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Comment l’OMS a inventé l’addiction aux jeux vidéo 2/2

vendredi 10 juillet 2020 à 12:28

Les éditeurs du DSM ont détaillé le processus qui les a conduit conduit à conclure “sans hésitation” qu’aucun critère de diagnostic standard n’a été appliqué aux quelques 250 études qu’ils ont passé en revue avant de classer l’IGD dans le groupe des troubles nécessitant davantage de recherche (Petry et O’Brian, 2013)

L’OMS a suivit une voie différente en proposant un Gaming Disorder définit par 1) la perte de contrôle sur le jeu; 2) la centration de l’évidence de la personne sur le jeu vidéo et 3) la poursuite du jeu vidéo malgré des conséquences négatives. Les problèmes doivent être significatifs sur une période de 12 mois. Pour que l’OMS donne une définition différente de celle proposée par le DSM, il faut donc que ses experts aient des données solides pour étayer 1) l’existence d’un trouble de l’addiction aux jeux vidéo et 2) que ce trouble est différent de celui sur lequel les experts du DSM travaillent. 

Lorsque en avril 2020,  l’OMS a rassemblé des experts pour réfléchir aux modifications proposées dans la CIM-11, elle a donc présenté ses meilleures preuves. J’ai noté dans un billet précédent que la présentation du trouble aux experts était biaisée. Examinons maintenant les études sur l’addiction aux jeux vidéo qui ont été mises sur la table.

Si, comme le prétend l’OMS “des preuves neurologiques, phénoménologiques, développementales et des similarités entre le trouble de l’addiction aux jeux vidéo, le trouble lié aux jeux d’argent et les troubles liés à l’utilisation des substances”, elle n’apparaissent pas dans les publications qui sont présentées aux experts de ce focus group. D’abord parce que les publications concernent majoritairement l’IGD (DSM-5) et non le Gaming Disorder (OMS); Une seule étude traite spécifiquement du GD et deux traitent de l’IGD et du GD. Or, rien n’indique que ces deux troubles soient identiques. Ces éléments laissent penser que l’OMS a peu de preuves en faveur de l’existence du trouble qu’elle a construit.

Le Gaming Disorder est défendu par Saunders et al (2017).qui font partie du groupe de cliniciens et chercheurs qui ont construit le Gaming Disorder. Le texte répété le credo pro-addiction jeu vidéo. La prévalence du trouble (estimée entre 0,7% et 27,5%) est plus importante dans les pays asiatiques qu’en Occident. Le trouble est aussi associé à des problèmes de santé importants  comme  troubles du sommeil, déshydratation, convulsions, dépression, problèmes au travail, scolaires ou sociaux. .Plusieurs pays comme l’Iran, la Chine, Honk Kong, les USA ont créé des centre pour les personnes qui présentent un trouble de l’addiction aux jeux vidéo. Pour les auteurs les caractéristiques du trouble incluent  1) la perte de contrôle sur le jeu en ligne; 2) la préoccupation pour le jeu vidéo; 3) la priorité donnée au jeu et 4) la poursuite du jeu malgré les conséquences négatives. Ces caractéristiques sont similaires à celles des addictions aux substances et aux addictions comportementales.Les auteurs reconnaissent que les critères spécifiques du trouble ne sont pas totalement définis, mais il leur semble que l’ensemble des preuves indiquent que des personnes développent des troubles liés aux jeux, que leur jeu a des critères de l’addiction et qu’un diagnostic doit être créé 

Rumpf et ses collègues ont une approche similaire. Les auteurs appuient l’inclusion du Gaming Disorder dans la CIM 11 moins du fait de la réalité du trouble que de son utilité en terme de santé publique. Ils constatent le désaccord des experts mais affirment que les auteurs qui critiquent le GD ne viennent pas de la santé, de la psychiatrie ou de la clinique La création du GD permettra, affirment-t-ils de répondre à des besoins de traitement de GD qui sont à ce jour insatisfaits, permettra de former des professionnels de développer la recherche, de mettre en place des recherches. Ils affirment qu’il est la responsabilité de l’OMS de l’inclure dans la CIM-11 ’expertise non-clinique n’est critique pour ce débat

Ces articles présentent le même biais. Les auteurs rassemblent les études qui vont dans leurs sens et construisent de toute pièce le mythe de l’addiction aux jeux vidéo en opérant une double transformation : les joueurs qui ont un trouble de santé mentale deviennent des personnes qui ont un trouble avec les jeux vidéo et ce trouble devient une addiction. Ainsi, une personne qui joue beaucoup aux jeux vidéo pour se mettre autant que possible à l’écart de la dépression devient une personne qui a une addiction aux jeux vidéo.Il a la une perte considérable tant au niveau de la collecte des informations que du sens des conduites.On peut légitimement craindre qu’à tout transformer en addiction, les professionnels de santé perdent des occasion d’aider les personnes avec qui ils travaillent. 

Dans les deux articles qui traitent spécifiquement du GD, les auteurs reconnaissent le désaccord des experts sur la question de l’addiction aux jeux vidéo. De mon point de vue, la conclusion rationnelle de 25 années de dissensus sur une question est que la recherche est dans une impasse. Le minimum que l’on puisse faire est d’attendre d’avoir plus de précision avant de créer un trouble de l’addiction. Il est très dommageable que l’OMS ne prenne pas le temps de lever les doutes qui pèsent sur ce trouble et réponde en agitant l’argument d’autorité et l’attaque ad hominem (Rumpfs et al.,2018) 

L’étude de Choi et ses collègues compare l’impulsivité et la compusvilité entre l’IGD, le GD, les personnes présentant un trouble d’addiction à l’alcool et un groupe témoin. Leur travail est important parce que l’impulsivité et la compulsivité sont des traits que l’on retrouve chez les personnes qui ont un problème avec l’alcool. Elle est par ailleurs méthodologiquement robuste parce qu’elle permet la comparaison avec un groupe témoin.. Les résultats laissent perplexe car les chercheurs découvrent que le groupe des personnes GD sont pour certains types d’impulsivité des scores plus faibles que le groupe témoin alors que l’on s’attendait a que leur scores soient plus élevés. De même, sur un test, le groupe GD a des scores en compulsivité plus faibles que le groupe témoin. Prudemment, les auteurs concluent  l’IGD partage l’impulsivité avec d’autres troubles addictifs et restent silencieux sur le GD. 

