Site original : Framablog
Lors de l’annonce du confinement, Framasoft se faisait le relai d’un collectif citoyen dont l’objectif était d’accompagner et soutenir les enseignant⋅es dans leur pratiques numériques. Ce collectif, quelques mois plus tard, donnait naissance à l’association collégiale Faire École Ensemble (FÉE). Aujourd’hui, bien que la position de Framasoft vis-à-vis du Ministère de l’Éducation Nationale soit sensiblement la même qu’en 2016, nous relayons leur appel dans les colonnes du Framablog afin que les publics intéressés par la démarche d’« États Généraux du Numérique libre et des communs pédagogiques » puissent y participer.
Des États généraux du numérique libre et des communs pédagogiques sont proposés par Internet les 3 et 4 novembre 2020 sur l’impulsion initiale de l’association collégiale Faire École Ensemble (FÉE) qui facilite les collaborations entre les citoyens et la communauté éducative.
Ces rencontres sont une contribution originale aux États Généraux du Numérique organisée par le Ministère de l’Éducation Nationale et s’adresse à un public large et diversifié : enseignants, parents, libristes, designers, acteurs de l’éducation populaire, médiateurs numériques, bricoleurs, agents des collectivités, élus, syndicalistes, amateurs et curieux…
Le confinement et la fermeture brutale des établissements scolaires ont conduit à une situation sans précédent d’enseignement « à distance » généralisé. Face à l’urgence de la situation, de nombreux enseignants, parents et acteurs associatifs ont fait preuve d’une créativité renouvelée et ont repensé leur manière d’agir avec le numérique. Quotidiennement nombre d’entre-eux se tournaient – par nécessité – vers les GAFAM et autres plateformes internationales, que ce soit pour trouver une vidéo (YouTube), pour concevoir des exercices (Google Edu), pour partager des références (Padlet), pour faire une visioconférence (Zoom) ou pour écrire un document à plusieurs mains (Google Docs).
Le manque de débat sur la place prise par les GAFAM dans l’éducation pendant cette crise ne doit pas restreindre celui sur les solutions alternatives et les autres modèles de collaboration et d’apprentissage tournés vers la culture du libre et la pratique des communs. En effet, des milliers d’enseignants, de parents et d’acteurs associatifs se sont tournés vers la production et l’utilisation de ressources libres (contenus, logiciels, données) pour coopérer, mutualiser des connaissances, élaborer des scénarios d’apprentissage et s’organiser tout au long de la crise provoquée par le confinement. Si ces pratiques ont fait preuve de leur efficience, elles méritent d’être connues et partagées au plus grand nombre.
Afin que la mise en débat public ait lieu, Faire École Ensemble propose de se réunir par Internet les 3 et 4 novembre, pour les États généraux du numérique libre et des communs pédagogiques. Cette initiative, s’inscrit comme une forme originale de contribution aux États généraux du numérique éducatif organisés par le Ministère de l’Éducation Nationale, les 4 et 5 novembre à Poitiers.
Les EGN libre et des communs pédagogiques proposeront des temps d’inspiration, d’écoute des besoins, de mise en discussion (enjeux et propositions) et de mise en pratique. Ils participeront par cela à révéler l’existant, à faciliter le lien entre communautés qui agissent pour la production, l’usage ou la pérennisation de ressources libres et de communs pédagogiques. La programmation se destine à être entièrement co-construite avec les différents participants d’ici le 20 octobre.
Enseignants, parents, développeurs, designers, acteurs de l’éducation, populaire et du numérique, communautés organisées, bricoleurs, agents des collectivités, élus, syndicats, etc. il nous est donné une occasion de se rencontrer, de révéler des pratiques et de promouvoir la culture du libre et des communs dans l’éducation. Nous vous invitons à vous joindre aux #EGN_Libre pour témoigner de votre expérience, vous informer et échanger :)
Comment participer ?
Voici une deuxième partie de l’essai que consacre Cory Doctorow au capitalisme de surveillance (si vous avez raté les épisodes précédents.) Il y aborde les diverses techniques de manipulation et captation de l’internaute-client utilisées sans vergogne par les grandes entreprises hégémoniques. Celles-ci se heurtent cependant à une sorte d’immunité acquise générale à ces techniques, ne faisant de victimes à long terme que parmi les plus vulnérables.
Billet original sur le Medium de OneZero : How To Destroy Surveillance Capitalism
Traduction Framalang : goofy, jums, Mannik, Pierre-Emmanuel Largeron, Sphinx
par Cory Doctorow
Vous avez probablement déjà entendu dire : « si c’est gratuit, c’est vous le produit ». Comme nous le verrons plus loin, c’est vrai, mais incomplet. En revanche, ce qui est absolument vrai, c’est que les annonceurs sont les clients des géants de la tech accros à la pub et que les entreprises comme Google ou Facebook vendent leurs capacités à vous convaincre d’acheter. La came des géants de la tech, c’est la persuasion. Leurs services (réseaux sociaux, moteurs de recherche, cartographie, messagerie, et tout le reste) ne sont que des moyens de fournir cette persuasion.
La peur du capitalisme de surveillance part du principe (justifié) que tout ce que les géants de la tech racontent sur eux-mêmes est sûrement un mensonge. Mais cette critique admet une exception quand il s’agit des prétentions émises par les géants de la tech dans leurs documentations marketing, plus précisément leur matraquage continu autour de l’efficacité de leurs produits dans les présentations destinées à de potentiels annonceurs numériques en ligne, ainsi que dans les séminaires de technologies publicitaires : on considère qu’ils sont aussi doués pour nous influencer qu’ils le prétendent lorsqu’ils vendent leurs systèmes de persuasion aux clients crédules. C’est une erreur, car les documents marketing ne sont pas un indicateur fiable de l’efficacité d’un produit.
Le capitalisme de surveillance considère qu’au vu de l’important volume d’achat des annonceurs auprès des géants de la tech, ces derniers doivent sûrement vendre quelque chose pour de bon. Mais ces ventes massives peuvent tout aussi bien être le résultat d’un fantasme généralisé ou de quelque chose d’encore plus pernicieux : un contrôle monopolistique sur nos communications et nos échanges commerciaux.
Être surveillé modifie notre comportement et pas pour le meilleur. La surveillance crée des risques pour notre progrès social. Le livre de Zuboff propose des explications particulièrement lumineuses de ce phénomène. Mais elle prétend aussi que la surveillance nous dérobe littéralement notre liberté : ainsi, lorsque nos données personnelles sont mélangées avec de l’apprentissage machine, cela crée un système de persuasion tellement dévastateur que nous sommes démunis face à lui. Autrement dit, Facebook utilise un algorithme qui analyse des données de votre vie quotidienne, extraites sans consentement, afin de personnaliser votre fil d’actualité pour vous pousser à acheter des trucs. On dirait un rayon de contrôle mental sorti tout droit d’une BD des années 50, manipulé par des savants fous dont les supercalculateurs leur assurent une domination totale et perpétuelle sur le monde.
Pour comprendre pourquoi vous ne devriez pas vous inquiéter du rayon de contrôle mental, mais bien plutôt de la surveillance et des géants de la tech, nous devons commencer par décortiquer ce que nous entendons par « persuasion ».
