PROJET AUTOBLOG


Framablog

Site original : Framablog

⇐ retour index

Qui agit pour nos libertés numériques ?

samedi 13 décembre 2014 à 01:30

On trouvera de la provocation, de l’ironie et du sarcasme, mais aussi de l’amertume et de la lassitude dans ce billet de Peter Sunde, le cofondateur de The Pirate Bay et, plus récemment, de Flattr. Il estime sans doute qu’il a conquis sa légitimité pour houspiller les manifestants virtuels, les commentateurs tellement malins et les militants par délégation, lui qui a donné de son énergie et mis en jeu sa propre liberté pour la cause qu’il défend : il sort de cinq mois de prison pour avoir facilité la violation de droit d’auteur…
Peu importe au fond s’il nous paraît prendre un peu trop la pose du martyr revenu de tout, il nous adresse ici de vraies questions sur la façon dont nous agissons ou non pour nos libertés numériques.
Certes tout le monde n’a pas le courage de Snowden ou Assange et chacun peut avoir à son modeste niveau son propre engagement. Mais notre soutien financier aux associations militantes actives (comme la Quadrature, l’April, Framasoft et bien d’autres qui sont sur le terrain…), s’il est nécessaire et vital pour mener des combats toujours à reprendre, est-il suffisant ? N’est-ce pas considérer à bon compte que d’autres agiront pour nous, à notre place ?
Voici peut-être ce que suggère ci-dessous Peter Sunde : ne perdons plus d’énergie à débattre avec des imprécateurs en carton-pâte, cessons de prendre des clics pour des actions et des retweets pour des opinions. Et si nous nous sortions plutôt les doigts du clavier ?

« Je suis allé en prison pour avoir défendu ma cause. Et vous, qu’avez-vous fait ? »

Article original publié dans le magazine Wired sous le titre Peter Sunde: I went to jail for my cause. What did you do?
Traduction Framalang : Narcisse, Sphinx, Bussy, goofy, Monsieur Tino, Sphinx, Penguin, smonff

Sunde.pngIl y a certains moments décisifs dans la vie qui vous touchent profondément. Recevoir son diplôme, échanger un premier baiser, écrire son premier livre, publier son premier article scientifique, vivre la mort d’un être cher, accueillir votre premier client dans votre café… Aux yeux des autres, ce ne sont que des petits épisodes sans importance mais pour vous ils ont une importance cruciale et sont comme un tournant dans votre vie.

Aujourd’hui j’ai eu une impression de ce genre, j’ai eu le sentiment que nous avions atteint une certaine masse critique. Une masse critique qui est furieuse contre l’état actuel de l’Internet ou plutôt contre l’état actuel de contrôle de l’Internet et ce que cela signifie pour le monde. Une masse critique qui comprend enfin que nous sommes sur la voie d’une démocratie « en pyramide », qui accorde bien peu de participation à sa base.

Le site « The Pirate Bay » a été fermé[1]. Dans la tête des gens, ça a fait tilt de savoir que demain, ils devraient télécharger leur émission de télévision favorite autre part. En y réfléchissant, ils ont décidé que c’était le début d’une pente glissante. Ils comprennent que ça veut peut-être dire que ce contenu alternatif sera probablement d’accès difficile voire impossible. Que les langoliers[2] nous rattrapent plus vite que nous ne l’imaginions. Que ce que nous faisons, c’est-à-dire centraliser Internet, n’avoir qu’une poignée de services centralisés, appartenant pour la plupart à des entreprises d’un seul et même pays, pays qui ne se soucie pas tellement des frontières lorsqu’il s’agit de ses propres intérêts, n’est pas la meilleure des idées.

Mais un mouvement prend forme, un mouvement en-dehors de tout ça. Et demain, quand vous vous réveillerez, il aura atteint une taille gigantesque, une masse de peut-être un million de personnes, qui verront le groupe « Arrêtez de détruire Internet » ou « Rendez-nous notre Pirate Bay » sur Facebook. Ils cliqueront sur « J’aime » et se sentiront fiers. Ils l’auront finalement fait. Ils auront stoppé la destruction de l’Internet.

Honnêtement, j’ai vraiment l’impression que nous avons atteint un point culminant. C’est l’impression que près de 100 % de la communauté internet pense « oh, ce n’est pas mon problème, quelqu’un d’autre s’en chargera ». Mais ce n’est pas seulement l’actualité autour de The Pirate Bay qui m’a conduit à cette idée. Ça a pris du temps à mûrir. En fait, il ne reste que quelques militants actifs qui font réellement quelque chose. Nos ressources financières sont plus qu’amenuisées, nous vieillissons et nous devenons paresseux. Nous essayons de travailler de façon intelligente tout en continuant à avoir une vie de famille, gérant nos vies avec nos compagnes ou compagnons, nous pensons à nos carrières. La plupart des militants les plus engagés finissent par travailler à plein temps sur les projets dans des organisations comme l’EFF, qui peuvent obtenir un certain financement. La communauté finance ces organisations et c’est ainsi que la communauté a l’impression que si elle le fait, ces chouettes personnes résoudront les problèmes à leur place.

Nous avons stoppé ACTA. Nous avons stoppé SOPA, PIPA. Nous travaillons à stopper le TTIP. Nous sommes présents dans certains parlements. Parce que c’est ainsi que nous travaillons désormais. Internet fait partie de la vie de tous les jours, nous ne pouvons plus jouer aux activistes sauvages et faire comme bon nous semble. Nous devons agir de façon organisée. Nous devons écouter les autres personnes. Il ne s’agit plus du Far West. Alors nous nous rangeons en ordre de bataille. Et nous discutons. En attendant, nos opposants deviennent de plus en plus forts. Ils ont déjà corrompu leurs amis politiciens pour nous rogner les ailes. Nous jouons sur leur propre terrain et nous voulons vraiment obtenir notre dû, nous en avons fait plus que n’importe qui. Dans le même temps, plusieurs accords du type de ACTA/SOPA/PIPA/TTIP sont passés sans que nous en sachions quoi que ce soit. Nous stoppons un accord et trois passent inaperçus. Malgré notre victoire à la Cour suprême européenne, nous devons toujours nous battre contre la rétention des informations. C’est un combat sans fin.

