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Open Content dans les musées : un retour d’expérience du Getty Museum

vendredi 19 août 2016 à 13:42

Le Getty Museum constitue un grand établissement culturel américain dédié aux Beaux Arts qui a choisi, il y a trois, de rejoindre le mouvement Open GLAM pour embrasser une politique d’Open Content. Cela signifie que l’institution a décidé de rendre librement réutilisables les reproductions numériques des oeuvres produites à partir de ses collections, sans autre contrainte que l’indication de la source. Initié avec 4500 oeuvres, le programme en compte aujourd’hui plus de 100 000 , avec des images en haute résolution correspondant à des peintures, des dessins, des manuscrits ou des photographies appartenant au domaine public.

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Le Getty Center à Los Angeles. Image par Jelson25. Domaine public. Source : Wikimedia Commons.

Pour célébrer les trois ans du lancement de cette politique, le Getty a publié sur son blog un billet qui dresse un premier bilan et qui revient sur les difficultés ayant dû être surmontées pour ouvrir les contenus issus de deux projets. On se rend compte à la lecture de cet article que la politique d’Open Content ne concerne plus seulement au Getty les collections numérisées, mais aussi des publications numériques, des ressources pédagogiques, des jeux de données ou des logiciels. Comme ce billet a été placé sous licence Creative Commons BY (CC-BY), je peux vous en proposer ci-dessous une traduction en français.

J’ai trouvé cet article intéressant, car il témoigne de l’acquisition de nouvelles compétences que l’établissement a dû intégrer pour développer ces démarches innovantes d’Open Content. Le contraste est aussi hélas fort avec les établissements culturels français, qui sont toujours dans leur grande majorité retranchés derrière des pratiques de réservation des droits, empêchant la libre réutilisation des contenus qu’ils produisent.

La situation ne s’est hélas guère arrangée d’un point de vue légal. La loi « République Numérique » et la loi Valter vont poser un cadre général, qui va imposer à une grande partie des administrations publiques de passer à une politique d’Open Data par défaut. Mais les institutions culturelles vont conserver un régime dérogatoire, leur permettant de continuer à lever des redevances pour la réutilisation du produit de la numérisation de leurs collections. C’est dire que le copyfraud, à savoir la création de nouvelles couches de droits neutralisant les libertés conférées par le domaine public, va littéralement être légalisé en France…

Les portails récemment mis en ligne par de grandes institutions culturelles, comme celui de la RMN ou celui des musées de la Ville de Paris, témoignent encore d’une approche extrêmement fermée, avec des images certes accessibles en ligne gratuitement, mais en faible résolution et marquées d’un copyright entravant les réutilisations. On est aux antipodes d’une politique d’Open Content innovante comme celle du Getty.

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A gauche, une image de tableau issue de Wikimedia Commons. A droite, la même oeuvre sur le site Images d’art de la RMN. Cliquez sur l’image pour lire un article de Sylvain Machefert à ce sujet.

Pourtant malgré cette stagnation législative, les démarches d’ouverture restent possibles en France. Il suffit aux institutions culturelles de le décider, et certaines le font déjà, en optant pour des licences ouvertes pour la diffusion des contenus qu’elles produisent. Espérons que l’exemple du Getty puisse inspirer davantage d’entre elles. 

L’Open Content au Getty : Trois ans après, les leçons que nous avons apprises

Cette semaine, nous célébrons les trois ans du lancement de l’Open Content Program du Getty, qui a permis de mettre à disposition 4600 images en haute résolution issues des collections du Getty Museum et de l’Institut de Recherche du Getty, librement réutilisables, modifiables et publiables par quiconque à n’importe quelle fin. Dans l’annonce de ce lancement, notre président Jim Cuno laissait entendre que davantage de contenus seraient mis à disposition en libre réutilisation dans les mois suivants, y compris des publications numériques et d’autres ressources documentaires.

Et c’est ce qui s’est produit : depuis 2013, le Getty a libéré plus de 100 000 images supplémentaires dans le cadre de l’Open Content Program, et nous utilisons de plus en plus les licences ouvertes pour les contenus développés par le Getty : des sélections de publications numériques, des inventaires d’archives de l’Institut de Recherche, les données associées à la collection en ligne du Getty Museum, des ressources pédagogiques de l’Institut de Conservation du Getty, et jusqu’au blog que vous êtes en train de lire en ce moment. Ce faisant, notre priorité en développant des ressources sous licence ouverte a été de rendre le travail du Getty aussi largement disponible et réutilisable que possible, tout en maintenant simplement l’obligation de citer la source.

L’accès en ligne aux ressources culturelles aide à développer la compréhension des arts et se trouve au coeur de notre mission et de nos devoirs envers les communautés professionnelles au service desquelles nous travaillons. Mais l’Open Access et l’usage des licences libres représentent un changement significatif dans la manière sont le Getty conçoit, produit et diffuse des contenus, ainsi que dans la gestion des droits associés. Nous nous sommes rendus compte qu’en la matière, il est souvent plus facile de dire que de faire, particulièrement pour des projets qui ont été conçus avant que le Getty n’embrasse une politique d’Open Content.

Pour le troisième anniversaire du lancement de notre Open Content Program, nous partageons quelques unes des leçons que nous avons apprises en cours de route, en nous concentrant sur deux projets récents de l’Institut de Recherche qui ont nécessité une collaboration étroite entre l’équipe juridique du Getty (Mikka) et le groupe sur le numérique et l’histoire de l’art de l’Institut de Recherche (Nathaniel et Marissa).

Creative Commons: Pietro Mellini’s Inventory in Verse, 1681

L’inventaire en vers de Pietro Mellini (1681) (le Mellini en abrégé) est une publication en ligne incluant un facsimilé de l’inventaire écrit en vers par Pietro Mellini au 17ème siècle à Rome pour décrire la collection d’art de sa famille, des essais rédigés par des chercheurs pour resituer le document dans son contexte et une liste partiellement illustrée des oeuvres d’art figurant dans l’inventaire. Le Mellini est à présent disponible sous la licence Creative Commons Paternité 4.0 (CC-BY).

Nous avons décidé de faire passer  le Mellini sous CC-BY seulement après qu’il ait été publié. Après avoir vu une présentation du projet par son principal instigateur Murtha Baca, Mikka regarda quel était le statut juridique du projet et s’il était possible de le publier sous une licence ouverte. Il est vite apparu qu’il s’agissait d’un candidat idéal pour plusieurs raisons :

  1. L’objet lui-même (l’inventaire de Mellini) faisait partie des collections de l’Institut de Recherche ; il n’y avait donc pas de permission à demander à un prêteur ;
  2. L’objet appartenait au domaine public en raison de son ancienneté et aucune restriction de droit d’auteur ne s’appliquait, ni sur l’objet lui-même, ni sur ses reproductions ;
  3. La traduction et les textes d’accompagnement ont été réalisés par des employés du Getty ou ont été sollicités par l’établissement comme des travaux de commande, ce qui lui garantissait le bénéfice des droits sur tous les textes ;
  4. Les oeuvres d’art reproduites étaient aussi dans le domaine public et dans la plupart des cas, des images de référence librement réutilisables pouvaient être trouvées sur Wikimedia Commons.