Google, Facebook et les autres capitalistes de la surveillance promettent à leurs clients (les annonceurs) qu’en utilisant des outils d’apprentissage machine entraînés sur des jeux de données de taille inimaginable, constitués d’informations personnelles récoltées sans consentement, ils seront capables de découvrir des moyens de contourner les capacités de rationalisation du public et de contrôler le comportement de ce dernier, provoquant ainsi des cascades d’achats, de votes ou autres effets recherchés.
L’impact de la domination excède de loin celui de la manipulation et devrait être central dans notre analyse et dans tous les remèdes que nous envisageons.
Mais il existe peu d’indices pour prouver que cela se déroule ainsi. En fait, les prédictions que le capitalisme de surveillance fournit à ses clients sont bien moins impressionnantes qu’elles ne le prétendent. Plutôt que de chercher à passer outre votre rationalité, les capitalistes de la surveillance comme Mark Zuckerberg pratiquent essentiellement une au moins des trois choses suivantes :
Si vous êtes vendeur de couches-culottes, vous aurez plus de chance d’en vendre en démarchant les personnes présentes dans les maternités. Toutes les personnes qui entrent ou sortent d’une maternité ne viennent pas d’avoir un bébé et toutes celles qui ont un bébé ne sont pas consommatrices de couches. Mais avoir un bébé est fortement corrélé avec le fait d’être un consommateur de couches et se trouver dans une maternité est hautement corrélé avec le fait d’avoir un bébé. Par conséquent, il y a des publicités pour les couches autour des maternités (et même des démarcheurs de produits pour bébés qui hantent les couloirs des maternités avec des paniers remplis de cadeaux).
Le capitalisme de surveillance, c’est de la segmentation puissance un milliard. Les vendeurs de couches peuvent aller bien au-delà des personnes présentes dans les maternités (bien qu’ils puissent aussi faire ça avec, par exemple, des publicités mobiles basées sur la géolocalisation). Ils peuvent vous cibler selon que vous lisiez des articles sur l’éducation des enfants, les couches-culottes ou une foule d’autres sujets, et l’analyse des données peut suggérer des mots-clés peu évidents à cibler. Ils peuvent vous cibler sur la base d’articles que vous avez récemment lus. Ils peuvent vous cibler sur la base de ce que vous avez récemment acheté. Ils peuvent vous cibler sur la base des e-mails ou des messages privés que vous recevez concernant ces sujets, et même si vous mentionnez ces sujets à voix haute (bien que Facebook et consorts jurent leurs grands dieux que ce n’est pas le cas, du moins pour le moment).
C’est franchement effrayant.
Mais ce n’est pas du contrôle mental.
Cela ne vous prive pas de votre libre-arbitre. Cela ne vous leurre pas.
Pensez à la manière dont le capitalisme de surveillance fonctionne en politique. Les entreprises du capitalisme de surveillance vendent aux professionnels de la politique la capacité de repérer ceux qui pourraient être réceptifs à leurs argumentaires. Les candidats qui font campagne sur la corruption du secteur financier sont à la recherche de personnes étranglées par les dettes, ceux qui utilisent la xénophobie recherchent des personnes racistes. Ces communicants ont toujours ciblé leurs messages, peu importe que leurs intentions soient honorables ou non : les syndicalistes font leurs discours aux portes des usines et les suprémacistes blancs distribuent leurs prospectus lors des réunions de l’association conservatrice John Birch Society.
Mais c’est un travail imprécis, et donc épuisant. Les syndicalistes ne peuvent pas savoir quel ouvrier approcher à la sortie de l’usine et peuvent perdre leur temps avec un membre discret de la John Birch Society ; le suprémaciste blanc ne sait pas quels membres de la Birch sont tellement délirants qu’assister à une réunion est le maximum qu’ils peuvent faire, et lesquels peuvent être convaincus de traverser le pays pour brandir une torche de jardin Tiki dans les rues de Charlottesville, en Virginie.
Comme le ciblage augmente le rendement des discours politiques, il peut bouleverser le paysage politique, en permettant à tous ceux qui espéraient secrètement le renversement d’un autocrate (ou juste d’un politicien indéboulonnable) de trouver toutes les personnes qui partagent leurs idées, et ce, à un prix dérisoire. Le ciblage est devenu essentiel à la cristallisation rapide des récents mouvements politiques tels que Black Lives Matter ou Occupy Wall Street, ainsi qu’à des acteurs moins présentables comme les mouvements des nationalistes blancs d’extrême-droite qui ont manifesté à Charlottesville.
Il est important de différencier ce type d’organisation politique des campagnes de communication. Trouver des personnes secrètement d’accord avec vous n’est en effet pas la même chose que de convaincre des gens de le devenir. L’essor de phénomènes comme les personnes non-binaires ou autres identités de genres non-conformistes est souvent décrit par les réactionnaires comme étant le résultat de campagnes en ligne de lavage de cerveaux qui ont pour but de convaincre des personnes influençables qu’elles sont secrètement queer depuis le début.
Mais les témoignages de ceux qui ont fait leur coming-out racontent une tout autre histoire, dans laquelle les personnes qui ont longtemps gardé secret leur genre étaient encouragées par celles qui en avaient déjà parlé. Une histoire dans laquelle les personnes qui savaient qu’elles étaient différentes (mais qui manquaient de vocabulaire pour parler de ces différences) apprenaient les termes exacts à utiliser grâce à cette manière bon marché de trouver des personnes et de connaître leurs idées.
Les mensonges et les tromperies sont des pratiques malsaines, et le capitalisme de surveillance ne fait que les renforcer avec le ciblage. Si vous voulez commercialiser un prêt sur salaire ou hypothécaire frauduleux, le capitalisme de surveillance peut vous aider à trouver des personnes à la fois désespérées et peu averties, qui seront donc réceptives à vos arguments. Cela explique la montée en puissance de nombreux phénomènes, tels que la vente multi-niveau, dans laquelle des déclarations mensongères sur des gains potentiels et l’efficacité des techniques de vente ciblent des personnes désespérées, avec de la publicité associée à leurs recherches qui indiquent, par exemple, qu’elles se débattent contre des prêts toxiques.
Le capitalisme de surveillance encourage également la tromperie en facilitant le repérage d’autres personnes qui ont été trompées de la même manière. Elles forment ainsi une communauté de personnes qui renforcent mutuellement leurs croyances. Pensez à ces forums où des personnes victimes de fraudes commerciales à plusieurs niveaux se réunissent pour échanger des conseils sur la manière d’améliorer leur chance de vendre le produit.
Parfois, la tromperie en ligne consiste à remplacer les convictions correctes d’une personne par des croyances infondées, comme c’est le cas pour le mouvement anti-vaccination, dont les victimes sont souvent des personnes qui font confiance aux vaccins au début mais qui sont convaincues par des preuves en apparence plausibles qui les conduisent à croire à tort que les vaccins sont nocifs.
Mais la fraude réussit beaucoup plus souvent lorsqu’elle ne doit pas se substituer à une véritable croyance. Lorsque ma fille a contracté des poux à la garderie, l’un des employés m’a dit que je pouvais m’en débarrasser en traitant ses cheveux et son cuir chevelu avec de l’huile d’olive. Je ne savais rien des poux et je pensais que l’employé de la crèche les connaissait, alors j’ai essayé (ça n’a pas marché, et ça ne marche pas). Il est facile de se retrouver avec de fausses croyances quand vous n’en savez pas suffisamment et quand ces croyances sont véhiculées par quelqu’un qui semble savoir ce qu’il fait.