On voit avec cette étude que la superposition entre les joueurs de jeu vidéo type IGD ou GD et les troubles addictifs n’est pas parfaite. Ce travail laisse aussi penser le diagnostic IGD et GD ne rassemble pas des personnes identiques et que l’on parle donc de deux troubles différents. 

Ko et ses collègues (2014) trouvent que le critère “utilisation excessive du jeu en ligne malgré les conséquences négatives” et “met en danger des relations importantes ou des opportunités scolaires/professionnelles ont la meilleure précision pour différencier IGD du groupe contrôle. Le critère “tromperie” n’est pas spécifique car il se retrouve que chez 44% des personnes du groupe . Parce que les symptômes peuvent être la conséquence de mécanismes de coping ils suggèrent :1) d’ajouter le critère craving; 2) d’ajouter “le trouble n’est pas mieux expliqué par les symptômes d’une autre maladie”. Un diagnostic différentiel doit être fait, et les interventions doivent prendre en compte les facteurs précipitant comme la dépression, le THADA et la faible compétence sociale

Coëffec et ses collègues a une approche comparable a celle de Choi et al (2014). L’idée est de voir si les joueurs de jeux vidéo partagent des traits avec des personnes qui développent des troubles addictifs. Mais Coeffec et ses collègues n’utilisent pas de groupe témoin, et surtout ne parlent pas d’addiction aux jeux vidéo maus d’utilisation problématique du jeu vidéo. L’étude transversale de Van Rooji (2014) va dans le meme sens. Les auteurs précisent que le manque de solidité du construit “addiction aux jeux vidéo” leur fait préférer l’expression “utilisation problématique du jeu vidéo”

Tous les autres textes traitent de l’IGD. Petry et ses collègues répondent à un commentaire de Griffiths et al. en pointant ses contradictions. Le texte est surtout une sorte de OK Coral académiques ou les auteurs règlent leurs comptes.

Plusieurs études traitent de la validité des critères de l’IGD. Ko et ses collègues présentent le développement de la Structured Clinical Interview for IGD. Il est intéressant de noter que les auteurs observent que les items “syndrome de manque” et “tentatives infructueuses de contrôle” ont un rapport de vraisemblance négatif > 0.5 ce qui signifie que ces items ne permettent pas d’identifier l’absence du trouble. L’item “évasion” est aussi problématique. Ko et ses collègues affirment que les critères de l’GD sont valides à l’exception des items “tromperie” et “évasion”.

Lemmens et ses collègues (2015 )mesurent la fiabilité et la validité de quatre questionnaires diagnostics que l’Internet Gaming  Disorder avec un sondage en ligne de 2.444 adolescents et adultes hollandais. Les échelles ont une bonne validité de critère mesurée par la corrélation positive avec le temps passé à jouer, la solitude, l’agression et des corrélations négatives avec les comportements prosociaux et la satisfaction de vivre.. On s’étonne d’une telle conclusion puisque  la validité de critère est donnée  par le degré d’association entre un instrument de mesure et un autre instrument susceptible de mesurer le même concept. 

Le deux études précédentes montrent que le construit “IGD” capture quelque chose, mais pas n’apporte pas que ce qui est capturé est une addiction – ce qui est le cœur du problème. Elle laisse aussi paraître que l’IGD est un construit hétérogène ce qui peut conduire a rassembler sous cette étiquette des situations très différentes. En clair, il présente un risque de faux positifs et de faux négatifs

De leur côté, Han et ses collègues (2018) se sont intéressés au développement du trouble a partir d’une cohorte 750 de patients qui ont reçu diagnostic IGD et un traitement de 8 semaines. Des résultats tels que  1) es scores de dépression et de symptôme THADA sont prédictifs du besoin d’un traitement supplémentaire et 2) Les prédicteurs de guérison sont a) avoir reçu le traitement de 8 semaines, b) l’entrée précoce dans le programme et 3) avoir des scores faibles à la BDI et à l’échelle de THADA laissent penser que le trouble est la conséquence d’un trouble préexistant. 

Au terme d’une revue de la littérature regroupant 24 études, Kaptsis et ses collègues (2016) concluent que le syndrome de manque est peu traité dans les études. Il est souvent défini par l”irritabilité ou l’agitation après l’arrêt du jeu. Les études quantitatives traitent également rarement de la question. Les études sur le traitement de l’IGD un ont tout autant rarement référence. Cette recherche ne va pas dans le sens de l’OMS d’abord parce qu’elle traite de l’IGD et non du GD et ensuite parce qu’elle montre que l’on a classé l’IGD dans les addictions comportementales alors qu’un des éléments centraux de l’addiction – le syndrome de manque – n’a jamais été mis en évidence.

Enfin, Starcevic (2017)   critique l’IGD en mettant en avant que le cadre conceptuel utilisé est hétérogène et qu’il n’y a pas de preuve de l’existence d’un syndrome de manque ou d’une tolérance aux jeux vidéo. Le trouble tel qu’il est défini n’apporte pas une meilleure compréhension au jeu vidéo problématique. En conclusion le trouble doit être vu uniquement comme une hypothèse qui attend d’être testée

Les preuves apportées pour la création du Gaming Disorder sont elles suffisantes ?