(Note : la Fondation Wikimedia, comme le Getty, estime que les reproductions fidèles en deux dimensions d’oeuvres du domaine public appartiennent elles-mêmes au domaine public, en raison du défaut d’originalité requis pour pouvoir revendiquer la protection du droit d’auteur. Voir Bridgeman Art Library v. Corel Corp., 36 F. Supp. 2d 191, 196–97 (S.D.N.Y. 1999); voir aussi Feist Publ’ns v. Rural Tel. Serv. Co., Inc., 499 U.S. 340, 359–60 (1991) – « l’originalité, non les simples efforts (sweat of the brow), constitue la pierre angulaire de la protection du droit d’auteur… »)

En travaillant ensemble, nous nous sommes assurés qu’une licence CC-BY pouvait être appliquée à la vaste majorité des contenus du Mellini. Le seul point problématique résidait dans les quelques images provenant de sources extérieures, pour lesquelles des autorisations avaient été demandées et obtenues avant que la décision de placer le Mellini sous licence ouverte ne soit prise. En d’autres termes, les permissions originales couvraient seulement la publication en ligne, sans mentionner la licence CC-BY, et dès lors, nous ne disposions pas contractuellement de la possibilité de placer ces contenus sous licence ouverte.

Le défi technique et juridique a alors consisté à trouver un moyen d’appliquer la licence CC-BY aux contenus produits par le Getty, tout en excluant les contenus extérieurs sur lesquels des tiers continuaient à se réserver les droits. Cela nécessita de produire une mention écrite suffisamment claire dans les notices du projet à destination des lecteurs humains, et d’ajouter une mention lisible par les machines (par le biais de marqueurs HTML) pour indiquer également le statut juridique de chaque élément aux crawlers web.

GNU : l’espace de travail des chercheurs du Getty

L’espace de travail des chercheurs du Getty (Getty Scholars’ Workshop) est un environnement numérique collaboratif de recherche à destination des historiens de l’art. Dès sa conception, il a été pensé comme un outil numérique open source qui devait gratuitement être mis à disposition de la communauté scientifique (ou n’importe qui d’autres qui voudrait l’utiliser !). Il a été développé sous Drupal, un CMS open source utilisé principalement pour développer des sites web. Drupal bénéficie d’une communauté active de programmeurs qui contribuent au CMS en produisant des modules.

Même si l’intention de base a toujours été de mettre à disposition le code source de cet espace de travail sous licence libre, la plus grande partie a été développée avant que le Getty n’adopte une politique d’Open Access, et avant que le Getty ait intégré les bonnes pratiques en matière de développement en interne et de publication en open source des logiciels. Ainsi comme avec le Mellini (qui par coïncidence a utilisé une des premières versions de l’espace de travail des chercheurs du Getty durant sa phase de recherche), la décision d’opter pour des licences ouvertes fut simple à prendre, mais plus difficile à mettre en oeuvre (notamment pour déterminer quelle licence nous devions utiliser).

L’espace de travail des chercheurs du Getty a été développé avec la version 7 de Drupal et il utilise une combinaison de modules modifiés ou non, issus de la communauté Drupal. Tous les modules produits par la communauté Drupal sont publiés sous GNU General Public Licence, Version 2 ou suivante. Cependant, l’espace de travail des chercheurs du Getty utilise aussi un certain nombre de modules open source qui n’ont pas été produits par la communauté Drupal et qui, de ce fait, ont été publiés selon des licences que leurs auteurs estimaient appropriées.

De plus, plusieurs des 28 modules développés par l’Institut de Recherche contenaient des lignes de code empruntées à des tiers, une pratique commune dans la communauté open source. Cela signifie que de multiples licences extérieures s’appliquaient même aux modules développés par ou pour l’Institut de Recherche, au-delà de la seule GNU GPL applicable aux composants Drupal. Et nous avions besoin d’une seule licence pour l’ensemble…

Pour choisir la bonne licence, il s’agissait d’identifier les licences open source qui correspondaient aux priorités du Getty (rendre le travail disponible le plus largement possible et le plus facilement réutilisable, tout en maintenant l’obligation de citer la source), et ainsi déterminer quelles licences seraient compatibles avec les différentes obligations contractuelles s’appliquant aux parties incorporées dans le logiciel. Pour accomplir cela, nous avons eu besoin d’un consultant extérieur afin d’analyser les termes des licences portant sur les quelques 5000 fichiers stockés dans 121 répertoires qui composaient le code source. Et tout cela dut être effectué dans un laps de temps très court pour rester en phase les échéances fixées pour la réalisation du projet par les financeurs du projet. Finalement, après une analyse approfondie, l’espace de travail des chercheurs du Getty fut publié sous la GNU General Public Licence, version 3.

A retenir

Les défis liés à l’Open Access ou à l’Open Source sont les mêmes que ceux qui s’attachent à tout changement de cadre ou de paradigme : parce que c’est nouveau, la plupart d’entre nous doivent apprendre en avançant. Travailler sur le Mellini ou sur l’espace de travail des chercheurs du Getty nous a apporté quelques enseignements.

Tout d’abord, il est important pour l’institution de comprendre clairement – et d’être capable d’expliciter – pourquoi elle attache de l’importance aux licences ouvertes, et d’être en mesure de faire la distinction entre les projets qui peuvent et doivent être publiés sous licence ouverte et ceux qui ne peuvent pas ou ne doivent pas l’être.

Deuxièmement, il est beaucoup plus facile de construire un projet très le départ en open source plutôt que d’ouvrir un projet après coup. Quand l’Open Access est dès l’origine un des objectifs du projet, cela aide à prendre les décisions, en particulier celles liées aux contrats avec les collaborateurs et les consultants, ainsi que dans le choix des images et du code pour les logiciels. Troisièmement, la question des licences applicables aux logiciels peut s’avérer extrêmement complexe, spécialement quand le logiciel est construit avec des morceaux de code préexistant (ce qui facilite les choses durant le développement, mais peut compliquer la publication).

La bonne nouvelle, c’est qu’incorporer un élément de contenu en droits réservés n’empêche pas forcément le reste du projet d’être publié sous licence ouverte. Selon les termes des licences Creative Commons, elles s’appliquent aux « Contenus licenciés » et ces contenus peuvent être définis de manière à inclure seulement les éléments appropriés d’un projet. Cependant, dans la mesure où cet univers des licences ouvertes, et spécifiquement la manière dont s’en emparent le secteur des bibliothèques, musées et archives, est encore relativement nouveau, nous n’avons pas encore de précédents et d’exemples clairs sur lesquels nous appuyer pour le choix des licences, en particulier pour rendre compréhensible les textes destinés à être lus par des humains et pour s’assurer de la précision des textes lisibles par les machines. Pour le Mellini et l’espace de travail des chercheurs du Getty, nous avons fait de notre mieux en accord avec les objectifs en matière d’Open Access du Getty. Nous souhaitons voir et apprendre de ce que d’autres ont pu faire et continuer ainsi à contribuer au développement des ressources culturelles libres.

