Shaarli de Erase > Shaarli de Erase 07/01/2015 Depuis plusieurs semaines, poitent sur la communauté Shaarlienne quelques messages de dépit, de lassitude et de fatigue. Certains isolés, d'autres symptômatiques ou plus profonds et contextuels.
J'ai toujours réussi à m'en préserver. Non pas à les lire, mais à me faire embarquer. Humanisme primaire, espoir d'un jeune père ou tout simplement foi en l'individu qui arrive à se retrouver autour de valeurs comme celles que consititue la communauté de Shaarli.fr
Et puis Charlie Hebdo et le drame d'aujourd'hui.
Mes premières pensées sont celles d'un mec qui ne réalise pas forcément la portée de l'évènement, et qui, presque par reflèxe, y cherche les liaisons ou le manque de relation, l'expression prenant la forme d'une diatribe à l'encontre de 10 ans de politique sécuritaire néfaste aux libertés des individus. "Et sinon, elle est où l'efficacité de toutes les lois liberticides votées ces 10 dernières années sous couvert de "Sécurité anti terrorisme" ?"
Puis les médias font leur taf. Pas celui que j'apprécie, celui dont j'ai toujours voulu me préserver en coupant TV et autres sites d'actu "live" : l'acharnement médiatique. Fûsse t il justifié, comme c'est peut être le cas après l'évènement d'aujourd'hui, il reste néanmoins dangereux. Tant que tes nerfs n'ont pas craqué, c'est que tu résistes; que tu n'as pas succombé. Reprend donc un peu de flash news et d'info en continue. Sur conseil d'un collègue développeur, j'ai coupé "Dance Me To The End Of Love" de Léonard Cohen pour me brancher sur le streaming live de France Infos.
Je n'ai pas bossé de l'après midi.
Je n'ai d'ailleurs pas allumé la radio en roulant pendant la demi heure habituelle qui me ramène chez moi. Le silence. Prendre du recul. Faire la part des choses.
Comme je le disais précédement, j'ai toujours réussi à résister face aux désespoirs d'un avenir délicat, d'autant plus depuis la naissance de mon fils. J'ai toujours réussi à garder une once de sérénité et à rester confiant sur l'avenir que j'allais en parti lui transmettre.
Puis ce soir, je l'ai vu me demander de ne pas travailler comme j'ai l'habitude de le faire, sur l'intervention en classe virtuelle que je m'apprétais à donner à la fac ce soir. Innocement, il jouait avec quelques cadeaux de Noêl. Pourtant, je suis parti. Chialer dans mon bureau. Je lui laisse "ça". Ce monde là. Je suis plein de principes. Je suis plein de libertés à défendre et de causes qui m'interpèlent. Mais je ne fais rien pour défendre le monde que je veux lui offrir. On partage quelques liens, accessoirement on fait un peu de pédago dans notre entourage. Mais au final, on continue d'avoir un boulot de développeur dans un boîte de comm'; oscillant entre le rythme rassurant d'un boulot-famille, rythme qui nous permet de ne pas avoir trop de compte à rendre à nous même.
J'ai repris le dessus. Je l'ai couché, puis suis aller donner mon cours en ligne. Comme par reflèxe, la technique a pris le dessus sur l'actualité. Reprend une dose de fuite, ça passera mieux. Pchit, une bière. Et pour la première fois depuis un paquet de mois, j'allume la TV pour autre chose que le dernier épisode de "Sam le Pompier".
A nouveau, les informations reprènent le dessus : en allumant l'écran, j'ai laissé ouvert un flux puissant d'informations que l'on tentera de rendre emouvantes et non informatives ou objectives. Même si pour le coup, la douleur est justifiée : on a assassiné froidement des mecs avec qui je ne partageai pas grand chose. Mais des journalistes qui sont morts pour leurs idées. Personne ne mérite de mourir pour des idées, fûssent elles politiques, idéologiques, de convictions ou religieuses.
Puis un Nième invité passe sur le plateau TV. Sa légitimité a être invité n'est pas évoqué; ce devait être un invité dispo ce soir là. "[...] les réseaux sociaux, les lieux de culte, même combat : des lieux où la loi ne s'opère pas et où la violence est permanente [...]". Personne ne contredis. Nous y voilà donc : les premières paroles exprimant la demande d'une réaction de violence face à la violence. Avec en filigrane une demande de privation de libertés pour tout le monde, fûssent elles numériques.
Putain, j'ai mal.
Mal pour la suite des évènements et la manière dont tout cela va être repris, déformé, remanié, tant par les politiques que les pensées prônant le clivage entre individus. Mal pour les libertés. Mal pour nous. Et surtout, égoistement, mal pour mon fils.
