pense que le coulage de béton pour la fondation est censé se dérouler bientôt, il n'a pas encore commencé et je connais des gens qui ont élaboré des stratégies pour perturber cela, mais la construction avance malgré tout. Il y a quelque chose de très intime et émotionnel dans le lien que l'on peut avoir avec la forêt, et voir des arbres être abattus c'est en quelque sorte s'avouer que l'on n'a pas réussi à les protéger, ce qui est dur à avaler. Tout ce que nous pouvons faire, c'est aller de l'avant et nous assurer qu'aucun autre arbre ne sera abattu.

Pour conclure, cela pourrait intéresser nos lecteur.ice.s : comment pouvons-nous soutenir le combat quand nous sommes en France ? Est-il prévu de faire un jour des rencontres internationales à Atlanta ?

C'est une bonne question. À certains égards, je pense que c'est déjà une lutte internationale et même le fait que vous nous ayez contactés et que vous vouliez entendre parler de la lutte, c'est quelque chose d'incroyable pour moi. Je sais qu'il y a eu beaucoup de tentatives pour trouver de la solidarité entre les luttes, comme en Allemagne et en France, il y a beaucoup de gens ici qui sont internationaux qui font l'aller-retour ou qui vivent ici et qui rejoignent le mouvement. Au cours de la dernière semaine d'action, il y a eu un événement qui était essentiellement un appel vidéo et il y avait des gens en France et des gens en Italie qui parlaient des différentes défenses des terres dans lesquelles ils étaient impliqués. On essaie de faire le lien avec ces mouvements et nous. On doit continuer la lutte et penser à la façon dont notre lutte et les autres luttes sont liées, surtout parce que la propagande d'État va toujours utiliser l'argument du récit de l'agitateur extérieur en disant que les habitant.e.s d'Atlanta veulent le Cop City et que ce sont seulement les gens qui viennent d'autres endroits qui veulent vraiment causer des problèmes. Évidemment, ce n'est pas vrai, mais il est également important de se rappeler que si le Cop City devait être construit, elle ne toucherait pas seulement les habitant.e .s d'Atlanta mais elle servirait de modèle pour les services de police partout dans le pays et dans le monde. Nous voyons déjà d'autres villes aux États-Unis qui se sentent influencées et qui commencent à en proposer leur propre version. Nous savons déjà que la police aux États-Unis est formée à l'étranger et qu'ils forment les forces de police dans d'autres pays en leur apprenant leurs techniques. Les gens se battent depuis longtemps contre un programme appelé GILEE (programme d'échange international d'application de la loi en Géorgie) qui facilite les échanges internationaux entre les pays et leur police. Des agents de police d'Atlanta peuvent avoir des liens entre les Forces de défense israéliennes, de sorte que les agents de police vont en Israël et que les agents de police d'Israël viennent à Atlanta pour apprendre essentiellement des tactiques de répression. La police d'Atlanta leur enseigne comment réprimer les communautés noires et la police israélienne leur enseigne ce qu'ils ont appris en réprimant et en assassinant les Palestinien.ne.s. C'est une lutte internationale, alors nous continuons de partager les informations sur ce qui nous semble important. Un point important également c'est que mon organisation (Unity and struggle) est une organisation nationale, nous avons des gens impliqués à Atlanta et dans d'autres villes comme à New York. C'est important d'être en contact avec des gens en dehors du mouvement puisqu'on est tellement à l'intérieur de la lutte qu'il est très difficile pour nous d'avoir une plus grande perspective et de penser aux choses de manière plus abstraite, étant donné qu'on se retrouve régulièrement à avoir un.e ami.e et/ou notre bien-aimé.e ciblés par l'État. J'ai l'impression qu'ici on fait constamment face à l'État qui nous surveille pour chaque fait et geste. Il est donc essentiel d'avoir des gens qui sont plus éloignés de la lutte qui peuvent penser à la stratégie et par exemple à faire le lien entre les choses qui se passent ailleurs. En quelque sorte, tirer des conclusions plus générales sur une stratégie ou sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, ou sur ce que nous pouvons apprendre de ce mouvement. Alors oui, je pense qu'il est important de participer au mouvement et que les gens viennent de partout dans le monde, mais je ne sais pas encore s'il y a des plans pour vous à l'échelle internationale ou une semaine d'action internationale. Cependant, toutes les semaines d'actions depuis le début ont été internationales et les gens comme vos lecteur.ice.s devraient se sentir absolument libres de venir à Atlanta, nous adorerions vous accueillir. Nous devons faire le travail nécessaire pour continuer les combats et organiser l'infrastructure, et les gens qui sont plus loin ont le travail de théoriser ou d'entrer en contact avec des camarades. C'est peut-être une sorte de point de vue marxiste sur les choses mais il y a un temps où l'on doit penser plus concrètement et il y a un temps où l'on doit penser plus abstraitement, et je pense que pour nous à Atlanta tout est très concret, mais il est également important d'avoir ce retrait plus abstrait. Je pense que c'est ce que nos camarades et ami.e.s d'autres endroits peuvent faire pour aider la lutte, pour continuer à aller de l'avant, et nous guider sur les choses que nous pouvons apprendre sur cette expérience.