C’est pernicieux et difficile (et c’est aussi contre ce genre de choses qu’Internet peut aider à se prémunir en rendant disponibles des informations véridiques, en particulier sous une forme qui expose les débats sous-jacents entre des points de vue très divergents, comme le fait Wikipédia) mais ce n’est pas un lavage de cerveau, c’est de l’escroquerie. Dans la majorité des cas, les personnes victimes de ces campagnes de ces arnaques comblent leur manque d’informations de la manière habituelle, en consultant des sources apparemment fiables. Si je vérifie la longueur du pont de Brooklyn et que j’apprends qu’il mesure 1 770 mètres de long, mais qu’en réalité, il fait 1 825 mètres de long, la tromperie sous-jacente est un problème, mais c’est un problème auquel il est possible de remédier simplement. C’est un problème très différent de celui du mouvement anti-vax, où la croyance correcte d’une personne est remplacée par une fausse, par le biais d’une persuasion sophistiquée.
Le capitalisme de surveillance est le résultat d’un monopole. Le monopole est la cause, tandis que le capitalisme de surveillance et ses conséquences négatives en sont les effets. Je rentrerai dans les détails plus tard, mais, pour le moment, je dirai simplement que l’industrie technologique s’est développée grâce à un principe radicalement antitrust qui a permis aux entreprises de croître en fusionnant avec leurs rivaux, en rachetant les concurrents émergents et en étendant le contrôle sur des pans entiers du marché.
Prenons un exemple de la façon dont le monopole participe à la persuasion via la domination : Google prend des décisions éditoriales quant à ses algorithmes qui déterminent l’ordre des réponses à nos requêtes. Si un groupe d’escrocs décide de faire croire à la planète entière que le pont de Brooklyn mesure 1700 mètres et si Google élève le rang des informations fournies par ce groupe pour les réponses aux questions du type « Quelle est la longueur du pont de Brooklyn ? » alors les 8 ou 10 premières pages de résultats fournies par Google pourront être fausses. Sachant que la plupart des personnes ne vont pas au-delà des premiers résultats (et se contentent de la première page de résultats), le choix opéré par Google impliquera de tromper de nombreuses personnes.
La domination de Google sur la recherche (plus de 86 % des recherches effectuées sur le Web sont faites via Google) signifie que l’ordre qu’il utilise pour classer les résultats de recherche a un impact énorme sur l’opinion publique. Paradoxalement, c’est cette raison que Google invoque pour dire qu’il ne peut pas rendre son algorithme transparent : la domination de Google sur la recherche implique que les résultats de son classement sont trop importants pour se permettre de pouvoir dire au monde comment il y parvient, car si un acteur malveillant découvrait une faille dans ce système, alors il l’exploiterait pour mettre en avant son point de vue en haut des résultats. Il existe un remède évident lorsqu’une entreprise devient trop grosse pour être auditée : la diviser en fragments plus petits.
Zuboff parle du capitalisme de surveillance comme d’un « capitalisme voyou » dont les techniques de stockage de données et d’apprentissage machine nous privent de notre libre arbitre. Mais les campagnes d’influence qui cherchent à remplacer les croyances existantes et correctes par des croyances fausses ont un effet limité et temporaire, tandis que la domination monopolistique sur les systèmes d’information a des effets massifs et durables. Contrôler les résultats des recherches du monde entier signifie contrôler l’accès aux arguments et à leurs réfutations et, par conséquent, contrôler une grande partie des croyances à travers le monde. Si notre préoccupation est de savoir comment les entreprises nous empêchent de nous faire notre propre opinion et de déterminer notre propre avenir, l’impact de la domination dépasse de loin celui de la manipulation et devrait être au centre de notre analyse et de tous les remèdes que nous recherchons.
Mais voici le meilleur du pire : utiliser l’apprentissage machine, les techniques du dark UX, le piratage des données et d’autres techniques pour nous amener à faire des choses qui vont à l’encontre de nos principes. Ça, c’est du contrôle de l’esprit.
Certaines de ces techniques se sont révélées d’une efficacité redoutable (ne serait-ce qu’à court terme). L’utilisation de comptes à rebours sur une page de finalisation de commande peut créer un sentiment d’urgence incitant à ignorer la petite voix interne lancinante qui vous suggère d’aller faire vos courses ou de bien réfléchir avant d’agir. L’utilisation de membres de votre réseau social dans les publicités peut fournir une « justification sociale » qu’un achat vaut la peine d’être fait. Même le système d’enchères mis au point par eBay est conçu pour jouer sur nos points faibles cognitifs, nous donnant l’impression de « posséder » quelque chose parce que nous avons enchéri dessus, ce qui nous encourage à enchérir à nouveau lorsque nous sommes surenchéris pour s’assurer que « nos » biens restent à nous.
Les jeux sont très bons dans ce domaine. Les jeux « d’accès gratuit » nous manipulent par le biais de nombreuses techniques, comme la présentation aux joueurs d’une série de défis qui s’échelonnent en douceur de difficulté croissante, qui créent un sentiment de maîtrise et d’accomplissement, mais qui se transforment brusquement en un ensemble de défis impossibles à relever sans une mise à niveau payante. Ajoutez à ce mélange une certaine pression sociale – un flux de notifications sur la façon dont vos amis se débrouillent – et avant de comprendre ce qui vous arrive, vous vous retrouvez à acheter des gadgets virtuels pour pouvoir passer au niveau suivant.
Les entreprises ont prospéré et périclité avec ces techniques, et quand elles échouent cela mérite que l’on s’y attarde. En général, les êtres vivants s’adaptent aux stimuli : une chose que vous trouvez particulièrement convaincante ou remarquable, lorsque vous la rencontrez pour la première fois, le devient de moins en moins, et vous finissez par ne plus la remarquer du tout. Pensez au bourdonnement énervant que produit le réfrigérateur quand il se met en marche, qui finit par se fondre tellement bien dans le bruit ambiant que vous ne le remarquez que lorsqu’il s’arrête à nouveau.
C’est pourquoi le conditionnement comportemental utilise des « programmes de renforcement intermittent ». Au lieu de vous donner des encouragements ou des embûches, les jeux et les services gamifiés éparpillent les récompenses selon un calendrier aléatoire – assez souvent pour que vous restiez intéressé, et de manière assez aléatoire pour que vous ne trouviez jamais le schéma toujours répété qui rendrait la chose ennuyeuse.
Le « renforcement intermittent » est un outil comportemental puissant, mais il représente aussi un problème d’action collective pour le capitalisme de surveillance. Les « techniques d’engagement » inventées par les comportementalistes des entreprises du capitalisme de surveillance sont rapidement copiées par l’ensemble du secteur, de sorte que ce qui commence par un mystérieux changement de conception d’un service – comme une demande d’actualisation ou des alertes lorsque quelqu’un aime vos messages ou des quêtes secondaires auxquelles vos personnages sont invités alors qu’ils sont au beau milieu de quêtes principales – tout cela devient vite péniblement envahissant. L’impossibilité où l’on est de maîtriser et faire taire les incessantes notifications de son smartphone finit par générer en un mur de bruit informationnel monotone, car chaque application et chaque site utilise ce qui semble fonctionner à ce moment-là.
