PROJET AUTOBLOG


Paris-luttes.info

Site original : Paris-luttes.info

⇐ retour index

Les Résistantes 2023 – rencontres de luttes locales et globales

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Du 3 au 6 août 2023, sur le plateau du Larzac aura lieu la première édition des Résistantes – Rencontres des luttes locales et globales ! Plus de 570 luttes locales sont identifiées aujourd'hui sur la carte de Reporterre, et ces Rencontres par et pour les luttes seront l'occasion de les mettre à l'honneur et de rassembler ce vaste mouvement qui grandit à travers la France.

Du 3 au 6 août 2023, sur le plateau du Larzac aura lieu la première édition des Résistantes – Rencontres des luttes locales et globales ! Plus de 570 luttes locales sont identifiées aujourd'hui sur la carte de Reporterre, et ces Rencontres par et pour les luttes seront l'occasion de les mettre à l'honneur et de rassembler ce vaste mouvement qui grandit à travers la France.

Du local au global, de nombreuses associations, syndicats et collectifs travaillent aussi sur des sujets connexes, sociaux, environnementaux, sociétaux, et gagneraient beaucoup à se rencontrer et s'entraider plus.
Concrètement, ces 4 jours seront l'occasion d'inviter de nouvelles personnes à rejoindre nos luttes, de préparer des perspectives de mobilisation ensemble, de se former, de célébrer nos victoires, de voir comment s'entraider et de renforcer les coalitions de luttes géographiques ou thématiques qui se montent un peu partout. Concerts, ateliers, assemblées, rencontres, formations, projections-débats, spectacles, espace enfants, balades naturalistes, radio participative et bien d'autres choses seront ainsi au rendez-vous !
Les grands objectifs de l'événement

Avec ces Rencontres, nous cherchons à :

➡️ Rassembler la sphère militante qui gravite autour des luttes sans forcément s'y impliquer beaucoup, et l'inciter à le faire via des moyens clairs et nombreux.

➡️ Visibiliser et médiatiser le mouvement des luttes locales à travers la France, son ampleur et sa force, dans une optique de recrutement et de crédibilisation.

➡️ Faire se rassembler des réseaux de luttes qui ne se parlent pas ou trop peu, des luttes locales isolées ou organisations globales qui se battent sur des sujets connexes, qui verraient ainsi que leur cas est loin d'être le seul et qu'elles peuvent trouver du soutien à l'extérieur.

➡️ Accélérer les dynamiques de coopération inter-luttes : les Rencontres permettront de mettre à disposition des capacités logistiques, communicationnelles, organisationnelles, financières et des compétences afin que les coalitions de luttes y organisent des temps de structuration, d'entraide, de planification et de recrutement.

➡️ Mettre les luttes, les prochaines échéances et les prochains grands combats globaux à l'agenda des médias et de nombreux alliés pour la rentrée 2023.

➡️ Structurer un réseau de bénévoles pérenne capable de soutenir des luttes et leurs réseaux sur le temps long à travers la France.

➡️ Faire un temps joyeux qui célèbre nos victoires passées et qui permette d'en préfigurer des dizaines à venir !”

<style> .lire-ailleurs { text-align: center;font-weight: 800; } .lire-ailleurs a { background-color:#f5f5f5; color:black; display: block; padding: 0.5rem 0; margin-bottom: 0.5rem; text-decoration: none !important; } .lire-ailleurs a:hover { background-color: #a30005; transition-property: background-color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a:hover span { color: white; transition-property: color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a span { color:#a30005; }

[Radio] LEP en lutte à Noisy-le-Sec ; Critique de la résilience (nucléaire)

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Dans cette émission de Vive la sociale - FPP 106.3 FM - il sera, tout d'abord, question de la reforme de l'enseignement professionnel et, ensuite, de l'ouvrage « Contre la résilience » présenté par l'auteur, Thierry Ribault, à la librairie Publico de Paris. Bonne écoute !