Nous avons nos propres célébrités. Nous avons eu Wikileaks. Nous avons eu Snowden. Nous avons eu Manning. Nous avons eu Aaron Swartz. Certains sont morts, d’autres sont en prison pour toujours. Certains se cachent, craignant pour leur vie. Les révélations de ces personnes, les combats de ces personnes sont des causes importantes. Liberté d’information. Liberté d’opinion. Démocratie. Transparence gouvernementale et droit à une procédure judiciaire régulière. Des éléments que nous prenons pour acquis, qui sont les bases de notre société moderne. Nous en parlons beaucoup. Nous sommes déçus. Nous pleurons, nous crions. Parfois, nous manifestons. Nous avons nos t-shirts. Nous avons nos symboles. Nous avons nos masques, nos conférences et nos débats. Nous attirons quelquefois l’attention. En général, les gens nous apprécient. Nos adversaires sont des bâtards, engraissés, vendus, prostitués. La plupart sont des hommes, riches, vivant aux États-Unis. Ils sont corrompus. Ils sont facilement haïssables. On dirait un vieux film hollywoodien. Le genre de film que ces hommes réalisent pour obtenir l’argent avec lequel ils nous combattent.

Mais même dans ces films, ce sont les gentils qui gagnent à la fin. Et nous savons qui sont les gentils. Nous savons que nous avons nos droits. Nous savons que nous sommes protégés par la loi. Nous comprenons aussi que la loi ne pourra pas grand-chose pour nous protéger si les méchants viennent nous chercher. Le truc, c’est que nous n’avons rien fait de mal donc ça ne nous inquiète pas.

Des journalistes me contactent quotidiennement. La plupart sont intelligents, bien formés et très compétents sur le plan professionnel. Travaillant dans la presse, ils sont protégés. Dans la plupart des pays, la loi leur permet de protéger leurs sources. Ils ont tous lu les documents de Manning. Ils ont lu ce que Snowden a fait fuiter. Ils sont au courant de la surveillance exercée par la NSA. Mais eux aussi, au fond, pensent qu’ils font partie des gentils. Après tout, ce truc là, le PGP, ça tient plus de la prise de tête qu’autre chose. Gmail est si simple à utiliser, ça fonctionne partout. Ils n’ont jamais aucun problème auparavant et ils ne veulent pas finir paranos comme Glenn Greenwald.

On ne m’invite plus à des soirées. Ce n’est pas que je sois ennuyeux — au contraire, je suis plutôt un invité divertissant, avec des histoires dingues à raconter, Je fais mon numéro de clown cintré qui raconte les histoires de fous par lesquelles il est passé. J’ai rencontré la présidente du Brésil, je suis allé en prison avec des tueurs et des trafiquants de drogue. Mais c’est tellement embêtant que je ne sois pas sur Facebook, alors, quand quelqu’un organise une fête, il suppose que quelqu’un d’autre va m’inviter, et tout le monde suppose que quelqu’un d’autre l’a fait. Ils pensent que je suis trop parano parce que je ne suis pas sur Facebook.

Je suis toujours fâché contre certains de mes collègues de travail. Ils sont trop difficile à joindre. La plupart d’entre eux n’ont pas de téléphone portable. Nous devons décider d’une heure et d’un lieu pour avoir une conversation sur un chat chiffré, parce qu’ils ne veulent pas être pistés. S’ils ont un imprévu je ne peux pas le savoir. Quelquefois, j’ai attendu 6 à 7 heures à cause de problèmes de trains/bateaux/voitures. Pour qui ils se prennent à vouloir être aussi anonymes ? Je n’ai pas envie de finir comme eux, ils sont si paranoïaques. Je présume que mon téléphone n’est pas sur écoute, je ne suis pas intéressant. Il ne suffit pas que je connaisse beaucoup de gens qui pourraient être intéressants aux yeux de certains gouvernements pour que ça signifie qu’ils ont un mandat pour m’espionner.

Hier, j’ai lu des tas de commentaires sur un nombre incalculable de fils de discussion portant sur une déclaration où je souhaitais que The Pirate Bay soit fermé pour de bon, pour que quelque chose de nouveau puisse apparaître. Quelque chose de nouveau et frais. C’est fou comme la plupart des commentaires sont incroyablement perspicaces. Ils expliquent à quel point je suis paresseux de ne rien faire au lieu de gueuler que TPB est devenu merdique. Que je devrais ouvrir un nouveau site au lieu d’accepter de laisser fermer TPB. Qu’ils veulent récupérer le colis qu’ils m’ont envoyés pendant que j’étais en prison pour avoir milité. Puisque je suis trop mauvais pour ne pas faire revenir TPB. Je présume que tous ces mecs et leur superbe ortographe[3] (oui, ce sont tous des mecs) sont eux aussi des activistes qui font leur part de boulot pour la communauté libre et open source. Si c’est le cas, alors je dois me tromper en pensant que nous ne sommes que quelques-uns — Il y a apparemment des dizaines de milliers de personnes qui font en réalité un travail important que je devrais apprécier.

Mon impression d’être à un moment crucial n’est peut être qu’un tas de ruminations sur la partie pourrie, naïve et paresseuse de notre chère communauté internet. Et peut-être que j’utilise ces termes uniquement pour faire un peu plus chier le monde. Mais bon. Je suis allé en prison pour avoir défendu ma cause et vos émissions télé. Et vous, qu’avez-vous fait ? Vous voulez qu’on vous renvoie un des 25 exemplaires de 1984 d’Orwell qui m’ont été envoyés quand j’étais en prison ? Je vais en prendre un et vous le ferai parvenir. Peut-être le lirez-vous plutôt que de l’envoyer à quelqu’un d’autre en espérant qu’on le lise à votre place.

fightGAFAM.png

Notes

[1] Bien sûr nous ne serons pas à court de sites miroirs (http://oldpiratebay.org/search.php?q=&=on par exemple) mais ce serait une erreur de se satisfaire d’astuces techniques alors que la question des droits d’auteur demande une action politique.