Du point de vue du capitalisme de surveillance, notre capacité d’adaptation est une bactérie nocive qui la prive de sa source de nourriture – notre attention – et les nouvelles techniques pour capter cette attention sont comme de nouveaux antibiotiques qui peuvent être utilisés pour briser nos défenses immunitaires et détruire notre autodétermination. Et il existe bel et bien des techniques de ce genre. Qui peut oublier la grande épidémie de Zynga, lorsque tous nos amis ont été pris dans des boucles de dopamine sans fin et sans intérêt en jouant à FarmVille ? Mais chaque nouvelle technique qui attire l’attention est adoptée par l’ensemble de l’industrie et utilisée si aveuglément que la résistance aux antibiotiques s’installe. Après une certaine dose de répétitions, nous développons presque tous une immunité aux techniques les plus puissantes – en 2013, deux ans après le pic de Zynga, sa base d’utilisateurs avait diminué de moitié.
Pas tout le monde, bien sûr. Certaines personnes ne s’adaptent jamais aux stimuli, tout comme certaines personnes n’arrêtent jamais d’entendre le bourdonnement du réfrigérateur. C’est pourquoi la plupart des personnes qui sont exposées aux machines à sous y jouent pendant un certain temps, puis passent à autre chose, pendant qu’une petite mais tragique minorité liquide le pécule mis de côté pour la scolarité de ses enfants, achète des couches pour adultes et reste scotchée devant une machine jusqu’à s’écrouler de fatigue.
Mais les marges du capitalisme de surveillance sur la modification des comportements sont nulles. Tripler le taux de conversion en achats d’un truc semble un succès, sauf si le taux initial est bien inférieur à 1 % avec un pourcentage de progression… encore inférieur à 1 %. Alors que les machines à sous tirent des bénéfices en centimes de chaque jeu, le capitalisme de surveillance ratisse en fractions de centimes infinitésimales.
Les rendements élevés des machines à sous signifient qu’elles peuvent être rentables simplement en drainant les fortunes de la petite frange de personnes qui leur sont pathologiquement vulnérables et incapables de s’adapter à leurs astuces. Mais le capitalisme de surveillance ne peut pas survivre avec les quelques centimes qu’il tire de cette tranche vulnérable – c’est pourquoi, lorsque la Grande épidémie de Zynga s’est enfin terminée, le petit nombre de joueurs encore dépendants qui restaient n’ont pas suffi à en faire encore un phénomène mondial. Et de nouvelles armes d’attention puissantes ne sont pas faciles à trouver, comme en témoignent les longues années qui se sont écoulées depuis le dernier succès de Zynga. Malgré les centaines de millions de dollars que Zynga doit dépenser pour développer de nouveaux outils pour déjouer nos capacités d’adaptation, l’entreprise n’a jamais réussi à reproduire l’heureux accident qui lui a permis de retenir toute notre attention pendant un bref instant en 2009. Les centrales comme Supercell se sont un peu mieux comportées, mais elles sont rares et connaissent beaucoup d’échecs pour un seul succès.
La vulnérabilité de petits segments de la population à une manipulation sensible et efficace des entreprises est une préoccupation réelle qui mérite notre attention et notre énergie. Mais ce n’est pas une menace existentielle pour la société.
Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.
Przemyslaw Czarnek est désormais en mesure de réécrire les programmes scolaires, ce qui inquiète la communauté éducative.
L’accent mis sur les tests dès février. Puis le renforcement de la médecine territoriale. L’embauche de 6 600 médecins et de 14 500 infirmiers. Les campagnes pour le port du masque dans les lieux publics, et leur distribution à un tarif plafonné. Puis l’imposition d’une distance physique de près de trois mètres dans les transports publics et sur les trains. Et enfin la fermeture des écoles pendant deux mois.
“Restez derrière et tenez-vous prêts”. Voilà ce que Trump a donc déclaré hier soir dans le débat surréaliste de la présidentielle américaine à l’adresse du groupe suprémaciste et néo-fasciste des “Proud Boys”, répondant à la question du journaliste qui lui demandait s’il condamnait le suprémacisme de ces milices.
Selon le New York Times, le président américain n’a payé que 750 dollars d’impôts en 2016 et 2017. […] “Il n’a pas du tout payé d’impôt sur le revenu au cours de 10 des 15 années précédentes […] Donald Trump a également appliqué des déductions pour ses résidences, son avion privé et, à hauteur de 70.000 dollars, pour ses frais de coiffeur avant ses apparitions à la télévision.
Binam a dit qu’elle avait accepté une intervention chirurgicale mineure alors qu’elle était en détention et, qu’à son réveil, on lui a dit qu’elle ne pouvait plus avoir d’enfants naturellement.
Avant mon élection, la Bolivie était le pays le plus pauvre d’Amérique du Sud. Les six premières années des treize de mes mandats de président, nous étions les premiers en croissance économique en Amérique du Sud. Lorsque je me rendais aux forums internationaux, aux sommets des chefs d’État, ces derniers me demandaient quelle allait être la croissance économique. Je leur répondais qu’elle serait de 4 ou 5 %. Ils me demandaient alors ce que j’avais fait pour arriver à ce résultat. […] Le mouvement indigène, traditionnellement, est anticolonialiste et anti-impérialiste. On a démembré le chef rebelle aymara Tupac Katari à l’époque coloniale. Aujourd’hui, à l’époque républicaine, on veut nous démembrer, fusiller notre mouvement politique, interdire le MAS, m’interdire. Tout cela est soutenu par les États-Unis, qui ont clairement fait entendre que « le MAS ne reviendra pas au gouvernement, ni Evo en Bolivie ». Depuis lors je travaille sur la campagne du MAS, et je suis sûr que le peuple bolivien retrouvera sa liberté.
Parmi les affaires jugées ce même jour, l’une concerne la France, à la demande de La Quadrature du Net, FDN, la Fédération des fournisseurs d’accès à Internet associatifs et l’association Igwan.net.
Les amish, érigés en exemple antiprogrès par Macron, préfèrent débattre de l’impact d’une innovation sur le quotidien avant de l’adopter. Ce que font également des associations ou des pays comme le Danemark.
Paolo Cirio avait réalisé un projet collaboratif pour sensibiliser à la protection des données personnelles […] L’artiste avait construit une base de données, à partir de 1000 photos publiques — récupérées sur Internet ou auprès de journalistes — prises lors de manifestations en France entre 2014 et 2020 traitées “avec un logiciel de reconnaissance faciale”.
« C’est dommage, regrette un brin cynique François Vauglin, le maire PS du XIe, dont l’arrondissement a été particulièrement ciblé, que les impôts des Parisiens servent à décoller des affiches politiques sauvages, qui de plus, étonnamment, sont à l’initiative du président de la République et de sa formation. »
Malgré une hausse de 1,8 milliard d’euros, le ministère prévoit “des baisses d’emploi qui seront compensées par des augmentations d’heures supplémentaires”
Neuvième mois de pandémie, donc, et il faut qu’une infirmière en CFA alerte un généraliste, que celui-ci interpelle un ministre sur les réseaux sociaux, pour que les pouvoirs publics communiquent enfin sur la dangerosité d’un dispositif conçu à tort comme protecteur contre le coronavirus. Tout va bien. On a bien progressé depuis le début de cette pandémie. J’ai hâte de voir la suite. Ou pas.
Ils agissent ainsi pour ne pas perdre une partie de leur rémunération.
