PROJET AUTOBLOG


Framablog

Site original : Framablog

⇐ retour index

The Open Access Button : cartographions les entraves au Libre Accès

jeudi 21 novembre 2013 à 15:36

Il est souvent question de libre accès sur le Framablog. Par exemple avec ce manifeste du regretté Aaron Swartz ou cette limpide explication vidéo de Jean-Claude Guédon.

Avec Internet et la numérisation, il est désormais possible de consulter l’ensemble des ressources scientifiques et académiques. En théorie oui mais il peut en aller tout autrement dans la pratique, ce qui n’est pas sans poser de nombreux problèmes. Deux étudiants proposent ici de signaler tout péage rencontré pour accéder à ces ressources et de le mentionner sur un site commun.

On notera au passage que c’est OpenStreetMap qui fournit la carte.

Open Access Button

Des étudiants lancent le « Bouton » pour mettre en lumière l’accès refusé aux articles scientifiques

Students Launch “Button” to Put Denied Access to Research on the Map

18 novembre 2013 - Open Acess Button
(Traduction : Penguin, Gilles, r0u, sinma, Paul)



Traquer et cartographier l’impact des péages, un clic à la fois.



Aujourd’hui, lors d’un congrès international d’étudiants défendant un accès plus important aux publications universitaires, deux étudiants anglais de premier cycle ont annoncé le lancement fortement attendu du bouton Open Access (NdT : Accès libre), un outil adossé au navigateur qui permet de cartographier l’épidémie de refus d’accès aux articles de la recherche universitaire et qui aide les utilisateurs à trouver les recherches dont ils ont besoin.



Les étudiants David Carroll et Joseph McArthur ont créé le bouton Open Access en réaction au sentiment de frustration que leur causait l’impossibilité d’accéder aux travaux de la recherche universitaire.



« J’ai réalisé qu’il y avait un problème à force de continuellement me heurter à des obstacles pour accéder à des articles pertinents pour mes recherches », explique Carroll, étudiant en médecine à l’université Queen’s de Belfast. « Mon université peut s’offrir un abonnement à de nombreuses publications et, pourtant, je ne peux pas accéder à tout ce dont j’ai besoin. Cela m’a amené à me demander combien d’autres que moi rencontraient le même problème et comment cela affectait les gens partout dans le monde ».



Chaque jour, des personnes essaient d’accéder à des articles de la recherche universitaire - des médecins cherchant de nouveaux traitements, des scientifiques travaillant à la mise au point de nouvelles technologies, des étudiants essayant de parfaire leur formation. Or au lieu d’avoir immédiatement accès aux informations essentielles qu’ils cherchent, ces personnes se retrouvent trop souvent confrontées à un système de péage qui subordonne leur accès à l’information leur demandant un paiement en échange de l’accès, parfois jusqu’à 40$ par article. Ces péages existent parce qu’une grande partie des ressources académiques est publiée dans des journaux onéreux, basés sur des abonnements dont les augmentations de prix ont largement dépassé l’inflation depuis plusieurs décennies.



« Vu la capacité actuelle de partager la connaissance sur le Web, il est absurde que la majorité de la population dans le monde se voit barrer l’accès à de si nombreux travaux » indique McArthur, étudiant en pharmacologie au University College de Londres. « Jusqu’à maintenant, ce déni d’accès était invisible car chacun le vivait de son côté. Nous avons créé le bouton Open Access pour rassembler toutes ces expériences séparées et mettre en lumière l’ampleur mondiale du problème ».

Open Access Button



Le bouton Open Access est un outil adossé au navigateur qui permet aux utilisateurs de garder la trace d’un refus d’accès à une publication, puis de chercher des moyens alternatifs d’accéder à ladite publication. Chaque fois qu’un utilisateur se heurte à un péage, il clique simplement sur le bouton dans sa barre de favoris, remplit ,s’il le souhaite, une boîte de dialogue optionnelle, et son expérience vient s’ajouter à celle des autres utilisateurs sur une carte. Il reçoit ensuite un lien pour rechercher un accès libre et gratuit à l’article en utilisant par exemple des ressources comme Google Scholar. L’initiative Open Access Button espère créer une carte mondiale montrant l’impact du refus d’accès aux publications scientifiques.



Le bouton Open Access tire son nom du mouvement mondial pour le libre accès (NdT : Open Access en anglais) : la disponibilité gratuite et immédiate en ligne d’articles de recherche, accompagnés du droit intégral d’utilisation de ces articles dans l’espace numérique.



« Le mouvement pour l’Open Access est une solution puissante contre les barrières auxquelles se heurtent les chercheurs des pays en développement ou en phase de transition économique dans leurs tentatives d’accéder et de partager des recherches cruciales pour l’amélioration de la vie », déclare Iryna Kuchma, responsable du programme Open Acces à l’EIFL (Electronic Information for Libraries ou Information électronique pour bibliothèques), une organisation qui travaille avec des bibliothèques à travers le monde pour permettre l’accès des populations des pays en voie de développement ou en phase de transition économique aux informations numériques. « L’accès aux dernières publications scientifiques ne doit pas être confiné à la sphère universitaire, mais ouvert à tout personne intéressée : médecins et patients, agriculteurs* et entrepreneurs, formateurs et étudiants ».



Pour Jack Andraka, étudiant américain de 16 ans, récompensé par l’Intel Science Fair pour avoir inventé un test révolutionnaire de diagnostic du cancer du pancréas, « Le bouton Open Access aide à démocratiser la connaissance ». Andraka a raconté comment il s’était lui-même heurté aux les refus d’accès aux publications scientifiques quand il développait son test. « La connaissance ne doit pas être une marchandise. Elle doit être librement accessible pour permettre aux patients et familles d’être pleinement parties prenantes. »



David Carroll et Joseph McArthur ont annoncé le lancement du bouton Open Access aujourd’hui devant un parterre de plus de 80 personnes réunies à l’occasion de la Berlin 11 Student and Early Stage Researcher Satellite Conference, une rencontre internationale pour les étudiants intéressés par la promotion de l’Open Access. Cette rencontre précède la conférence Open Access de Berlin, une convention de leaders d’opinion à travers le monde sur la question de l’Open Access, qui a débuté mardi.

« Ne perdons jamais de vue que nous tenons trop souvent pour immuable ce qui n’est qu’un état de fait, mais les développeurs du bouton Open Access nous rappellent qu’en tant qu’individus, nous avons réellement le pouvoir de changer les choses », déclare Heither Joseph, directeur exécutif de la coalition SPARC (Scholarly Publishing and Academic Resources Coalition), un regroupement international de bibliothèques universitaires et de recherche) et leader de renommée internationale au sein du mouvement Open Access. « C’est une idée simple, mais incroyablement créative, qui devrait nous aider à montrer combien l’accès libre répond à un véritable besoin ».

