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Retour sur le Contribatelier « Accessibilité numérique » organisé lors de la Journée Mondiale des Mobilités et de l’Accessibilité

mardi 21 juin 2022 à 08:42

Le 30 avril 2022, à l’occasion de la Journée Mondiale des Mobilités et de l’Accessibilité, deux structures membres du collectif CHATONS, Alsace Réseau Neutre et Le Cloud Girofle, ainsi que le hackerspace associatif strasbourgeois Hackstub, se sont mobilisées pour organiser simultanément un Contribatelier sur l’Accessibilité numérique à Strasbourg et Villebon-sur-Yvette (91). Nous leur laissons le clavier pour nous partager un compte-rendu de cette action et des pistes envisagées pour la suite.

logo contribateliers accessibilité numérique

À cette occasion, une douzaine de tests ont été menés sur des logiciels libres, dont la plupart sont proposés comme services en ligne par des membres du collectif CHATONS. Les audits consistaient en des tests d’usage réalisés par binômes, composés d’une personne malvoyante en charge du test et d’une personne voyante en charge de sa captation. L’objectif de ces tests utilisateurices fut double : permettre aux personnes qui créent ou hébergent ces solutions de prendre conscience des problèmes et des solutions possibles, et identifier les éventuels services accessibles sur https://entraide.chatons.org et https://chatons.org.

Cet article est l’occasion de détailler comment les tests se sont passés et de mettre en avant les principaux soucis et perspectives liés à l’accessibilité des services libres, dans l’optique de structurer un groupe parlant d’accessibilité au sein du collectif.

Comptes-rendus des sessions

CR du contribatelier animé par ARN et Hackstub à la médiathèque Neudorf de Strasbourg

Avec :

Avec le soutien également d’Éric et Thomas qui sont passés nous voir. Éric est graphiste et programmeur libriste, membre d’ARN, et Thomas est un usager régulier du hackerspace Hackstub qui s’intéresse à l’informatique, au Libre, et à leurs enjeux.

14 tests ont été effectués sur 13 logiciels en deux demi-journées. Nous avons été surprises et surpris du nombre de tests qui ont pu être conduits en si peu de temps, avec très peu de personnes testeuses. Parmi les possibilités de tests, nous n’avons pas sélectionné les outils collaboratifs car nous redoutions une faible accessibilité de ces outils : écrire dans un document collaboratif en ligne prive généralement la personne déficiente visuelle des raccourcis de son outil d’assistance. Les résultats sont mitigés : sur 14 tests, 8 se sont soldés par un succès et 6 ont posé problème (deux réussites partielles et 4 échecs). Les services qui ont posé le plus de problèmes sont les outils de sondage. Certains des tests partiellement réussis ont nécessité une assistance, due à des défauts d’accessibilité non liés à l’outil testé. Exemple : lors du test de Mumble, un logiciel d’audioconférence libre, l’activation du micro a été ardue. Il y avait donc des problèmes liés davantage aux fonctionnalités du navigateur ou à d’autres paramètres (configuration des outils d’assistance ou des interfaces).

Un autre constat intéressant à faire est que les tests ont été effectués avec un système d’exploitation et un navigateur propriétaire (OS Windows + navigateur Edge ou Chrome). L’outil d’assistance était quant à lui libre (NVDA). On peut s’interroger sur le rapport entre le taux de réussite et l’utilisation d’outils qui ne sont pas libres : y a-t-il plus de moyens injectés pour l’accessibilité dans les outils propriétaires ?

Pour ce qui est de l’ambiance, nous avons apprécié l’accueil de la médiathèque Neudorf avec laquelle il a été facile de travailler dans une dynamique de coopération. Gabriel nous a également fait part de son enthousiasme quant à la convivialité de l’événement, malgré le peu de participation. Ce faible taux de participation, tant du côté des personnes malvoyantes que des personnes développeuses, nous a questionné sur les liens que nous entretenons avec les associations et publics déficients visuels, et nous a démontré qu’il y avait un vrai travail de sensibilisation à mener auprès de la communauté libriste. Il a toutefois permis un cadre assez intimiste, favorisant l’attention portée aux personnes participantes.