La contradiction fondamentale est dans la politique gouvernementale : alors que les mesures visant à ralentir le virus s’accentuent dans la société civile tout entière, à l’école, on fait l’exact inverse. Le virus progresse. Un cluster sur trois est à l’école. Mais les protocoles sanitaires de nos établissements ont été allégés.
Les 4.000 lits promis par les accords du Ségur ne sont pas encore arrivés dans les services. Depuis mars, aucune ouverture n’a par exemple été effectuée en Ile-de-France, où le taux d’occupation atteignait jeudi 35,3 % (le seuil critique étant fixé à 30 %).
La direction de la recherche, des études et de l’évaluation et de la statistique (Drees) a publié une étude montrant que la grande majorité des malades hospitalisés entre 1er mars et le 15 juin étaient des hommes âgés.
Mercredi, les avocats de 17 jeunes qui assignent l’Etat au civil pour « harcèlement discriminatoire » ont demandé sa condamnation pour faute lourde. La décision sera rendue fin octobre.
« Le fond du problème, c’est qu’ils viennent régulièrement faire des interventions comme ça. C’est devenu banal. Mais ce n’est pas normal. C’est une histoire qui aurait pu mal tourner, fustige Chancel Gatsoni, 35 ans, coach sportif. Tout le monde dans le quartier est identifié comme potentiel délinquant. Demain, si je fais mon footing dans le quartier, cela pourrait m’arriver. »
Encore une fois, le pouvoir utilise la peur et une crise importante pour restreindre des libertés et habituer la population à vivre dans un État policier et répressif.
Assigné à résidence depuis 12 ans, obligé de pointer de 2 à 4 fois par jour à la gendarmerie, soumis à un couvre-feu quotidien, éloigné de sa femme et de ses enfants, Kamel Daoudi a été incarcéré à la maison d’arrêt d’Aurillac ce dimanche. Il vient d’entamer une grève de la faim et de la soif.
Après la condamnation historique de la France par la Cour européenne des droits de l’homme pour absence de recours des détenus, la loi sur la détention provisoire est censurée. Il aura fallu huit ans de procédures devant les tribunaux jusqu’à une condamnation historique de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le 30 janvier, pour que l’Observatoire international des prisons (OIP)-section française obtienne que le droit à la dignité dans les prisons soit reconnu par la loi de façon réelle.
Même si l’employeur n’est pas autorisé à consulter le compte privé de son salarié sur un réseau social sans autorisation, un collègue mal intentionné peut fournir des éléments de preuve. Une salariée de Petit Bateau en a payé les frais.
Concernant la France, les guerres coloniales puis néocoloniales ont fonctionné et continuent de fonctionner comme de grandes forges pour la restructuration des technologies de pouvoir. La guerre d’Algérie joue un rôle central dans ce processus historique, car c’est aussi le moment où a été fondée la Ve République : par la guerre intérieure, avec une Constitution organisée pour pouvoir mener la guerre intérieure, et donc avec des réflexions sur le contrôle total de la population par des moyens militaro-policiers. Tout ça a constitué le laboratoire de la Ve République, mais aussi le centre de formation d’une grande partie de ses élites au cours des premières décennies. Mais c’est aussi tout le contingent qui a été envoyé faire la guerre aux colonisé.e.s en lutte pour leur libération, c’est à dire toute une génération d’hommes qui ont été formés et transformés par l’emploi industriel d’une violence contre-révolutionnaire, coloniale, virile et raciste.
Le choix d’une mise à l’arrêt temporaire de l’économie réelle par l’adoption du confinement de masse ainsi que l’ensemble des mesures qui se sont suivies pour répondre à la propagation fulgurante de la Covid 19 semblent configurer une nouvelle forme de gouvernementalité s’appliquant à l’échelle planétaire et s’appuyant sur les technologies de contrôle numériques pour s’exercer : une gouvernementalité anthropocénique.
Si monsieur Macron, l’OMS et consort souhaitent vraiment déclarer la guerre à un ennemi qui nous menacerait, il s’agirait alors vraiment d’une drôle de guerre, il s’agirait en réalité de la guerre contre nous-même, contre nous qui avons permis et favorisé la propagation incontrôlable de cette pandémie. Il s’agirait de faire la guerre à la destruction, l’intrusion, l’artificialisation, la prédation, de toutes les régions du globe, de faire la guerre à la croissance folle de l’extractivisme, du commerce, de la déforestation, de l’urbanisation, des voyages aériens, du bricolage incessant de la vie…
En pleine épidémie de coronavirus en France, l’attention est portée sur le dépistage PCR, dont les délais s’allongent. Mais la réalité du terrain, pour obtenir ces résultats, est souvent oubliée.
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Les articles, commentaires et autres images qui composent ces « Khrys’presso » n’engagent que moi (Khrys).
Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.
Avec la crise du covid-19, les règles budgétaires en vigueur au sein de l’Union européenne ont été suspendues.
Mises en place dès 1907, les États-Unis furent le premier pays à instaurer des politiques et mesures eugéniques avec 32 états qui ont promulgué des mesures de stérilisations forcées sur une partie de la population. Si dans un premier temps ont été ciblées les personnes atteintes de troubles mentaux pour éviter « un déclin de l’intelligence aux États-Unis », puis les personnes souffrants de handicaps, les personnes considérées comme inadaptées et les délinquants, cette stratégie concernant la reproduction des populations avait également pour objectif le contrôle de l’immigration et des minorités pouvant menacer la « suprématie blanche ».
Nikola, qui se présente comme le « Tesla du poids lourd », se révèle être une vaste fraude, propulsée par les promesses jamais tenues de son patron.
Monsieur le Président, la République n’est ni votre propriété, ni un terrain de jeu ! Ses principes et les valeurs qu’elle porte ne sauraient dépendre des intérêts électoraux de quiconque. Depuis maintenant plusieurs mois, votre gouvernement prépare l’opinion publique à une initiative législative contre le « séparatisme », auquel vous avez consacré l’essentiel de votre discours du 4 septembre dernier au Panthéon. Etrange cérémonie puisque vous aviez choisi de fêter le 150e anniversaire de la République, effaçant ainsi de l’histoire la Première République, celle des révolutionnaires et des patriotes de 1792, ainsi que la Deuxième. Comme si vous aviez voulu éloigner la République de ses fondations et ses racines. Curieuse révision de l’histoire pour celui qui prône, dans le même discours, d’aimer toujours en bloc notre histoire et notre culture et s’emploie, en même temps, à n’en retenir que certains moments. Pire, vous nous sommez d’adhérer à une mystérieuse unicité de la France et de son peuple, sous peine sans doute d’être assimilés à celles et ceux qui, selon vous, s’en séparent. Souffrez, Monsieur le Président, que nous ne cédions pas à votre injonction.
J’ai résisté deux semaines, je n’ai rien publié sur le sujet parce que je me disais que bordel de merde je n’allais pas donner mon avis sur « les filles peuvent-elles choisir librement leurs vêtements ? ». Vous imaginez en interview ? – Bonjour Titiou Lecoq, donc vous pensez que les filles doivent s’habiller comme elles veulent, c’est bien cela ? – Oui, tout à fait. Évidemment, ce n’est que mon opinion personnelle. Mais non, bordel de poil à cul. C’est un droit. C’est pas une opinion. Il faudrait arrêter de demander leur opinion aux gens sur n’importe quoi. Bientôt on aura « vous êtes pour ou contre le droit de vote pour les femmes ? ».