NON. Les deux textes qui défendants spécifiquement le Gamiing Disorder sont des commentaires (Rumpf et al., 2018: Saunders et al., 2017). Ils ont un intérêt purement rhétorique car ils n’apportent pas de nouveaux éléments au débat. Rumpf et ses collègues résument les arguments des pro-addiction aux jeux vidéo sans prendre en compte les critiques qui sont faites à cette positions. Le texte de Saunders et ses collègues est intéressant parce qu’il laisse penser que l’OMS n’a pas utilisé des outils méthodologiquement valides pour construire le GD. Faire une revue de la littérature n’est pas suffisant pour créer un trouble. Il est assez terrible de lire que les auteurs reconnaissent que les critères spécifiques du trouble ne sont pas totalement définis, mais que la ressemblance avec un trouble addictif leur paraît suffisante pour créer un nouveau trouble. Dans un monde ou la psychologie est rester, les sentiments et les perceptions des experts ne seraient pas suffisants pour valider une conclusion. Une décision aussi importante que la création d’une nouvelle pathologie serait le fruit d’une démarche rationnelle permettant d’éviter les biais. Les différentes étapes de cette démarche et leurs résultats seraient exposés a la communauté scientifique. On a rien de tout cela ic : juste un petit groupe de personne qui prend une décision qui concerne un milliard d’autres personnes

Le GD est il un trouble bien défini ?

NON. D’abord parce que la définition donnée dans le brouillon de la CI-11 ne correspond pas a la définition donnée aux experts du focus group. Cela veut dire qu’il y a encore des ajustements faits par l’OMS. C’est une bonne chose si l’on considère que l’on va vers plus de précision comme le montre le fait que la recommandation de Ko d’et ses collègues est partiellement prise en compte. Mais cela veut aussi dire que l’on est pas arrivé a une définition stable. Il serait donc imprudent de graver dans le marbre d’une classification ce qui est a ce jour encore une hypothèse  Starcevic (2017)

L’OMS semble travailler principalement autour de l’IGD puisque 69,23%% des articles donnés aux experts du focus group concernent ce trouble. Cela montre là encore un manque de sources suffisantes pour documenter lr GD ce qui la encore encourage à la prudence. Il n’est pas certain, en effet que les deux troubles soient identiques comme le montrent les différences trouvées par Choi et ses collègues en ce qui concerne l’impulsivité et la compulsivité. 

Même si ‘l’on prend l’IGD comme référence, le noyau dur du trouble n’est pas défini. Il y a encore des discussion sur des critères centraux de l’addiction comme la tolérance et le syndrome de manque. Les critères sont hétérogènes (Starcevic, 2017) et n’ont pas tous la même fiabilité. Par exemple Ko et ses collègues trouvent que les critères “tromperie” et “évasion” 

Le trouble est il utile ?

NON.  Un diagnostic est utile quand il permet d’identifier clairement une pathologie.  Mais très généralement, les difficultés autour du jeu vidéo s’expliquent par des conditions préexistantes. L’impulsivité, la dépression, la recherche de contact sociaux sont des éléments qui peuvent pousser et maintenir une personne dans des jeux vidéo. La notion d’addiction est dans ce contexte un appauvrissement clinique important puisqu’il restreint le champ d’investigation et de travail du professionnel. 

Le GD a par ailleurs le grand défaut de ne pas faire la différence entre les groupes de personnes. Les enfants, les adolescents et les adultes n’ont pas les même capacités de freinage. Il est banal de constater que l’impulsivité est plus grande chez les plus jeunes et qu’elle a tendance à décroitre avec l’âge. Or cette impulsivité est un trait qui est associé à l’IGD. On risque donc de confondre quelque chose qui est développemental ((impulsivité des jeunes) avec une pathologie (IGD ou GD)

Par ailleurs contrairement à ce qu’affirment Rumpf  al (2018) le noyau dur du trouble n’est pas défini. Les experts discutent encore sur la nécessité d’inclure la tolérance et le syndrome de manque dans la définition du trouve. Ces deux critères sont des marqueurs forts de la addictions. Leur absence dans la définition actuelle du trouble laisse penser que le GD n’est pas une addiction ce qui est en contradiction avec son placement dans le registre des addictions comportementales

Une conclusion

Il m’a fallu une une quinzaine d’heure pour relire les textes donnés par l’IMS a son focus group. Je l’ai fait sur mon temps de loisir parce que c’est une question qui me tient a cœur mais je doute que les experts aient pris ce temps pour le faire. je doute meme que le rédacteur qui a réuni ces textes pour le focus group ait pris ce temps tant les preuves d’une addiction à la IGD ou GD sont manquantes. je crois que c’est un des éléments du problème : le champ de l’addiction aux jeux vidéo est inondé de publication, qui ont toute un faible niveau de preuve. Dans Starcraft, cela s’appelle le zergling : inonder l’adversaire d’unités de faibles valeurs pour finalement déborder ses ressources et ses défenses. La psychologie, les joueurs de jeux vidéo et leurs familles méritent une approche plus rationnelle de la question.

Comment l’OMS a inventé le trouble de l’addiction aux jeux vidéo [1/2]

jeudi 9 juillet 2020 à 08:38

Je me suis souvent demandé sur quoi l’OMS avait fondé la création du Gaming Disorder. L’ONG avait (faiblement) communiqué sur la nécessité et l’intérêt d’un tel trouble, mais rien n’avait jamais filtré sur le processus qui avait amené a une telle décision. Qui étaient les experts ? Comment avaient-ils été choisis ? Comment avaient-ils pris leur décision ? Ces questions simples ne trouvaient pas de réponse.