Plus d’informations à propos du bouton Open Access ainsi que des instructions pour son installation sont disponibles sur le site www.OpenAccessButton.org.



Suivez la conversation sur Twitter à @OA_Button avec le hashtag #aobuttonlaunch.

No Es Una Crisis : un documentaire à la fois déjà libre et bientôt libre !

jeudi 21 novembre 2013 à 14:32

Sorti en octobre 2013, No Es Una Crisis est un passionnant documentaire de Fabien Benoit et Julien Malassigné traitant de la situation politique et économique en Espagne dans le sillage du mouvement des Indignés.

Sa particularité : c’est, à notre connaissance, le premier web-documentaire professionnel créé et diffusé sous licence Creative Commons BY-SA[1] . Les images, les sons, les sous-titres, sont donc en effet réutilisables librement (à condition de citer les auteurs et de conserver les œuvres dérivées sous la même licence). Ce qui fait plus de 3h de média de qualité professionnelle accessibles pour tous.

Mais, ami-e libriste, ne te jette pas à clic perdu sur ce lien, ou ta déception risque d’être grande ! En effet, la diffusion se fait dans un format fermé (Flash), ce qui empêche sa visualisation sur de nombreux supports : smartphones, tablettes, GNU/Linux et même Windows XP (dont le support des dernières version de Flash était incomplet jusqu’à il y a peu).

Or, il se trouve que Framasoft partage le même bureau[2] que l’équipe de production de ce web-documentaire ! Nous leur avons donc proposé notre aide à deux niveaux. 

D’abord, nous avons hébergé les fichiers vidéos du web-documentaire, particulièrement sollicités lors de l’annonce sur différents sites de la presse nationale et espagnole. Grâce à l’aide précieuse de Rézopole (pour la mise à disposition de serveurs et surtout de bande passante) et de Fabien Bourgeois (notre autre voisin de bureau, pour l’aide à la configuration de ces serveurs), le webdoc a pu dépasser sans encombre les 60 000 visualisations, avec des pics à 2x200Mbps et plus de 6To transmis sur quelques jours.

Mais surtout, nous avons proposé aux auteurs de les aider à « libérer » totalement leur oeuvre en organisant mi-décembre un week-end de « conversion » de leur documentaire en Flash dans une technologie libre et ouverte (HTML5). Un « liberathon », en quelque sorte !

Vous en apprendrez plus à la fin de cette entrevue avec Jean-Baptiste Fribourg, producteur du documentaire à la Société de Apaches.


Bonjour Jean-Baptiste. Avant tout peux-tu te présenter et présenter La Société des Apaches ? 

La Société des Apaches est une jeune structure de production audiovisuelle, elle a tout juste un an. Elle s’est montée autour du projet de Julien et Fabien, ce web-documentaire NO ES UNA CRISIS. Au-delà de cette première réalisation, son objectif est de faire travailler de jeunes auteurs et réalisateurs de documentaires, pour qui il peut être parfois compliqué d’avoir une écoute auprès de sociétés de production déjà dans la place. Notre ligne éditoriale, pour la résumer en quelques mots, consiste à témoigner de notre époque comme un moment charnière, entre les soubresauts d’une époque révolue et les prémices d’un monde en train de se réinventer. Je m’occupe du suivi administratif des projets développés par La Société des Apaches, du travail de production en somme. Par ailleurs je suis preneur de son pour le cinéma documentaire, et réalisateur de documentaires radiophoniques.

Donc, vous avez produit le web-documentaire No Es Una Crisis. Peux-tu nous dire quelques mots sur la génèse de ce webdoc ? 

Fabien et Julien sont partis à Madrid à l’été 2011, intrigués par le mouvement indigné qui avait secoué l’Espagne à partir du 15 mai 2011 (d’ailleurs là-bas, ce mouvement s’appelle le 15M, en référence à cette date fondatrice). Frappés par ce mouvement social nouvelle génération, ils sont revenus en France avec la conviction qu’il y avait là une histoire à raconter, qu’il était essentiel même de transmettre cette expérience en France, où le traitement médiatique du 15M avait été au mieux léger, au pire caricatural. 

Au cours du travail d’écriture, il leur est apparu que pour parler du mouvement 15M, il fallait aussi parler de son contexte, à savoir la crise économique qui a déstabilisé l’Espagne suite à l’explosion de la bulle immobilière, et la sévère politique de rigueur qui a été l’unique réponse des gouvernants, de gauche comme de droite, face à cette crise. Ainsi, peu à peu, le propos de Julien et Fabien s’est élargi, pour parler de l’Espagne comme un double laboratoire : celui d’un système économique à bout de souffle qui cherche à se renouveler dans l’austérité, et celui de nouvelles pratiques sociales et politiques dans le sillage du mouvement du 15M. Quant au choix du format web-documentaire, il nous a semblé qu’il était tout à fait adapté pour traiter d’un mouvement social qui a su utiliser toute la puissance d’internet et des réseaux sociaux. Nous avons aussi pensé qu’il faciliterait une diffusion hors de France, ce qui s’est avéré avec un nombre de visites plus important en Espagne qu’en France.

Pour en savoir plus, voir http://blog.noesunacrisis.com/le-projet/

Comment avez-vous financé ce travail ? 

Ça a été un long processus, où nous avons sollicité différents guichets. D’abord, en tant qu’auteurs du projet, Fabien et Julien ont sollicité, et obtenu, une aide à l’écriture du CNC, dédiée aux projets dits « nouveaux médias ». C’était au printemps 2012, et forts de ce qui constituait en somme une « validation » de l’intérêt de leur projet, ils ont alors lancé une campagne de financement participatif, sur KissKissBankBank. L’idée était de pouvoir se payer un tournage en Espagne : 10 000€ sont alors levés. Parallèlement, un dossier de mécénat déposé à la Fondation Un Monde Par Tous nous permet d’obtenir 15 000€ supplémentaires. Avec toutes ces bonnes nouvelles, nous nous disons alors qu’il est temps de se doter de notre propre outil de travail, pour sortir un peu de l’esprit Do It Yourself qui avait prévalu jusque-là : La Société des Apaches est créée. Avec elle, nous serons en mesure de solliciter à nouveau le CNC, pour une aide à la production cette fois-ci, puis la Région Rhône-Alpes. Parallèlement nous avons développé des partenariats pour l’hébergement des vidéos, la conception du blog qui accompagne le webdoc, la communication autour du lancement, etc.