L’élue de la Manche a obtenu l’idendité de plusieurs milliers d’élèves de son département ayant réussi le bac en 2019 pour leur adresser des courriers de félicitations. Ces données sont pourtant confidentielles, rappelle la CNIL.
Des députés cherchent à faire inscrire dans la loi l’impossibilité de faire de StopCovid un passe-droit pour un accès prioritaire pour un dépistage au coronavirus.
Vu que certains acteurs économiques savent pleinement tirer profit du surgissement de catastrophes, ce ne serait ni faire de nous des « amish », ni des adeptes d’un « retour à la lampe à huile » que de nous opposer à la numérisation toujours plus intégrale de nos existences pour nous soucier plus que jamais, et en actes, d’une bonne (et vitale) écologie de nos relations.
La justice européenne a validé la loi française qui permet de réguler les locations de courtes durées.
Nous étions déjà taxés d’être des amish en avril, lorsque nous dénoncions l’inefficacité prévisible de l’application StopCovid. Selon les derniers chiffres de la direction générale de la santé, l’application n’a déclenché que 180 notifications, pour un budget annuel annoncé entre 1,2 et 3,6 millions d’euros, soit un coût situé entre 6 500 et 20 000 euros par notification.
Présenté la semaine dernière par le ministère, le nouveau Schéma national du maintien de l’ordre s’attaque aux journalistes, désormais sommés de présenter une carte de presse et de se faire accréditer pour suivre les manifestations. Une entrave inacceptable à la liberté d’informer.
Nous appelons le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, à corriger ce « nouveau cadre d’exercice du maintien de l’ordre » pour le mettre en conformité avec les principes français et européens de la liberté d’informer.
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) a décidé d’engager un recours devant le Conseil d’Etat à l’encontre du nouveau schéma du maintien de l’ordre.Elle considère que ce schéma porte atteinte à la liberté de la presse, d’observation, la liberté individuelle et à la liberté de manifester.
La fermeture des bars et restaurants dans les zones « en alerte maximale », à Aix-Marseille ou en Guadeloupe, fait hurler professionnels et élus. Sans rassurer les médecins, qui réclament plus de lits et des tests plus rapides.
L’État et les médias ont insufflé de la peur, ils menaçaient de remettre les gens en confinement et ça nous semblait extrêmement malvenu. Il nous a paru important de faire entendre une voix différente de la part de certains scientifiques, et de signaler que, pour le moment, la communauté scientifique dans son ensemble n’avait pas donné de consignes parce qu’elle n’avait tout simplement pas été consultée. […]
Avec quelles décisions êtes-vous en désaccord ?
Toutes celles qui servent à supprimer des libertés fondamentales. La liberté de faire des manifestations, par exemple : ça fait belle lurette que l’État fait ce qu’il peut pour que les manifestations se passent mal, mais, aujourd’hui, il veut quasiment les interdire pour de bon. Par conséquent, si on n’est pas d’accord avec ce qui se passe, on ne peut pas manifester pour le dire. Le fait d’obliger les gens à mettre des masques en toutes circonstances, même quand ça ne sert à rien, est aussi une manière de leur demander d’être obéissants plutôt que d’être intelligents. […] Aujourd’hui, la communauté scientifique est dégoûtée qu’on la consulte si peu et que, en plus, on fasse croire aux Français que ce qu’on exige est demandé par la science.
C’est quand même assez incroyable que huit mois après la crise, on soit dans un système où on n’a pas augmenté le nombre de lits de réanimation ou d’hospitalisations, on l’a même réduit. Paradoxalement, au mois d’octobre, nous risquons d’avoir moins de moyens hospitaliers à la disposition des malades du Covid qu’au mois de mars.
Italie : le gouvernement a prévu d’embaucher plus de 84000 enseignants supplémentaires […] La procédure a déjà commencé : un tiers de ces enseignants ont pris leur fonction en cette rentrée. À cela s’ajoute l’achat de 2,4 millions de pupitres, qui seront notamment installés dans les locaux réquisitionnés afin de limiter le nombre d’élèves par classe.
Sommes-nous vraiment en train de devenir cette société d’androïdes masqués suivant des règles absurdes, rivés à leur téléphone, à qui on impose des heures de sortie, à qui il faut une machine connectée pour se souvenir de marcher, qui volent en rond et qui n’osent plus s’embrasser ? Quel après ?
Le confinement portatif que représente le masque, appliqué sans discernement ni nuance, ainsi que les rumeurs de reconfinement laissent imaginer que les politiques de santé publique qui nous sont imposées ne seront jamais rationnelles ni convaincantes. Comment les refuser pour en proposer une autre, qui arbitre mieux entre les différents besoins de personnes différentes mais qui ont en commun de vivre au temps du virus ?
“Que chacun se pose la question : pourquoi à priori le récit de Youssef n’a pas été écouté, qu’il était ‘suspect’ avant que d’être. Maintenant il faut réparer, lui accorder la nationalité qu’il a demandée, et l’honorer comme on honore un civisme exemplaire”
La Défenseure des droits Claire Hédon a mis en garde les députés contre le risque d’“atteinte disproportionnée” aux droits et libertés que présente le projet de loi prolongeant de six mois les restrictions de rassemblement et de déplacement imposées par l’épidémie de coronavirus.
Il a été interpellé avenue Philippe-Auguste, dans le XIe arrondissement de Paris vers 16 heures, alors qu’il quittait cette manifestation en compagnie d’un ami photographe, Louis Witter. « On partait tous les deux boire un coup, parce qu’on ne s’était pas vus depuis six mois, on était à un kilomètre de la manifestation, et là un camion de policiers s’arrête à notre hauteur, dix policiers en sortent en courant et nous sautent dessus » […] Le journaliste affirme par ailleurs que l’un des policiers a tenté d’effacer les images tournées ce jour-là avec sa GoPro (qu’il a finalement réussi à récupérer) pendant sa garde à vue. « C’est la première fois qu’ils touchent à mes caméras, en 15 gardes à vue », s’indigne-t-il.
Les entreprises pourraient être démantelées ou forcées de vendre leurs activités européennes.
Vidéos pédopornographiques, décapitations… La plateforme est accusée par l’une de ses anciennes modératrices de l’avoir insuffisamment protégée des risques psychologiques liés à ses conditions de travail.
Le rêve politique du coronavirus, alors, ce serait cette demande de plus de sécurité que le système médiatique qui inocule la peur prétend entendre venir de la population, pour légitimer toutes les restrictions comme la réponse démocratique à une demande des masses, en une boucle parfaite qu’il va bien falloir commencer à entailler.
En ce 12 novembre 2018 se tient, dans la grande salle de conférences de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), à Paris, le Forum sur la gouvernance d’Internet. Plein d’entrain, M. Emmanuel Macron s’avance vers le pupitre. […] Derrière le mythe éventé d’une « gouvernance multiacteurs » d’Internet, en dépit aussi des références convenues à la « société civile », le président français promeut le projet qui, de son point de vue, permettra d’articuler le meilleur des deux mondes : un capitalisme de surveillance débridé et la main de fer de l’État.
si Internet était un pays, ce serait une colonie américaine […].
Beaucoup d’entre nous qui ont vu l’aube de l’Internet moderne ont cru qu’il apporterait un environnement culturel plus diversifié, des gens du monde entier communiquant entre eux et partageant leurs expressions culturelles. Ce qui s’est passé, c’est que l’avantage infrastructurel s’est traduit par l’exportation continue de la culture Internet américaine.