Elles sont pourtant importantes parce que la qualité de la décision finale dépend bien évidemment des experts, mais aussi du processus qui les a conduit à créer le Gaming Disorder. Aussi ai-je été très heureux lorsque j’ai pu avoir une copie du matériel donné par l’OMS à un groupe d’experts pour discuter des changements de la CIM-11

Au mois d’avril 2020, l’OMS a organisé un “focus group” pour travailler sur les addictions telles qu’elles sont définies dans la future CIM-11. Les experts sollicités ont reçu un document qui décrit les principaux changements de la CIM-11 comparé à la CIM-10 ainsi qu’une liste de questions. Le Gaming Disorder est présenté de la manière suivante : “la principale raison de créer cette catégorie diagnostique est basée sur des preuves neurologiques, phénoménologiques, développementales et des similarités entre le trouble de l’addiction aux jeux vidéo, le trouble lié aux jeux d’argent et les troubles liés à l’utilisation des substances

L’inclusion du trouble lié à l’addiction aux jeux vidéo dans la CIM-11 fait suite aux décisions et conclusions consensuelles de groupes de travail et du groupe de consultants qui s’est fondé entre autres sur les éléments suivants a) L’augmentation bien documentée de la demande de traitement pour des problèmes définis comme le “trouble [de l’addiction] du jeu sur Internet” selon le DSM ou le trouble [de l’addiction] au jeu vidéo”, le besoin d’une aide pour faire un diagnostic précis et éviter la stigmatisation du jeu vidéo ainsi que des diagnostics inappropriés “d’addiction au jeu vidéo” qui peuvent conduire à des interventions inutiles et potentiellement dangereuses. b) La preuve que le jeu excessif qui a les caractéristiques du trouble de l’addiction au jeu vidéo peut conduire à une déficience fonctionnelle et une détresse qui ne peut pas être expliquée par d’autres troubles et persistent dans le temps chez une proportion d’individu comme le montre les études longitudinales

Les questions portent sur les changements de la CIM-11 : sont ils perçus comme utiles cliniquement ? Est qu’ils apportent une amélioration ? Est ce que les catégories diagnostiques proposée aident à comprendre les troubles 

32 références sont données au groupe de travail. 10 traitent spécifiquement des jeux vidéo.

Voyons dans le détail les affirmations de l’OMS.

L’OMS affirme qu’elle dispose de preuves “neurologiques, phénoménologiques, développementales de l’addiction aux jeux vidéo et que cette addiction présente des similarité avec le trouble lié aux jeux d’argent” [qui est classé dans les addictions depuis le DSM-5.”

FAUX. Ces “preuves” sont largement contestées comme le montre la lettre ouverte que des chercheurs et psychothérapeutes ont adressé à l’OMS. Aarseth et ses collègues demandent a ce que le trouble de l’addiction aux jeux vidéo ne soit pas créé parce que 1) La qualité de la recherche est faible; 2) Le trouble est un copier-coller du trouble lié aux jeux d’argent et de hasard et du trouble de l’addiction aux produits; 3) Il n’y a pas de consensus sur a) La symptomatologie du trouble et b) Son évaluation (Aarseth et al., 2016)

Plus grave, rien dans les documents donnés par l’OMS ne laisse supposer que ces critiques aient été prises en compte. Cela laisse penser que malheureusement Araseth et al. (2016) avaient raison lorsqu’ils affirmaient que cette voie était une impasse parce qu’elle enfermait la recherche dans une démarche confirmatoire

Il n’y à ce jour pas de preuve de l’addiction aux jeux vidéo, mais un débat pour comprendre 1) s’il s’agit d’un trouble; 2) s’il s’agit de la conséquence d’un trouble; 3) s’il s’agit d’un nouveau trouble; 4) s’il s’agit d’une addiction. En créant le trouble de l’addiction aux jeux vidéo, l’OMS fait comme si une réponse avait été donnée à toutes ces questions, ce qui est loin d’être le cas. 

L’OMS affirme qu’il y a une augmentation” bien documentées” de la demande de traitement pour une addiction aux jeux vidéo 

FAUX. Les centres de traitement communiquent malheureusement peu de chiffres sur leur file active. Lorsque c’est le cas, on est frappé de la faiblesse du nombre de cas. Le CHU de Nantes affirme avoir traité 60 cas d’addiction au jeu vidéo sur une dizaine d’années (Rocher et al., 2012). Pour un trouble qui est censé concerner 10 % des jeunes adultes, c’est vraiment très faible. 

Par ailleurs, la création du trouble crée mécaniquement une augmentation des demandes le concernant puisque a tort ou à raison, des personnes vont se reconnaître dans la description du trouble. L’OMS contribue donc a l’augmentation des demandes et s’en sert ensuite pour légitimer le trouble

L’OMS affirme qu’il est nécessaire de faire un diagnostic précis.

VRAI. Un diagnostic précis des troubles de la personne est en effet un prérequis a une bonne prise en charge.

L’OMS affirme que le diagnostic d’addiction aux jeux vidéo permettra de diminuer la stigmatisation des joueurs de jeu vidéo.

FAUX. C’est une affirmation non-fondée dont on ne comprend pas le mécanisme. La stigmatisation vient au contraire de la psychiatrisation d’un comportement, le jeu vidéo, qui est rarement lié à des problèmes fonctionnels ou une détresse psychologique. 

L’OMS affirme qu’il existe des preuves que le trouble de l’addiction aux jeux vidéo peut conduire à une déficience fonctionnelle et une détresse qui ne peut pas être expliquée par d’autres troubles et persistent dans le temps chez une proportion d’individu comme le montre les études longitudinales.

C’est une affirmation complexe qui mêle le vrai et le faux.