Fin de l'entretien

Pour soutenir les camarades américain.e.s qui font face a la répression : https://linktr.ee/weelauneearresteefundraisers

[Ciné club queer] - Voix Palestiniennes queers & féministes le 21/01

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Après plusieurs mois d'absence, on revient dimanche prochain 21 janvier à partir de 16h30 pour une nouvelle séance du ciné club queer à la Trotteuse !

C'est le grand retour du ciné club queer !

Ca faisait longtemps qu'on voulait présenter une sélection sur des films queer de SWANA, et au vu du contexte, on a eu une envie particulière de proposer une sélection de films réalisés par des réalisateur.rices palestinien.nes ou partageant des récits de personnes queer et féministes palestiniennes.

Dans la lignée de l'appel lancé par Queer Cinéma for Palestine - No pride in Genocide (https://queercinemaforpalestine.org/), on projettera plusieurs courts, moyens et long-métrages ce dimanche, en solidarité avec le peuple palestinien.

Tous les films sont traversés par les questions d'exil, de transmission, de résistances et de résilience, aux intersections des identités queers et palestiniennes.

On annoncera les films tout au long de la semaine, restez connecté.e.s !

On a grand hâte de partager ces films magnifiques avec vous

C'est dimanche 21 janvier à partir de 16h30 à la Trotteuse,
au 61 rue Charles Nodier, à Pantin
(métro Hoche)
prix libre (permettant de reverser les bénéfices aux réalisateur.rices)

A dimanche prochain !

Que crève la Marche pour la vie

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Face aux catholiques traditionalistes et autres intégristes qui s'activent avec la « Marche pour la vie » qui se tiendra ce dimanche à Paris, un retour s'impose sur les fondements réactionnaires et fascisants du mouvement prolife ainsi que sur la riposte nécessaire à lui opposer.

Dimanche 21 janvier aura lieu la « Marche pour la vie » à Paris. Organisée par l'association du même nom, il s'agit-là de la vingtième édition. Ce rassemblement composé de catholiques conservateurs et nationalistes ainsi que d'autres traditionalistes s'oppose frontalement à l'avortement.