Vous avez choisi la licence Creative Commons BY-SA pour votre webdoc. Peux-tu nous expliquer les raisons de ce choix ? 

En fait ça nous a semblé une évidence dès le départ. Nous avons eu du mal à imaginer plaquer le modèle classique du droit d’auteur, qui doit concerner 99% de la production audiovisuelle, sur un format dédié au web. Il y avait pour nous quelque chose d’incongru d’apposer sur le web-doc la mention habituelle « tous droits réservés, toute duplication interdite, toute projection interdite, etc. ». Non ! Justement, le choix du webdoc était principalement motivé par la facilité de circulation du projet que ce format suppose. 

On trouvait aussi le principe du CC tout à fait en accord avec le financement participatif qu’on avait sollicité. Quant au choix de la licence, on était d’abord parti sur quelque chose de plus restrictif, à savoir NC[3] . Et puis on s’est dit qu’on ne prenait pas grand risque à l’ouvrir complètement, que le NC était restrictif sans raison : pour le dire autrement, une chaîne de TV privée ou une agence de pub va-t-elle réutiliser nos images ? On peut sérieusement en douter, d’où le choix au final évident du BY-SA. L’aboutissement de cette démarche a été de proposer en téléchargement toutes les séquences vidéo qui constituent le webdoc, avec leurs fichiers de sous-titrage. Ainsi chacun peut s’approprier notre matériel.

Avez-vous rencontré des difficultés, des réticences, lors du choix de cette licence ? 

Alors d’abord je dois dire qu’on n’est absolument pas des spécialistes du CC ! Personnellement j’avais découvert ces licences en 2006, quand j’ai commencé à réaliser des documentaires radiophoniques pour ARTE Radio.com, la webradio d’Arte, qui diffuse toutes ses productions en CC-BY-SA-NC. A l’époque d’ailleurs, il me semble qu’ils étaient un peu des pionniers du CC. Mais à part ça, on a quand même beaucoup défriché tout ça tout seuls ! Ce qui nous a conduit à faire des erreurs, comme avec certaines musiques d’illustration, qui ont une licence BY-SA attribuée à NO ES UNA CRISIS, donc qui ne devraient pas être amenées à pouvoir circuler librement avec le reste du webdoc. Ca fait que NO ES UNA CRISIS est libre à 99% en vérité : on va dire que c’est cohérent avec le slogan « We are the 99% » cher aux mouvements Occupy et 15M ! Plus sérieusement, on constate que les cadres de production, même pour les webdocs, sont très inspirés des cadres classiques de la production audiovisuelle. Par exemple, pour prouver à un financeur public (CNC ou collectivité locale) que le producteur et l’auteur sont engagés l’un envers l’autre, le contrat qui les lie doit être accompagné d’un versement de droits d’auteur. Et pas de dossier de demande de subvention valable sans les justificatifs AGESSA correspondant ! (l’AGESSA est la Sécurité Sociale des auteurs). Je trouve ça curieux.

Quelques jours avant la diffusion du webdoc, vous avez eu un souci avec Dailymotion, que s’est-il passé ?

Nous avions convenu d’un partenariat avec Dailymotion, à propos de l’hébergement des vidéos du webdoc. Nous étions très heureux de ça, pensant avoir accès au nouveau service de Dailymotion, DM Cloud, qui nous permettait de développer notre propre player, de faire gérer les différentes versions linguistiques par Flash, etc; Sauf que, tout contents de ça, nous n’avions alors pas pris la peine de préciser les modalités de ce partenariat. Erreur de débutant de notre part, c’est clair… Du coup ça a été un peu terrible pour nous quand le malentendu est devenu flagrant, à savoir quand notre web-développeur a voulu récupérer les codes d’accès au service DM Cloud, et qu’on lui a répondu que c’était Dailymotion Premium qui était prévu ! Le hic, c’est que ça ne pouvait pas du tout fonctionner avec l’interface développée ! Nos contacts chez DM étaient conscients de la situation dans laquelle nous nous trouvions, aussi ils nous ont fait une proposition commerciale allégée pour l’accès à leur service Cloud. Mais ça restait très problématique pour nous, puisque la facture finale dépendant du débit utilisé : pour le dire autrement, plus NO ES UNA CRISIS serait vu, plus on paierait. Voire, s’il devait cartonner, nous mettrions la clé sous la porte ! On a donc eu quelques heures de sueurs froides, et c’est là que la magie de la mutualisation a opéré, et que nous voyant dans le pétrin, tu nous as dit peut-être pouvoir faire quelque chose…

Lorsque tu échanges avec d’autres équipes de réalisation de webdoc, tu leur parles de votre choix de licence ? Ça leur parle ? En d’autres termes, et si c’était à refaire, vous feriez le même choix ? 

Sans hésiter, nous referions le même choix, qui est cohérent par rapport au propos de NO ES UNA CRISIS et qui est en parfaite adéquation avec le format web-documentaire. En plus, de façon tout à fait pragmatique, ça nous donne un angle supplémentaire de communication pour parler du projet. Je suis toujours un peu étonné de voir que peu de webdocs sont diffusés en CC. Après il ne faut pas se leurrer, pour des projets futurs qui seraient amenés à être diffusés en télévision, l’enjeu économique ferait que le choix serait plus cornélien : vue la fragilité économique des auteurs dans le documentaire (ils peuvent parfois être les moins bien rémunérés dans une équipe de production), les droits d’auteurs leur sont indispensables. 

Il y a même une perversion du système, où le producteur va négocier à la baisse le salaire de l’auteur, en lui faisant miroiter les futurs droits d’auteur qu’il percevra de la SCAM après la diffusion télé. Personnellement, je ne suis pas contre le droit d’auteur par principe. Je suis même sociétaire de la SCAM pour mon activité radiophonique ! Mais j’estime que la licence libre a un immense intérêt pour permettre une meilleure diffusion des œuvres, et finalement, plus que les droits des auteurs, c’est les droits des producteurs qu’elle conteste, ces droits qui peuvent parfois être une rente. Je trouve dommage que des institutions comme la SCAM soit un peu obtue sur cette question du libre, elle gagnerait à mettre ses compétences au service des réflexions qui entourent ces nouveaux modes de diffusion, et les auteurs aussi y seraient gagnants.