 


Classé dans:Bibliothèques, musées et autres établissements culturels, Domaine public, patrimoine commun Tagged: Creative Commons, Domaine public, musées, Numérisation, open content, Open Source

Pokémon GO et la quatrième dimension de la propriété

lundi 15 août 2016 à 11:10

Ces dernières semaines auront été marquées par la folie Pokémon Go et une annonce a priori assez délirante me donne l’occasion d’aborder ce sujet sous l’angle juridique. On a appris en effet que le maire de la commune de Bressolles, petit village de 800 habitants dans l’Allier, avait pris un arrêté pour « interdire l’implantation de Pokémon sur la commune », en avançant des  motifs de sécurité. L’acte a été adressé à Niantic, la société éditrice du jeu, ainsi qu’à la Pokémon Company.

pokémon

On pourrait à première vue trouver cocasse ce type d’interdiction proférée par un maire, mais les problèmes se sont multipliés ces dernières semaines à propos de villes ou de lieux publics ne souhaitant plus figurer sur la carte virtuelle du jeu. Aux alentours du 6 août dernier, la ville d’Hiroshima a par exemple demandé à Niantic de retirer les points d’apparition des Pokémon, les arènes et les « Pokéstops » – points d’intérêt localisés sur la carte où les joueurs peuvent venir récupérer des bonus – afin que l’application ne perturbe pas les commémorations du 71ème anniversaire de l’attaque nucléaire sur la ville. D’autres lieux comme le Musée d’Auschwitz-Birkenau, le Musée de l’Holocauste à Washington, la prison des Khmers rouges au Cambodge ou encore l’ossuaire de Douaumont en France ont demandé – et obtenu – d’être ainsi « rayés de la carte ». Niantic a même fini par mettre en place un formulaire pour signaler des centres d’intérêts inappropriés et en demander le retrait.

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Ces divers incidents soulèvent une intéressante question, qui a très bien été posée dans un article du Guardian paru le mois dernier : « A qui appartient l’espace virtuel autour d’un lieu physique ? ». Le journaliste démarre son papier en faisant remarquer qu’il est interdit d’aller accrocher un panneau sur le mur d’une maison appartenant à quelqu’un. Mais l’application Pokémon GO « épingle » par contre de son côté des lieux sur la carte du jeu, en les transformant en points d’apparition de créatures à attraper, en Pokéstops ou en arènes où combattre d’autres joueurs. Le jeu en réalité augmentée ouvre comme une « quatrième dimension », au sein de laquelle des lieux physiques sont inclus. La question que l’on peut dès lors se poser est de savoir s’il existe un titre de propriété – publique ou privée – valable dans cette quatrième dimension, qui permettrait de s’opposer à ce que le lieu apparaisse dans le jeu.

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Des Pokéstops sur la carte du jeu Pokémon GO.

Jusqu’à présent, Niantic a choisi de résoudre cet épineux problème, en le contournant par la mise en place d’une procédure « d’opt-out » (option de retrait), comme l’explique très bien Olivier Ertzscheid sur son blog, en dressant un parallèle intéressant avec l’indexation des sites web par les moteurs de recherche :

Les responsables de ces différents lieux ont donc la possibilité de remplir un formulaire de demande de retrait. A charge ensuite, pour la société Niantic de traiter leur demande. Ce problème est un problème de référencement connu depuis l’existence de moteurs de recherche. C’est aussi le problème de l’opt-in et de l’op-out. Je m’explique. Pour pouvoir fonctionner les moteurs de recherche indexent la totalité des pages web accessibles. C’est à l’éditeur de tel ou tel site, s’il ne souhaite pas le voir apparaître dans les résultats du moteur, d’en demander explicitement la désindexation ou le déréférencement aux moteurs concernés ; on parle alors d’une logique « d’opt-out » : le moteur indexe par défaut toutes les pages et si vous ne souhaitez pas qu’il indexe la votre, c’est à vous de faire explicitement une demande de « sortie ». A l’opposé on trouve les logiques « d’opt-in » qui voudraient qu’avant d’indexer une page ou un site, les moteurs de recherche obtiennent l’accord préalable du propriétaire du site. Ces questions avaient notamment défrayé la chronique aux heures les plus polémiques de Google Books, lequel pratiquait le même type d’opt-out sur les oeuvres littéraires que sur les pages web et les éditeurs et auteurs souhaitant qu’il mette en place une procédure d’opt-in.

Dans le cadre de PokemonGO, la société Niantic s’appuie sur plusieurs bases de données (dont celle qui répertorie les différents « points d’intérêt » sur lesquels sont implantés les arènes et autres Pokestops) ainsi que sur le système de cartographie Google Maps (qui est aussi une base de donnée). L’opt-out pratiqué est ainsi un opt-out géographique qui peut se résumer de la manière suivante : tous les lieux publics (jardins, parcs …) ou semi-publics (musées par exemple) et « points d’intérêt » géographiques existants sont potentiellement des implantations possibles d’arènes et de pokestops (et donc de pokémons), à charge pour leurs responsables de demander leur retrait.

Le problème, c’est que par définition l’opt-out manifeste la défaite du droit de propriété. Pour qu’une propriété existe juridiquement en tant que telle, il faut en principe qu’elle se manifeste par le biais d’un droit exclusif, nécessitant l’autorisation préalable du titulaire du droit de propriété pour obtenir la possibilité d’effectuer l’usage envisagé du bien. Il en est ainsi qu’il s’agisse de propriété corporelle ou intellectuelle. Dans le cas de Pokémon GO, le fait que Niantic ait mis en place un formulaire nécessitant une action positive pour se retirer de la base de données constitue en réalité déjà une manière de dénier l’existence d’un droit de propriété sur « l’espace virtuel » qui lui serait opposable et cela ressemble en réalité beaucoup, comme Olivier Ertzscheid le fait remarquer, à la manière dont Google avait procédé pour son projet géant de numérisation Google Books.

On va voir cependant qu’il existe peut-être des droits de propriété dotés d’une force juridique suffisante pour rester valables « de l’autre côté du miroir », dans cette quatrième dimension ouverte par Pokémon GO dans la réalité virtuelle.

Le précédent de la troisième dimension

Ce qui arrive avec Pokémon GO n’est à vrai dire pas complètement nouveau. Les environnements virtuels ont toujours posé des questions complexes en lien avec la propriété. On se souvient par exemple que la question s’était posée de savoir quel titre de propriété les joueurs de Second Life, un des premiers univers persistants massivement multijoueurs, pouvaient revendiquer sur les « terrains » qu’ils achetaient dans le jeu. Des juridictions nationales ont même fini par reconnaître que des objets virtuels, comme des items magiques dans un MMORPG, pouvaient être « volés » à l’image des objets physiques. Mais ici avec Pokémon GO, la question est d’ordre différent : il ne s’agit pas en effet de savoir un si droit de propriété peut exister sur un objet virtuel, n’ayant pas de contrepartie dans l’environnement physique. Il s’agit au contraire de savoir si le détenteur d’un droit de propriété sur un lieu physique peut s’appuyer sur ce droit pour s’opposer à l’apparition du lieu dans un espace virtuel.