Axé sur une supposée défense de la vie, le mouvement donne à voir tout ce que le slogan prolife comporte d'authentiquement réactionnaire et fasciste. Il porte une conception essentialiste, antiféministe et lgbtiphobe de ce qu'une vie doit être et de ce qu'elle vaut. Défendant la vie, terme neutre sinon joyeux, il tente de s'approprier des revendications émancipatrices, les recyclant d'une toute autre manière, bien plus dégueulasse, avec une esthétique cool et branchée. Bien aidé par les campagnes publicitaires et le féminisme bourgeois qui l'ont vidé de son sens depuis plusieurs décennies, les réactionnaires font du libre choix du corps un argument de plus en faveur de l'opposition à l'interruption volontaire de grossesse : ils n'ont de cesse d'humaniser l'embryon et le fœtus afin de faire valoir qu'il faut aussi défendre ces corps-là, en contradiction avec la réalité biologique et médicale et, surtout et avant tout, la volonté des personnes enceintes qui désireraient avorter. Il s'oppose ainsi avec énergie à ce que les luttes féministes ont conquis concernant la liberté reproductive fondée sur la possibilité de disposer librement de son propre corps. Au-delà de l'IVG, qui occupe l'essentiel de leurs préoccupations, le mouvement rejette également les projets portant sur une libre détermination de la fin de vie, faisant de l'opposition à l'euthanasie un autre de leurs axes d'intervention.
Cette année encore, leur communication laisse croire qu'ils combattent l'idéologie dominante. Sur leurs affiches à l'esthétique plus travaillée que les visuels habituels de leur camp politique, on lit : « Marcher pour ceux qui ne le peuvent pas » ou « Donner une voix à ceux qui n'en ont pas ». Cette reprise de mots d'ordre qui paraissent au premier abord émancipateurs les rend dans leurs bouches stériles, nauséabonds : c'est pour des embryons et des fœtus avortés qu'il faudrait se mobiliser, soit directement contre les personnes qui ont recours à des IVG. Derrière des paroles devenues si creuses revient le suranné dans ce qu'il a de plus infect. Il y a quelques années, leur slogan était « Défendre le faible, ça c'est fort », rappelant que la charité chrétienne possède, sous couvert d'une prétendue action sociale, une longue expertise en matière d'arguments faussement neutres et tout à fait réactionnaires - de défense de l'ordre.

Une multitude d'organisations participent à la manifestation ou lui tournent autour sans y être formellement liées, parmi lesquelles : l'association la Marche pour la vie donc, la fondation Jérôme Lejeune, les Survivants, Renaissance catholique, les Éveilleurs, Alliance VITA ou encore Le Syndicat de la famille (anciennement La Manif pour tous).
Chacune a ses particularités. Par exemple, avec une communication moderne, les Survivants réactualisent des slogans qu'on voudrait hors d'usage : dans leur rhétorique, s'il y a annuellement près de 200 000 IVG et 800 000 naissances, les personnes en vie doivent alors se considérer comme des survivantes. Ils prétendent ainsi fonder leur opposition à l'IVG à partir d'une pseudo-solidarité avec les fétus avortés. Un « concept psycho-marketing » qui doit permettre d'inverser l'image des réactionnaires mais qui ne fait en rien oublier que leurs amitiés et leurs réseaux sont à l'image de leurs idées, puisqu'ils s'inscrivent dans un large spectre d'extrême droite allant des Républicains au Rassemblement national, en passant par l'Action française et le Parti de France [1].

Au-delà de leurs spécificités, les organisations partagent des traits communs à partir desquels elle se rassemblent pour leur combat en faveur d'une supposée défense de la vie, qui est avant tout une défense de la tradition et de l'autorité dans ce qu'elles ont de supposément éternel ainsi que du système cis-hétéro-patriarcal. Trois éléments reviennent presque immanquablement : une volonté de limiter la liberté reproductive et, plus largement, les droits des femmes, à partir d'une conception essentialiste selon laquelle une femme n'est, au final, qu'une mère en devenir (1), qui s'ancre dans la haine des personnes lgbti, notamment des personnes trans, qui bouleversent un ordre naturel fondé sur la tradition et la complémentarité des rôles genrés inégaux (2), une telle défense du familialisme et du traditionalisme s'imposant avec d'autant plus d'urgence que, au-delà des arguments hérités du catholicisme réactionnaire, leur projet défend une lecture raciste et suprémaciste selon laquelle l'immigration deviendrait une menace identitaire et civilisationnelle (3). C'est tout le sens de la réponse cochant toutes les cases donnée par Éric Zemmour à la Marche pour la vie qui l'interrogeait avant les dernières présidentielles : « La question démographique est la question centrale du maintien de notre civilisation. Elle repose sur des familles à qui je veux avant tout rendre un horizon, une espérance. Celles-ci doivent pouvoir se projeter avec confiance dans l'avenir [2] ».