Venons-en à la question qui fâche (au moins les libristes ;-) ) : pourquoi le choix de Flash comme technologie pour diffuser votre web documentaire, empêchant sa visualisation pour de nombreux internautes ?

Le choix de Flash est une très bonne illustration de ce que je disais tout à l’heure sur les licences CC : ce n’était pas notre univers, on s’y est mis peu à peu, on a voulu bien faire… et on s’est planté ! On a choisi Flash sans aucune idée des implications que ça pourrait avoir sur l’accessibilité du webdoc, un comble ! Le choix s’est principalement fait pour des raisons de budget. Notre web-développeur nous avait indiqué que Flash serait moins coûteux que HTML5, et comme à l’époque, on avait accepté son devis sans avoir encore bouclé le financement du projet, le choix de Flash nous permettait de réduire le risque financier. En plus, si on savait bien qu’avec Flash nous n’aurions pas accès aux tablettes, on s’était dit que l’audience des webdocs y étant encore assez confidentielle, on pouvait s’en passer. Par contre on ne savait pas que ça allait coincer sous Linux ! Donc Flash, c’est une erreur de débutant, mais dans un contexte budgétaire contraint.

D’où l’idée de monter ce « liberathon » avec Framasoft, donc. Peux-tu nous en dire plus ?

Effectivement, on invite tous ceux qui seraient prêts à nous aider sur ce challenge de basculer NO ES UNA CRISIS en HTML5 à nous rejoindre à Lyon les 14 et 15 décembre. Ça se passera à Locaux Motiv’ où nous avons nos bureaux, La Société des Apaches et Framasoft. Nous pourrons accueillir 15 personnes max (il faut donc se préinscrire). Venez avec vos machines, nous on s’occupe des conditions d’accueil (café à gogo, repas le midi, apéro). Puisque NO ES UNA CRISIS est captif de Flash, il s’agira de le libérer ! L’objectif est d’avoir, le dimanche soir, un webdoc aussi proche que possible de la version originale sous Flash.

Merci Jean-Baptiste, un petit mot pour la fin ? 

En me heurtant aux problèmes techniques qu’a connus NO ES UNA CRISIS (hébergement des vidéos, Flash…), et en étant aidé sur ces questions par Framasoft et Fabien Bourgeois, j’ai découvert que l’informatique était un monde de solutions.

Notes :

[1] Il existe plusieurs documentaires sous licence Creative Commons avec clause non commerciale, comme « Collaborative Cities », ou l’excellent « RIP! A remix Manifesto », mais si vous avez connaissance d’autres web-documentaires sous licence CC BY ou CC BY-SA, n’hésitez pas à nous le signaler en commentaire

[2] Pour rappel, le siège social de Framasoft est désormais situé à Lyon, à Locaux Motiv’, un espace mutualisé ouvert aux structures formelles ou informelles et qui entend favoriser l’implication de chacun, qu’il soit bénévole, salarié ou usager des lieux, en suscitant la coopération et l’échange.

[3] « Non Commercial », imposant une entente préalable avec les auteurs pour une utilisation dans un cadre commercial

Crédits images : La Société des Apaches, licence Creative Commons BY-SA

Framasoft lance sa campagne de soutien 2013 « moins de Google et plus de Libre »

jeudi 21 novembre 2013 à 12:27

Framasoft - Campagne 2013 - Google - LL de Mars - Licence Art Libre

« Le logiciel libre est plus important que jamais », affirmait il y a peu Richard Stallman sur le Framablog. Nous le pensons également.

Depuis 12 ans, Framasoft fait œuvre d’éducation populaire et agit en faveur de la promotion et diffusion de ce que l’on appelle désormais « le Libre ».

L’année écoulée fut une année bien remplie. Nous comptons désormais une vingtaine de projets déployés, regroupés en trois grandes catégories : logiciels libres, cultures libres et services libres.

Avec votre soutien, nous allons évidemment poursuivre le développement de nos projets liés directement à nos chers logiciels libres (un partenariat vient d’être contracté pour améliorer notre annuaire Framalibre, de nouvelles clés Framakey sont en préparation…) ainsi que ceux liés à la culture libre (de nombreux livres sont récemment sortis et d’autres arriveront sous peu). Mais nous comptons également mettre l’accent sur nos services libres qui ont connu un franc succès en 2013.

Cette campagne s’inscrit dans un contexte, celui du monopole des services web contre les besoins de choix et de liberté des individus. Il s’agit bien moins de montrer du doigt ou diaboliser des entreprises comme Google que d’alerter sur les phénomènes de concentration sur Internet qui captent nos applications et exploitent nos données[1].

Alerter mais aussi et surtout continuer à travailler sur la maintenance et le déploiement de nos petites alternatives regroupées sous le nom global de « Framacloud ». En effet, Framapad, Framadate, Framacalc, Framindmap, Framavectoriel… sont autant de projets certes bien moins évolués qu’un Google Docs par exemple mais qui rendent leurs services et répondent à de réels besoins. Vous avez été très nombreux à les utiliser (et faire preuve de patience lorsque nos serveurs étaient en difficulté pour cause de trafic élevé).

Le challenge pour nous désormais c’est d’abord de stabiliser l’infrastructure technique et de participer avec vous à les améliorer (ce qui signifie que nous allons de plus en plus souvent mettre les doigts dans le code). C’est également de faciliter la tâche de ceux qui souhaitent les installer sur leurs propres serveurs (participant à décentraliser le web). Enfin nous avons d’autres applications dans nos cartons qui pourraient venir s’adjoindre aux services déjà existants.

Google c’est dix milliards d’euros de chiffre d’affaire par trimestre et une trésorerie avoisinant les cinquante milliards[2]. Chiche de proposer ensemble une alternative avec un budget représentant 1 à 2 minutes de leur CA soit 0,0004% de leur trésorerie !

L’association qui soutient le réseau et sa communauté de bénévoles compte aujourd’hui 3 permanents, financés presque exclusivement par vos dons (défiscalisables). Nous vous remercions pour votre attention et votre don éventuel.

http://soutenir.framasoft.org/

L’équipe Framasoft

PS : Ajoutons également que nous allons en profiter pour nous séparer nous-mêmes des traces de Google qui traînent sur le réseau (Publicité, Analytics…), histoire de montrer l’exemple et d’être cohérent. A fortiori si cette campagne rencontre adhésion.

Notes

[1] Grand merci à L.L. de Mars pour son dessin original de soutien que vous trouverez en format haute définition. Il est également disponible au format badge parmi d’autres anciennes illustrations dans le générateur de bannières. N’hésitez pas à le partager ;)

[2] Voir par exemple ce site qui calcule en temps réel les revenus de certaines multinationales.