LEP en lutte à Noisy-le-Sec ; Critique de la résilience
La réforme de l'enseignement professionnel dont Macron prétend faire « une cause nationale » - et qui concrètement signifie dévalorisation des formations pro et du métier d'enseignant - a suscité quelques premières mobilisations, donc celle des profs de Noisy-le-Sec, qui nous en expliquent les raisons.

Suit (à 22'30) l'enregistrement d'une intervention de Thierry Ribault faite le 30 avril dernier à la librairie Publico de Paris, où il développait oralement les arguments exposés dans son dernier livre, Contre la résilience.

La France du mâle Alpha

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Vous avez dit virilisme ?

Comment tenir bon sur la rage révolutionnaire sans succomber aux sirènes du virilisme ? pas simple. Vraiment pas simple.
Partout des modèles de réussite survalorisés, partout la caillasse, c'est-à-dire la virilité sociale.
Le message ? Il faut réussir par le sport, par la finance, il faut réussir par le son, par la baise, par l'image ! Mais vous me direz : N'est-ce au fond la même chose ? Exactement. C'est la même chose et c'est une catastrophe
La défaite mélancolique pour tout révolutionnaire, c'est l'adhésion à cette norme diffuse.
Car cette société s'y connaît en matière d'hameçonnage normatif : tout est bon pour contrôler les minorités, pour contrôler le peuple, pour contrôler la Vie (il y a tant de recettes).
Exemple : Donner au plus grand nombre l'envie de réussir comme on assèche un corps physique et social.

Dans les années 80, il fallait être un « battant ». Aujourd'hui les mots ont changé mais le sens perdure. Maintenant il faut être un « mâle Alpha ». C'est quoi le rapport ? le rapport c'est le corps. Le corps exhibé, phallicisé, le corps sans plis, le corps qui ne vieillit pas, qui ne fléchit pas, qui ne se déprime pas, qui ne pleure pas, bref « le corps fasciste ».
Ce corps est aussi un corps-entreprise. Le corps est une start-up. C'est un corps social.
Voir sur TikTok, cette application de merde. Ce fonctionnement "désimaginatif". Allez mater le nouveau malaise dans la civilisation. Allez examiner quelles sont les « nouvelles » obsessions sociales : non pas si ma voisine ou mon voisin souffrent, mais plutôt si mon corps est bien en accord avec mon fantasme, avec mon narcissisme de dominant potentiel. Si tu n'es pas le clone du chef spartiate, tu es vraiment une tapette ! comprenez : tu es une merde.

Il faut montrer que tu en a dans le froc et par tous les moyens possibles : tractions sur une barre, pompes, exercices en salles, accumulation des conquêtes, marchandisation des corps. Et surtout en matière de violence matricielle : l'incontournable MMA. Ce sport-limite semble reproduire ce que la virilité fasciste et capitaliste ont conçu de pire : apologie de la violence, culte délirant du KO, en attendant la mise à mort spectacularisée (et payante). Au passage, constatons chez les chroniqueurs sportifs que la syntaxe est singulièrement écrasée. Tout ce que la langue a de polysémique est, dans les commentaires, atomisé au profit d'une langue biface, tantôt robotique (phrases déclaratives et sans affects), tantôt une langue maniaque, exclamative et guerrière. Et derrière tout ça, des éclats de discours dans ce qu'ils recèlent de plus homophobe, transphobe et mysogine. Tu seras un homme mon fils, un vrai mec, tu seras un "bonhomme", pas une femme, ni un trans. Tout un nivellement de la pensée par le muscle, c'est-à-dire une perte de l'esprit critique, une dépolitisation massive. Le virilisme est en effet, politiquement démobilisateur : il s'agit de s'épuiser en salle, pas de renverser la domination.

On m'objectera que les femmes ont néanmoins une place dans le MMA. Une place ? Elles ont une place mais à condition qu'elles deviennent aussi impitoyables et connes que les mecs ! y'a qu'à regarder, y'a qu'à écouter.
Et les règles en matière de combat ? bah des règles c'est un peu comme dans une arène. On peut frapper un(e) « ennemi(e) » à terre. Surtout si l'arbitre a l'air de veiller au grain : les pulsions s'assouvissent. Ce qui est dramatique, c'est que chaque combattant accepte la règle qui consiste à défoncer l'Autre au sol. Façon expérience de Milgram.
L'absence de pitié est devenu vertu.