CR du contribatelier animé par Le cloud de Girofle à Villebon-sur-Yvette (91)

Avec :

Nous nous sommes retrouvés à 4 à la MJC Bobby Lapointe de Villebon-sur-Yvette (91), gentiment mise à disposition par Charles, également membre du Cloud Girofle. Avec l’aide d’Agathe, libriste et vidéaste à ses heures perdues, nous avons accueilli Nicolas, « informaticien d’avant Windows ! » atteint d’une déficience visuelle dégénérescente. Son ordinateur tourne sous Debian et le passage à la ligne de commande a été plus aisé pour lui quand sa vue a commencé à se détériorer. Il utilise encore des outils visuels, des fonctionnalités intégrées au gestionnaire de fenêtres Compiz comme le zoom et l’inversion de contraste. Mais il utilise de plus en plus les outils vocaux, qui représentent environ 80 % de son usage : le lecteur d’écran libre Orca et la synthèse vocale propriétaire Baratinoo, en attendant de trouver une synthèse vocale libre, en français, de qualité suffisante. Par ailleurs, Nicolas utilise EMACS, un éditeur de texte libre navigable intégralement au clavier développé par Richard Stallman, qui dispose de son propre lecteur d’écran (dans ces cas-là, il coupe Orca, qui est le lecteur d’écran pour systèmes GNU Linux). Il l’utilise beaucoup parce que c’est très adapté à son usage, mais ce n’est malheureusement pas toujours possible : en effet, le navigateur EWW intégré dans cet outil n’interprète pas le Javascript, un langage qui est aujourd’hui massivement présent sur le web !

Le cadre intimiste nous a permis d’échanger de manière très qualitative, et nous nous sommes concentrés sur Nicolas toute l’après-midi. Il nous aura fallu vivre cet atelier pour prendre conscience de la difficulté (pour être honnête, de la quasi-impossibilité) d’utiliser beaucoup de services libres en ligne quand on est déficient⋅e visuel⋅le (malvoyant⋅e, non-voyant⋅e).

Une dizaine de tests filmés ont été effectués par Nicolas, sans assistance extérieure, sur des services proposés par le Cloud Girofle : créer un compte sur Nextcloud, accéder à un espace de discussion Mattermost, lire un document OnlyOffice partagé par email, etc. Un protocole de test et des scénarios de tests avaient été préparé en amont et étaient mis à disposition. Les captations rendent compte de ce qui se passe sur l’écran et de la synthèse vocale.

Navigation sur Nextcloud lors du Contribatelier

Navigation sur Nextcloud lors du Contribatelier : l’utilisateur doit utiliser un niveau de zoom très élevé, en plus d’une synthèse vocale (enregistrée par l’enregistreur visible à droite).

Conclusion : c’est pas glorieux

Alors, les logiciels des CHATONS, c’est accessible comment ? Pour nous, les résultats sont édifiants (et décevants). La quasi-totalité des missions a échoué du côté de Villebon-sur-Yvette et le taux de réussite à Strasbourg ne dépasse pas 50 %. Les tests qui ont rencontré le plus de succès ont été menés avec du matériel et des outils propriétaires (à l’exception du logiciel d’assistance), et il s’agissait aussi des manœuvres les plus simples.

Quelques exemples :

Et lors d’un test pour éditer un document en ligne (OnlyOffice) partagé avec Nextcloud, on se rend compte que le bouton pour ouvrir le document n’est pas accessible à la navigation au clavier, que même si on pose le curseur dessus, les options pour l’ouvrir ne sont pas lues par la synthèse vocale et que même si le document est ouvert, la synthèse vocale ne lit pas le document. On découvre ainsi que, même s’il y a un plugin de synthèse vocale installé dans OnlyOffice, le menu pour y accéder n’est pas accessible et que même si on clique sur ce bouton, la synthèse vocale ne fonctionne pas.

À chaque fois, la tentation d’abandonner est forte : impossible de savoir si la fonction qu’on essaye d’utiliser va réussir, ou si l’on va échouer pour une raison parfois bête (un bouton sans label, un message d’erreur qui s’affiche mais qui n’est pas lu). Assister en direct aux difficultés rencontrées par une personne malvoyante sur un ordinateur est une expérience édifiante. Nous pensons que tout le monde devrait la faire au moins une fois, pour se rendre compte des enjeux associés à l’accessibilité numérique.