[2] Allusion à des monstres dans un roman de Stephen King : « des créatures rondes avec seulement une énorme bouche et des dents aiguisées », voyez la page Wikipédia du roman.

[3] La faute est intentionnelle, elle figure dans le texte original.

Crédits

Qui agit pour nos libertés numériques ?

samedi 13 décembre 2014 à 00:30

On trouvera de la provocation, de l’ironie et du sarcasme, mais aussi de l’amertume et de la lassitude dans ce billet de Peter Sunde, le cofondateur de The Pirate Bay et, plus récemment, de Flattr. Il estime sans doute qu’il a conquis sa légitimité pour houspiller les manifestants virtuels, les commentateurs tellement malins et les militants par délégation, lui qui a donné de son énergie et mis en jeu sa propre liberté pour la cause qu’il défend : il sort de cinq mois de prison pour avoir facilité la violation de droit d’auteur…
Peu importe au fond s’il nous paraît prendre un peu trop la pose du martyr revenu de tout, il nous adresse ici de vraies questions sur la façon dont nous agissons ou non pour nos libertés numériques.
Certes tout le monde n’a pas le courage de Snowden ou Assange et chacun peut avoir à son modeste niveau son propre engagement. Mais notre soutien financier aux associations militantes actives (comme la Quadrature, l’April, Framasoft et bien d’autres qui sont sur le terrain…), s’il est nécessaire et vital pour mener des combats toujours à reprendre, est-il suffisant ? N’est-ce pas considérer à bon compte que d’autres agiront pour nous, à notre place ?
Voici peut-être ce que suggère ci-dessous Peter Sunde : ne perdons plus d’énergie à débattre avec des imprécateurs en carton-pâte, cessons de prendre des clics pour des actions et des retweets pour des opinions. Et si nous nous sortions plutôt les doigts du clavier ?

« Je suis allé en prison pour avoir défendu ma cause. Et vous, qu’avez-vous fait ? »

Article original publié dans le magazine Wired sous le titre Peter Sunde: I went to jail for my cause. What did you do?
Traduction Framalang : Narcisse, Sphinx, Bussy, goofy, Monsieur Tino, Sphinx, Penguin, smonff

Sunde.pngIl y a certains moments décisifs dans la vie qui vous touchent profondément. Recevoir son diplôme, échanger un premier baiser, écrire son premier livre, publier son premier article scientifique, vivre la mort d’un être cher, accueillir votre premier client dans votre café… Aux yeux des autres, ce ne sont que des petits épisodes sans importance mais pour vous ils ont une importance cruciale et sont comme un tournant dans votre vie.

Aujourd’hui j’ai eu une impression de ce genre, j’ai eu le sentiment que nous avions atteint une certaine masse critique. Une masse critique qui est furieuse contre l’état actuel de l’Internet ou plutôt contre l’état actuel de contrôle de l’Internet et ce que cela signifie pour le monde. Une masse critique qui comprend enfin que nous sommes sur la voie d’une démocratie « en pyramide », qui accorde bien peu de participation à sa base.

Le site « The Pirate Bay » a été fermé[1]. Dans la tête des gens, ça a fait tilt de savoir que demain, ils devraient télécharger leur émission de télévision favorite autre part. En y réfléchissant, ils ont décidé que c’était le début d’une pente glissante. Ils comprennent que ça veut peut-être dire que ce contenu alternatif sera probablement d’accès difficile voire impossible. Que les langoliers[2] nous rattrapent plus vite que nous ne l’imaginions. Que ce que nous faisons, c’est-à-dire centraliser Internet, n’avoir qu’une poignée de services centralisés, appartenant pour la plupart à des entreprises d’un seul et même pays, pays qui ne se soucie pas tellement des frontières lorsqu’il s’agit de ses propres intérêts, n’est pas la meilleure des idées.

Mais un mouvement prend forme, un mouvement en-dehors de tout ça. Et demain, quand vous vous réveillerez, il aura atteint une taille gigantesque, une masse de peut-être un million de personnes, qui verront le groupe « Arrêtez de détruire Internet » ou « Rendez-nous notre Pirate Bay » sur Facebook. Ils cliqueront sur « J’aime » et se sentiront fiers. Ils l’auront finalement fait. Ils auront stoppé la destruction de l’Internet.

Honnêtement, j’ai vraiment l’impression que nous avons atteint un point culminant. C’est l’impression que près de 100 % de la communauté internet pense « oh, ce n’est pas mon problème, quelqu’un d’autre s’en chargera ». Mais ce n’est pas seulement l’actualité autour de The Pirate Bay qui m’a conduit à cette idée. Ça a pris du temps à mûrir. En fait, il ne reste que quelques militants actifs qui font réellement quelque chose. Nos ressources financières sont plus qu’amenuisées, nous vieillissons et nous devenons paresseux. Nous essayons de travailler de façon intelligente tout en continuant à avoir une vie de famille, gérant nos vies avec nos compagnes ou compagnons, nous pensons à nos carrières. La plupart des militants les plus engagés finissent par travailler à plein temps sur les projets dans des organisations comme l’EFF, qui peuvent obtenir un certain financement. La communauté finance ces organisations et c’est ainsi que la communauté a l’impression que si elle le fait, ces chouettes personnes résoudront les problèmes à leur place.