PARTIELLEMENT VRAI. Il n’existe pas de preuve que l’addiction aux jeux vidéo (“Gaming Disorder”) conduise à une déficience fonctionnelle. Il existe des éléments de preuve qui montre que chez une petite proportion de personnes le jeu vidéo excessif est lié a des problèmes relationnels, professionnels ou scolaire et a une détresse psychologique. La relation de causalité : le jeu vidéo provoque une détresse psychologique et des problèmes n’est pas prouvée.

FAUX. Le trouble ne persiste pas dans le temps. Contrairement aux addictions qui sont extrêmement stable, “l’addiction aux jeux vidéo” disparaît au bout de quelques mois. 

Il est important de noter que l’OMS présente à ses experts une version différente du “Gaming Disorder” lorsqu’elle affirme que le trouble ne doit pas être expliqué par d’autres troubles. Cette précision n’est pas dans la version rendue publique du Gaming Disorder. Elle est importante, car elle permet de faire la différence entre le trouble comme conséquence d’une condition préexistante (impulsivité, dépression, THADA, autisme etc.) ou de l’utilisation du jeu vidéo comme mécanisme de coping.

Au final, l’OMS présente la question de l’addiction aux jeux vidée d’une manière tronquée et trompeuse en laissant penser qu’un consensus avait été trouvé et qu’une proportion de joueurs pouvaient être décrits comme dépendants sur le modèle de la dépendance aux jeux d’argent et de hasard et de la dépendance aux drogues.


Références

Aarseth, E., Bean, A. M., Boonen, H., Colder Carras, M., Coulson, M., Das, D., … & Haagsma, M. C. (2016). Scholars’ open debate paper on the World Health Organization ICD-11 Gaming Disorder proposal. Journal of Behavioral Addictions, (0), 1-4.

Rocher, B., Caillon, J., Bonnet, S., Lagadec, M., Leboucher, J., Vénisse, J. L., & Bronnec, M. (2012). Les prises en charge de groupe dans l’addiction aux jeux vidéo. Psychotropes, 18(3), 109-122.

Mon enfant a de mauvaises notes à l’école parce qu’il joue trop aux jeux vidéo

lundi 27 avril 2020 à 11:07

Les difficultés scolaires sont un des principaux motifs de consultation pour les enfants et les adolescents. Cela se comprend du fait que l’école est la première activité dans laquelle une performance est demandée à l’enfant. Cela permet de situer rapidement le développement de chaque enfant par rapport aux enfants de son âge. L’école étant fortement investie par les parents, chaque difficulté dans ce domaine suscite de l’anxiété ce qui les conduit plus rapidement devant un psychothérapeute.

Il m’arrive assez fréquemment de recevoir des parents qui présentent le problème de cette manière : “mon enfant passe tout son temps à jouer aux jeux vidéo. Il a de mauvais résultats à l’école”. Pour ces parents, il y a une relation directe entre les jeux vidéo et les résultats scolaires. La logique est aisément compréhensible : le temps passé à jouer aux jeux vidéo est un temps pris sur les devoirs. L’enfant n’apprend pas ses leçons, ne fait pas les exercices demandés ce qui conduit immanquablement à l’échec. 

Cependant, en psychologie, les choses sont rarement aussi simples et automatiques. Des facteurs comme le sentiment d’auto-efficacité perçu par l’enfant, son autonomie, le soutien qu’il reçoit de ses parents et son âge de développement modifient la relation entre le temps passé à faire des devoirs et la réussite scolaire. La relation entre les devoirs et la réussite scolaire, surtout pour les enfants à besoins spécifiques, n’est pas directe.

Pour un psychologue, cette situation est une hypothèse qui doit être explorée. Voici quelques unes des questions que je me pose 

Certaines questions concernent spécifiquement les jeux vidéo. 

Pendant la phase d’évaluation, le psychologue explore le niveau de compréhension que l’enfant a du problème, la présence éventuelle d’autres trouble que les difficultés scolaires ainsi que la sévérité du trouble, son ancienneté et la perception qu’en a l’enfant. Ce temps est souvent perçu comme trop long par les parents qui souhaitent que les difficultés de l’enfant soient rapidement prises en charge. Mais faire une évaluation correcte, c’est déjà prendre en charge les difficultés de l’enfant. Proposer une psychothérapie à un enfant qui n’a aucune conscience de ses difficultés est inutile. Proposer une rééducation à un enfant qui présente un trouble anxieux est peu efficace.

En fonction de l’évaluation de la situation (histoire de l’enfant, histoire des difficultés, histoire de la famille) plusieurs interventions sont possible. Certaines sont en direction de l’enfant, d’autres sont adressées aux parents. Il faut parfois miser plusieurs interventions, car chaque situation est éminemment unique. Beaucoup de choses peuvent être faites. Souvent, avant d’arriver chez le psychologue, beaucoup de choses ont été tentées. Il faut donc évaluer ce qui a été fait, ce qui a échoué, et ce qui a marché. 

Et les jeux vidéo ? Ils sont parfois une partie du problème, mais ils ne sont pas la cause des difficultés de l’entant. Ils peuvent y contribuer en maintenant les difficultés, mais la suppression du temps de jeu vidéo ne sera jamais convertie automatiquement en bonnes notes

COVID-19 Quelques indications pour mettre en place des interventions cliniques distantes

mardi 24 mars 2020 à 08:44

Devant l’épidémie de COVID-19, afin de maintenir une continuité des soins, la recommandation a été faite de recourir à des solutions de communication en ligne Cette recommandation se comprend du fait que depuis plus de deux décennies, les psychothérapies en ligne font la preuve de leur efficacité  Malheureusement, ces recommandations ne sont assortis d’aucun conseil pour guider les professionnels qui souhaitent aborder cette nouvelle clinique. Ce court document vise à combler ce manque en apportant aux psychothérapeutes des indications et des recommandations précises et utiles. Il a été rédigé en ayant en tête un lecteur psychothérapeute psychodynamicien, mais je pense qu’il peut aussi être utile à un psychohtérapeute qui utilise une autre technique psychothérapeutique que la psychanalyse. Enfin, il s’appuie sur plus de 10 ans d’expérience de la psychothérapie en ligne.