Frapper l'autre au sol, c'est pareil que dans la finance dérégulée, les fonds d'investissement ne s'en privent pas. Malheur aux pauvres. On peut aussi mettre à terre un pays dont le taux de croissance s'aligne mal avec les directives européennes (par exemple). On peut lui niquer sa race à ce pays et donc à sa population. Le parallélisme est « frappant » : Dans la "cage" plus vous chaussonez la gueule à une « victime », plus le combattant est ovationné. Ca ne vous rappelle rien ? du pain et des jeux. Les jeux du cirque. La plèbe est calmée et ça marche. OK. Certains diront que j'exagère et que je sous-estime le rôle des arbitres. Des arbitres ? Un peu comme l'OTAN vous voulez dire ? oui c'est ça.
Super le modèle social.

Le libéralisme-ultra a rêvé d'un nivellement « culturel » par la compétitivité brutale, les sports de combat l'ont fait. Soudain, les fafs et les non-fafs se retrouvent frères de connerie en virilité. Pour entrer au panthéon des dominants il suffit juste d'être un bon mâle Alpha et tout baigne ! enfin tout baigne, façon de parler, pour les fafs, un noir ou un arabe, même virils demeureront toujours des métèques, c'est là où gît l'arnaque des dominants. C'est là où tout antifasciste a de quoi se taper la tête contre les murs, c'est là où y'a de quoi déprimer.

Sans prise de conscience, comment sortir de cette spirale viriliste qui elle-même conduit au discours fasciste ? Franchement, je sais pas. Le culte viril est une cocaïne qui fonctionne si bien. Les dominants sociaux doivent se marrer ! Avec ce modèle, ils tiennent une société (de la cime à la zone), ils tiennent le monde avec l'appât du muscle agressif corrélat de la performance capitalistique et soyez sûr que ça marchera encore longtemps.
Suicide axiologique mode d'emploi.

On peut aussi déplorer que dans le milieu militant (parfois) des « fêtes sportives » aient pu donner une certaine place au MMA, et donc au virilisme, à croire que la beauferie capitaliste-fasciste s'est infusée, tout à fait inconsciemment, dans nos pratiques enragées.
Vous me direz que le virilisme dans le milieu militant n'a pas attendu le MMA pour émerger. C'est vrai. La logique virile existe depuis toujours, elle chemine un peu partout. Est-elle intrinsèquement liée à notre sub-structure biologique ou bien n'est-elle qu'une construction sociale ? Dans tous les cas, ce n'est pas une raison pour en remettre sur la brutalité. Il n'y a que les fafs pour tenter d'extraire une idéologie d'un certain type d'observation.
Pour nous, il n'y a pas de faits, il n'y a que des interprétations. Enfin j'espère.
Alors quoi ?
Alors n'ayons pas peur de dire que pour tout(e) révolutionnaire, la dévirilisation n'est pas une tragédie, c'est un viatique.

Bidule

« Il y a un principe bon qui crée l'ordre, la lumière et l'homme. Il y a un principe mauvais qui crée le chaos, les ténèbres et la femme. »
Pythagore

Evguénia Iaroslavskaïa-Markon et la question du lumpen

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Une fulgurance nommée Evguénia (ou comment donner du fil à retordre aux autoritaires)

Pourquoi évoquer le courage de cette femme, Evguénia Iaroslavskaïa-Markon (1902 - 1931), révolutionnaire anarchiste qui épousa la rue comme on se voue à l'amour fou ?

Nous choisissons d'en parler précisément parce qu'Evguénia a combattu sans relâche le dogme imposé par l'État.

En particulier, cette affirmation douteuse qui laisse croire que la lutte révolutionnaire, la seule légitime, est l'apanage d'une caste éclairée formée par un haut clergé de « commissaires du peuple ».