Nous avons stoppé ACTA. Nous avons stoppé SOPA, PIPA. Nous travaillons à stopper le TTIP. Nous sommes présents dans certains parlements. Parce que c’est ainsi que nous travaillons désormais. Internet fait partie de la vie de tous les jours, nous ne pouvons plus jouer aux activistes sauvages et faire comme bon nous semble. Nous devons agir de façon organisée. Nous devons écouter les autres personnes. Il ne s’agit plus du Far West. Alors nous nous rangeons en ordre de bataille. Et nous discutons. En attendant, nos opposants deviennent de plus en plus forts. Ils ont déjà corrompu leurs amis politiciens pour nous rogner les ailes. Nous jouons sur leur propre terrain et nous voulons vraiment obtenir notre dû, nous en avons fait plus que n’importe qui. Dans le même temps, plusieurs accords du type de ACTA/SOPA/PIPA/TTIP sont passés sans que nous en sachions quoi que ce soit. Nous stoppons un accord et trois passent inaperçus. Malgré notre victoire à la Cour suprême européenne, nous devons toujours nous battre contre la rétention des informations. C’est un combat sans fin.

Nous avons nos propres célébrités. Nous avons eu Wikileaks. Nous avons eu Snowden. Nous avons eu Manning. Nous avons eu Aaron Swartz. Certains sont morts, d’autres sont en prison pour toujours. Certains se cachent, craignant pour leur vie. Les révélations de ces personnes, les combats de ces personnes sont des causes importantes. Liberté d’information. Liberté d’opinion. Démocratie. Transparence gouvernementale et droit à une procédure judiciaire régulière. Des éléments que nous prenons pour acquis, qui sont les bases de notre société moderne. Nous en parlons beaucoup. Nous sommes déçus. Nous pleurons, nous crions. Parfois, nous manifestons. Nous avons nos t-shirts. Nous avons nos symboles. Nous avons nos masques, nos conférences et nos débats. Nous attirons quelquefois l’attention. En général, les gens nous apprécient. Nos adversaires sont des bâtards, engraissés, vendus, prostitués. La plupart sont des hommes, riches, vivant aux États-Unis. Ils sont corrompus. Ils sont facilement haïssables. On dirait un vieux film hollywoodien. Le genre de film que ces hommes réalisent pour obtenir l’argent avec lequel ils nous combattent.

Mais même dans ces films, ce sont les gentils qui gagnent à la fin. Et nous savons qui sont les gentils. Nous savons que nous avons nos droits. Nous savons que nous sommes protégés par la loi. Nous comprenons aussi que la loi ne pourra pas grand-chose pour nous protéger si les méchants viennent nous chercher. Le truc, c’est que nous n’avons rien fait de mal donc ça ne nous inquiète pas.

Des journalistes me contactent quotidiennement. La plupart sont intelligents, bien formés et très compétents sur le plan professionnel. Travaillant dans la presse, ils sont protégés. Dans la plupart des pays, la loi leur permet de protéger leurs sources. Ils ont tous lu les documents de Manning. Ils ont lu ce que Snowden a fait fuiter. Ils sont au courant de la surveillance exercée par la NSA. Mais eux aussi, au fond, pensent qu’ils font partie des gentils. Après tout, ce truc là, le PGP, ça tient plus de la prise de tête qu’autre chose. Gmail est si simple à utiliser, ça fonctionne partout. Ils n’ont jamais aucun problème auparavant et ils ne veulent pas finir paranos comme Glenn Greenwald.

On ne m’invite plus à des soirées. Ce n’est pas que je sois ennuyeux — au contraire, je suis plutôt un invité divertissant, avec des histoires dingues à raconter, Je fais mon numéro de clown cintré qui raconte les histoires de fous par lesquelles il est passé. J’ai rencontré la présidente du Brésil, je suis allé en prison avec des tueurs et des trafiquants de drogue. Mais c’est tellement embêtant que je ne sois pas sur Facebook, alors, quand quelqu’un organise une fête, il suppose que quelqu’un d’autre va m’inviter, et tout le monde suppose que quelqu’un d’autre l’a fait. Ils pensent que je suis trop parano parce que je ne suis pas sur Facebook.

Je suis toujours fâché contre certains de mes collègues de travail. Ils sont trop difficile à joindre. La plupart d’entre eux n’ont pas de téléphone portable. Nous devons décider d’une heure et d’un lieu pour avoir une conversation sur un chat chiffré, parce qu’ils ne veulent pas être pistés. S’ils ont un imprévu je ne peux pas le savoir. Quelquefois, j’ai attendu 6 à 7 heures à cause de problèmes de trains/bateaux/voitures. Pour qui ils se prennent à vouloir être aussi anonymes ? Je n’ai pas envie de finir comme eux, ils sont si paranoïaques. Je présume que mon téléphone n’est pas sur écoute, je ne suis pas intéressant. Il ne suffit pas que je connaisse beaucoup de gens qui pourraient être intéressants aux yeux de certains gouvernements pour que ça signifie qu’ils ont un mandat pour m’espionner.

Hier, j’ai lu des tas de commentaires sur un nombre incalculable de fils de discussion portant sur une déclaration où je souhaitais que The Pirate Bay soit fermé pour de bon, pour que quelque chose de nouveau puisse apparaître. Quelque chose de nouveau et frais. C’est fou comme la plupart des commentaires sont incroyablement perspicaces. Ils expliquent à quel point je suis paresseux de ne rien faire au lieu de gueuler que TPB est devenu merdique. Que je devrais ouvrir un nouveau site au lieu d’accepter de laisser fermer TPB. Qu’ils veulent récupérer le colis qu’ils m’ont envoyés pendant que j’étais en prison pour avoir milité. Puisque je suis trop mauvais pour ne pas faire revenir TPB. Je présume que tous ces mecs et leur superbe ortographe[3] (oui, ce sont tous des mecs) sont eux aussi des activistes qui font leur part de boulot pour la communauté libre et open source. Si c’est le cas, alors je dois me tromper en pensant que nous ne sommes que quelques-uns — Il y a apparemment des dizaines de milliers de personnes qui font en réalité un travail important que je devrais apprécier.