écran présentant un zoom sur un client mail lors du Contribatelier

Lecture d’un mail lors du Contribatelier : l’utilisateur doit utiliser un niveau de zoom très élevé, en plus d’une synthèse vocale (enregistrée par l’enregistreur visible à droite).

Bilan et perspectives

Le contribatelier, un outil de sensibilisation à l’accessibilité

Participer à ce contribatelier a été très éclairant à la fois sur l’urgence de la situation des personnes déficientes visuelles (beaucoup de services restent bloquants, et pour certains sur des points assez élémentaires), et sur ce qu’implique concrètement la manipulation d’outils d’assistance tels que les lecteurs d’écran. On se sent plus outillé et plus armé pour défendre ce grand sujet. C’est un format idéal pour provoquer une prise de conscience auprès de personnes non initiées, qui a le double avantage de sensibiliser tout en étant dans le “faire” (en l’occurrence, contribuer au libre). Les expériences ont globalement été appréciées de toustes les participantes. Que ce soit du point de vue de l’accueil ou du travail réalisé, ces séances ont offert un cadre convivial, surtout en petits groupes.

Le point sur les difficultés rencontrées

Nous nous sommes interrogés sur le degré d’intervention des personnes qui ne sont pas en situation de handicap lors d’un blocage pendant un test. Nous avons conclu de cet échange qu’il valait mieux laisser du temps pour dénouer la situation avant d’intervenir, afin de véritablement éprouver l’accessibilité de l’outil, mais que si on se retrouvait face à une impasse, il fallait accompagner la résolution du problème rencontré.

Si la personne déficiente visuelle ne prend pas aisément le service en main, il y a différents types d’échec :

Côté développement, on peut aussi distinguer différents cas :

On découvre ainsi plusieurs catégories de problèmes :

De manière générale, bien qu’une bonne moitié des interfaces graphiques des logiciels « en dur » sont inutilisables ou difficilement utilisables, elles restent mieux gérées par la synthèse vocale que dans les applications web, qui sont d’expérience peu accessibles. Les standards d’accessibilité sont peu respectés et la conception de pages complexes rend la lecture des pages plus difficile encore.

Par ailleurs, alors qu’aujourd’hui la majorité des personnes utilisent un très petit nombre de navigateurs web (Firefox, Chrome et Safari, qui se partagent la majorité du marché et concentrent toute l’attention des personnes développeuses), les personnes déficientes visuelles utilisent parfois d’autres navigateurs (Edge, Lynx, etc.), en plus de matériels d’assistance variés. Suivant les profils, on peut trouver des plages ou afficheurs braille, de la vocalisation, des outils visuels (zoom, couleurs, contraste), etc. Certains logiciels d’assistance définissent leurs propres raccourcis clavier, qui peuvent entrer en conflit avec les raccourcis natifs du système ou ceux d’autres programmes. L’interopérabilité de tous ces équipements n’est donc pas triviale.

personne utilisant une plage braille

Un lecteur braille – Photo by Sigmund on Unsplash

 

Il y a également un autre paradoxe : la plupart des logiciels libres populaires dédient une partie de leur documentation à l’accessibilité, chacun expliquant comment les logiciels sont accessibles. Nous reconnaissons les efforts faits pour améliorer la situation, pourtant, en regardant les cas de OnlyOffice et de Mattermost, nous regrettons :

Une personne dans le groupe strasbourgeois a rencontré des difficultés liées au verrouillage de son système, configuré par une entreprise qui fournit des systèmes adaptés aux personnes déficientes visuelles. Cette dernière n’installe que des versions de logiciels dont l’accessibilité a été évaluée, et parfois légèrement modifiées pour les rendre plus accessibles. L’entreprise dispose donc de son propre dépôt de paquets Debian, et configure les machines de ses clients et clientes pour utiliser ce dépôt en priorité, afin d’éviter qu’iels ne fassent des mises à jour non testées. L’inconvénient de cette méthode “verrouillée” est qu’il est ardu d’accéder aux dernières versions logicielles, faute de mises à jour, qui sont souvent disponibles sur le tard (plusieurs années sont parfois nécessaires). Le principe est pertinent, mais la prudence excessive, ou peut-être le manque de personnel compétent pour le travail d’adaptation, rend l’utilisation d’une machine sous ce système laborieuse. Par ailleurs, ce contrôle à distance du paramétrage peut donner le sentiment d’être dépossédé de sa machine, d’autant plus si la communication sur les changements apportés fait défaut. Il est possible de contourner le verrouillage “à la main”, mais cela demande une certaine aisance en informatique, et lève la garantie d’assistance en cas de soucis. Ainsi, des problèmes sont persistants avec Firefox car la version fournie n’est pas la dernière, ce qui a été bloquant pour mener à bien les tests : la personne est mobilisée pour la résolution du problème plutôt que pour la réalisation des tests. Ça pose la question du processus de développement logiciel : aujourd’hui on fournit des logiciels qui évoluent sans cesse, dont les anciennes versions ne sont pas supportées facilement, voire pas supportées du tout.