Il faut revenir sur ce que signifie, dans leurs termes sclérosés et leur projet puant, la défense de la vie. Déjà, le singulier importe : c'est la vie en tant que réalité uniforme, substrat biologique et obligation éthique, qu'il faut conserver. Ce singulier n'est pas un détail langagier, il démontre que le militantisme et l'idéologie prolife réifient la vie sociale et les inégalités qui la traversent, pour se concentrer sur une conception prétendument universelle de la vie comme bien suprême, dans la lignée de la tradition chrétienne qui valorisait la vie dans les textes sacrés et dans les règles religieuses, tout en acceptant que concrètement les vies humaines soient dévaluées, abîmées et détruites [3]. Rien n'a changé, du moins l'argumentaire et, surtout, la finalité restent les mêmes : défendre la vie ainsi, c'est in fine défendre l'ordre social, avec ses séparations et ses oppressions. Sans surprise, jamais ne sont dénoncées les véritables institutions qui assaillent et les structures qui les sous-tendent : les frontières, les lieux d'enfermement, la police et le travail, ainsi que la hiérarchisation d'une société sur des logiques de classe, de genre et de race, ravagent littéralement les vies de certain·es, pourrissent celles de la plupart et protègent celles de quelques-un·es. Au contraire, à partir d'un vocabulaire biologisant et d'une perspective réactionnaire, toute cette réalité est naturalisée, inscrite comme une harmonie éternelle.
À partir d'une conception essentialiste empruntant à l'intégrisme religieux, il ressort que la vie et la mort nous échappent : ce n'est pas à nous de décider de leur terme, puisqu'il s'agit d'un don sacré qui doit être respecté, impliquant alors de bannir l'avortement et les techniques de contraception ainsi que de refuser l'accompagnement des personnes en fin de vie. S'ils et elles se déclarent prolife, les militant·es de la Marche pour la vie s'opposent vivement à la procréation médicalement assistée (PMA), qui trahirait l'ordre moral. De même, bien qu'arguant encore une fois défendre la vie, de nombreux·ses prolife se sont impliqué·es dans les réseaux covidosceptiques et antivax [4].
Face à une liberté qui tenterait, illusoirement, de s'affranchir d'une morale trouvant sa force dans l'immobilité de la nature et de l'histoire, les militant·es et idéologues de la Marche pour la vie désirent un contrôle des corps fondé sur leur essentialisation : des corps blancs, purs, dociles, productifs et procréateurs. Une telle la défense de la vie, sous des apparences d'énergie et de vitalité, comporte une base et un horizon morbides, où tout n'est que pourriture : nous retrouvons-là la vieille fascination de l'extrême droite pour une dialectique putride entre la vie et la mort. Sans compter que la naturalisation s'exprime maintenant aussi de manière holistique dans le ralliement progressif des organisations fascisantes et fascistes, surtout d'orientation catholique ou identitaire, à l'écologie intégrale qui vise à défendre non pas seulement la vie mais le vivant en tant que totalité hiérarchisée – ce qui n'empêche en rien, là encore, que l'extrême droite continue de soutenir les entreprises de destruction des milieux de vie [5].

Ces organisations sont toutes liées à la haute-bourgeoisie conservatrice et aux milieux catholiques intégristes. Grâce à la vigueur de leurs soutiens, les prolife possèdent des financements importants pour leurs pressions médiatiques et politiques, ce qui accroit encore leur dangerosité. Plus largement, la Marche pour la vie doit être placée en regard de la tentative de recomposition et de revivification de La Manif pour tous, qui organisait les luttes contre l'ouverture du mariage et de l'adoption aux personnes de même genre. S'ils et elles ne sont jamais véritablement partis, dix ans après les réactionnaires catholiques reviennent, avec des campagnes d'affichages dans l'espace public, des tractages dans leurs lieux de sociabilité, des programmes et des participations dans des émissions télévisées de premier plan ainsi qu'une présence organisée et nombreuse sur les réseaux sociaux.