Mon impression d’être à un moment crucial n’est peut être qu’un tas de ruminations sur la partie pourrie, naïve et paresseuse de notre chère communauté internet. Et peut-être que j’utilise ces termes uniquement pour faire un peu plus chier le monde. Mais bon. Je suis allé en prison pour avoir défendu ma cause et vos émissions télé. Et vous, qu’avez-vous fait ? Vous voulez qu’on vous renvoie un des 25 exemplaires de 1984 d’Orwell qui m’ont été envoyés quand j’étais en prison ? Je vais en prendre un et vous le ferai parvenir. Peut-être le lirez-vous plutôt que de l’envoyer à quelqu’un d’autre en espérant qu’on le lise à votre place.

fightGAFAM.png

Notes

[1] Bien sûr nous ne serons pas à court de sites miroirs (http://oldpiratebay.org/search.php?q=&=on par exemple) mais ce serait une erreur de se satisfaire d’astuces techniques alors que la question des droits d’auteur demande une action politique.

[2] Allusion à des monstres dans un roman de Stephen King : « des créatures rondes avec seulement une énorme bouche et des dents aiguisées », voyez la page Wikipédia du roman.

[3] La faute est intentionnelle, elle figure dans le texte original.

Crédits

MyPads : le développement est lancé

jeudi 11 décembre 2014 à 11:54
(english version below)

Notre éditeur de texte libre et collaboratif Framapad est une implémentation du logiciel libre Etherpad. Ce  service est mis à la disposition de tous et cela démontre en même temps que ce service peut être proposé de manière décentralisée (même si nous sommes peu nombreux à proposer une instance publique d’Etherpad, des milliers d’instances privées existent).

Au mois de juin dernier, Framasoft a lancé une campagne de financement participatif visant à contribuer activement à l’amélioration d’Etherpad pour y ajouter la gestion des comptes utilisateurs, des groupes et des pads privés. Il n’aura fallu que trois semaines pour que l’objectif soit atteint. Nous vous en remercions une fois encore.

Le but de ce projet  est de permettre aux utilisateurs d’Etherpad, et donc de Framapad, de créer un compte en leur nom, d’y associer des groupes et, pour chaque groupe, des pads. Ces pads pourront être publics, privés sur invitation ou encore d’accès restreints par l’usage d’un mot de passe. Le tout doit prendre la forme d’un plugin pour Etherpad, publié sous licence libre et s’installant de la même manière que tous les autres plugins du logiciel.

Il était prévu que la réalisation débute à la rentrée et que le plugin soit livré en fin d’année. La feuille de route a quelque peu glissé du fait de la surcharge temporaire du prestataire sélectionné. Le coup d’envoi est néanmoins lancé cette semaine et l’ensemble du développement se déroulera sur notre Gitlab via le projet ep_mypads https://git.framasoft.org/framasoft/ep_mypads .

Le plugin est attendu pour la fin du mois de février 2015. Il devrait comporter de petits bonus par rapport au cahier des charges initial.
Les premières semaines seront consacrées à l’écriture du code serveur, à sa documentation et à ses tests. Il faudra attendre début 2015 avec la création de l’interface graphique afin que MyPads puisse commencer à être testé.

Pour rappel, le cahier des charges originel est disponible sur ce pad : http://lite4.framapad.org/p/LEpEOUoQb3/timeslider#24.

Un point sur l’avancement du développement sera réalisé environ toutes les deux semaines.

Campagne Framapad


——-

MyPads : development launched

Our free/open source and collaborative editor named Framapad, is an application of the free software Etherpad. This GoogleDoc-like service is opened for everybody and demonstrate simultaneously that it can be proposed in a decentralized way (even if only few organizations can propose such an open service, thousands private instances are running).

In last June, Framasoft has launched a crowdfunding campaign aiming to to contribute actively to Etherpad’s improvement, by adding the management of users, groups and private pads. Only three weeks have been necessary to reach the goal. We want to thank you again.

The purpose of this funding is to let Etherpad and so Framapad’s users create an account, link some groups and for each group some pads. These ones may be public, privates with invitation or protected by a password. All of this must be an Etherpad plugin, pubished under open source license. This have to be installed like any other Etherpad plugin.

The beginning of the plugin’s cofing was planned at the fall this year. The roadmap has moved forward because of the contractor’s overloading. However the project is launched this week and the development will be made on our Gitlab instance with the ep_mypads project  https://git.framasoft.org/framasoft/ep_mypads

The plugin is expected on the end of February, 2015. It might include several little extra comparing to the original specifications.
First weeks will be dedicated to server side programming, its documentation and tests. You’ll have to wait for 2015 with the creation of the user interface if you want to test MyPads.

As a reminder, you will find the initial specifications on this pad http://lite4.framapad.org/p/LEpEOUoQb3/timeslider#24

A stage news will be made around every two weeks.


Rejoignez IndieHosters, un réseau d'hébergeurs qui vous libère

samedi 6 décembre 2014 à 15:15

Inviter les utilisateurs à reprendre le contrôle de leurs contenus, applications et données personnelles, comme nous proposons de le faire par petites étapes avec notre campagne Dégooglisons Internet, c’est aussi tenir compte des difficultés techniques qui doivent être surmontées. Car les opérations à réaliser ne sont pas si évidentes pour la plupart d’entre nous. Installer et maintenir son propre serveur, y installer des applications, en assurer la sécurité, autant de compétences à acquérir qui peuvent rebuter. Non, tout le monde n’a pas envie ni plaisir ni du temps pour apprendre des procédures et des lignes de commande, une maîtrise avancée des logiciels et matériels.

Aussi est-il réjouissant de voir émerger de nouvelles initiatives qui donnent un accès plus facile au plus grand nombre. Un mouvement se dessine depuis quelque temps, qui consiste à proposer davantage de services en ligne indépendants et qui évitent aux utilisateurs des procédures qui pourraient les décourager : owncloud, cozy, remotestorage… Voici maintenant une autre initiative intéressante qui pourrait bien changer la donne dans le monde de l’hébergement : le projet IndieHosters, propulsé par un duo de nerds qui n’en sont pas à leurs débuts.