Et après ?

Nous souhaitons proposer à nouveaux des contribateliers sur l’accessibilité numérique afin de finir les tests prévus. De plus, nous préparerons d’autres tests à mener, avec comme priorité les services qui répondent à des usages du quotidien (communication, collaboration, sondage, traitement de texte, etc.). Nous envisageons néanmoins des tests sur des outils plus techniques dans un second temps (services proposés par YunoHost par exemple, un système d’exploitation qui facilite l’administration d’un serveur et participe à la démocratisation de l’auto-hébergement).

Par ailleurs, il est intéressant de noter que réaliser plusieurs fois un même test n’est pas futile. Au contraire, cela rend compte des différences rencontrées en fonction des systèmes et configurations, mais aussi selon les handicaps. La diversité des profils est très importante pour les tests. Il faut bien prendre en compte la différence de handicaps et de niveaux de culture numérique.

Nous pensons aussi qu’il serait pertinent de mettre en avant les manipulations qui facilitent la prise en main des outils et logiciels. Il y a parfois des astuces simples, qui s’avèrent très utiles pour contourner les difficultés rencontrées, même s’il est regrettable de devoir presque recourir au hack pour pouvoir utiliser un service.

Beaucoup de documentation à été produite lors de ces ateliers : des vidéos et des notes principalement. Nous entrons désormais dans la phase de restitution de ces tests, nous allons créer et publier des reports de bugs d’accessibilité sur les forges Git des logiciels concernés et les suivre. Deux personnes parmi nous, Irina et Valentin, ont fait deux rapports de bug antérieurement autour de Network Manager et de Mumble. Les protocoles pour soumettre les bugs d’accessibilité peuvent être laborieux, selon leur retour.

Lors de notre débrief, nous nous sommes demandés comment mobiliser davantage sur l’accessibilité numérique, au regard du faible nombre de personnes participantes. Nous aurions en effet souhaité que l’opération se déroule simultanément au sein de multiples structures membres du collectif CHATONS en France, afin de fédérer sur la question, et de lui donner plus de résonance.

Actions envisagées

Nous avons relevé plusieurs type d’action à envisager, en dehors de la reconduite de contribateliers sur le sujet et de la publication de ce communiqué :

Quelques parti-pris non consensuels

L’inaccessibilité numérique renforce la fracture numérique et ne concerne pas que les personnes atteintes d’un handicap visuel mais aussi les personnes éloignées du numérique de manière générale, comme les personnes âgées ou les personnes neurodifférentes. Renforcer l’accessibilité numérique pour les personnes déficientes visuelles renforce aussi l’accessibilité numérique tout court !

L’accessibilité numérique n’est pas un patch, un plugin à ajouter, mais bien une philosophie, une manière de voir les choses qui doit infuser dès la base du développement (on parle d’accessibilité native).

Que choisir : du libre à tout prix, ou l’accessibilité ?

En tant que défenseur⋅euses des logiciels libres, on s’interroge : la liberté numéro zéro, c’est celle d’utiliser le logiciel libre.

Que faire quand une partie de la population se retrouve exclue contre son gré de l’utilisation de logiciels libres ? Voulons-nous des logiciels qui ne libèrent que les développeur⋅euses ou permettent aussi d’autonomiser les utilisateurices ?

Khrys’presso du lundi 20 juin 2022

lundi 20 juin 2022 à 07:42

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lundi 13 juin 2022 à 07:42

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De la pub ? Où ça ?

samedi 11 juin 2022 à 13:10

Nous, les geeks, nous bloquons les pubs et nous n’y pensons plus.