Souvent, deux récits de colorations idéologiques distinctes se recoupent à propos d'Evguénia.

Lorsque son histoire est narrée par la presse bourgeoise dans une préface ou sur les ondes, c'est avec une grande condescendance. Evguenia serait une « romantique » dupe des faits historiques, dupe des circonstances. Son exécution par la Guépéou ne lui aurait pas donné le temps de comprendre que le lumpenprolétariat, qu'elle chérissait, allait devenir le bras armé de la dictature bolchévique, puis de tout fascisme en général.
Il y a là une proximité notable avec la critique « marxiste » de la vision anarchiste des luttes. Vision conçue comme un aveuglement. À suivre les exégètes du passé, on serait tenté de conclure que chez Evguénia réside une errance théorique. Son parcours serait une ligne brisée résumant l'éternelle absence de « maturité révolutionnaire » dont font preuve les rêveurs anarchistes avec leur soif d'horizontalité. Différence ou écart de maturité avec les autoritaires disciplinés, réalistes, verticaux par nécessité historique.

Or il nous semble que c'est exactement l'inverse qui s'exprime dans la vie d'Evguénia.

Quelques semaines avant son exécution le 20 juin 1931, elle rédige un saisissant témoignage. Il lui faut survivre dans un quartier d'isolement disciplinaire. Texte autobiographique traduit sous le titre « Révoltée ».
Nous y découvrons sa complète lucidité. Elle n'est ni naïve, ni aveuglée par son amour pour le poète Alexandre Iaroslavski.
Evguénia est déterminée.

Il est donc parfaitement possible d'inverser la logique par laquelle sa pensée est décridibilisée. Il est, selon nous, nécessaire de renverser la lecture officielle. Il y a chez Evguénia une réflexion politique aiguisée.
Lorsqu'elle affirme que le lumpen est la seule « classe » révolutionnaire qui jamais n'accèdera au pouvoir, elle désigne une « faille logique » ou un point de litige originaire dans ce qui sous-tend l'eschatologie marxiste (et toute forme d'espérance révolutionnaire verticale). Conflit de principes, souvenons-nous, déjà présent entre Marx et Bakounine. Si ce litige concerne les principes d'action, il désigne également une conception du réel qui s'oppose à une autre. Dès qu'un groupe sociologiquement défini, un syndicat ou un parti, s'affirment en surplomb comme seuls véritablement aptes à la lutte, l'essentialisation s'installe. Cette transcendance sociale se double de l'expulsion de la « mauvaise classe ». Le lumpen, cette sous-catégorie humaine thématisée par Marx et utilisée dans le Manifeste du Parti communiste (1848), dans Les luttes de classes en France (1850), puis dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1852) exprime une partition ultra-autoritaire. La mauvaise classe sociale, les sous-prolétaires, venant (chez Marx) contaminer la bonne classe, le prolétariat. Evguénia est consciente des enjeux pratiques. Elle est consciente de la contradiction à l'oeuvre : Marx hiérarchise le social et l'horizontalité disparaît. De sorte que le lumpen est pour Evguenia une notion disruptive utile pour démontrer cette contradiction interne à tout discours qui se veut révolutionnaire anti-bourgeois mais ne parvient, en dernière instance, qu'à justifier la nécessité d'un commandement social « par le haut » inflexible et permanent. Lénine s'employant à ne faire qu'une seule chose après 1917 : reconstituer une classe dominante, autoritaire, trahissant le message révolutionnaire « initial » (l'abolition des classes en tant qu'horizon). Les privilèges n'ont aucunement été abolis, ils ont juste changés de mains. Ce que l'anarchisme sans concession d'Evguénia dénonce, c'est le vice inhérent à toute avant-garde révolutionnaire. Et ce danger existe toujours, c'est le danger le plus grand. L'extériorité. Dès qu'un magistère se dresse, la promesse égalitaire est court-circuitée.