L’article du Guardian évoque du coup un précédent juridique ancien, mais bien plus approprié, que l’on peut rapprocher de cette situation. Il s’agit d’une décision de la Cour suprême des Etats-Unis datée de 1946 relative à ce que l’on pourrait appeler la portée du droit de propriété dans la troisième dimension. Un éleveur de poulets se plaignait en effet que ses bêtes étaient troublées par le passage d’avions au-dessus de sa propriété, à cause de l’implantation d’un aéroport tout proche. Il avait pour cela attaqué l’Etat américain et demandait une compensation financière. Pour appuyer sa revendication, il arguait du fait que le droit de propriété qu’il possédait sur le sol de son terrain s’étendait à l’air situé au-dessus jusqu’au ciel et qu’il était fondé à demander sur cet base une sorte de « droit de passage » aux avions qui traversaient « son » espace.

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Image par Arpingstone. Domaine public. Source : Wikimedia Commons.

Or il existait à l’époque une ancienne doctrine juridique sur laquelle il pouvait s’appuyer, résumée par cette citation latine  : « Cuius est solum, eius est usque ad coelum et ad inferos » (Celui qui possède le sol possède aussi le ciel jusqu’aux cieux et les profondeurs jusqu’en enfer). Or dans cette affaire, la Cour suprême a choisi de renverser cette conception extensive de la propriété, en considérant que l’ancienne doctrine n’était plus adaptée aux temps modernes. Elle a considéré que le propriétaire d’un terrain pouvait revendiquer son droit jusqu’à une hauteur qu’il était capable d’exploiter, mais pas au-delà. Cette décision, à première vue assez étrange, est très importante d’un point de vue théorique, car elle atteste que le droit de propriété ne saurait être considéré comme une prérogative absolue et qu’il peut recevoir des limites.

Pokémon GO soulève une question assez similaire, mais à propos de la « quatrième dimension », celle de l’espace virtuel dans lequel des tiers sont susceptibles de projeter des objets physiques sur lesquels portent droits de propriété .

Emprise sur le domaine public immatériel ?

Si l’on revient au cas de l’arrêté édicté par le maire de la commune de Bressolles, on constate qu’il est motivé par des raisons de sécurité. Cela signifie que le maire a fait usage de son pouvoir de police administrative pour prendre cet acte, lequel lui permet d’édicter des interdictions ayant pour but de préserver l’ordre public, compris comme la sécurité, la tranquillité et la salubrité publique (ainsi que le respect de la dignité humaine). Le jeu Pokémon GO a déjà provoqué des attroupements importants dans certaines villes, ainsi que des comportements potentiellement dangereux, sans doute susceptibles de troubler l’ordre public. Mais les pouvoirs de police du maire sont théoriquement limités par un principe de proportionnalité lui imposant de ne mettre en place que des interdictions strictement nécessaires et il est quasi certain qu’une interdiction générale du jeu  à l’échelle de la commune serait retoquée par la justice administrative. Certains font cependant valoir que l’état d’urgence actuellement en vigueur permettrait peut-être aux préfets d’aller plus loin, mais sans doute pas jusqu’à l’interdiction pure et simple de l’application.

On peut par contre se demander si le maire, plutôt que d’utiliser son pouvoir de police administrative, n’aurait pas mieux fait de s’appuyer sur le droit de propriété publique dont bénéficie une entité comme une commune sur les lieux qui lui appartiennent. On touche là à une question de domanialité publique, potentiellement intéressante. C’est à ce titre par exemple que les cafés doivent demander une Autorisation d’Occupation Temporaire (AOT) lorsqu’ils veulent installer des terrasses qui empiètent sur la voie publique. La personne publique prend alors un arrêté pour délivrer une autorisation et impose le paiement d’une redevance en contrepartie de cet usage, qui « privatise » le domaine public. On pourrait se demander dans quelle mesure l’implantation de points d’apparition de Pokémons, de Pokéstops ou d’arènes ne constituent pas des formes « d’emprise » sur le domaine public, soumises au droit de propriété publique des collectivités locales.

Certes, ce n’est pas le lieu physique en tant que tel qui fait directement l’objet d’un usage, bien que la transformation d’un lieu public en point d’intérêt sur la carte du jeu est susceptible d’y attirer un grand nombre d’utilisateurs, tout a fait réels, qui arpenteront l’espace. Mais pour que le droit de propriété publique soit opposable directement à la société Niantic, il faudrait qu’existe quelque chose comme un « domaine public immatériel » qui prolongerait le domaine public physique. Ce genre de questions se sont déjà posées, notamment à propos de la numérisation d’ouvrages anciens appartenant aux collections des bibliothèques publiques. Les livres en eux-mêmes, lorsqu’ils sont « anciens, rares ou précieux » font partie du domaine public de la personne publique de tutelle de la bibliothèque où ils sont conservés. Mais on a pu se demander si le droit de propriété publique s’étendait aux copies numériques réalisées lors d’opération de numérisation. Jusqu’à présent, la réponse de la doctrine juridique semble plutôt rejeter une telle hypothèse et ne pas reconnaître l’existence d’un « domaine public immatériel ».

On arrive donc à la conclusion qu’il serait sans doute difficile pour une personne publique d’utiliser le droit de la domanialité publique pour s’opposer à l’implantation de Pokéstops ou d’arènes sur son territoire.

Quelle portée pour le droit à l’image des biens ?

Comme on peut le voir ci-dessous, pour indiquer l’emplacement d’un Pokéstop dans le jeu, l’application utilisable des photographies de bâtiments ou de monuments situés dans les espaces publics.

pokéstop

Or il existe une jurisprudence en France relative au droit à l’image des biens. Au début des années 2000, un débat a eu lieu pour savoir si le propriétaire d’un bien bénéficiait aussi d’un droit exclusif sur l’image de ce bien. Les décisions de justice rendue en la matière ont fluctué, jusqu’à ce que la Cour de Cassation ne tranche la question par un arrêt « Hôtel de Girancourt », rendu le 7 mai 2004. La haute juridiction a alors estimé que :

le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci ; il peut toutefois s’opposer à l’utilisation de cette image par un tiers lorsqu’elle lui cause un trouble anormal

On peut en conclure qu’il n’existe pas de droit à l’image des biens, mais que l’usage que l’on fait d’une telle image ne doit pas causer de trouble anormal au propriétaire. Or avec Pokémon GO, des cas ont déjà été rapportés d’attroupements autour de bâtiments, voire même d’intrusions dans des propriétés privées par des joueurs à la recherche de bestioles à attraper. Un propriétaire subissant ce genre de désagréments pourrait donc sans doute faire valoir l’existence d’un « trouble anormal » pour demander à ce que son bien soit retiré de la carte du jeu.

On peut aussi noter qu’une certaine forme de droit à l’image des biens a été confortée en juin dernier lors du vote de la loi Création. Le texte a en effet instauré un régime d’autorisation préalable pour l’usage de l’image des immeubles des domaines nationaux (ce qui correspond à des monuments comme le château du Louvre, Chambord, le Louvre, etc.) :

L’utilisation à des fins commerciales de l’image des immeubles qui constituent les domaines nationaux, sur tout support, est soumise à l’autorisation préalable du gestionnaire de la partie concernée du domaine national. Cette autorisation peut prendre la forme d’un acte unilatéral ou d’un contrat, assorti ou non de conditions financières.