Le choc est d’autant plus grand quand nous devons utiliser l’ordinateur de quelqu’un d’autre.

« Mais comment faites-vous pour supporter une telle agression ? » avons-nous envie de hurler.
Eh bien, c’est simple : quand on ne sait pas s’en protéger, on vit avec le vacarme.
Et la majorité des gens que nous côtoyons doivent subir cet incessant bruit de fond publicitaire.

Cet article a pour ambition de recenser les méthodes pour s’éviter l’agression publicitaire sur Internet.
Partagez-le, commentez-le, augmentez-le ! C’est libre.

 

Sur mobile

Un bon conseil au passage : arrêtez d’appeler « téléphone » le parallélépipède que vous promenez partout et qui est plus puissant qu’un PC d’il y a cinq ans. Vous vous rendrez compte que la plupart du temps il vous sert à plein d’autres choses qu’à téléphoner. C’est un ordinateur à part entière, qui sait à tout moment où vous êtes et ce que vous faites. C’est un bon copain très serviable mais c’est aussi un super espion.

L’appeler « ordiphone » ou « smartphone » si vous aimez les anglicismes, c’est déjà prendre conscience de ses capacités.

Sur Android

Fuyez les applications

Utilisez le navigateur et pas les applications (Fennec sur F-droid ou Firefox sur le Play Store/Apple Store).

Pourquoi ?

Le navigateur peut filtrer correctement les cookies, recevoir des réglages de confidentialité plus fins, embarquer des extensions protectrices.

Les applications, elles, sont là pour capter un maximum de données et vous garder en ligne autant que possible. Même si elles ont des réglages de confidentialité, vous ne serez jamais en mesure de vérifier que ces réglages fonctionnent, puisque le code des applications est fermé.

Le navigateur Firefox (ou Fennec, donc) est un logiciel libre dont le code peut être validé par des experts.

Privilégiez les versions web mobiles lorsque c’est possible, et épinglez le site : ça ressemble à une appli mais ça prend moins de place !

Extensions et réglages

Si vous voulez des applis quand même (après tout, c’est ça aussi, la liberté)

Renseignez-vous sur leur propension à vous espionner grâce aux travaux de l’excellente association française Exodus Privacy dont on ne dira jamais assez de bien.

 

Installez un autre magasin d’application pour y trouver des apps moins invasives.

Allez chercher l’apk de F-droid, le magasin d’applications de la Free Software Foundation (https://f-droid.org/fr/) et dites à votre Android qu’il peut lui faire confiance.

Attention, toutefois : certaines applis ne sont pas mûres, n’installez pas n’importe quoi.

 

Youtube sans pub

 Twitter sans Twitter

Reddit sans…

 

Et pensez aux réseaux sociaux alternatifs comme Mastodon.

S’éviter les appels de télémarketing

L’application Yet Another Call Blocker consulte une liste noire collaborative à chaque appel avant de le laisser passer. C’est un casse-pied qui veut vous parler de votre CPF ? Votre téléphone ne sonne même pas, l’indésirable est détecté et viré sans vous déranger. S’il ne l’est pas vous le signalez et tout le monde est désormais protégé.

Copie d'écran de la page de présentation de l'application <em>Yen Another Call Blocker</em>

 

Filtrer le trafic Internet

Utilisez des DNS publics qui incluent un filtrage.

 

C’est quoi un DNS ?

Les « serveurs de noms de domaine » transforment une adresse (à peu près) intelligible pour nous (https://framasoft.org) en adresse intelligible par une machine sur Internet (« 2a01:4f8:141:3421 ::212 »).

 

Pourquoi ça marche ?

Si vous donnez une fausse adresse à la machine, la pub n’arrive plus ! Un peu comme si vous mettiez une fausse boite aux lettres reliée directement à votre poubelle à la disposition des personnes qui distribuent des prospectus dans votre quartier.

Vous libérez même de la bande passante sur votre réseau et du temps de calcul à l’affichage des sites puisque votre appareil ne télécharge même pas les contenus publicitaires, qui pèsent généralement lourd dans une page web (images, vidéo).