Aujourd'hui, l'accès à l'interruption volontaire de grossesse est doublement menacé. Depuis quelques temps, les nervis de l'extrême-droite traditionaliste et fasciste s'activent pour intimider et attaquer des lieux qui servent à accompagner et informer sur l'avortement, comme le Planning familial qui subit depuis quelques temps de nombreuses intimidations. Mais la menace ne se limite pas à l'activité de quelques factions, elle provient de logiques plus structurelles, de dynamiques sociales et économiques qui dépassent la seule volonté du militantisme fascisant et fasciste. Avec la libéralisation et la privatisation du système de soin, notamment de l'hôpital, pas moins de 130 centres pratiquant l'IVG ont dû fermer depuis les quinze dernières années [6].
Début janvier, la ministre de la Santé Agnès Firmin Le Bodo s'est rendue pour une visite de courtoisie à l'Institut Jérôme-Lejeune, un centre médical lié à une fondation éponyme qui milite activement pour restreindre le recours à l'avortement – une publicité inespérée à quelques semaines de la tenue de la manifestation, à laquelle la fondation appelle chaque année à participer. Déjà, Jean-Michel Blanquer s'était servi de son exercice au ministère de l'Éducation nationale pour mener à bien son agenda conservateur, donnant notamment un interview à une association anti-avortement, un exemple de plus de l'absence de digues véritables entre le macronisme et l'extrême droite [7]. Si la mobilisation dans la rue est terminée depuis plusieurs années, les organisations lgbtiphobes et anti-avortement se sont rapprochées des cercles de pouvoir : en 2018, Ludivine de La Rochère, alors présidente de La Manif pour tous, ainsi que trois responsables d'Alliance VITA ont été reçu·es à l'Assemblée nationale pour participer à une audition sur la révision des lois de bioéthique. Marine Le Pen, qui devient chaque jour une solution de repli plus crédible pour la bourgeoisie réactionnaire et à laquelle le gouvernement emprunte déjà des éléments de programme, qui sont autant de victoires de fait pour l'extrême droite, reste fondamentalement opposée à l'IVG, elle qui dénonçait il y a quelques années, avec toute sa crasse, des avortements « de confort » et « de récidive » [8]. À l'été 2021, un film antiavortement visant à culpabiliser les femmes et à salir la réputation des centres d'IVG a été diffusé en prime time par la chaîne C8 – le film, produit par des évangéliques américains, venait après une journée entière de programmes catholiques. Vincent Bolloré, le milliardaire propriétaire de C8 et de l'officine médiatique raciste et identitaire CNews, est lui-même un fervent catholique traditionnaliste, lié de près aux réseaux évangéliques français, auquel il entend offrir sa force de frappe économique et politique, démontrant une convergence d'analyse et de projet [9]. Que le gouvernement annonce aujourd'hui vouloir constitutionnaliser l'avortement ne doit pas tromper sur le monde qu'il défend et construit, ni sur le fait que le texte final est en réalité bien pauvre d'un point de vue de vue de la garantie d'un droit de recours effectifs [10].