L’application Pokémon GO s’appuyant sur un modèle économique à base de micro-transactions, on peut considérer que l’utilisation qu’elle fait des images de bâtiments revêt un caractère commercial. Les gestionnaire des domaines nationaux pourraient donc opposer valablement à Niantic ce nouveau droit à l’image des biens.

La propriété intellectuelle de l’autre côté du miroir

Plus encore que la propriété publique ou le droit à l’image des biens, la propriété intellectuelle paraît susceptible de « traverser le miroir » et de garder une force opératoire dans l’espace virtuel d’un jeu comme Pokémon GO.

Il est déjà arrivé à de nombreuses reprises dans le passé qu’une marque de commerce utilisée pour désigner un bien physique soit revendiquée pour une apparition de l’objet dans un environnement virtuel. Second Life a par exemple soulevé ce genre de questions lorsque des objets virtuels reproduisant des marchandises physiques ont été vendus dans des boutiques apparaissant dans le jeu. Une marque de voitures comme Ferrari s’est déjà opposée avec succès à ce que ses modèles de véhicules figurent dans un jeu vidéo. Si le nom d’un lieu est protégé par une marque – ce qui est fréquent -, il est donc probable que le titulaire puisse empêcher qu’il ne soit repris sur la carte d’un jeu comme Pokémon GO.

Cette question risque de ne pas être complètement anodine pour l’avenir, notamment lorsque les jeux de réalité virtuelle, surfant sur le succès de Pokémon GO, vont commencer à se multiplier. On voit déjà que Niantic a conclu un premier partenariat avec McDonalds au Japon pour que 3000 de ses restaurants deviennent des Pokéstops. Si les jeux de réalité virtuelle prolifèrent, on peut penser que certains d’entre eux chercheront à conclure des contrats d’exclusivité avec des lieux publics emblématiques pour être les seuls à pouvoir les inclure sur leur carte. Or le seul moyen de faire valoir ce genre d’exclusivités sera sans doute alors le droit des marques.

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Le droit d’auteur constitue un autre droit de propriété intellectuelle qui pourra traverser assez facilement le miroir de la réalité virtuelle. On constate en effet dans l’application Pokémon GO que plusieurs centres d’intérêt correspondent soit à des sculptures ou à des bâtiments d’architecte assez récents pour être encore protégés par des droits d’auteur, soit à des oeuvres de street art. Or des photographies de ces objets apparaissent alors dans l’application pour les signaler aux joueurs, ce qui constituent des actes de reproduction en principe soumis au droit d’auteur.

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Exemple d’une oeuvre de street art utilisée dans Pokémon GO.

On est ici en présence d’usages d’oeuvres protégées par le droit d’auteur situées de manière permanente dans des espaces publics, ce qui renvoit à la question bien connue de la liberté de panorama. Certains pays ont introduit dans leur législation une exception au droit d’auteur autorisant ce type d’usages de l’image de ces oeuvres, y compris dans un cadre commercial. C’est le cas par exemple en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Suisse ou, depuis peu, en Belgique. Dans ces pays, Niantic n’aurait donc aucun problème pour faire figurer ces photographies d’objets protégés dans son application.

En France, la loi « République numérique » actuellement en cours d’adoption envisage aussi l’introduction de la liberté de panorama, mais sous une forme limitée autorisant seulement :

Les reproductions et représentations d’oeuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des personnes physiques, à l’exclusion de tout usage à caractère commercial.

Les deux restrictions cumulatives posées par le texte (personnes physiques seulement et pas d’usage commercial) font qu’une société comme Niantic ne pourra pas bénéficier de cette exception et s’expose donc à des attaques pour violation de droit d’auteur pour chaque photo d’oeuvre protégée figurant dans son application. L’hypothèse d’un procès n’est d’ailleurs pas complètement fantasmatique. En Suède par exemple, où la législation sur la liberté de panorama est assez similaire à celle envisagée pour la France, les sociétés de gestion collective pour les arts plastiques et visuels ont déjà visiblement Pokémon GO dans leur collimateur et pourraient intenter des actions pour faire valoir les droits d’auteur de leurs membres. On image que tout cela se réglera plutôt par une transaction avec Niantic, mais accepter de payer reviendrait pour elle à reconnaître la validité du droit de propriété intellectuelle dans son espace virtuel.

***

On le voit, même si beaucoup de point restent encore incertains, la « quatrième dimension » ouverte par Pokémon GO peut déjà sans doute être saisie par différents droits de propriété capables de garder leur validité à travers l’espace virtuel. Il faudra garder un oeil sur la manière dont les choses vont se résoudre à propos de l’arrêté d’interdiction émis par le maire de Bressolles, notamment si la justice administrative est saisie pour en apprécier la validité.


Classé dans:Quel Droit pour le Web 2.0 ? Tagged: domanialité publique, droit d'auteur, droit des marques, espaces publics, liberté de panorama, Pokémon GO, pokéstops, propriété

Ce que le domaine public volontaire peut apporter à la photographie

vendredi 12 août 2016 à 22:56

La photographie fait certainement partie des secteurs de la création qui ont été les plus fortement marqués par le numérique. C’est aussi l’un des plus schizophrènes… D’un côté, c’est en matière de photographie que l’on trouve le plus grand nombre d’oeuvres publiées sur Internet sous licence Creative Commons (391 millions sur 1, 1 milliard au dernier pointage réalisé en 2015). Mais de l’autre côté, les photographes professionnels comptent souvent parmi les partisans les plus acharnés du renforcement du droit d’auteur. On a pu encore en avoir une illustration lors du vote des lois « République Numérique et « Création », où plusieurs organisations représentant des photographes ont agi (avec succès) pour contrer la liberté de panorama et imposer une taxation des moteurs de recherche. Pourtant si l’on se détourne un peu du cadre français, on peut constater que ce type de positions ne correspond pas forcément à l’attitude de l’ensemble des photographes vis-à-vis du numérique et du Libre. Davantage même que les licences libres, c’est le domaine public volontaire que certains créateurs de photographies choisissent d’embrasser, comme le montre l’histoire édifiante du site Unsplash.

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Une des photos qu’on peut trouver sur Unsplash. Par Nirzar Pangarkar. CC0.

Unsplash a commencé il y a presque 3 ans sous la forme d’un Tumblr qui affichait une promesse simple : publier tous les 10 jours 10 photographies en haute résolution sous licence Creative Commons Zéro (CC0). Cet instrument très particulier n’est pas à proprement parler une licence, mais plutôt un « waiver » permettant à une personne d’indiquer qu’elle renonce à exercer les droits qu’elle est susceptible de posséder sur une création. C’est la licence que j’ai choisie pour ce blog S.I.Lex et elle traduit volonté d’un créateur de placer volontairement son oeuvre dans le domaine public. C’est une faculté qui peut poser question dans le cadre du droit d’auteur français (j’en avais parlé ici), où il n’est pas possible de renoncer valablement à son droit moral. Mais il existe plusieurs législations (Etats-Unis, Canada) où le domaine public volontaire est admis sans aucun doute possible.