Copie d’écran du réglage « DNS privé » sur Android. Un nom d »hôte personnalisé est saisi (ici dns.adguard.com).

 

Gérer les permissions aux applications

Les Android récents permettent par exemple d’autoriser une permission ponctuellement.

 

Si vous avez encore un compte Google

Réglez-le pour limiter la surveillance. Le mieux, c’est encore de ne pas en avoir.

On a l’impression que c’est obligatoire quand on configure un nouvel ordiphone (tout est fait pour vous donner cette impression, c’est ce qu’on appelle une interface déloyale, en anglais dark pattern), mais on peut passer cette étape ! Il suffit de cliquer sur « ignorer ».

 

Dégoogliser son ordiphone

Vous pouvez parfaitement utiliser un Android sans la surcouche propriétaire de Google ou du fabricant, en installant par exemple Lineage OS ou /e/ OS de Murena.

Attention, « flasher » son engin est une opération délicate, vous risquez de le « briquer », c’est-à-dire de le transformer en presse-papier un peu cher.

Ne le faites pas si vous n’êtes pas à l’aise.

 

Cerise sur le gâteau : débarrassé de la surcouche Google, votre ordiphone sera plus véloce, moins poussif, et tiendra mieux la batterie ! Une bonne façon de faire durer le matériel (le mien va fêter ses huit ans !).

 

Autre solution pour un matériel qui dure : l’acheter en reconditionné sur https://murena.com/fr/

Il aura été configuré par des pros. Murena s’engage sur la protection de votre vie privée.

 

Sur iOS

Apple se targue de protéger vos données. Mais il y a au moins une entreprise qui y accède : Apple !

Et puis la firme a beau… frimer (on ne s’interdit pas les jeux de mots faciles, chez Framasoft), elle est quand même soumises aux lois liberticides américaines.

 

Gérer qui a accès aux permissions spécifiques

 

Sur un ordinateur

Utiliser un navigateur bienveillant, la base : Firefox et rien d’autre

Avec Firefox, dans les Préférences, aller à l’onglet « vie privée et sécurité » : plusieurs trucs sont à régler pour se garantir un peu de tranquillité.

accès en trois clics aux paramètres de Firefox (capture d'écran) Édition > Paramètres > Vie privée et sécurité

Firefox : paramètres contre le pistage

Firefox prévoit trois réglages de protection de la vie privée : standard, stricte, ou personnalisée. La protection standard est suffisante pour la plupart des usages, mais vous pouvez pousser la vôtre en mode « strict ». Ne vous ennuyez pas avec le réglage personnalisé si vous n’y comprenez rien.

 

Vous pouvez paramétrer Firefox pour qu’il envoie un signal « ne pas me pister » (Do Not Track en anglais, vous le verrez abrégé en DNT parfois) et pour supprimer les cookies à intervalle régulier, sachant que vous pouvez instaurer des exceptions sur les sites auxquels vous faites confiance.

 

Firefox vous demande votre accord pour collecter des données anonymisées sur votre usage du logiciel. Vous pouvez refuser. En revanche sur la partie Sécurité, cochez tout.

 

 

copie d'écran des paramètres de chiffrement de Firefox

Le protocole HTTPS permet de chiffrer les relations entre le navigateur et le serveur, ce qui signifie qu’une personne qui intercepte le flux ne peut pas le lire (c’est le fameux petit cadenas dont vous entendez souvent parler). Mais ce n’est pas parce que la liaison est chiffrée que le site est un site de confiance. En gros ça garantit que l’enveloppe est fermée, pas que l’enveloppe ne contient pas des saloperies.

 

Les extensions que vous pouvez installer :

Ne le faites pas sans comprendre ! Lisez la documentation.

 

Youtube sans pub

Twitter sans Twitter

Twitch sans Twitch

 

DNS de filtrage, fichier hosts customisé

Comment ça marche ?