Grand merci à Arnaud Zarbo et Niels Weber pour leurs commentaires sur une première version de ce texte

Au début des pratiques cliniques distantes, la recommandation était d’éviter de proposer ce type de traitement à des patients présentant des troubles de contact avec la réalité ou des patients qui n’avaient été reçus au cabinet en premier lieu

Ces restrictions étaient plus liées à des préjugés qu’à des éléments cliniques. La crainte était en effet que le patient ne confonde le réel et le virtuel. Vingt années d’un Internet pratiqué par des millions de personnes ont permis de lever cette crainte. Il ne reste pas moins que les psychothérapeutes doivent être très attentifs aux effets liés à la situation en ligne car les idéalisations y sont  beaucoup plus importantes et beaucoup plus rapides ce qui peut plonger la psychothérapie dans des zones où il devient difficile de travailler . Concrètement, cela signifie que le client aura tendance a attribuer beaucoup de traits positifs ou négatifs au psychothérapeute ou à la psychothérapie

La confidentialité est un point clé de toute psychothérapie. En effet, sans l’assurance d’une  confidentialité totale, aucun patient ne peut s’avancer suffisamment dans le travail psychothérapeutique. Or, contrairement à ce qui se passe au cabinet, sur Internet les communications transitent par un tiers. Un certain niveau de confidentialité peut être trouvé avec les applications qui respectent les normes HIPPA et RGPD. Mais certains objectent avec raison que ces normes n’empêchent pas des agences comme la NSA américaine d’écouter les conversations en ligne ligne ou des entreprises de revendre les données des utilisateurs.

il est aussi possible de dire que si une application comme Signal à un niveau de sécurité suffisant pour quelqu’un comme Edward Snowden qui est activement recherché par les autorités américaines, alors elle est dans doute suffisamment bonne pour faire une psychothérapie en ligne. Cependant, même avec ces éléments en tête, il est certain qu’il existe un niveau d’inconfort et d’incertitude qu’il faut accepter pour pouvoir travailler en ligne 

Le setting thérapeutique doit être modifié pour pouvoir prendre en compte la donne numérique. Il faut bien évidemment l’accord éclairé du client mais aussi que psychothérapeute et patient s’accordent sur la manière dont ils vont travailler ensemble en ligne. 

Il est tout d’abord nécessaire d’obtenir l’accord éclairé du patient. Les problèmes posés par les interventions en ligne doivent tête exposés clairement au client. Comme on l’a vu, la confidentialité est un problème. Il faut donc avertir le patient qu’il existe un risque faible que les communications en lien soient traitées d’une manière ou d’une autre par un tiers. Il faut aussi que le client ait conscience qu’il est le principal risque de rupture de la confidentialité soit parce que l’appareil avec lequel il communique avec son psychotherapeute n’est accessible à des tiers soit parce que la conversation est entendue par de tiers.

Le psychotherapeute et le client doivent s’entendre sur l’application à utiliser. Je pense qu’il et préfèrable de partir des applications déjà connues par le client afin que l’intervention soit la moins invasive possible. Certains clients attendent que le psychothérapeute leur apporte de bons conseils sur les bonnes applications (ce qu’il faut faire, bien évidemment), d’autres vivent l’installation de nouvelles applications comme des empiétements intolérables. Dans tous les cas, les choix faits par le psychothérapeute et les réactions du client doivent être pensés dans la relation transférentielle

Les premiers analystes a utiliser Skype recommandaient d’attendre l’appel du client. Il était aussi convenu qu’en cas de crash de l’application le client rappelle le psychohtérapeute. Mon expérience m’amène à une position plus souple sur ce second point même si là encore le psychotherapeute doit prendre en compte la situation transférentielle et la manière dont le lien est reconstruit après une rupture de la.communication.

Il y a plusieurs moyens d’accéder à l’internet pour avoir une vision conférence. Il est possible de connecter l’ordinateur au modem Internet via le câble, le wifi ou la 4g . Tous échoueront à un moment où un autre donc soyez prêts à passer de l’un à l’autre

L’expérience montre que les clients envoient souvent des messages entre les séances. Dans ma formation initiale, mes superviseurs insistaient pour que les échanges épistolaires ou les appels téléphoniques soient ramenés au cadre : “Nous discuterons de cela lors de la prochaine séance”. Nous sommes en 2020 et cette réponse est au mieux inopérante. 

Il vaut mieux prendre en compte les besoins satisfaits par les clients par ces interactions entre les séances. Par exemple, certains utilisent le mail comme un espace de dépôt parallèle à la psychothérapie et n’en attendent rien d’autre. Mais il peut arriver que la personne souhaite une réponse rapide à son message. Aussi, il est  important que le client sache si le psychothérapeute lit ses mails ou messages et le temps qu’il met habituellement à répondre.

Mon conseil est de répondre à tous les messages. La réponse peut être brève mais il faut que le client sache que son message est arrivé à destination. Le tempo de la réponse est important car ne pas répondre trop vite c’est aussi compter sur les compétences du client a trouver des réponses/ Certains psychothérapeutes précisent à leurs clients les moments de la semaine ou il répondent aux messages qu’ils reçoivent. Pour le client, cela peut être contenant de savoir que son psychothérapeute pourra répondre à son message à tel moment de la semaine. 