Chapitre VI — Comptes de la vie errante

mercredi 20 novembre 2013 à 17:28

Écrire, c’est faire des listes.

Depuis longtemps le site echolalie s’adonne aux délices des listes et méta-listes tous terrains, mais la prolifération virale des listes sur Internet et quelques magazines encore en papier est une mode récente. Nous retrouvons ainsi une très archaïque pratique dont certains estiment qu’elle est à l’origine même de l’écriture, et qu’elle répond au besoin de dénombrer. 

C’est ce même besoin peut-être qui a poussé notre ami Pouhiou, le vagabond duraille, à établir une sorte de bilan de ses déplacements et de leur coût financier, de même qu’il fait sans doute quotidiennement le bilan de son travail d’écriture en nombre de mots et de chapitres ou séquences. 

Nous le retrouvons aujourd’hui à Limoges, c’est-à-dire autant chez lui qu’il est possible, parmi ceux qui l’entourent de leur amitié et contribuent ainsi à la création.

J’irai écrire chez vous épisode 6 : Limoges

Limoges est un passage obligé dans mes pérégrinations scripturales. Non pas pour la ville en elle-même (et certainement pas pour les porcelaines !)… Mais parce que j’y retrouve l’ami qui a tant de fois hébergé ma plume… et initié, quelque part ce défi fou.

Je n’ai pas écrit dans le train.

C’était pourtant mon espoir secret. Durant mon voyage, je suis tombé sur une promo SNCF, qui mettait le train au même pris que le co-voiturage. Ce qu’il y a de bien dans le co-voiturage, c’est qu’on y parle. C’est aussi mon problème : quand je parle, je n’écris pas. Voyant la promo, je me suis dit : en préférant le train, je pourrai bosser durant les temps de transports, et gagner ainsi quelques précieux mots. Car voyager tous les trois jours, c’est perdre quasiment une journée d’écriture à chaque fois.

Je n’avais pas prévu que mon voisin de train poserait un magazine sur la tablette que nous partagions. Que ce magazine serait ouvert à l’article « Numérisation des livres : l’enjeu de demain » (ou un truc du genre). Et que je pouffe devant ce titre, pensant au BookScanner de Benjamin Sonntag.

Résultat : 4 heures de train ET de discussions passionnées avec un inconnu dont je n’ai même pas su le prénom.

Étienne, mon ami bulle d’oxygène

À Limoges, il y a Étienne. Étienne, c’est le mec qui m’a appris à dire « et alors ? ». À mettre un peu de légèreté dans la gravitas avec laquelle je prenais la vie. Étienne, c’est le mec à qui je peux dire : « écoute ça fait trois mois que je fais mes recherches, ma structure, etc. là il faudrait que je me mette à taper ma pièce de théâtre, mais c’est la première, et je sais pas, et j’ai peur, et… » Et il va me fermer ma gueule. Me dire de venir dans sa chambre d’étudiant à Nancy. De décompresser.

Bandeau du site http://et-alors.net/

J’ai réussi à entamer l’écriture de Tocante chez lui. Puis j’y re-squatté chez lui, pour la 2e version de cette pièce, pour le théâtre en appartement. J’ai testé le principe des NoéNautes chez lui et Valérie, le fameux « cul de Fulbert » est né alors qu’il m’apprenait à couper du bois. J’ai fini #MonOrchide chez eux, inspiré par les phrases des lecteurs dont une d’Étienne. Je ne pouvais pas ne pas aller écrire chez eux.

J’ai écrit chez Étienne et Valérie

Résumé des épisodes précédents : le dernier jour chez Adrienne, premier jour du chapitre IV, je n’écris que 600 mots. Le jour suivant je n’écris pas dans le train vers Limoges. Le temps d’arriver, de retrouver Étienne et Valérie, manger un morceau ensemble (avec des amies communes), etc. On est déjà le soir. Je m’éclipse devant ma tablette et finalise le billet de blog contant le retour sur Paris. Il est minuit quand je m’attèle enfin au chapitre IV. Je n’en peux plus j’ai les yeux qui partent en couilles d’hirondelle (comme le dirait madame Marquet). Bien, on n’y arrivera pas aujourd’hui, on verra demain. Le lendemain, coup de mou. 2700 mots, presque 2 jours à rattraper, et aucune avance. Il est grand temps d’appliquer ce qu’Étienne m’a appris : le fameux “et alors ?”. Je me promène et j’écris. Je papote avec Étienne, Valérie et leurs proches et j’écris. On regarde United States of Tara et j’écris…

Un chapitre IV jouissif

Tout cela parce qu’au dîner la veille, on échangeait nos madeleines proustiennes. L’odeur du chocolat qui rappelle le papa menant à l’école en vélo, glissant une barre de chocolat dans le cartable avant de laisser l’enfant. Souvenirs, madeleines de Proust… J’ai eu envie de parler de deux collectionneurs de madeleines. C’est un premier jet. Le clavier bluetooth de ma tablette ajoute ses fautes de frappes aux miennes. Il y a beaucoup d’approximations qu’il faudra vérifier, mais pas le temps d’affiner les recherches. C’est un premier jet qui file entre les doigts… en 3 jours le chapitre est bouclé. Mais what a fucking premier jet ! Ça va tout seul, ça va loin, ça me ramène dans “mon” Palais des Papes (j’y ai été guide stagiaire dans une autre vie)… Et j’en profite pour explorer des angles littéraires qui ne devraient pas exister dans toute géométrie qui se respecte. Comme le dirait madame Marquet : ce livre m’espante de plus en plus.

La geste des transports

Mine de rien, ça coûte de la thune, de voyager. Surtout quand t’as pas beaucoup pour entamer le mois. On a commencé à Paris. Afin que je participe à la journée Domaine Public à l’assemblée Nationale, Framasoft m’a payé le billet de train (ce qui est une belle raison de plus de les soutenir de vos dons — et ce sera déductible des impôts en plus).

Mais profitant d’une promo SNCF, j’ai fini d’acheter mes billets de train. Du coup, juste en transports j’en suis à :

Tout cela c’est sans compter les tickets Ratp, les bus à Rouen, Rennes, etc. ni le billet de retour Nice-Toulouse. Bref : 189 € en tout, comme quoi être vagabond ça coûte !

Le conte des comptes.