Il se trouve en outre, qu'Evguénia n'a jamais triché, elle a réellement connu l'abîme. La connaissance par les « marges » n'est pas chez elle un vain mot. Lorsqu'elle descend dans la rue, elle y va vraiment. Contrairement à ce qui est régulièrement affirmé, elle n'est nullement Romantique, elle vit ce qu'elle prône.
Elle qui a découvert très tôt l'œuvre néo-kantienne de Vvédenski, semble par sa vie même, interroger les conditions de possibilité d'un âge révolutionnaire.

Son appétence pour les bas-fonds met en perspective contradictoirement ce qui fonde chez les élites révolutionnaires, l'idée d'avant-garde. S'il existe un groupe social qui jamais ne « doit » accéder au commandement (le peuple de l'abîme), c'est aussi qu'un autre est, pour Marx, comme prédestiné au commandement (le prolétariat). Dans les deux cas, nous l'avons dit plus haut, il s'agira chez les dirigeants bolchéviques, d'une vision essentialisée et verticale du champ social. En bas le lumpen corrompu, inapte à la lutte, et au-dessus le prolétariat vertueux. Ce que s'attache à dénoncer Evguénia, c'est l'impasse d'un tel raisonnement.

Un passage tiré de son auto-biographie a retenu notre attention : « Aucun État du monde, par son essence même, ne peut être révolutionnaire » (p.38). L'émancipation du peuple ne sera jamais affaire de gouvernement. Le lumpen, cet ensemble sans réels contours, est également la « case vide » qui fait dysfonctionner la structure argumentative de la démarche révolutionnaire officielle. Il nous faut penser une béance dans l'ensemble social et tenter de comprendre ce qui échappe à la totalisation marxiste : l'exclusion des sous-prolétaires. Le lumpen est comme le reste abject de la pensée autoritaire.
Evguénia a vu juste.
Elle raisonne en ayant à l'esprit la répression de Kronstadt. Jusqu'au bout elle provoquera ses bourreaux et son raisonnement est comme une démonstration par l'absurde (et par l'outrance assumée) de l'incapacité des « marxistes » à rompre avec une logique de la domination. Cette logique est déjà présente chez Marx lorsqu'il exclut le lumpenprolétariat de la voie révolutionnaire. Comme elle l'écrit avec justesse, le pouvoir en place est devenu « non seulement conservateur, mais (aussi) contre-révolutionnaire ».

Exclure un élément du peuple tout en parlant au nom du peuple est contre-révolutionnaire. Que cet élément soit la paysannerie, la « bohème » des villes, le peuple fantasmé des bas-fonds ou celui des marins insurgés. À ce titre la jonglerie verbale des marxistes autoritaires ne pourra jamais convaincre un(e) anarchiste.

Pour conclure, les interprétations psychologiques ou esthétiques de la courte vie d'Evguénia n'apportent rien. Il ne sert à rien de la décrire comme transie d'extase par les délits commis dans la rue (vols, errance). Ce paternalisme interprétatif est, soulignons-le, une nouvelle manière de disqualifier l'écriture et la pensée d'une femme révolutionnaire. Rappelons qu'en France durant la période qui succède à l'Ancien régime, les femmes furent exclues du bénéfice des droits du citoyen. Assignées à la sphère privée, elles devenaient « étrangères » à l'universalité de la sphère citoyenne. Le syllogisme présenté par Olympe de Gouges dans l'article 10 de sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne plie en deux ce qui se donne comme un Droit, produit argumentatif de la masculinité hégémonique : « La femme a le droit de monter sur l'échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune ».
Jacques Rancière indique en quoi l'égalité de la sentence de mort réfute le partage entre vie politique et vie domestique : « si les femmes ont le droit de monter sur l'échafaud, si un pouvoir révolutionnaire peut les y condamner, c'est que leur vie nue elle-même est politique » (La haine de la démocratie, p. 68)
Dans le cas d'Evguénia, la grille de lecture psychologique des biographes n'a pas pris en compte suffisamment un point essentiel : Cette femme qui crache au visage de son bourreau est anarchiste. Et son anarchisme se construit entre deux courants : l'individualisme de Stirner et la résistance Makhnoviste nourrie par Voline.
Evguénia Iaroslavskaïa-Markon vit au contact de la rue. L'anarchisme c'est l'existence au contact de la rue. Ce qui échappera toujours aux commissaires du Peuple.
Dont acte.