Le psychotherapeute et le patient doivent choisir un environnement dans lequel ils peuvent travailler mais les impératifs dont différents pour l’un et pour l’autre. Pour le psychotherapeute, c’est  nécessité professionnelle. Puisque les déplacements sont limités il faudra qu’il travaille dans un bureau ou toute autre pièce qui lui assurera une confidentialité suffisante. Il est important que le monde extérieur interfère le moins possible avec la psychothérapie. Bien sûr cela aussi échouera ponctuellement.

Pour le patient c’est un peu différent. Bien sûr il doit se trouver un espace où la psychothérapie est possible. Et bien sur le psychothérapeute sera confronté à des espaces exotiques : toilettes, chambres à coucher, bars, voitures, parcs, bureaux … mon conseil technique est de suivre le patient là où ils vous amène.

Le psychothérapeute fait partie de l’environnement psychothérapetuique. Ses habits, son parfum, le bruit de ses pas font partie des objets qui peuvent être investis par le client. Les psychothérapeutes sont attentifs aux objets qu’ils donnent ainsi à investir et au traitement que le client en fait. La situation en ligne n’est pas différente. Le psychothérapeute doit veiller à présenter au client une apparence professionnelle. Cela signifie qu’il est habillé pour les séances en ligne comme s’il était au cabinet.

Un jeune collègue pensait qu’il était possible de faire des séances en bas de pyjama puisque celui ci était hors cadre. J’ai eu une compréhension différente en considérant que ce hors cadre était aussi un élément de son contre transfert vis-à-vis du client.

L’utilisation de la webcam pose la question de ce qui est donné à voir et de ce qui est invisibilisé. L’IPA recommandé un background neutre c’est à dire dire un mur blanc. De mon expérience il n’y a pas de background neutre. Par exemple, pour moi, psychothérapeute métis, un arrière-fond blanc bruisse de connotations diverses plus ou moins soutenantes. Là encore, je pense qu’il faut faire preuve de souplesse. En ligne ou hors-ligne le psychotherapeute expose toujours bien partie de lui même vis son environnement. J’ai par exemple un patient très attentif à l’état des fleurs de mon cabinet . Lorsqu’elles sont fanées il fait des commentaires acides (et souvent juste) sur ma tendance à laisser aller les choses.

Pour ce qui est de la thérapie en ligne, ma recommandation est de choisir un arrière plan et d’essayer de garder le même. Veillez également à ce que l’angle de la prise de vue ne doit pas en contre plongée car cela met le client dans une position infantile. Laissez le client cadrer la séance comme il le veut 

Pour des raisons de confort, si vous utilisez un smartphone, un trépied peut être utile. Si vous utilisez un ordinateur portable, posez le sur une table. Il est bien évidement possible de poser l’ordinateur sur les genoux ou de garder le smartphone à la main. La règle analytique n’est pas de poser le médiateur ici ou là mais de penser ses implications transférentielles. Avoir le client sur les genoux n’est pas la même chose que de le tenir dans le creux de sa main. 

Utilisez un casque. Cela permet d’éviter d’entendre sa voix dans les hauts parleurs de l’ordinateur du client. La situation est plus confortable si le client utilise aussi un casque.

Si vous n’êtes pas un habitué des visioconférence faites des tests avec un ami. Soyez certain que vous rencontrerez des problème de techniques. Il est donc important et nécessaire que vous soyez à l’aise avec le dispositif pour que votre attention reste centrée sur le client lorsque les bugs apparaîtront. Vous devrez en effet trouver une solution technique tout en restant disponible aux manifestations du client.

Enfin, éliminez de votre environnement de travail tout ce qui ne concerne pas le client. La séance ne doit pas être gênée par les notifications de messagerie ou de sites les membres de votre famille

Astruc, B., Latrouite-Ma, M., & Chaudot, C. (2015). Thérapies d’adolescents par vidéo-consultation. Adolescence, 33(3), 573-582.

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Leroux, Y. (2014). Mon Psy sur Internet:[guide pratique et mode d’emploi de la thérapie en ligne]. FYP Ed..

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Skype https://www.skype.com/

Suler, J. (2001). Assessing a person’s suitability for online therapy: The ISMHO clinical case study group. CyberPsychology & Behavior, 4(6), 675-679.






Signal https://signal.org/fr/

Sherry Turkle

jeudi 19 mars 2020 à 07:49


Par son travail, Sherry TURKLE amène des éléments de compréhension majeurs sur les possibilités offertes au cyberespace en termes d’identité et de communautés. Elle est sans doute la première à aborder le cyberespace avec un regard optimiste et positif. La sortie de son livre, Life on the screen coïncide avec le développement de l’Internet et de l’informatique personnelle.

Sherry TURKLE est professeur au Abby Rockfeller Mauze ou elle enseigne les sciences sociales appliquées à la science et à la technologie. Elle est aussi directrice du MIT Initiative of technology. Enfin, elle possède un diplôme de psychologie. Dans son travail, elle s’appuie sur différentes perspectives théoriques pour rendre compte de ce qu’elle appelle “la culture naissante de la simulation” qui lui semble caractéristique du postmodernisme. Dans cette nouvelle culture, les ordinateurs apportent des “objets à penser”et sont une matérialisation du postmodernisme

Life on the screen est divisé en trois grandes parties. The seduction of the interface discute des formes de programmation apportées par la nouvelle interface graphique du Macintosh. Cette interface graphique encourage l’exploration et le bricolage pour comprendre le fonctionnement de la machine. Le second chapitre, On Dreams and Beast, traite de l’Intelligence artificielle et de la vie artificielle. TURKLE montre qu’avec l’informatique, les frontières qui délimitent l’intelligence et le vivant deviennent floues. Le dernier chapitre, On the Internet, traite de l’identité et des communautés en ligne. En s’appuyant sur des interview de MUDders et sa propre expérience, elle montre comment les mondes en ligne sont des occasion d’explorer leurs identité et de les mettre en lien avec leur identité offline

Pour TURKLE, un virage décisif s’opère avec le Macintosh. L’ordinateur était une machine à calculer avec laquelle l’utilisateur n’avait aucun lien autre qu’utilitaire. Il devient un “objet à penser” avec lequel l’utilisateur construit une relation si intime que des aspects de son self sont transformés. Les interfaces graphiques amènent à la surface de l’écran les résultats des calculs de la machine. Par exemple, avec un traitement de texte, les mots et les bloc de texte peuvent être déplacés et transformés à volonté. La manipulation du texte sur l’écran se rapproche de notre manière de pensée. L’expérience de la simulation devient complète du fait que ce qui apparaît sur l’écran est identique à ce qui sera imprimé. 