Ni le passéisme outrageux ni l'aspect groupusculaire de la Marche pour la vie doivent laisser croire qu'il ne faut pas la combattre, au prétexte qu'elle serait anecdotique : réseaux catholiques traditionalistes, bourgeoisie conservatrice et militant·es fascistes doivent être appréhendé·es et combattu·es ensemble. S'il est évident qu'il ne s'agit pas d'une manifestation fasciste, la réactivation aujourd'hui d'un tel mouvement s'inscrit dans la fascisation de la société. C'est dans cette perspective que l'évènement, les organisations et les personnes qui y participent doivent être traités par toustes les antifascistes – ce qui implique aussi que, en retour, l'antifascisme ne constitue en rien une lutte spécialisée, séparée des autres, mais qu'il doit être approprié le plus largement possible.
Car les prolife n'ont heureusement jamais été laissé·es tranquilles : une histoire longue de riposte féministe et antifasciste leur a opposé un mur d'hostilité, par exemple les dernières années en organisant des rassemblements d'opposition à leurs conférences à Grenoble, en bloquant physiquement leur départ en car pour rejoindre la manifestation parisienne à Rennes ou en le dégradant avec de la peinture à Angers [11]. Refuser leur prétendue vie, qui porte tous les caractères du contrôle, de l'exploitation et de la domination, qui suinte des odeurs abjectes, que nous aimerions pour toujours laissées loin de nous, passe autant par des actions au quotidien, par lesquelles s'incarnent le partage de nos joies et le soin de nos douleurs, que par des actions plus ponctuelles lors desquelles il importe de les dégager, de les réduire au silence et à l'infâme. Ces deux versants sont plus que jamais nécessaires.
Il y a quelques jours, l'extrême droite pensait déjà prendre les rues parisiennes sans rencontrer de contestation. Raté : un rassemblement unitaire antifasciste s'est tenu au même moment Place de la Sorbonne, soit à quelques centaines de mètres de l'arrivée de leur manifestation, pour rappeler que leur présence reste et restera intolérable, qu'elle doit être partout combattue et d'autant plus lorsqu'il s'agit d'évènements importants à leurs yeux. C'est un rappel que, face à la réaction, les seules réponses consistantes sont les luttes et les solidarités.


[1] Christophe-Cécil Garnier et Philippe Somnolet, « Emile Duport, le dresseur de pokemon en croisade contre l'avortement », 28 novembre 2016, https://www.streetpress.com/sujet/1480340832-emile-duport-survivants-anti-avortement.

[2] Marche pour la vie, « présidentielles 2022 : je vote pour la vie », 11 mars 2022, https://enmarchepourlavie.fr/2022/03/presidentielle-2022-je-vote-pour-la-vie/e

[3] Didier Fassin, La Vie. Mode d'emploi critique, Paris, Seuil, 2021

[4] Cabrioles, « Anti-vaccins et anti-avortement avancent main dans la main », 21 mai 2022, https://cabrioles.substack.com/p/anti-vaccins-et-anti-avortement-avancent

[5] Antoine Dubiau, Écofascismes, Caen, Grevis, 2022, et Zetkin Collective, Fascisme fossile. L'extrême droite, l'énergie et le climat, Paris, La fabrique éditions, 2020

[7] Sud Éducation, « Blanquer, l'écho de l'extrême-droite au ministère de l'Éducation nationale », 28/10/2020, https://www.sudeducation.org/communiques/blanquer-lecho-de-lextreme-droite-au-ministere-de-leducation-nationale/

[8] Union Antifasciste Toulousaine, « Le Front National et l'avortement (tract d'information) », 22 septembre 2017, https://lahorde.samizdat.net/le-front-national-et-lavortement-tract-dinformation

[9] Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, « La vraie fausse retraite de Vincent Bolloré, milliardaire affairé à défendre l'“Occident chrétien” », 20 avril 2023, https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/04/20/vincent-bollore-la-vraie-fausse-retraite_6170255_3234.html et Adrien Franque et Bernadette Sauvaget, « Qui est Chantal Barry, cette proche de Bolloré qui veut propager un message chrétien dans les médias ? », 11 janvier 2024, https://www.liberation.fr/economie/medias/qui-est-chantal-barry-cette-proche-de-bollore-qui-veut-propager-un-message-chretien-dans-les-medias-20240111_RI5WOXAHARFMBLWBEUMJS7UQBQ/