Qu’à cela ne tienne, j’ai eu des dons. 270 € de dons déjà ce mois-ci. Les deux derniers dons Paypal me touchent particulièrement. Deux personnes qui me connaissent, avec qui on bosse, qui m’ont déjà beaucoup aidé de leurs collaborations et soutiens indéfectibles… Qui en plus me soutiennent de leur argent. C’est un vrai privilège que de pouvoir instiguer ce genre d’échanges, de dynamiques. Alors voilà, tu vois que mes comptes s’équilibrent (plutôt peu que prou, mais bon…) Donc n’hésite pas à soutenir Framasoft qui permet abrite et relaie ce genre de vies, et à venir flattrer mes articles sur NoeNaute.fr (même que sur octobre j’ai touché 10 € 55 de Flattr !)

J’arrête là mes comptes, mon train arrive en gare de Foix…

La cité comtale pour y écrire des contes… Forcément !

À dans trois jours,

— Pouhiou.

La monnaie électronique, 33 questions à Lionel Dricot (alias Ploum)

mardi 19 novembre 2013 à 23:40

Lionel ou plutôt Ploum dans sa vie en ligne, beaucoup de lecteurs réguliers du Framablog le connaissent : non content de prendre position pour la monnaie électronique ou le revenu de base, il s’efforce de mettre en œuvre concrètement les solutions qu’il prêche. C’est ainsi qu’il a décidé de monnayer de façon originale ses billets de blog depuis quelque temps.

Tandis qu’il est sur la route du nanowrimo comme son copain Pouhiou en ce mois de novembre, nous avons souhaité faire le point avec lui sur l’état de son expérience, son évolution probable, et recueillir ses réponses et autres prédictions sur le développement ou non de ces pratiques numériques qui pourraient changer le monde.

C’est notre techie émérite Luc qui est aux commandes pour tourmenter Ploum de ses questions.

Bonjour Ploum. Tu pourrais te présenter un peu pour nos lecteurs qui ne te connaîtraient pas encore ?

Je suis blogueur, développeur de logiciel libre, ingénieur. J’aime écrire, je m’intéresse au futur et à notre société en général. J’ai même écrit des articles pour le Framablog.

2. Tu peux nous présenter aussi un peu Bitcoin et Flattr ?

Bitcoin est une monnaie, un moyen d’échange. Flattr est un moyen de transmettre des euros à un créateur. Les deux ne sont pas liés, même si on peut charger son compte Flattr avec des bitcoins (ils seront automatiquement convertis en euros). Mais le mieux c’est que je vous renvoie aux articles à ce sujet. J’ai écrit Bitcoin pour les nuls ainsi qu’une présentation du bitcoin pour Framasoft. Quand à Flattr, je le décris dans cet article.

5. Qu’est-ce qui t’a décidé à proposer ces modes de soutien sur ton blog ? Tu y trouves quoi par rapport à des moyens classiques comme le virement, la CB ou Paypal ?

Au départ, l’idée était de simplement jouer avec ces technologies. Sur le forum Bitcoin, tout le monde s’encourageait à accepter les bitcoins dans son business. Mais moi, mon blog n’était pas un business. Je ne gagnais strictement rien. Je me suis dit que j’allais donc accepter les dons à titre symbolique et pour tester. Pareil pour Flattr. En parallèle, en tant que membre du Parti Pirate, je me posais pas mal de questions sur les « business models » liés à la création. Comment trouver une alternative au traditionnel « Si on pirate de la musique, les musiciens n’auront plus de sous » ? C’est un processus assez long que j’ai nourri d’expériences, de lectures, de rencontres.

J’ai fini par prendre conscience que, sans m’en rendre compte, moi aussi je créais. Et que donc, si je voulais avoir des arguments clairs, il fallait que j’arrive à monétiser ma création. Pas dans le but d’en vivre, mais simplement pour prouver que c’était possible. Si moi, avec un blog qui reste somme toute confidentiel, je peux faire un peu d’argent, c’est que le modèle existe. Ce que j’essaye de montrer aussi, c’est que je gagne un peu d’argent avec des créations qui sont libres et gratuites (mon blog est sous licence CC By) mais que je ne pourrais rien gagner du tout si, au contraire, je décidais de me protéger et tentais d’empêcher mes lecteurs de partager ce que j’écris.

22. Quels ont été les retours des lecteurs ?

Comme je l’ai dit, tout cela s’est fait progressivement, sans que j’en aie forcément conscience. Mon premier article sur bitcoin et Flattr date de 2010. Le véritable changement a eu lieu lorsque j’ai décidé de « rendre mon blog payant », en juillet 2013. Pour tout avouer, j’avais commencé cet article comme un texte générique d’encouragement à donner aux créateurs sur le Web. Et puis j’ai trouvé particulièrement amusant de le tourner d’une manière provocante. Je trouvais cela plus efficace, plus parlant. À vrai dire, je n’étais pas certain que cela fonctionnerait. Je m’attendais à beaucoup de retours de type « Mais pour qui tu te prends ? » ou « Franchement, tu te considères à ce point important qu’il faille te payer ? ». Mais je n’ai eu que très très peu de retours négatifs. Peut-être même pas du tout.

En fait, la démarche a été extrêmement bien comprise et j’ai réellement senti que j’avais mis les mots sur quelque chose qui était déjà partagé par beaucoup de monde. Je ne m’attendais pas à ce que ça fonctionne réellement mais j’ai reçu des dizaines de soutiens concrets. J’en ai été personnellement tout retourné. Pour la première fois, je me rendais compte que ce que je faisais pouvait avoir de l’importance pour les gens. C’est même tombé dans l’extrême inverse avec des lecteurs s’excusant de ne pas pouvoir payer. Du coup, j’essaie maintenant d’insister : si ce que j’écris est disponible gratuitement c’est justement pour que tout le monde puisse y avoir accès, sans contrainte. Si j’ai été utile ou si j’ai fait plaisir à quelqu’un qui a du mal à joindre les deux bouts, c’est merveilleux. J’espère que cette personne me sera reconnaissante et, qu’à son tour, elle décidera d’être utile ou de faire plaisir à quelqu’un d’autre.

appel aux dons sous le blog de ploum

Appel aux dons dans le blog de Ploum

31. Tu saurais nous donner une estimation chiffrée de ce que tu as gagné avec Flattr ? Avec Bitcoin ? Sur combien de temps ?

J’envoie chaque année les comptes détaillés de mes gains Flattr à mes supporters Flattr. Mais je vais faire quelques révélations en primeur pour Framasoft.