L’enseignement médical informatisé était censé nous aider à réparer notre système de santé, mais il a plutôt renforcé certains des préjugés les plus profondément ancrés.
Retrouvez les revues de web précédentes dans la catégorie Libre Veille du Framablog.
Les articles, commentaires et autres images qui composent ces « Khrys’presso » n’engagent que moi (Khrys).
Le capitalisme de surveillance tel qu’analysé ici par Cory Doctorow est une cible agile, mouvante et surtout omnipotente et omniprésente. Comment maîtriser le monstre, à défaut de le détruire ?
La longue analyse de Doctorow, publiée sur OneZero, comprend plusieurs chapitres que Framalang vous traduira par étapes. Voici dans un premier temps un examen des luttes des militants du numérique et les limites de leurs actions.
Un point important : C. Doctorow nous a autorisés à traduire et publier dans les termes de la même licence : CC-NC-ND (pas d’utilisation commerciale et pas de travaux dérivés). Par principe nous sommes opposés à ces restrictions de libertés, pour les éditions Framabook où nous publions seulement du copyleft (voir les explications détaillées dans cette page qui précise la politique éditoriale de Framabook). Nous faisons ici une exception en limitant la publication à ce blog, avec l’accord explicite de l’auteur naturellement.
Billet original sur le Medium de OneZero : How To Destroy Surveillance Capitalism
Traduction Framalang : Alain (Mille), Barbidule, draenog, Fabrice, Goofy, Juliette, Lumibd, Laure, LaureR, Mannik,
PAR CORY DOCTOROW
Note de l’éditeur
Le capitalisme de surveillance est partout. Mais ce n’est pas le résultat d’une malencontreuse dérive ou d’un abus de pouvoir des entreprises, c’est le système qui fonctionne comme prévu. Tel est le propos du nouvel essai de Cory Doctorow, que nous sommes ravis de publier intégralement ici sur OneZero. Voici comment détruire le capitalisme de surveillance.
Le plus surprenant dans la renaissance au 21e siècle des partisans de la Terre plate c’est l’étendue des preuves contre leur croyance. On peut comprendre comment, il y a des siècles, des gens qui n’avaient jamais pu observer la Terre d’un point suffisamment élevé pour voir la courbure de la Terre aient pu en arriver à la croyance « pleine de bon sens » que la Terre, qui semblait plate, était effectivement plate.
Mais aujourd’hui, alors que les écoles primaires suspendent régulièrement des caméras GoPro à des ballons-sondes et les envoient assez haut pour photographier la courbure de la Terre – sans parler de la même courbure devenue banale à voir depuis le hublot d’un avion – il faut avoir une volonté de fer pour maintenir la croyance que le monde est plat.
Il en va de même pour le nationalisme blanc et l’eugénisme : à une époque où l’on peut devenir une simple donnée de la génomique computationnelle en prélevant un échantillon d’ADN dans sa joue et en l’envoyant à une entreprise de séquençage génétique avec une modeste somme d’argent, la « science des races » n’a jamais été aussi facile à réfuter.
Nous vivons un âge d’or où les faits sont à la fois aisément disponibles et faciles à nier. Des conceptions affreuses qui étaient demeurées à la marge pendant des décennies, voire des siècles, se sont répandues du jour au lendemain, semble-t-il.
Lorsqu’une idée obscure gagne du terrain, il n’y a que deux choses qui puissent expliquer son ascension : soit la personne qui exprime cette idée a bien amélioré son argumentation, soit la proposition est devenue plus difficile à nier face à des preuves de plus en plus nombreuses. En d’autres termes, si nous voulons que les gens prennent le changement climatique au sérieux, nous pouvons demander à un tas de Greta Thunberg de présenter des arguments éloquents et passionnés depuis des podiums, gagnant ainsi nos cœurs et nos esprits, ou bien nous pouvons attendre que les inondations, les incendies, le soleil brûlant et les pandémies fassent valoir leurs arguments. En pratique, nous devrons probablement faire un peu des deux : plus nous bouillirons et brûlerons, plus nous serons inondés et périrons, plus il sera facile aux Greta Thunberg du monde entier de nous convaincre.
Les arguments en faveur de croyances ridicules en des conspirations odieuses, comme ceux des partisans anti-vaccination, des climato-sceptiques, des adeptes de la Terre plate ou de l’eugénisme ne sont pas meilleurs que ceux de la génération précédente. En fait, ils sont pires parce qu’ils sont présentés à des personnes qui ont au moins une connaissance basique des faits qui les réfutent.
Les anti-vaccins existent depuis les premiers vaccins, mais les premiers anti-vaccins s’adressaient à des personnes moins bien équipées pour comprendre les principes de base de la microbiologie et qui, de plus, n’avaient pas été témoins de l’éradication de maladies meurtrières comme la polio, la variole ou la rougeole. Les anti-vaccins d’aujourd’hui ne sont pas plus éloquents que leurs prédécesseurs, et ils ont un travail bien plus difficile.
Ces théoriciens conspirationnistes farfelus peuvent-ils alors vraiment réussir grâce à des arguments supérieurs ?
Certains le pensent. Aujourd’hui, il est largement admis que l’apprentissage automatique et la surveillance commerciale peuvent transformer un théoricien du complot, même le plus maladroit, en un Svengali capable de déformer vos perceptions et de gagner votre confiance, ce grâce au repérage de personnes vulnérables, à qui il présentera des arguments qu’une I.A. aura affinés afin de contourner leurs facultés rationnelles, transformant ainsi ces gens ordinaires en platistes, en anti-vaccins ou même en nazis.
Lorsque la RAND Corporation accuse Facebook de « radicalisation » et lorsque l’algorithme de Facebook est tenu pour responsable de la diffusion de fausses informations sur les coronavirus, le message implicite est que l’apprentissage automatique et la surveillance provoquent des changements dans notre conception commune de ce qui est vrai.
Après tout, dans un monde où les théories de conspiration tentaculaires et incohérentes comme le Pizzagate et son successeur, QAnon, ont de nombreux adeptes, il doit bien se passer quelque chose.
Mais y a-t-il une autre explication possible ? Et si c’étaient les circonstances matérielles, et non les arguments, qui faisaient la différence pour ces lanceurs de théories complotistes ? Et si le traumatisme de vivre au milieu de véritables complots tout autour de nous – des complots entre des gens riches, leurs lobbyistes et les législateurs pour enterrer des faits gênants et des preuves de méfaits (ces complots sont communément appelés « corruption ») – rendait les gens vulnérables aux théories du complot ?
Si c’est ce traumatisme et non la contagion – les conditions matérielles et non l’idéologie – qui fait la différence aujourd’hui et qui permet une montée d’une désinformation détestable face à des faits facilement observables, cela ne signifie pas que nos réseaux informatiques soient irréprochables. Ils continuent à faire le gros du travail : repérer les personnes vulnérables et les guider à travers une série d’idées et de communautés toujours plus extrémistes.
Le conspirationnisme qui fait rage a provoqué de réels dégâts et représente un réel danger pour notre planète et les espèces vivantes, des épidémies déclenchées par le déni de vaccin aux génocides déclenchés par des conspirations racistes en passant par l’effondrement de la planète causé par l’inaction climatique inspirée par le déni. Notre monde est en feu et nous devons donc l’éteindre, trouver comment aider les gens à voir la vérité du monde, au-delà des conspirations qui les ont trompés.