[10] Violaine De Filippis-Abate, « Une vraie constitutionnalisation du droit à l'IVG », 3 novembre 2023, https://www.humanite.fr/feminisme/ivg/une-vraie-constitutionnalisation-du-droit-a-livg

[11] NousToustes38 et le Groupe Féministe Antifasciste 38, « Alliance Vita : hors de Grenoble », 2 février 2023, https://cric-grenoble.info/infos-locales/article/alliance-vita-hors-de-grenoble-2794, Expansive.info, « Des bus en route pour la vie ? », 4 février 2018, https://expansive.info/Des-bus-en-route-pour-la-vie-778 et Ouest France, « À Angers, six interpellations après des dégradations sur un bus de la Marche pour la vie », 23 janvier 2023, https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/angers-49000/a-angers-six-interpellations-apres-des-degradations-sur-un-bus-de-la-marche-pour-la-vie-840022bc-9b3a-11ed-994e-584d65f11921

Le Pen, Sarkozy, Macron : l'émergence d'un républicanisme de guerre

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Retour sur deux décennies (et plus) de néolibéralisation, de dédiabolisation et de fascisation.

En 2002, Jean-Marie Le Pen atteignait le second tour de l'élection présidentielle. Cinq ans plus tard, il se félicitait de voir Nicolas Sarkozy élu sur ses thèmes. Durant son mandat, il était conseillé par Patrick Buisson, artisan de la droite « décomplexée » de formation maurrassienne, obsédé par l'immigration, défenseur de l'union des droites et proche des ethno-différentialistes. Son décès, survenu ce 26 décembre, a entraîné une vague d'hommages à droite et à l'extrême droite : pour Les Républicains, il était un théoricien de la « politique de civilisation » ; pour le Rassemblement National, il a contribué à faire sauter les digues qui l'écartaient du pouvoir ; et Jordan Bardella de saluer celui « qui a fait progresser les idées du camp national [...] en prêtant ses mots à la parole du pouvoir ».

Ces deux dernières décennies enseignent, si l'on en doutait encore, que tout processus de dédiabolisation de l'extrême droite implique nécessairement une radicalisation proportionnelle de la droite. Au point qu'il semble aujourd'hui impossible de différencier Les Républicains du Rassemblement National, pour ne pas dire du Front National historique du Père Le Pen.

Pendant que la droite glissait à l'extrême, la gauche, elle, glissait au centre : du tournant de la rigueur opéré par François Mitterrand en 1983 jusqu'au ralliement définitif des socialistes au libéralisme sous François Hollande, le déclin et la chute sont déjà derrière nous. Et c'est sans parler de la nationalisation du Parti Communiste Français, véritable précurseur en matière de patriotisme productiviste : c'est en effet au Parti que l'on doit les premières campagnes électorales placées sous le signe du Made in France, avec son glissement rhétorique consubstantiel. « Fabriquons Français » : c'était en 1977 ; on mesure la régression.

L'extrême centre providentiel

On ne saurait comprendre la situation politique actuelle sans revenir sur l'année 2017 et la percée d'Emmanuel Macron. Cette année marque la fin de l'alternance, et l'émergence de ce que d'aucuns ont pu qualifier d'extrême centre. Sans doute celui-ci représente-t-il l'héritier légitime des forces dites « de gouvernement », la fusion de cette gauche et de cette droite opposées en idées et en déclarations, mais unies dans leur désir de gestionnaires de la société capitaliste.

À gauche, l'effondrement des socialistes ouvre la voie à une recomposition autour de la France Insoumise, dont le programme politique a été justement décrit comme une version soft, ou appauvrie, du programme commun de la gauche qui avait porté Mitterrand au pouvoir en 1981. À droite, c'est le début de la fin pour Les Républicains, qui se font doubler par le Rassemblement National, marquant l'échec de leur stratégie consistant à chasser sur les terres de l'extrême droite.