Concernant Unsplash, ce qui a commencé comme un petit Tumblr a atteint aujourd’hui des résultats très impressionnants. Comme on peut le lire dans cette interview donnée au début du mois d’août par les deux fondateurs montréalais du site, Unsplash compte aujourd’hui plus de 100 000 photographies HD placées sous CC0 issues des contributions volontaires de plus de 19 000 photographes. Mais ce sont les chiffres de fréquentation du site qui sont les plus éloquents : 700 millions de vues et 7,5 millions de téléchargement par mois. Les photos sont librement réutilisables sans condition, y compris pour un usage commercial et le site comporte une section « Made with Unsplash » qui donne une idée de la manière dont elles sont réutilisées à des fins créatives.

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Made with Unsplash.

Un tel succès peut laisser à première vue perplexe, surtout quand on voit la qualité des photographies qui sont ainsi « offertes » via Unsplash au monde entier. Pourquoi des créateurs accepteraient-ils d’abandonner tous leurs droits sur leur production, alors que celle-ci leur a demandé d’acquérir patiemment des compétences et d’y consacrer leur temps et leur créativité ? Pourquoi renoncer à monétiser ces images, alors même qu’il existe manifestement une demande, notamment de la part d’entreprises (même une firme comme Apple est déjà allée puiser dans cette collection pour une de ses campagnes publicitaires) ?

Une partie de la réponse peut se lire dans un intéressant billet posté par le photographe suisse Samuel Zeller à la fin du mois de juillet sur Medium. Ce photographe indépendant explique qu’il place sous licence libre (CC-BY) 95% de sa production aujourd’hui et il utilise Unsplash comme une vitrine pour se faire connaître. Il diffuse via son profil sur le site 194 photos sous CC0, qui ont été consultées en deux ans 63 millions de fois et téléchargées à 613 000 reprises (!).

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Un des photographies de Zeller sur Unsplash. CC0.

Le témoignage qu’il livre sur Medium est très instructif et on comprend qu’il y a pour lui une véritable logique à contribuer à un site comme Unsplash en choisissant le domaine public volontaire, qui n’est pas réductible au simple altruisme (je traduis) :

Le trafic qu’Unsplash ramène vers mon portfolio est énorme. Le nombre de personnes qui me connaissent est en augmentation constante, de nombreux sites et blogs utilisent mes images et font un lien en retour. Mon site n’est plus seulement une petite île perdue dans la mer que personne ne voit, c’est un putain de phare…(« fucking lighthouse »).

Mon dernier et plus gros client m’a découvert grâce à Unsplash et en réalité, je n’ai jamais cherché activement des clients. Ils me trouvent tous seuls (n’est-ce ce dont rêvent tous les photographes ?).

[…]

Pourquoi devrais-je vendre mes images si j’ai des clients qui me payent pour que je réalise des photographies correspondant à leurs besoins ? Pour moi, pouvoir travailler en direct avec un client est beaucoup plus gratifiant que de faire de l’argent avec des ventes de fichiers à des personnes avec lesquelles je n’interagirai jamais.

[…]

Une image a de la valeur lorsqu’il y a quelqu’un pour l’utiliser. Elle n’a aucune valeur si elle reste dans mon disque dur ou est juste postée sur un réseau social à attendre que quelqu’un lui donne un like. Bien sûr, elle peut avoir une valeur sentimentale, mais comprenez-moi bien : j’ai besoin d’argent pour vivre et payer mes factures.

Les images que je donne gratuitement sont comme des teasers qui montrent ce que je suis capable de faire. On peut les voir comme un façon de dire « Essayez-moi avant d’acheter ».

[…]

Cela ne sert à rien d’avoir du talent si personne ne peut voir ce que vous faites.

Ce témoignage est particulièrement intéressant. On pourra noter par exemple que contrairement à une peur souvent exprimée, Zeller gagne bien en visibilité en postant ces images sous CC0 sur Unsplash, notamment parce qu’il est bien crédité comme auteur des photographies et que les réutilisateurs établissent des liens hypertexte vers son site. Or pourtant, rien de tout cela n’est juridiquement obligatoire, étant donné que l’auteur a ici opté pour le domaine public volontaire. C’est une précision qui figure explicitement dans la FAQ d’Unsplash :

Dois-je attribuer les images au photographe en cas de réutilisation ?

Unsplash utilise la licence Creative Commons Zero, qui n’impose pas de citer le nom de l’auteur en cas de réutilisation. Cependant, nous vous encourageons à créditer les photographes lorsque c’est possible, puisqu’ils ont généreusement donné leurs photographies pour qu’elles puissent être réutilisées par tous.

Un crédit simple comme « Photo par XXX » avec un lien en retour vers leur profil Unsplash sera toujours apprécié.

Un autre passage de cette FAQ est intéressant, à propos de la « revente » des photographies sous CC0, autre peur (le « pillage ») souvent opposée à l’usage des licences libres :

Puis-je revendre les photographies d’Unsplash ? 

Légalement, la licence CC0 vous permet de vendre les photos postées sur Unsplash. Pourtant, les communautés Creative Commons et Unsplash expriment souvent leur désapprobation vis-à-vis de ce genre de pratiques (sans compter que cela n’a aucun sens d’un point de vue économique, puisque les photos sont déjà accessibles gratuitement).

Nous recommandons donc de ne pas vendre l’oeuvre d’un autre photographe sans valeur ajoutée créative, en la remixant ou par d’autres moyens. Une question simple à vous poser pourrait être la suivante : est-ce que j’ai ajouté quelque chose qui possède une valeur ? Si j’étais le créateur de la photo originale, est-ce que je verrai cela comme une réutilisation créative de ma photo ?

Une des clés du succès du site Unsplash réside aussi dans le gros travail de curation des contenus effectué par l’équipe qui le gère, ainsi que dans les efforts déployés pour bâtir autour une communauté active. La meilleure preuve de ce travail réussi de community building a été apporté au début de l’année. Les fondateurs du site ont lancé une campagne de crowdfunding sur KickStarter pour créer un livre à partir des contenus d’Unsplash. Intitulé le « Unsplash Book », cet ouvrage comporte une centaine de photographies sélectionnées par la communauté et augmentées d’articles écrits par plusieurs personnalités (parmi lesquelles on trouve Lawrence Lessig, le père des licences Creative Commons ou Kirby Ferguson, le vidéaste à l’origine de la série Everything Is A Remix). La campagne a été un franc succès avec plus de 100 000 dollars récoltés et le profit des ventes, après réalisation et envoi des ouvrages aux souscripteurs, a été partagé entre les différents contributeurs (alors que rien n’obligeait juridiquement à le faire…).

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L’Unsplash Book, que l’on peut toujours commander aujourd’hui (cliquez sur le lien).

Ce travail d’animation de communauté est effectué par l’équipe à l’origine du site Unsplash. Il s’agit d’un groupe de designers et de développeurs réunis dans l’entreprise Crew, implantée à Montréal. Si les photographes comme Samuel Zeller peuvent avoir un intérêt objectif à contribuer à Unsplash, c’est aussi le cas de ses fondateurs, qui le maintiennent aujourd’hui gratuitement. Ils expliquent en effet très bien dans ce billet comme ce qui n’était à l’origine qu’un side project pour leur entreprise leur a permis à eux aussi de gagner fortement en visibilité et de bénéficier d’une vitrine pour les services qu’ils proposent. On arrive donc à une synergie intéressante entre deux types de contributions, qui se soutiennent mutuellement, sans exclure que chacun en tire des avantages substantiels.