Les publicités ne sont généralement pas hébergées sur le serveur du site que vous consultez. Elles sont sur un autre site et téléchargées à la volée. En filtrant via le DNS, on dit à l’ordi d’aller chercher les pubs dans un « trou noir informatique ». Le fichier « hosts » de votre système peut lister des adresses de sites et les rediriger vers un espace inexistant de votre ordinateur. En gros on truque l’annuaire ; votre navigateur ne trouve pas les publicités, il ne les affiche pas. Simple et efficace. Ce qui est drôle, c’est que le concepteur du site ne sait pas que vous naviguez sans voir ses pubs. :)

 

Attention toutefois, en faisant ça vous contrevenez pour votre PC à un des principes d’Internet : la neutralité des tuyaux. Vous ne verrez plus rien en provenance du site tiers dont le trafic est bloqué. En général, ce sont des régies publicitaires, donc on peut choisir de s’en moquer, mais il faut le savoir.

Au pire vous verrez un espace blanc marqué « publicité », au mieux la page se réorganisera et seul le contenu issu du site d’origine apparaîtra.

Mode Expert : changez de système d’exploitation

Une méthode radicale (mais qui n’exclut pas la plupart des autres mentionnées ci-dessus) : passez à un système libre, qui ne trichera pas avec vous pour vous imposer des pubs sous prétexte de vous tenir au courant de l’actualité (oui, Windows, on te voit !).

Les différentes distributions GNU/Linux qui existent sont désormais faciles à installer et à utiliser.

La plupart des geeks installent désormais une Ubuntu ou une Linux Mint sur les ordinateurs familiaux au lieu de réparer le Windows qui plante sans cesse et qui s’encrasse avec le temps. Le changement n’est pas si difficile pour les « clients », qui souvent n’utilisent leur ordinateur que pour aller sur Internet gérer leur courrier et leurs réseaux sociaux (et croyez-nous c’est l’expérience qui parle !). Vérifiez quand même que Papy ou Tantine n’a pas une appli fétiche qui ne tourne que sous Windows et installez un double-démarrage par sécurité. Au pire si quelqu’un fait une bêtise ça se dépanne à distance dans la majorité des cas (avec par exemple le logiciel AnyDesk qui n’est pas libre mais dont le fonctionnement est compréhensible par le moins dégourdi des cousins).

Si vous ne comprenez pas certains mots du paragraphe ci-dessus, ne vous lancez pas, ou faites-vous aider par une personne compétente.

Difficile de vous conseiller une « distro » plutôt qu’une autre sans déclencher une guerre de chapelles dans les commentaires (on recherche ici la simplicité et l’accessibilité), mais pour détailler les deux citées plus haut :

Si vous le faites pour « libérer » une relation, installez-lui une distribution que vous connaissez bien, pour pouvoir la guider en cas de besoin.

 

Autres solutions

pi-hole

À installer sur  un nano-ordinateur RaspberryPi dont l’un des spécialistes est français, cocorico, ou un ordinateur recyclé,  pi-hole bloque la publicité et les pisteurs sur tout le réseau. Tout ce qui se connecte à votre box est débarrassé de la publicité et des mouchards !

 

Configurer le compte Google pour désactiver le ciblage publicitaire

Le mieux est bien entendu de ne pas mettre les pieds chez Google mais si vous y êtes déjà et que c’est dur d’en partir.

https://web.archive.org/web/20210224202916/https://sautenuage.com/de-vie-privee-sur-android-sans-rien-installer/

 

Oui mais la pub

Vous tomberez parfois sur des encarts qui vous culpabiliseront : « notre site ne vit que de la publicité, c’est le prix à payer si vous voulez avoir du contenu de qualité, nos enfants ont faim à cause de vous, vous mettez en danger nos emplois », etc.

Alors, deux-trois trucs à ce sujet :

 

Copie d'écran d'un article annonçant le décès de la chienne de Paul Pogba. Le fait qu'il s'agit de son Yorkshire n'est révélé qu'en toute fin du texte qui joue sur l'ambiguïté en parlant de "princesse".

Source : https://news.ohmymag.com

 

 

Pour aller plus loin

Seb est un passionné qui compile depuis des années des astuces sur son site. Abonnez-vous ! (y’a pas de pub)

https://sebsauvage.net/wiki/doku.php?id=dns-blocklist

https://sebsauvage.net/wiki/doku.php?id=dnsfilter

https://bloquelapub.net/

Ne plus supporter la pub sur le Web

Non, je ne veux pas télécharger votre &@µ$# d’application  !

Résistons à la pub sur Internet #bloquelapubnet

Khrys’presso du lundi 6 juin 2022

lundi 6 juin 2022 à 07:42

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