"Dance me through the panic 'til I'm gathered safely in."
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OpenNews > Shaarli de Erase 07/01/2015 Oui ça fait mal :-(
Moi qui est l'habitude de ne pas suivre l'actualité médiatique j'ai été profondément touché.
Je défends la liberté d'expression et là voir des gens se faire tuer pour leurs dessins me fait très mal.
Ces prochains jours risquent d'être difficiles tous le monde va chercher à détourner cet événement pour le tourner à leur avantage. (augmentation du racisme, haine envers les religions, nouvelles mesures de surveillance, ajout d'un climat de peur, ...)
L'on doit rester fort pour surmonter la suite.
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Alex's shaarli > Shaarli de Erase 08/01/2015 Ton post reflete bien mon etat d'esprit...
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Liens en vrac de SimonLefort > Shaarli de Erase 08/01/2015 Je cite :
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Je lui laisse "ça". Ce monde là. Je suis plein de principes. Je suis plein de libertés à défendre et de causes qui m'interpèlent. Mais je ne fais rien pour défendre le monde que je veux lui offrir.
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Hier soir j'ai eu dur de poser ma main sur le ventre arrondi de ma femme. Notre bébé y grandi et va naître dans ce monde. J'ai parfois peur pour lui. Je me demande souvent ce que je peux faire pour aider les choses à bouger dans le bon sens... Pas toujours facile.
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Putain, j'ai mal. Mal pour la suite des évènements et la manière dont tout cela va être repris, déformé, remanié, tant par les politiques que les pensées prônant le clivage entre individus. Mal pour les libertés. Mal pour nous. Et surtout, égoistement, mal pour mon fils.
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Ce n'est pas égoïste d'avoir mal ou peur pour ses proches. J'ai moi aussi peur de voir ce qui va être fait ensuite, peur de voir la haine récupérer le drame. Je ne veux pas voir la Peur guider les choix futurs...
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Marquetapages Shazen > Shaarli de Erase 08/01/2015 Je te rejoins...
Tout comme toi, j'ai peur pour la suite...
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Shaarli de Erase > Shaarli de Erase 08/01/2015 Je reviens d'un ressemblement organisé à Limoges par le Club de la presse du Limousin. La foule devait être sensiblement la même que pour tous les autres rassemblements du genre. Hétéroclite. Par le plus grand des hasards, j'y ai croisé mes parents.
Ce sont deux anciens militaires de carrière, désormais jeunes retraités. Ils m'ont offert une éducation globalement humaniste, même si celle ci a pu prendre parfois les traits de leurs engagements catholiques et républicains; toujours enclins à la pondérance et à la reflexion.
Pourtant, mon père m'a accueilli avec une dégoût prenant la forme de paroles violentes illustrant son désolement face aux évènements récents : "Morts aux cons !". Il n'a pourtant jamais été proche de quelconque extrême. Mais je le vois là, aujourd'hui, haineux.
Je lui rétorque presque par réflèxe que la haine n'est pas la meilleur réponse à adopter face à la violence. Que je m'inquiète pour l'avenir de mon fils lorsque justement je vois ce type de réaction suite à des évènements aussi douloureux. Mais il n'entend pas. Il parle. Je tente de prendre le dessus, l'invitant à faire preuve de discernement, de prudence face aux reprises et réactions. Mais rien; il continue. Puis chante la marseillaise avec le reste de la foule, le regard composé d'un mélange de violence et de patriotisme.
"Papa. Arrête. J'ai peur. Vraiment peur."
Il continue.
"Papa, Marie est enceinte.". Il se fige, semble assimilé la nouvelle.
"Mais là où je serai père, tu ne sera à nouveau grand père que si tu restes celui qui m'a appris à réfléchir, à être sensible et non aveuglé."
Il ne dit rien. Il a arrété de chanter.
J'attend une réaction, je reste en suspend. Il pleure. Et s'en va.
J'ai mal. Putain que j'ai mal.
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Le bazar du petit panda roux. > Shaarli de Erase 08/01/2015 +1
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Le bazar du petit panda roux. > Shaarli de Erase 08/01/2015 Oo' je compati...
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Liens en vrac de SimonLefort > Shaarli de Erase 08/01/2015 J'espère que ton père réfléchira vite et reviendra vers toi en ayant compris son erreur. Ça doit être difficile à vivre pour toi... :-(
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Les liens de Kevin Merigot > Shaarli de Erase 08/01/2015 Je ne sais pas quoi dire si ce n'est "courage" et essayer d'envoyer plein d'ondes positives. En même temps, je pourrais très bien fermer ma gueule vu qu'on ne se connaît pas.
Cet événement a déjà changé la société, de fait. Et donc nos proches. Pour quoi ? C'est à nous de le dire. Et de le faire.