***

Il ne s’agit pas bien sûr d’affirmer que toutes les oeuvres devraient être placées dès l’origine dans le domaine public. Cela doit demeurer un choix personnel pour les créateurs, en fonction de leur démarche et de leur situation. Mais la success story d’Unsplash constitue une nouvelle preuve de la valeur méconnue du domaine public. Une valeur évidente pour le public, en termes de liberté de création, mais aussi pour les auteurs, à condition d’embrasser une autre conception de la diffusion de la création sur Internet.


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Après le singe photographe, l’écureuil vidéaste ?

jeudi 11 août 2016 à 10:55

Aux Etats-Unis, une des affaires les plus incroyables de Copyright Madness de ces dernières années a connu un énième rebondissement la semaine dernière. L’association de défense des animaux PETA a décidé de porter en appel sa demande visant à faire reconnaître que le macaque « Naruto » est bien titulaire d’un droit d’auteur sur des photographies prises en 2011 avec un appareil « emprunté » au photographe animalier David Slater lors d’un reportage dans la jungle indonésienne. Ce dernier revendique de son côté le droit d’auteur sur ces clichés, bien qu’il n’ait pas « pris » ces photographies au sens propre du terme. Il affirme cependant qu’il avait laissé intentionnellement son appareil traîné dans son campement pour que des singes s’en emparent et qu’il avait effectué des réglages pour que la photo soit la plus nette possible, ce qui suffit selon son point de vue à ce qu’il soit reconnu comme « auteur » des photographies.

La fameuse frimousse du singe Naruto, devenue un véritable mème sur Internet depuis le début de cette affaire.

Cette affaire incroyable aura fait couler beaucoup d’encre depuis maintenant plusieurs années. On s’est demandé dans quelle mesure il était possible d’envisager un « Animal Copyright » de manière sérieuse. L’association PETA milite en ce sens en affirmant que ce serait une manière de lutter contre l’exploitation animale et le WWF a déjà aussi fait campagne sur ce thème (voir ci-dessous).

Le tribunal américain saisi de cette affaire en première instance avait rejeté les prétentions de l’association, en considérant qu’en l’état des choses le droit d’auteur n’est reconnu qu’aux êtres humains et qu’une intervention du législateur serait nécessaire pour étendre le champ d’application aux animaux. De l’autre côté, on s’est aussi beaucoup interrogé que les prétentions de Slater à revendiquer un droit d’auteur sur une photo qu’il n’a pas « prise » au sens propre du terme. Cela questionne la condition d’originalité, indispensable normalement pour pouvoir revendiquer un droit d’auteur sur une création entendue comme « oeuvre de l’esprit ». La question s’était notamment posée lorsque le  Selfie du singe avait été posté sur Wikimedia Commons et que la fondation Wikimedia a refusé de retirer la photo à la demande de Slater en considérant qu’elle n’appartenait à personne et devait être considérée dans le domaine public.

Depuis la fameuse photo orne toujours l’article « Monkey Selfie » sur Wikipédia et cette histoire continue à défrayer la chronique judiciaire. Mais de manière amusante, on constate que ces questions autour de « l’Animal Copyright » pourraient encore rebondir à cause cette fois d’images prises par… un écureuil ! Le Monde a en effet publié un article racontant comment un de ces animaux a « volé » une caméra GoPro dans un parce de Montréal et s’est enfuit avec l’appareil dans un arbre où la machine a capté des images impressionnantes, avant que l’écureuil ne la laisse tomber au sol où son propriétaire a pu la récupérer.

La vidéo en question est insérée dans l’article et lorsqu’on la regarde attentivement, on remarque qu’elle porte un filigrane « Images Youtube / Viva Frei », ce qui semble indiquer que quelqu’un revendique une propriété sur ces images. Or une petite recherche sur Internet montre qu’il existe bien une chaîne « Viva Frei » sur YouTube, tenue par un vidéaste amateur. Il s’agit d’une petite chaîne, suivie par 3000 personnes seulement, mais on y trouve la fameuse vidéo tournée par l’écureuil, qui a déjà été visionnée par plus de 500 000 personnes en trois jours seulement.

Or quand on regarde le texte accompagnant la vidéo, on remarque immédiatement cette mention concernant les conditions de réutilisation des images :

To use this video in a commercial player or in broadcasts, please email licensing@storyful.com

Forward all media requests relating to your video to our licensing team: licensing@storyful.com

Storyful est une de ces sociétés spécialisées dans la découverte de contenus susceptibles de devenir viraux sur Internet, pour lesquelles elles proposent de gérer les questions de droits et de fournir une rémunération à leurs créateurs. J’ai déjà parlé de ces types d’entreprises dans un billet l’an dernier sur S.I.Lex où je les comparais à des « fermes à mèmes ». Ici, on peut penser que Storyful a dû identifier la vidéo de l’écureuil comme possédant un bon potentiel et s’est tourné vers le propriétaire de la chaîne « Viva Frei » pour lui offrir de gérer les droits auprès des médias souhaitant la reprendre.

Or quelques jours auparavant, on se rend compte qu’une autre vidéo a été postée, intitulée « What happens when the squirrels leaves the GoPro in the tree » (qu’est-ce qui se passe quand l’écureuil laisse la GoPro dans l’arbre ?).

On y voit un écureuil (le même que dans l’autre vidéo ?) qui s’empare de la caméra laissée au pied du même arbre et qui l’emporte dans la ramure en l’abandonnant cette fois sur une branche au lieu de la laisser tomber au sol. Le propriétaire de l’appareil vient le récupérer en grimpant à l’arbre et on voit qu’il s’agit de la personne qui tient la chaîne « Viva Frei ». On remarque que cette fois les droits sont gérés par la société Newsflare, qui fonctionne sur le même principe que Storyful :

This video is being managed exclusively by Newsflare. To use this video for broadcast or in a commercial player, email: newsdesk@newsflare.com or call: +44 (0) 8432 895 191

La présence de cette seconde vidéo permet de penser que cette personne a fait exprès de laisser sa caméra au pied de l’arbre pour que des écureuils viennent la prendre et tournent des images en l’emportant, vu que l’expérience a été réitérée plusieurs fois. Or cela rappelle fortement l’histoire du Monkey Selfie, ou du moins, le récit qu’en fait David Slater qui prétend avoir laissé intentionnellement son appareil photo dans les abords de son campement pour attiser la curiosité des macaques en espérant qu’ils appuient sur le déclencheur.

Nous avons donc ici tous les ingrédients nécessaires pour qu’une polémique absurde naisse à nouveau à propos des prouesses de cet écureuil vidéaste. Pour le Selfie Monkey, toute l’histoire a en effet commencé en 2011 lorsque le site américain Techdirt a remarqué que les droits sur la photo du macaque avaient été cédés par Slater à une agence photo qui revendiquait un copyright dessus.

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L’article original du site Techdirt, par lequel toute cette histoire a commencé.