C’est Pierre qui a accepté de répondre à nos questions en pleine campagne de financement participatif…


Bonjour, qui es-tu, ô hébergeur providentiel ?

pierre.jpeg Bonjour, je suis Pierre, et après avoir erré sur la façon d’apporter ma pierre à l’édifice, j’ai rencontré Michiel de Jong. Il m’a convaincu que pour nous, nerds, le meilleur moyen d’aider les gens était de leur fournir de l’hébergement. Et j’ai donc décidé de quitter mon emploi d’administrateur systèmes à Seedrs.com il y a 2 mois pour fonder avec lui IndieHosters.

Je suis les projets de Michiel sur Internet depuis un bout de temps déjà, il a créé le mouvement Unhosted, et plus récemment Terms of Service, Didn’t read. Cela fait maintenant 4 ans qu’il a quitté son emploi pour consacrer sa vie à sauver les Internets. C’est un nomade numérique qui vit de donations pour ses projets. Nous nous sommes rencontrés lors de l’organisation du meeting annuel de Unhosted à Unhos, près de Lisbonne où je réside.

Le site du projet le présente fort bien mais en anglais, pourrais-tu nous dire l’essentiel dans la langue de Benjamin Bayart… Hébergement d’accord, mais avec quelle “valeur ajoutée” ? Ce ne sont pas les hébergeurs qui manquent….Vous trouviez que les hébergeurs existants n’étaient pas à la hauteur ? pas assez libres ?

Comme les lecteurs habitués de ce blog le savent déjà, il existe une alternative propriétaire à chaque logiciel libre. Et ceci est valable sur votre ordinateur comme dans le nuage. Le problème dans le nuage, c’est qu’il existe une importante différence d’expérience utilisateur entre une application libre et une application propriétaire.

Prenons l’exemple d’une application de blogging. Si je vais sur une application propriétaire, skyblog par exemple, j’ai un bouton « Inscrivez-vous ». Si je vais sur une alternative libre, WordPress par exemple, j’ai un bouton « Télécharger ». Dans la famille Dupuis-Morizeau[1], pas un seul membre ne saura d’emblée quoi faire avec un fichier tar.gz !

Notre idée, c’est donc de remplacer tous ces boutons Téléchargez par Inscrivez-vous avec IndieHosters.

Il est vrai qu’il existe déjà énormément d’hébergeurs, mais pas un seul ne nous satisfait. Dans le cas de WordPress, on peut en trouver beaucoup, mais quid de l’hébergement de mes mails ? Gandi, c’est cool, mais c’est pas pour la famille Dupuis-Morizeau. Même si les interfaces se sont énormément simplifiées, cela s’adresse toujours à des administrateurs systèmes.

Et qui va faire de l’hébergement pour Wallabag à part Framasoft ? L’idée, c’est aussi de faire de l’hébergement pour toutes ces applications de niche. Notre but, c’est aussi que les gens qui font des applications libres pour le nuage puissent proposer des hébergeurs. Et c’est ce qui manque aujourd’hui !

Il est vrai par ailleurs que la plupart des hébergeurs ne sont pas très libres, ils utilisent pour la plupart des applications comme Plesk ou CPanel qui sont propriétaires. Mais surtout, ce qui est important pour nous est de donner accès à ces applications libres à tout le monde, et pas seulement aux geeks que nous sommes !

Il paraît que vous voulez re-décentraliser le Web ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

On ne va pas re-décentraliser que le Web, on veut le faire aussi pour les mails, le xmpp, et d’autres. On veut re-décentraliser les Internets.

Mais parlons du Web, et particulièrement du Web 2.0. C’est une sacrée révolution en effet. On est passé d’un web statique au web des applications. Revenons seulement quelques années en arrière. Si vous avez vécu les années 90, vous vous en souvenez : vous utilisiez des applications sur votre ordinateur. Dans le cas d’un document texte, ça se passait bien. Vous aviez votre fichier sur votre bureau virtuel. Vous pouviez le modifier avec différents logiciels, Notepad sous Windows, vi sous GNU/Linux, ensuite le passer à un copain ou sur un autre appareil ne nécessitait qu’une disquette.

Le Web 2.0 a révolutionné cela. Les applications, dont votre Notepad, ont migré vers le Web. C’est devenu le Web des applications. En soi, c’est pas très grave. Le problème, ce sont les données produites par ces applications. Elles se sont retrouvés « enfermées » dans ces applications, qui sont devenues très populaires. En quelques années, quelques entreprises ont pris la main sur la majorité des données produites sur Internet.

Mais avant cette période, le Web des documents était décentralisé. Pour plusieurs raisons, on pense que cela est bien, et donc c’est pour cela que l’on veut re-décentraliser le Web[2].

— Pourquoi mettez-vous en avant l’aspect migrateur d’IndieHosters ? Mes données vont migrer d’un serveur à l’autre telles des hirondelles deuzéros ?

Reprenons l’exemple de Notepad avec l’application de blog. Le fichier texte, vous pouviez l’éditer avec n’importe quelle application. Aujourd’hui, si vous utilisez une application pour éditer votre billet de blog, même libre comme WordPress, il vous faut l’application en question. C’est assez ennuyeux, mais le mouvement unhosted, avec remotestorage essaie de résoudre ce problème. En attendant, si vous voulez migrer vos données associées à votre application, eh bien, il faut s’y connaitre. Et même les administrateurs systèmes les plus avertis vous diront que c’est la galère !

Pour nous, un utilisateur limité à un seul fournisseur de service pour son application n’est pas libre, même si le logiciel utilisé est libre. Et il y a plein de raisons pour lesquelles un utilisateur voudrait migrer :

C’est pourquoi nous travaillons sur un format de migration standard avec une procédure standard, ainsi l’utilisateur pourra migrer d’un fournisseur de services à un autre et ce sans compétences techniques. Le plus beau dans tout cela, c’est que Framasoft pourra faire partie de ce réseau. Et lorsque les gens demanderont si http://degooglisons-internet.org/ ne va pas devenir un nouveau silo, on pourra répondre, que Framasoft fait partie d’un réseau de migration, donc pas de soucis, les gens seront libres de migrer ailleurs !