C'est au milieu de ce désert politique, dont les tenants sont largement discrédités et méprisés par la population, qu'émerge un candidat se revendiquant « ni de droite ni de gauche », mais qui s'avère être un absolu libéral. Recyclant les pires opportunistes et offrant enfin un peu de pouvoir aux centristes en déshérence, ressuscitant le chantage électoral du vote barrage contre l'extrême droite, il parvient à s'imposer en promettant de résoudre les causes du vote Le Pen, de sortir les sans-abris de la rue, de faire de l'égalité femmes-hommes la grande cause de son gouvernement, de changer la face d'une vie politique sclérosée et surannée, etc.

Républicanisme de guerre et État policier

Rapidement, Macron reçoit Sarkozy pour lui demander conseil, et suit sa méthode : celle de l'État policier, avec son blindage répressif, ses mesures antisociales, sa criminalisation de l'opposition, son islamophobie et son mensonge permanent. Le résultat est stupéfiant : cinq années d'accélération exemplaire de la fascisation, dans tous les domaines. Les promesses n'engageant que ceux qui les reçoivent, sa réélection en 2022 entérine la décrépitude des partis d'alternance, et s'accompagne de l'entrée fracassante du Rassemblement National à l'Assemblée. Privé de majorité législative, le macronisme gouverne depuis par 49-3, actant une fois pour toutes l'autonomisation du pouvoir exécutif.

Mais aussi la victoire politique de l'extrême droite, Les Républicains compris, qui assurent désormais une double fonction : d'abord, celui de réserve de voix, qui s'accompagne d'un réel pouvoir en matière d'amendement des projets de loi ; ensuite, celui d'alternative à la nouvelle gauche, d'abord écartée des présidences de commission à l'Assemblée puis carrément expulsée de l'arc républicain (et même, à en croire Manuel Valls, de « l'espace de l'humanité »). Pendant ce temps, le champ médiatique couvre des néonazis assumés en les qualifiant de militants patriotes, et fait la promotion d'un nettoyage ethnique en Palestine.

Tout cela étant dit, la France est-elle devenue fasciste ? Ce qui est certain, c'est que nous vivons une période de républicanisme de guerre. En guerre contre qui ? D'abord, contre les musulmans, amalgamés aux djihadistes, victimes principales de l'instauration de l'état d'urgence en 2015. Ensuite, contre les populations pauvres et non-blanches des quartiers populaires, décrites comme ensauvagées et qui tendent à se confondre, en tant qu'ennemi civilisationnel, avec celui désigné dans l'islam.

La nécessité antifasciste

Plus récemment, nous avons observé de nouveaux glissements sémantiques tendant à élargir le spectre de l'ennemi intérieur : ultra-gauche, professionnels du désordre, islamo-gauchistes, éco-terroristes, tueurs de flics en puissance, et désormais proxys du Hamas et des Gardiens de la Révolution islamique iranienne. Pour autant, certaines libertés civiles restent garanties, malgré leur recul permanent. Alors, fascisme ou pas ?

Le fascisme se présente comme la radicalisation extrême des catégories de base du système capitaliste : le travail et sa division tant genrée que racialisée ; la famille et la domination masculine qui la structure ; la nation et ses différencialismes ethniques ou religieux ; les valeurs morales dominantes et l'abjection pour la déviance à leur égard ; la marchandisation infinie de de la nature et des rapports sociaux ; la soumission fanatique aux impératifs de croissance...

Notre système repose déjà sur son lot de massacres, de déshumanisation et de haines. Le fascisme les pousse à leur paroxysme dans un moment de crise. Sa proposition est celle d'une régénération de la communauté par l'épuration de ses éléments étrangers ou malades. Tout changer pour que rien ne change ; faire voler en éclat tout ce qui, dans les valeurs dominantes et les formes politiques et sociales en place, entravent la résolution de la crise et la survie du système : lutte contre l'influence religieuse au profit de l'autorité étatique, abolition du parlementarisme, suppression de l'État-providence, etc. Plus qu'un coup de force, c'est une thérapie de choc ; et elle a commencé.

Brighella