Cette culture de la simulation était dans les années 70 réservée à quelques hobbyistes ou hackers. Elle devient la culture mainstream dans les années 1990-2000 comme le montre le fait que plus personne ne s’intéresse à la manière dont les ordinateurs fonctionnent. Les utilisateurs veulent des machines pour faire des choses comme écrire des textes, modifier des images ou joueur aux jeux vidéo. TURKLE le résume en une formule frappante :  l’interface graphique est une théorie post moderne incarnée. Passer de la ligne de commande aux icônes est un changement majeur car l’utilisateur est encouragé à faire pour comprendre. C’est en explorant l’ordinateur dans ses moindres recoins, comme un MUDder explore la totalité des salles de son donjon, que l’utilisateur prend connaissance de l’ordinateur et qu’il apprend à s’en servir.

L’installation de cette culture de la simulation est accueilli avec de la résignation, du déni ou la mise en place d’une nouvelle forme de pensée dans laquelle ce qui a été pensé à propos de la simulation, du virtuel et de la réalité. En ce sens, elle appelle au développement de connaissances sur le simulations afin de pouvoir explorer collectivement et individuellement les questions posées par la simulation. 

Une des particularités du travail de TURKLE est de s’appuyer sur les réactions des enfants devant les ordinateurs. En les questionnant habilement et en recueillant leurs réponses, elle montre comment les enfants construisent les notions d’intelligence et de vivant. Parce que les enfants donnent un accès plus direct à leur fonctionnement, les enfants sont comme des miroirs de notre propre fonctionnement : “Les enfants d’aujourd’hui, dit Sherry TURKLE, ont grandi dans la culture des ordinateurs; nous sommes, au mieux, des citoyens naturalisés… Nous devons nous tourner vers les enfants pour voir comment nous fonctionnons”

En s’appuyant sur une vingtaine d’années d’études, TURKLE montre un changement dans la manière dont les enfants pensent les objets qui les entoure. La manière dont les catégorie du vivant et du conscient sont construit ont changé du fait de la fréquentation quotidienne avec les ordinateurs. Les enfants font plus facilement une distinction entre leur personne et les machines mais ils ont aussi construire une nouvelle façon de comprendre ce que les machines peuvent faire ou ce qu’elles peuvent être. Contrairement aux générations suivantes, il ne fait pas de doute pour les enfants que les machines sont des objets inanimés qui ont dans le même temps une pensée et même parfois une personnalité. 

Une autre notion importante de la culture de la simulation est le va et vient (“cycling through”). Les utilisateurs des MUDs passent du monde réel au monde virtuel tout comme l’utilisateur de Windows passe d’une fenêtre à une autre. La réalité devient juste une nouvelle fenêtre dans notre navigation. Pour TURKLE, cela est plus particulièrement visible avec les MUDs dans lesquels l’identité est multiple alors qu’elle est unique dans l’espace réel. Le self postmoderne, décrit comme fragmenté, éparpillé dans de multiples expériences, s’incarne parfaitement dans le self des MUDders. Les MUDs eux-même ont une identité hybride puisqu’ils sont une fiction et un programme informatique.

Les MUDs sont des espaces dans lesquels chacun met en jeu son identité en interagissant avec les autres utilisateurs. L’identité ne dépend que ce chacun utilisateurs tout en étant en même temps connectée aux autres joueurs  Les MUDs sont des espaces paradoxaux, hétéclotites qui impliquent la différence, le multiple, l’hétérogénéité, et la fragmentation. Ce sont des compagnons avec lesquels les utilisateurs peuvent penser ce qu’ils sont ou ce qu’ils souhaiteraient être dans lesquels des usages problématiques et thérapeutiques peuvent être trouvés. 

Enfin, Life on the screen est une contribution importante au débat sur le cyberespace par sa discussion sur les communautés virtuelle. A partir d’interview, TURKLE montre que les MUDs peuvent être utilisés  comme des ascenseurs sociaux. Les utilisateurs mettent a profit leurs talents en programmation ou en animation pour obtenir un statut social dans le MUD ou s’inventer des identités. 

C’est dans sa discussion sur les communautés en ligne que TURKLE se montre la plus critique. Elle s’inquiète du fait que la participation à des MUDs politiques puisse se faire au détriment de l’investissement dans la vie politique réelle. Le cyberespace est là encore un espace contradictoire et paradoxale car TURKLE trouve éléments qui montrent que le cyberespace peut être le point de départ de projets ou de contestations politiques. Mais elle trouve également des indices qui montrent que le cyberespace peut être utilisé pour se retirer de la vie politique.

TURKLE décrit le cyberespace comme un espace liminaire dans lequel les règles habituelles de la société ne s’appliquent pas. La liminalité est un concept issu de l’anthropologie pour décrire des moments entre deux états. Cette période est souvent l’occasion d’un retrait de la société et de rituels. C’est le moment ou les personnes font des pèlerinages ou des rites de passage.  Dans le cas du cyberespace, l’espace liminaire peut permettre l’émergence de nouveaux symboles ou de nouvelles pratiques tout comme elle peut être le puissant ferment de l’inaction