sylphe

« Sous prétexte de fonder une société de bienfaisance, le lumpenprolétariat parisien avait été organisé en sections secrètes (...) Des roués désargentés aux moyens d'existence douteux et à l'origine tout aussi douteuse, des rejetons dépravés et aventureux de la bourgeoisie, des vagabonds, des soldats limogés, des détenus libérés, des forçats évadés des galères, des escrocs, des saltimbanques, des lazzaroni, des pickpockets, des joueurs de bonneteau, des maquereaux, des tenanciers de bordels, des portefaix, des littérateurs, des tourneurs d'orgue, des chiffonniers, des rémouleurs, des rétameurs, des mendiants, bref, toute la masse indéterminée, dissolue, ballottée et flottante que les Français nomment la « bohème » : c'est avec ces éléments familiers que Bonaparte forma le stock de la Société du Dix-Décembre. »

Karl Marx (1852), Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, p.129

« Mais qui sont alors les hommes de la révolution ? Il est clair que c'est la classe qui ne pourra jamais détenir le pouvoir. Cette classe est le lumpenprolétariat qui participe réellement à toutes les révoltes et révolutions et qui se trouve écarté dès que le mouvement qu'il soutient triomphe. »

Evguénia Iaroslavskaïa-Markon, Mon autobiographie, in Révoltée, p.39 (collection Point)

« In di Gassn, tsu di massn »
(Dans les rues, vers les masses).

La Voix des sans-papiers

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Bulletin du mouvement et des collectifs de lutte autonomes, numéro 20 du vendredi 20 mai 2023.

Sommaire : pages 1-3, Saint-Just ; pages 4-5, Tyrannie en marche Peuple souverain Ubu roi président ; page 6, Domiciliation : Un enfer pour les enfants comme pour les travailleurs ; page 7, Loi immigration : Un fantôme menaçant ; page 8, Mali - Sauvons la FaléMé : La lutte continue, Tract et Collecte

Un peuple n'a qu'un ennemi dangereux,
c'est son gouvernement
(Saint-Just, 10 Octobre 1793)

L'Europe marche à grands pas vers sa révolution, et tous les efforts du despotisme ne l'arrêteront point. [...] La Révolution de France n'est point le coup d'un moment, elle a ses causes, sa suite et son terme. [...] Tant d'hommes ont parlé de cette révolution, et la plupart n'en ont rien dit. [...] Il y eut sans cesse en France, pendant cette révolution, deux partis obstinés, celui du peuple, qui, voulant combler de puissance ses législateurs, aimait les fers qu'il se donnait lui-même ; celui du prince, qui, se voulant élever au-dessus de tous, s'embarrassait moins de sa propre gloire que de sa fortune. Au milieu de ces intérêts, je me suis cherché moi-même ; membre du souverain [du peuple souverain], j'ai voulu savoir si j'étais libre, et si la législation méritait mon obéissance ; dans ce dessein, j'ai cherché le principe et l'harmonie de nos lois, et je ne dirai point, comme Montesquieu, que j'ai trouvé sans cesse de nouvelles raisons d'obéir, mais que j'en ai trouvé pour croire que je n'obéirais qu'à ma vertu. (...)