On aime vraiment le slogan de Cozy :

Vous allez rester parce que vous pouvez partir.

— Mais en réalité vous proposez un réseau d’hébergement ? est-ce que ça veut dire que vous proposerez aux souscripteurs plusieurs serveurs ?

En fait c’est un réseau d’hébergement comme les gîtes de France. Gîtes de France propose un label avec lequel, où que vous alliez, vous savez à quelle qualité de service vous attendre. Pourtant chaque hébergement est complètement indépendant des autres. IndieHosters, c’est un peu pareil, on partage la manière d’importer et d’exporter les données. Mais ensuite l’utilisateur final sera libre de choisir son hôte !

Ce réseau existe déjà ?

Oui, il existe déjà, vous avez le choix entre Michiel et Pierre. Je vous recommande Pierre car il parle bien mieux français que Michiel, mais Michiel se débrouille pas mal aussi dans la langue de Molière.

Ça concerne qui ce projet ? Quelle est votre “cible” ? Vous croyez vraiment que je vais être capable de me débrouiller avec la gestion de mon hébergement ? ouh là… ça me fait un peu peur moi toute cette arrière-boutique.

Ben justement, la cible c’est toi ! Il n’y a rien à gérer : si tu sais de quelles applications tu as besoin, on te les héberge et on s’occupe des détails techniques. J’ai fait le test avec ma sœur dont le profil est celui de Mme Dupuis-Morizeau (mais ma sœur a beaucoup plus de talent). Elle voulait un site pour montrer les bijoux et vêtements qu’elle fabrique. Je lui ai mis en place un WordPress. Elle qui n’y connaît pas grand-chose en informatique a pourtant réussi sans l’aide de personne à créer son site, fièrement hébergé par Pierre, un des IndieHosters !

Pour profiter de cet hébergement, il faut au préalable avoir un compte WordPress ou Known ?

Non, il suffit d’acheter le service, en ce moment en pré-vente sur IndieGogo. Ensuite, à partir de janvier, on commence à fournir le service.

2cats4hostage.jpg

— La préoccupation croissante en ce moment et sans doute pour un certain temps, c’est la sécurité et la confidentialité. Qu’est-ce que le projet IndieHosters apporte sur ces points ? Est-ce que je peux avoir confiance ? Leur nuage là c’est bien joli mais ça revient à envoyer mes données personnelles sur des machines qui sont loin et qui ne m’appartiennent pas hein…

En ce qui concerne la sécurité, nos configurations sont libres. On espère ainsi faire collaborer les utilisateurs et les hébergeurs pour fournir un service toujours de meilleure qualité. Pour ce qui est la vie privée, on estime que les utilisateurs ne devraient pas faire confiance à leur hébergeur. Et pour cela, on recommandera aux utilisateurs d’utiliser le chiffrement.

On commence par offrir seulement des applications de blogging. Dans ce cas-là, on fait de l’hébergement de données publiques. Ensuite, pour les autres applications, il va falloir voir au cas par cas. Je sais que owncloud propose du chiffrement côté serveur. Pour les emails, il n’y pas de soucis. On mise aussi sur le fait que les développeurs d’applications vont de plus en plus implémenter le chiffrement par défaut. Ainsi l’utilisateur n’aura pas à faire confiance à son hébergeur. Si l’utilisateur ne chiffre pas ses emails, il devra faire confiance à son hébergeur. Mais il va payer son hébergeur pour faire ce métier, il sait ainsi que l’hébergeur n’a pas à revendre ses données personnelles pour vivre. Et si à un moment il y a perte de confiance, il sera toujours libre de changer d’hébergeur facilement !

Le réseau que vous proposez est alléchant, mais aussi très ambitieux, comment allez-vous concrètement financer tout cela alors que vous affichez que vous hébergerez…

pour la liberté, pas pour le profit

indiehosters_homepage.png

L’idée, c’est que le réseau IndieHosters soit une CyberFondation à but non lucratif. Son rôle est de détenir la marque, les configurations, les documents et le format de migration. On pense à signer la charte de Framasoft aussi, pour être sûrs que cette CyberFondation fera les choses bien !

Ensuite, chaque IndieHoster, ou hébergeur indépendant qui fait partie de ce réseau, est libre de vendre son service comme il l’entend. Notre idée dans « par pour le profit » est que l’on veut simplement en vivre, et non générer des millions pour les actionnaires. Mais ce simplement en vivre peut être interprété différemment selon les personnes. En réalité on ne sait pas encore très bien comment cela va se passer. On pense au début à un tarif de 8 € par mois (deux bières !) tout compris avec une réduction de 10 % pour un abonnement à l’année. Et on veut aussi donner de l’hébergement gratuit aux associations ou autres particuliers. Mais dans un premier temps, il faut que l’on se consacre à se constituer un salaire mensuel. En ce moment, on se paye 10 € de l’heure et c’est bien suffisant. On verra petit à petit comment faire.

indieHosters2morizeau.png

Si vous voulez le service, allez directement sur IndieGoGo, on fait une pré-vente. Un nom de domaine avec une application pour faire partie de l’IndieWeb pour la modique somme de 50 € pour un an de service ! Dépêchez-vous, il n’y en aura pas pour tout le monde !

Merci pour ce projet auquel Framasoft souhaite une pleine réussite. N’hésitez pas à participer au lancement d’IndieHosters, et que mille hébergeurs indépendants se lèvent !

Encore des liens

Le site du projet : https://indiehosters.net/

Si vous souhaitez participer à ce projet, il est open source, contribuez sur le github !

L’appel à financement participatif : https://www.indiegogo.com/projects/indiehosters

Le site de Pierre Ozoux : https://pierre-o.fr/

Les deux fondateurs du projet expliquent en vidéo (sous-titres en français en cliquant sur le petit logo CC) : http://igg.me/at/IndieHosters/x

Notes

[1] Durement éprouvée au plan psychologique depuis qu’elle a rejoint la communauté du Libre où elle a découvert sa popularité de mauvais aloi, l’authentique Mme Michu a demandé qu’on cesse de la mentionner. Le Framablog a décidé d’employer désormais l’exemple des Dupuis-Morizeau, une sympathique famille recomposée qui vit en Normandie.