Bon courage à toi et je te souhaite plein de bonnes choses. Puisse ton père garder l'esprit et le cœur ouvert.
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Shaarli de Erase > Shaarli de Erase 08/01/2015 Merci à la communauté Shaarlienne pour ces retours. Vraiment.
Ce que j'en retiens en tout cas, c'est qu'au final, je n'ai pas d'inquiétude particulière sur mes parents, mes rapports avec eux ou leurs dérives potentielles. Ils sont éclairés, censés et entourés. Avec l'amour de leurs prochains, en tout cas pour leurs fils et petits fils. Mais je me rend compte de la masse de travail à faire avec des gens que je connais bien, intimement et que j'estime un tant soit peu lucides. Au final, c'est déployer les mêmes efforts d'appel à la clairvoyance que nous sommes nombreux à activer, ne serait ce qu'envers nos proches, quand on défend sensibilités et enjeux numériques. Mais en plus délicat. Avec encore plus de force. En somme, face à une montagne encore plus grosse.
Et que ça ne se limite pas aux proches.
Et avec en face la puissance d'influence des médias, des groupes, des communautés, fûssent elles religieuses, communautaires, politiques ou patriotiques.
Je ne vois rien de serein.
...Une montagne encore plus grosse.
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Choses vues, sur le web et ailleurs > Shaarli de Erase 09/01/2015 "On partage quelques liens, accessoirement on fait un peu de pédago dans notre entourage. Mais au final, on continue d'avoir un boulot de développeur dans un boîte de comm'; oscillant entre le rythme rassurant d'un boulot-famille, rythme qui nous permet de ne pas avoir trop de compte à rendre à nous même. [...] Reprend une dose de fuite, ça passera mieux."
Moi aussi j'ai peur pour mes enfants. Très prosaïquement, mon fils de 3 ans a eu droit a une minute de silence hier. En maternelle. J'ai peur. Qu'est ce que des gens peu ou pas formés ont bien pu raconter à des gosses de 3 ans pour justifier de leur faire faire une minute de silence ? "Loulou, il t'ont raconté quoi hier à la cantine ?" "Je sais pas. J'ai pas compris" Est-ce que c'est pour ça qu'il m'a fait un gros câlin quand je suis rentré hier soir ? Putain, je pourrais chialer en écrivant ça. C'est tout un symbole, c'est le symbole de notre impuissance. Tu fais tout pour préserver tes gamins, pas de télévision avant 6 ans, pas d'ordinateur avant 3 ans, pas d'internet avant... longtemps, et cela n'empêche pourtant pas le monde extérieur de les atteindre, de leur tomber dessus, de les abîmer.
J'en parlais hier soir avec mon épouse. Et tu sais quoi ? Objectivement, le monde ne va pas plus mal qu'avant. Ce n'est pas une parole de consolation. C'est un constat amer. Il ne va pas plus mal parce qu'il n'est jamais allé mieux. Allez, sans remonter très loin, cela fait 100 ans que, se référant à des événements tragiques, des pères et des mères disent "plus jamais ça", "mes enfants ne grandiront pas dans ce monde là". Et pourtant ça continue : les guerres, le terrorisme, la misère terrifiante. 1914, 1929, 1933, 1940, 1945, le Viet-Nam, le Chili, le Rwanda, les massacres, les attentats, les tours qui s'effondrent, les bombes qui explosent, les moines qui s'immolent, les soldats qui meurent les tripes à l'air, tout ce sang versé en vain : la danse infernale de la violence et de la mort ne s'arrête jamais. Brassens l'a bien dit : "Mais l'âge d'or sans cesse est remis aux calendes / Les dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez / Et c'est la mort, la mort toujours recommencée"
L'homme est intrinsèquement violent. Et pourtant il est aussi intrinsèquement social et empathique. Le même animal peut être ces deux choses, en même temps, ou à des moments différents. Nous savons que nous mettons au monde des enfants qui mourront un jour et qui avant ça, vivront dans un monde atroce, et pourtant nous continuons à le faire. L'instinct de survie de l'espèce est plus fort que nos hontes, que nos peurs, que nos angoisses.
Je ne sais pas si je t'ai consolé en écrivant ça ; je ne pense pas non plus t'avoir rassuré. Je l'ai écrit autant pour moi que pour toi. Je suis triste, mais je m'efforce d'être lucide. S’efforcer d'être heureux malgré tout n'est pas une fuite. C'est une résistance.
Citons Prévert après Brassens : "Il faudrait s'efforcer d'être heureux, ne serait-ce que pour montrer l'exemple"
Courage. Vivons.
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HowTommy | Liens et actu en vrac 09/01/2015 Bien dit :)
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