Techdirt dénonçait l’absurdité de cette situation en défendant le point de vue que la photo appartenait un domaine public et en republiant l’image en ignorant le copyright de l’agence. Celle-ci avait riposté en envoyant une demande de retrait et le photographe Slater était lui-même intervenu pour défendre son droit d’auteur. C’est à partir de là que les choses sont parties en sucette et que tout le delirium planétaire autour de cette photo a commencé…

On est ici exactement dans la même situation. La personne qui tient la chaîne « Viva Frei » a cédé des droits sur ces vidéos virales à deux sociétés spécialisées, qui les négocient à présent avec des sites de presse. Mais la validité de ces droits est extrêmement douteuse, car le fait d’être propriétaire d’un appareil comme une caméra ne nous rend pas ipso facto titulaire d’un droit d’auteur sur tout ce qui est enregistré avec. Il faut en outre avoir imprimé « l’empreinte de sa personnalité » dans une création pour qu’elle soit considérée comme une oeuvre protégeable par le droit d’auteur. Or ici, même en ayant intentionnellement laissé des écureuils prendre l’appareil, on n’est pas en présence d’une originalité permettant de revendiquer des droits. Sauf à admettre la thèse de l’association PETA selon laquelle il existe un copyright pour les animaux, ces vidéos font sans doute partie du domaine public, ce qui signifie qu’elles n’appartiennent à personne et à tout le monde à la fois.

***

Pour conclure, je poste ces quelques lignes que j’avais écrites à propos de l’histoire du Monkey Selfie pour le Calendrier de l’Avent du domaine public 2015 :

Dans cette polémique, beaucoup de personnes pensent que cette photo doit nécessairement appartenir à quelqu’un. Si les droits n’appartenaient pas au photographe, beaucoup étaient prêts à accepter qu’ils devaient être attribués à un singe, même si une telle hypothèse est absurde. S’il en est ainsi […], c’est que nous sommes conditionnés à penser que toute forme de création doit nécessairement avoir un titulaire de droits, à tel point qu’il nous est devenu difficile d’imaginer une œuvre qui appartiendrait à tous.

En cela, le Monkey Selfie mérite bien d’être devenu une véritable icône du domaine public. Il en illustre la fragilité et sa difficulté à exister dans un monde imprégné d’une idéologie propriétaire omniprésente.

On a appris cette semaine que l’association PETA a fait comparaître un primatologue devant le tribunal d’appel qui réexamine l’affaire afin qu’il explique dans quelle mesure le macaque était conscient de son geste lorsqu’il a appuyé sur le déclencheur de l’appareil de Slater. L’argument risque d’être difficile à défendre à propos d’un écureuil, mais après tout, certains commencent à envisager qu’on puisse aussi reconnaître un droit d’auteur au bénéfice des robots

Parions ici que Naruto le macaque finira par se retrouver devant la Cour suprême des Etats-Unis et ils sera peut-être suivi par cet écureuil !


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Loi « République numérique » : quel bilan pour les associations ?

mardi 26 juillet 2016 à 12:12

La loi « République numérique » a été adoptée à l’Assemblée nationale la semaine dernière. Bien qu’il reste encore un vote au Sénat, qui devrait intervenir à la rentrée, le texte ne bougera plus à présent, étant donné que les deux chambres sont parvenues à un accord en CMP (Commission Mixte Paritaire). C’est la fin d’un long processus de plus de deux ans pour l’élaboration de ce texte, avec pour la première fois la mise en place d’une plateforme participative en ligne, ayant recueilli de nombreuses contributions de la société civile.

Plusieurs associations impliquées dans les questions numériques sont intervenues au cours de ce processus, et il nous a semblé important de prendre un moment pour faire le bilan de la loi « République numérique », tant sur le fond que sur la forme. C’est ce que nous avons pu faire samedi dernier grâce à la radio Libre@Toi qui a organisé un débat entre des représentants de Wikimedia France, Regards Citoyens, Open Law, l’April, SavoirsCom1 et la Quadrature du Net (que je représentais).

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Pour écouter l’enregistrement en podcast, vous pouvez cliquer sur l’image ci-dessus ou sur ce lien.

J’ai trouvé cet échange particulièrement intéressant. Nous avons pu faire le point sur les avancées (réelles) que comportent ce texte (par exemple sur l’Open Data, l’Open Access ou le Text and Data Mining), sans pour autant mettre de côté les limites et les reculs du gouvernement sur certains points clés (la définition positive des Communs, la priorité au logiciel libre ou la liberté de panorama).

C’est finalement sur la question même du processus collaboratif que la discussion entre associations fut la plus intéressante. L’exercice nous laisse en effet un sentiment contrasté : nous avons tous convenus de l’opportunité créée par un tel dispositif pour influer sur le contenu d’un texte, mais les limites de l’exercice se sont également faites cruellement sentir. Si certains points ont pu être améliorés par les interventions des associations et des citoyens, d’autres propositions pourtant largement soutenues sur la plateforme ont été bloquées par le gouvernement, suite à des arbitrages internes largement influencés par des manœuvres de lobbying classique.

Nous étions aussi d’accord pour dire que de leurs côtés, les députés et sénateurs ont globalement « joué le jeu » de ce processus participatif en s’emparant de plusieurs propositions issues de la plateforme et en réussissant à les imposer, y compris parfois contre l’avis du gouvernement. Mais dans le contexte de la Vème République, le gouvernement détient une trop grande maîtrise de l’activité législative et la discipline de groupe est trop forte pour que le Parlement puisse vraiment jouer son rôle. Au final, l’attitude du gouvernement nous a paru la chose la plus critiquable, parce que les règles du jeu n’ont jamais été réellement claires vis-à-vis de la société civile, qui aura pourtant été lourdement mise à contribution pendant des mois.

Il est certain que les organisations citoyennes vont se retrouver à l’avenir confrontée à des choix difficiles, car le pouvoir va sans doute multiplier ces processus participatifs d’élaboration des textes. Une telle évolution créent certaines opportunités, mais elle comporte aussi des risques importants d’instrumentalisation. Accepter de participer, c’est nécessairement légitimer une procédure, avec à la clé une diminution des marges de manœuvre pour critiquer ensuite l’action du pouvoir (comme la Quadrature du Net en a fait amèrement l’expérience avec la réaction d’Axelle Lemaire, suite à ses prises de position sur le résultat du processus). D’un autre côté, ne pas participer, c’est risquer de laisser passer des occasions d’influer sur le cours des choses, en laissant le champ ouvert à d’autres groupes de pression, souvent bien mieux organisés que le secteur associatif.

Pour ma part, j’ai retenu une proposition émise par Benjamin Jean d’Open Law qui consisterait à élaborer entre associations de la société civile des chartes soumises ensuite aux autorités publiques pour déterminer des engagements fermes sur les règles des consultations. On pourrait aussi aller plus loin en élaborant un texte commun entre associations, fixant les conditions sine qua non de la participation de nos organisations à une consultation (plateforme nécessairement Open Source – ce qui n’était pas le cas pour la loi « République numérique », transparence du processus de synthèse des contributions, mise à disposition des données liées à la consultation en Open Data, marge de manoeuvre des décideurs concernant les propositions les plus soutenues, etc.).

Une manière d’essayer de reprendre l’initiative et de ne pas subir les avanies d’une « démocratie 2.0 » qui pourrait tout à fait ne rester qu’un leurre de plus et un instrument de contrôle social aux mains du pouvoir…


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