Jusqu’à l’année 2012, Flattr me rapportait entre 4 et 40 € par mois. J’ai gagné 155 € en 2011 et 240 € en 2012. En 2013, les choses ont commencé à exploser. Suite à mon article suggérant de tester Flattr, mes gains sont montés entre 80 € et 120 € par mois. L’article pour rendre mon blog payant m’a propulsé sur orbite avec des gains entre 160 et 225 € par mois, rien que sur Flattr. Donc oui, l’article pour rendre mon blog payant a été un véritable déclencheur auprès de mon public.

Pour tous les créateurs, je le dis et le répète : vous devez convaincre votre public. Vous devez expliquer pourquoi le public devrait vous payer. Et il faut répéter cela régulièrement tout en évitant d’être lassant. C’est un équilibre très difficile. Juste mettre un bouton Flattr et attendre ne sert à rien. Flattr est un moyen de paiement. Mais il faut donner envie au public de payer.

Pour les autres moyens de paiement, j’avoue ne pas tenir de comptes car cela m’ennuie profondément. Mais rendre mon blog payant fait que, de temps en temps, je reçois un don Paypal ou un virement surprise. C’est quand même toujours très agréable et c’est extrêmement motivant ! Même un petit don me donne envie de me jeter sur mon clavier pour me surpasser. Cela me donne l’impression d’être utile.

Après, il faut relativiser. Je ne peux pas vivre de mon blog. Mais on n’en est pas tellement loin. En discutant autour de moi, j’ai découvert qu’il y avait des journalistes freelance, des musiciens ou des écrivains qui gagnaient moins que moi ! Les chiffres sont donc devenus assez importants pour me permettre d’affirmer que le modèle fonctionne et qu’il pourrait même se révéler préférable pour les créateurs par rapport au modèle actuel.

24. Dans ton billet, tu poussais les développeurs, les artistes, etc. à utiliser ces moyens de soutien. Tu as convaincu beaucoup de gens ? Tu as eu des retours ?

J’observe de temps en temps des blogueurs qui copient un de mes billets sur le sujet pour faire un appel au don. Cela me fait plaisir (je précise qu’ils me préviennent). Mais je fais partie d’une mouvance plus large où je ne suis qu’un élément parmi tant d’autres. Lorsqu’on observe un auteur comme Neil Jomunsi se poser des questions sur un modèle traditionnel (il vend ses nouvelles et livres sur Amazon/Kobo/etc) et observer qu’il gagne plus avec Flattr qu’avec Amazon, on ne peut pas dire « Il a été convaincu par Ploum ». Non, il baigne tout simplement dans un écosystème qui remet certaines choses en question.

Je fais partie de cet écosystème et si je peux aider des lecteurs à se poser des questions, c’est génial. D’ailleurs, je me remets moi-même sans arrêt en question en lisant d’autres personnes. Mais, au final, ce n’est pas un qui convainc l’autre. C’est un groupe qui évolue. Et je trouve cela très positif. Il n’y a pas une bonne solution qui va supplanter une mauvaise. Il faut juste remettre en marche l’évolution permanente que certains s’entêtent à vouloir freiner.

Ploum voit loin. Aux avant-postes des nouveaux usages numériques, il nous confirme que la voie est libre, depuis cette percée vers l’avenir où se cache étrangement le profil de la Castafiore.

25. Que réponds-tu aux créateurs qui disent que le modèle du don, c’est revenir à une forme de mendicité ?

Je comprends très bien cette position car j’étais comme eux. Comme je l’explique, je pensais qu’on pouvait donner de l’argent de deux façons : soit parce qu’on avait besoin/envie de quelque chose qui n’était pas disponible gratuitement (on parle alors d’un « achat ») soit en donnant volontairement (la « charité »). Et demander la charité a souvent une connotation négative.

Mais cette vision vient tout simplement de l’erreur que nous faisons de confondre prix et valeur. Cette erreur est tellement forte qu’il a été observé que les livres électroniques en dessous de 3-4 € ne se vendent pas car les gens considèrent que, si c’est bon marché, c’est nul.

Pourtant, rien n’est plus faux ! Prenez un MP3 téléchargé d’une musique. Et prenez la même musique issue du CD collector avec boîte platinée or. L’un est gratuit, l’autre est très cher. Pourtant, au moment de l’écoute, vous ne pourrez pas les différencier ! La valeur est exactement la même ! Et si la musique est bonne, cela peut être une très grande valeur même si le MP3 est gratuit.

En conclusion, on peut donc dire que, aujourd’hui, pousser les gens à acheter un CD ou de la musique en ligne payante, c’est de la mendicité. En effet, la même musique est disponible gratuitement ! Demandez d’ailleurs à ceux qui achètent leur musique en ligne pourquoi ils ne téléchargent pas sur The Pirate Bay. Dans la plupart des cas, la réponse sera « Pour soutenir l’artiste ».

C’est donc un non-sens de parler de mendicité alors que nous sommes déjà dans cette situation. Le paiement est déjà volontaire. Ce que je reproche c’est que l’incitation à payer est extrêmement négative (on nous menace, on nous insulte, on détruit la notion du partage) alors qu’avec le prix libre, l’incitant est positif (payez comme vous le voulez, autant que vous pouvez pour soutenir l’auteur et l’aider à diffuser son art auprès de ceux qui ne peuvent pas payer). D’ailleurs, l’expérience In Rainbows de Radiohead ou les Humble Bundles prouvent amplement que l’incitant positif est commercialement bien plus rentable que le négatif ! De plus en plus d’artistes le comprennent. D’ailleurs, aujourd’hui même, Moby vient d’annoncer la disponibilité gratuite de son dernier album via Bittorrent…

26. Si tu pouvais changer quelque chose à Bitcoin ou Flattr, ce serait quoi ?

À Bitcoin, ce serait la facilité d’utilisation. J’y avais réfléchi et je pense que beaucoup de gens se penchent dessus. Cela va prendre du temps et, aujourd’hui, c’est vraiment le problème le plus critique (la sécurité étant notamment affaiblie par la complexité de Bitcoin). Avec Flattr, j’ai quelques idées mais j’en discute justement avec l’équipe de Flattr. Du coup, je vais garder la surprise ;-)

29. …et la valeur fluctuante du Bitcoin ? Elle ne te gène pas ? Le bitcoin qui passe de 150 à 300 € en une semaine, t’en penses quoi ?

Que l’euro fluctue beaucoup par rapport à mes bitcoins ;-) Plus sérieusement, il faut garder à l’esprit que la valeur qui importe c’est celle du moment où on dépense ses bitcoins. J’ai découvert que pizza.be et pizza.fr acceptaient les bitcoins. Du coup, c’est moins la valeur en euro du bitcoin qui importe que le prix de la pizza. Plus il y aura de sites acceptant les bitcoins, moins on se préoccupera de la valeur en euros.