Tyrannie en marche, peuple souverain, Ubu roi président

« La tyrannie en marche », ainsi, le 12 septembre 2017, quatre mois après le début du nouveau mandat présidentiel de l'époque, avions-nous titré le numéro 16 de la Voix des sans-papiers.
Ce titre avait fait tordre le nez à plus d'un lecteur, certains l'avaient trouvé exagéré. Mais aujourd'hui c'est autre chose ; aujourd'hui, avec les déchaînements de violence, aux champs comme dans les villes, des bandes armées de l'État de police, ce choix d'antan n'a pas besoin, pour se justifier, d'aller chercher ses raisons chez les raisons d'un Aristote, d'un Machiavel, ou d'un Pascal. L'hubris du pouvoir politique, sa démesure monstre, la « violence de l'excès » (public) contre tout ce qui bouge et qui vit, bref, le déploiement envahissant de cette hubris du tyran, tout cela s'étale, purement et simplement, sous nos yeux : impardonnable aux yeux du monde et des millions et millions de personnes défilant dans les rues contre la tyrannie solidifiée, en acte. Aujourd'hui, des mots tels que « tyran », « tyrannie », et autres semblables, n'apparaissent plus exagérés à aucun de ces hommes et femmes indignés et révoltés. Ces mots viennent et reviennent sur toutes les lèvres, dans toutes les têtes, car ils correspondent à ce que pense à l'unanimité cette multitude innombrable en mouvement, la mort dans l'âme, après le dégoût et l'indignation. Après l'écœurement. Car il y a là comme un œil souverain haut perché, de maître, un souverain dédain du « bas » peuple. Il y a là ce à quoi ces masses d'humains flairent l'insomniaque oiseau de nuit et de proie ; ce à quoi des grévistes « surexcités » devinent (et s'ingénient à repousser à coups de « casserolades », charivari et huées à la mesure du personnage) le solitaire ubique dieu en herbe, incarnation et condensé des arrogances et provocations sans bornes, des crimes sans scrupules, sans remords, d'un Père Ubu guignol monstre, et menteur et volage, fait président de France, et insaisissable, immuable comme un petit grand dieu entouré de son petit Olympe de petits sous-dieux esclaves : pas un homme né d'une femme mais d'une frasque de dieu terrible honni et aimé. (...)

Domiciliation : un enfer pour les enfants comme pour les travailleurs
Pour scolariser les enfants :
Dans le primaire, à l'école maternelle, puis élémentaire, donc avant 11 ans, l'inscription dépend de la mairie et de son service des affaires scolaires. Souvent les fonctionnaires de base s'opposent à l'inscription des enfants à cause de la domiciliation alorsquec'est illégal. De même, les personnes qui sont hébergées par le samu social se voient refoulées car le 115 les fait changer souvent d'hôtel et donc de commune (26 fois en un an et demi, par exemple !). Pourtant, 5 textesprévoient lascolarisation obligatoire des enfants sans domicile fixe et qui ont une domiciliation : le Code des relations entre le public et l'administration, le Code de l'éducation, le Code de l'action sociale et des familles, ainsi qu'une note d'information de la Direction générale de la cohésion sociale de 2018 et un décret de 2020. (...)

Sauvons la faléMé (2) : la lutte continue

En dernière page de notre dernier numéro, nous avions informé nos lecteurs de la lutte engagée, des deux côtés de la rivière falémé qui marque la frontière entre le sénégal et le Mali, par un collectif de jeunes des deux pays. leur but était (est) de préserver ce qui reste de l'environnement naturel gravement mis à mal par l'exploitation industrielle de l'or : mines, depuis des décennies, exploitées au profit d'intérêts occidentaux (avant tout français) voraces et prédateurs ; mais, aujourd'hui, surtout industries chinoises de taille moyenne (mines à ciel ouvert, encore plus polluantes), et puis l'orpaillage dit traditionnel, mais pratiqué en fait avec des moyens mécaniques monstres (pelleteuses et dragues), si importants, si nombreux, et des installations mobiles si énormes, qu'il est impossible de ne pas le dire industriel lui aussi, ce prétendu orpaillage « artisanal », exercé, de plus, par des bandes organisées (armées) d'autres Chinois, ou d'africains venus d'ailleurs, notamment des Mossi du Burkina fasso. Fin 2022 et début 2023, côté malien, en voyant qu'on n'arrivait à obtenir des autorités locales que silence, ou bien menaces et arrestations et procès, les jeunes maliens se sont organisés en cortèges (plus de 200 personnes en moyenne) et se sont mis à parcourir les villages environnants dans un effort de sensibilisation de la population. (...)

Voix des sans-papiers numéro 20 - mai 2023