Mais lutter contre les incendies est une stratégie défensive. Nous devons prévenir les incendies. Nous devons nous attaquer aux conditions matérielles traumatisantes qui rendent les gens vulnérables à la contagion conspirationniste. Ici aussi, la technologie a un rôle à jouer.
Les propositions ne manquent pas pour y remédier. Du règlement de l’UE sur les contenus terroristes, qui exige des plateformes qu’elles contrôlent et suppriment les contenus « extrémistes », aux propositions américaines visant à forcer les entreprises technologiques à espionner leurs utilisateurs et à les tenir pour responsables des discours fallacieux de leurs utilisateurs, il existe beaucoup d’énergie pour forcer les entreprises technologiques à résoudre les problèmes qu’elles ont créés.
Il manque cependant une pièce essentielle au débat. Toutes ces solutions partent du principe que les entreprises de technologie détiennent la clé du problème, que leur domination sur l’Internet est un fait permanent. Les propositions visant à remplacer les géants de la tech par un Internet plus diversifié et pluraliste sont introuvables. Pire encore : les « solutions » proposées aujourd’hui exigent que les grandes entreprises technologiques restent grandes, car seules les très grandes peuvent se permettre de mettre en œuvre les systèmes exigés par ces lois.
Il est essentiel de savoir à quoi nous voulons que notre technologie ressemble si nous voulons nous sortir de ce pétrin. Aujourd’hui, nous sommes à un carrefour où nous essayons de déterminer si nous voulons réparer les géants de la tech qui dominent notre Internet, ou si nous voulons réparer Internet lui-même en le libérant de l’emprise de ces géants. Nous ne pouvons pas faire les deux, donc nous devons choisir.
Je veux que nous choisissions judicieusement. Dompter les géants de la tech est essentiel pour réparer Internet et, pour cela, nous avons besoin d’une action militante pour nos droits numériques.
Le militantisme pour les droits numériques est plus que trentenaire à présent. L’Electronic Frontier Foundation a eu 30 ans cette année ; la Free Software Foundation a démarré en 1985. Pour la majeure partie de l’histoire du mouvement, la plus grande critique à son encontre était son inutilité : les vraies causes à défendre étaient celle du monde réel (repensez au scepticisme qu’a rencontré la Finlande en déclarant que l’accès au haut débit est un droit humain, en 2010) et le militantisme du monde réel ne pouvait exister qu’en usant ses semelles dans la rue (pensez au mépris de Malcolm Gladwell pour le « clictivisme »).
Mais à mesure de la présence croissante de la tech au cœur de nos vies quotidiennes, ces accusations d’inutilité ont d’abord laissé place aux accusations d’insincérité (« vous prêtez attention à la tech uniquement pour défendre les intérêts des entreprises de la tech », puis aux accusations de négligence (« pourquoi n’avez-vous pas prévu que la tech pourrait être une force aussi destructrice ? »). Mais le militantisme pour des droits numériques est là où il a toujours été : prêter attention aux êtres humains dans un monde où la tech prend inexorablement le contrôle.
La dernière version de cette critique vient sous la forme du « capitalisme de surveillance », un terme inventé par la professeure d’économie Shoshana Zuboff dans son long et influent livre de 2019, The Age of Surveillance Capitalism : The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power (à paraître en français le 15/10/2020 sous le titre L’Âge du capitalisme de surveillance). Zuboff avance que le « capitalisme de surveillance » est une créature unique de l’industrie de la tech et qu’au contraire de toute autre pratique commerciale abusive dans l’histoire, elle est « constituée par des mécanismes d’extraction imprévisibles et souvent illisibles, de marchandisation et de contrôle qui éloignent en réalité les personnes de leur comportement propre, tout en créant de nouveaux marchés de prédiction et de modification comportementales. Le capitalisme de surveillance défie les normes démocratiques et s’écarte de manière décisive de l’évolution du capitalisme de marché au cours des siècles ». C’est une forme nouvelle et mortelle du capitalisme, un « capitalisme scélérat », et notre manque de compréhension de ses capacités et dangers sans précédents représente une menace existentielle pour l’espèce entière. Elle a raison sur la menace que représente actuellement le capitalisme pour notre espèce, et elle a raison de dire que la tech pose des défis uniques à notre espèce et notre civilisation, mais elle se trompe vraiment sur la manière dont la tech est différente et sur la façon dont elle menace notre espèce.
De plus, je pense que son diagnostic incorrect nous mènera dans une voie qui finira par renforcer les géants de la tech, au lieu de les affaiblir. Nous devons démanteler les géants et, pour cela, nous devons commencer par identifier correctement le problème.
Les premiers critiques du mouvement des droits numériques, dont les meilleurs représentants sont peut-être les organisations militantes comme l’Electronic Frontier Foundation, la Free Software Foundation, Public Knowledge ou d’autres, qui mettent l’accent sur la préservation et l’amélioration des droits humains dans un environnement numérique, ont diabolisé les militants en les accusant de défendre « une exception technologique ». Au tournant du nouveau millénaire, les gens sérieux ridiculisaient toute affirmation selon laquelle les réglementations sur la tech pouvaient avoir un impact sur « le monde réel ». Les craintes exprimées sur la possibilité que les réglementations de la tech aient des conséquences sur les libertés d’expression, d’association, de vie privée, sur les fouilles et saisies, les droits fondamentaux et les inégalités, tout cela était qualifié de grotesque, comme une prétention à faire passer les inquiétudes de tristes nerds se disputant à propos de Star Trek sur des forums au-dessus des luttes pour les droits civiques, des combats de Nelson Mandela et du soulèvement du Ghetto de Varsovie.
Au cours des décennies suivantes, les accusations d’« exception technologique » n’ont fait que s’affûter alors que le rôle de la tech dans la vie quotidienne s’est affirmé : maintenant que la tech s’est infiltrée dans tous les recoins de nos vies et que notre présence en ligne a été monopolisée par une poignée de géants, les défenseurs des libertés numériques sont accusés d’apporter de l’eau au moulin des géants de la tech pour couvrir les négligences (ou pire encore, leurs manœuvres malfaisantes) qui servent leurs propres intérêts.
De mon point de vue, le mouvement pour les droits numériques est resté immobile alors que le reste du monde a progressé. Depuis sa naissance, la préoccupation principale du mouvement était les utilisateurs, ainsi que les créateurs d’outils numériques qui fournissaient le code dont ils avaient besoin pour concrétiser les droits fondamentaux. Les militants pour les droits numériques ne se sentaient concernés par les entreprises que dans la mesure où elles agissaient pour faire respecter les droits des utilisateurs (ou, tout aussi souvent, quand les entreprises agissaient de manière tellement stupide qu’elles menaçaient d’adopter de nouvelles règles qui rendraient plus difficile pour les bons élèves d’aider les utilisateurs).
La critique du « capitalisme de surveillance » a remis en lumière les militants pour les droits numériques : non pas comme des alarmistes qui surestiment l’importance de leurs nouveaux joujoux, ni comme des complices des géants de la tech, mais plutôt comme des brasseurs d’air tranquilles dont le militantisme de longue date est un handicap qui les empêche de discerner de nouvelles menaces, alors qu’ils continuent de mener les combats technologiques du siècle dernier.
Mais l’exception de la tech est une lourde erreur, peu importe qui la commet.