Ceci dit, c’est aussi une excellente leçon d’économie. Je suis de l’avis de Rick Falkvinge qui estime que Bitcoin va complètement révolutionner la société.

J’entends beaucoup dire que le problème de Bitcoin, c’est qu’il est inégal. Que les premiers arrivés sont les plus riches. Mais, historiquement, ça a toujours été comme ça. La plupart des fortunes de France remontent à la noblesse d’empire. Les riches n’ont jamais rien fait qu’hériter des situations qu’ils ont parfois fait fructifier. Mais c’est facile de devenir encore plus riche quand on est déjà riche. Bitcoin n’est, malheureusement, pas un outil social. En revanche, je suis persuadé qu’il va justement permettre l’émergence de nouveaux paradigmes sociaux. Je pourrais vous en parler pendant des heures ;-)

Crédit photo Antanacoins licence CC BY-SA 2.0.

61. Tu expérimentes Patreon, ça fonctionne ? Et Gittip alors, pourquoi tu n’es pas convaincu ?

Patreon est très brouillon. Le site est à la limite de l’incompréhensible et le modèle de versement rend les charges très lourdes. Pour certains dons de 1$, je n’ai reçu que 40 centimes ! C’est quand même dérangeant surtout que j’ai suggéré plusieurs fois des améliorations mais je n’ai jamais eu de réponse. Patreon bénéficie de l’aura de son créateur, Jack Conte, mais, au contraire de Flattr, je le trouve très mal géré, mal pensé. J’espère qu’ils vont s’améliorer.

À l’inverse, Flattr est très bien léché mais ne bénéficie pas de l’aura d’un artiste renommé. De plus, Flattr n’est pas dans la Silicon Valley et, blasphème absolu, n’est pas en dollars !

Quand à Gittip, j’ai testé mais je n’ai tout simplement pas compris l’intérêt. Flattr et Patreon tente chacun de résoudre un problème clair. Je n’ai pas perçu le problème que Gittip tentait de résoudre. Je trouve plus simple de faire un don par Paypal/Bitcoin que par Gittip. Ceci dit, j’ai un compte sur Gittip et peut-être que cela va s’améliorer.

28. Comment perçois-tu l’évolution de ces solutions de financements alternatifs dans les prochains mois/années ?

Tout comme on a observé une explosion des acteurs du crowdfunding (Kickstarter, Ulule, Kisskissbankbank, etc), je pense qu’on va voir une explosion des solutions de micro-financement. Et puis qu’un filtre va se faire. C’est assez logique. Je prédis par contre de plus en plus de sites qui vont accepter les bitcoins et qui vont même en faire leur monnaie courante. En effet, le problème pour un européen sur Patreon, c’est que tout se fait en dollars. Il est donc dépendant du cours du dollar. Pour un américain sur Flattr, il est en euros. Pour le reste du monde, les deux situations sont problématiques. Je pense qu’on va observer graduellement un mouvement vers le bitcoin comme étalon de la monnaie internet.

J’ai également prédit, dans une petite fiction appelée « Le blogueur de demain », l’arrivée d’outils de financements à l’échelle individuelle. On va en arriver à un niveau où chacun pourra faire sa comptabilité et ses petits projets personnels directement en ligne. Un voyage avec des amis ? Un repas de Noël en famille ? L’achat d’une voiture en couple ? Le budget sera établi sur un service en ligne et l’argent sera directement dessus.

Au final, de moins en moins d’argent transitera par les banques. On paiera directement avec son smartphone et on achètera des cartes de crédit prépayées. La notion même de « salaire » va s’effilocher. Les gens seront de plus en plus auto-entrepreneurs et travailleront au coup par coup.

Ce scénario peut se révéler idyllique, chacun ayant plus de temps pour les projets qui lui tiennent à cœur, l’argent perdant de l’importance, tout comme il peut être apocalyptique s’il est nécessaire de travailler 80h par semaine pour se payer de quoi manger. C’est la raison pour laquelle je suis un fervent supporter du revenu de base : avec un revenu de base et une indépendance vis-à-vis des banques, le net sera un véritable outil de libération sociale.

33. Selon toi, quelles sont leurs principaux inconvénients et freins à l’adoption ?

Je suis toujours surpris de voir que des gens éduqués, des intellectuels, refusent d’acheter en ligne par simple crainte irrationnelle de « l’arnaque ». Il y a un réel souci à ce niveau. Parfois, des lecteurs me disent qu’ils veulent me soutenir mais ils n’ont pas de carte de crédit, ils n’ont pas d’argent en ligne. J’avoue que, au 21e siècle, c’est tout de même un frein à l’utilisation de beaucoup de services.

La France est spécialement en retard par rapport à la Belgique. En Belgique, toutes les banques sont entièrement accessibles en webbanking depuis des années et il est possible de faire gratuitement, en un seul clic, un virement vers n’importe quel compte en banque européen (zone SEPA). Lorsque j’entends des Français qui me disent devoir se rendre au guichet pour effectuer un virement ou des suisses me dire qu’effectuer un virement vers la Belgique coûte 10-15 € (ce qui me semble illégal selon l’accord SEPA), j’en reste effaré. J’ai l’impression que nous ne vivons pas dans la même époque. C’est une des raisons qui rendent les USA si attirants pour les sociétés web : un système bancaire unifié, une langue quasi-unique.

D’une manière générale, c’est très difficile d’expliquer un modèle basé sur Flattr et Bitcoin à une personne pour qui acheter un livre sur Amazon relève de la témérité absolue ou de la science-fiction. Peut-être que je vais parfois un peu trop vite en besogne mais il ne faut pas sous-estimer la vitesse à laquelle peut se produire un changement total de mentalités. Il y a un point de non-retour où, tout d’un coup, l’opinion bascule. Aujourd’hui encore, le net est relativement « accessoire » dans la société actuelle. Beaucoup pointent du doigt qu’il est moins important que ce que les geeks disent. C’est vrai. Mais je prédis qu’il sera beaucoup plus important dans le futur que tout ce qu’on peut imaginer.

42. Un petit mot de la fin ?

mmmh Aka m’a promis plusieurs fois d’intégrer Flattr sur le Framablog. S’il ne le fait pas, la prochaine fois ça se règlera à coup de frites dans les narines, une fois.

ploum regarde vers le haut