[2] Pierre vous recommande au passage un document sur le sujet, à voir ou à revoir : Benjamin Bayart, Internet ou le minitel 2.0

Framadate : une nouvelle version accessible à tous

mercredi 26 novembre 2014 à 13:37

Framadate est, avec Framapad, l’un de nos services les plus utilisés. Cette alternative libre à Doodle vous permet de créer des sondages et vous aide ainsi à planifier des rendez-vous ou prendre des décisions en recueillant l’avis des participants.

En temps normal Framasoft ne développe pas de logiciel : ce n’est pas notre motivation principale et nous ne sommes pas des programmeurs (enfin… pas tous).
Lorsque nous avions décidé de forker Studs [1], le logiciel nous paraissait simple et facile à maintenir.

Techniquement, il ne s’agit que de formulaires et tableaux en HTML, un peu de PHP pour traiter les données et une base MySQL pour les stocker. Pourtant, malgré cette simplicité, de nombreuses erreurs de conception le rendaient totalement inutilisable aux personnes en situation de handicap… Une fois n’est pas coutume, on a donc mis les mains dans le code.

Accessibilité

En avril, Armony Altinier, présidente de l’association Liberté 0 et spécialiste en accessibilité numérique, s’est penchée sur le code de Framadate pour nous proposer quelques améliorations qui auraient pu être déployées rapidement et profiter à tous.

Il s’agissait de structurer l’information dans les pages, rendre l’interface entièrement navigable au clavier, améliorer les contrastes, proposer des alternatives textuelles aux images qui puissent être lues par les lecteurs d’écran ; et, de manière générale, rendre les pages conformes au standard HTML[2].

Mais voilà, certaines modifications nous contraignaient à y regarder d’un peu plus près pour être mises en œuvre. Nous en avons donc profité pour clarifier le code, améliorer l’ergonomie et ajouter quelques fonctionnalités qui nous étaient très souvent demandées.

Ergonomie

Pour nous faciliter la tâche, nous avons adopté le framework libre Twitter Bootstrap, ce qui nous a permis de rentre aussitôt Framadate utilisable sur des interfaces mobiles et d’homogénéiser le design.

En tenant compte de nombreux retours d’utilisation, nous avons également amélioré le parcours de création de sondage. Les étapes sont à présent clairement définies, les messages d’aide à la saisie sont mis en évidence et le parcours se termine sur la page d’administration du sondage de manière à ce que vous puissiez gérer votre sondage même si vous n’avez pas reçu le lien par courriel.

Auparavant, les options proposées dans cette page n’étaient pas très visibles (de nombreuses personnes ne trouvaient tout simplement pas le bouton de suppression du sondage par exemple), elles sont maintenant toutes accessibles depuis le cadre de présentation en haut.

Fonctionnalités

Parmi les nouveautés, vous aurez maintenant la possibilité d’exporter les résultats des sondages dans un fichier .csv pour ainsi les exploiter dans un tableur (libre de préférence ;-) ).

Il vous sera également possible de verrouiller votre sondage, remettre à zéro les votes et commentaires, proposer des images ou des liens parmi les choix possibles…

Et surtout, vous pourrez désormais offrir à vos sondés la possibilité d’exprimer des choix moins tranchés avec le vote « Oui, si nécessaire » !

Et la suite ?

Comme nous le disions en introduction, Framasoft n’a pas vocation à développer du logiciel. C’est pourquoi nous avons besoin de développeurs pour améliorer encore Framadate.
Par exemple, la possibilité de valider des votes par courriel serait une fonctionnalité très pertinente que nous ne proposons pas. De plus, un bon programmeur verra rapidement que le code a besoin d’être nettoyé (angliciser le code, restructurer, simplifier).

Et comme il n’y a pas que les codeurs dans la vie, des traducteurs sont les bienvenus pour finaliser les versions allemandes et espagnoles ou traduire dans d’autres langues. Hep, les amoureux de la langue de Stallman, la traduction du tutoriel d’installation n’attend que vous ;-)

Toutes vos contributions sont les bienvenues sur le Git de Framasoft.

Dégooglisons

La mise à jour de Framadate s’inscrit dans la vaste campagne que nous avons lancée voici quelques semaines et planifiée sur plusieurs années : « Dégooglisons Internet ». Notre objectif est de vous proposer des services libres, éthiques, décentralisés et solidaires contrairement à ce que font les géants du Web que sont Google, Apple, Facebook, Amazon ou Microsoft.
Nous n’avons pas la prétention de remplacer ces géants mais bien de proposer des alternatives libres que chacun peut utiliser l’esprit tranquille grâce à la charte mise en place.

Si vous préférez cultiver votre propre jardin, on vous encourage à planter vos propres graines sur vos serveurs grâce au tutoriel proposé sur Framacloud.[3]

Comme annoncé, nous avons depuis le lancement de la campagne déjà mis en place une alternative au réseau social Facebook avec Framasphère ainsi qu’une mise à jour de Framindmap.
Et ce n’est pas fini ! La fin de l’année promet d’être riche avec, notamment la sortie d’un moteur de recherche !

Mais tout ceci ne sera possible qu’avec votre soutien : diffusion de l’information, dons déductibles des impôts

Notes

[1] Logiciel initialement développé pour les besoins internes de l’université de Strasbourg sur lequel s’appuie Framadate

[2] Pour visualiser les modifications effectuées, nous avons sauvegardé une copie de Framadate avant mise en conformité avec les normes d’accessibilité que vous pouvez comparer avec la version rendue accessible, donc après modifications.

[3] À noter que pour les utilisateurs de YunoHost (un logiciel conçu pour simplifier l’auto-hébergement), Valentin Grimaud a mis en place un paquet Framadate.