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[LECTURE] LE BIHAN Le Bihan (2014) Le jeu vidéo, un objet de soin?

mercredi 20 juillet 2016 à 10:00

La thèse de l’auteur est que les jeux vidéo peuvent être un objet de soin parce qu’ils facilitent le processus thérapeutique . La démonstration s’appuie sur l’exposition de la situation  de César, un jeune adolescent de 12 ans reçu dans un Hôpital de Jour pour une phobie scolaire. Les étapes du traitement avec le jeu vidéo Fable sont décrites. L’article est un bon point de départ pour proposer une théorie des relations entre le joueur et le personnage-joué avec la notion d’objet-soi de Kohut.

L’adolescence est un moment crucial dans la formation de l’identité de la personne. Ce processus peut prendre une direction pathologique qui nécessite une prise en charge adaptée. Cependant, la prise en charge des adolescent peut être compliquée du fait des mécanismes de défense qui sont préférentiellement utilisés dans cette période de la vie. Devant les difficultés posées par le traitement de César, 12 ans,  il est proposé un temps de rencontre thérapeutique autour d’un jeu vidéo .Fable est le jeu vidéo proposé par les psychothérapeutes. Il s’agit d’un jeu de rôle dans lequel le joueur incarne un personnage qui doit réaliser des quêtes données par les personnages du jeu. La réussite des quêtes et les actions effectuées dans le jeu ont un effet sur le développement du personnage et sur les interactions que les personnage du jeu ont avec lui. Le pari des soignants est que le jeu vidéo aura une fonction de stimulation et de contenance des affects et des pensées de l’adolescent qui joue une deux fois par semaine à Fable. Un psychologue et un psychomotricien l’accompagnement alternativement dans les parties

L’auteur décrit quatre étapes dans le traitement : 1) une phase de contact; 2) une phase “crise et violences contenues”; 3) une phase “régression/expression” et 4) une phase de développement.Dans la première phase, César cherche à avancer le plus vite possible. Il ne tient pas compte de la présence du thérapeute et ne s’implique pas dans la narration de l’histoire. Dans un second temps, César donne un nom au personnage, lui attribue des pouvoirs, dépense l’or gagné en armes et armures et tient plus compte des remarques du psychothérapeute. Sur le plan clinique, la colère et la rage succèdent à l’inhibition. Durant la phase suivante, César vend son équipement et découvre que son personnage est extrêmement laid. En effet, dans Fable, plus le personnage a un comportement répréhensible, plus son apparence devient monstrueuse. César associe sur son propre manque d’estime de soi, sa peur d’être rejeté, son impression d’être laid. Lors de la dernière phase, César peut lâcher le jeu vidéo pour aller vers des activités collectives. La phase de développement permet une restauration narcissique pendant laquelle César prend soin de son avatar et imagine pour lui des quêtes et des situations nouvelles

Les jeux vidéo peuvent  être un support thérapeutique intéressant dans les situations ou les adolescents sont murés dans l’immobilisme et/ou l’agressivité. Le jeu réintroduit de la transitionnalité en permettant à l’adolescent d’extérioriser ses conflits inconscients. Le joueur traverse plusieurs phases organisatrices dans le processus de symbolisation : 1) investissement de la thérapie; 2) régulation entre ce qui est souhaité et ce qui est possible; 3) empathie envers l’avatar et les autres personnages de jeu; 4) restauration narcissique permettant le passage du soi virtuel au soi réel

L’article montre deux éléments essentiels dans la construction des psychothérapies. Le premier concerne les préconceptions des psychothérapeutes qui fonctionnent comme un rêverie maternelle. Les premiers prises en charge sont des échecs dont il est facile d’imaginer qu’elles remettent en cause le narcissisme des professionnels. Une solution est trouvée grâce à leur capacité à rêver qui transforme les agression en une proposition de travail. Les thérapeutes s’appuient sur un projet de groupe conte qui n’avait pas pu se mettre en place pour proposer a César de travail avec le jeu vidéo Fable. C’est là qu’intervient le second élément. La médiation est possible parce que la proposition rejoint un intérêt de César, sinon il n’y aurait uniquement une rêverie narcissique qui n’aurait aucun potentiel transformateur

Le travail avec les jeux vidéo est souvent pensé à partir de la paire formée par le joueur et le personnage-joué. Dans cette relation, les processus narcissiques sont privilégiés par les auteurs. LE BIHAN évoque ici le “dédoublement narcissique de soi” pour qualifier cette relation. Je pense qu’il est possible de préciser cette relation avec la notion d’objet-soi. Pour KOHUT, les objets-soi réalisent pour l’enfant les opérations psychologiques qu’il n’est pas encore capable d’effectuer et qui sont nécessaires à son développement. L’internalisation transmutative permet à l’enfant de s’approprier les fonctions de l’objet-soi grâce à ses compétences et talents en les adaptant à ses propres buts. Les objets-soi ne sont pas limités à l’enfance. Ils accompagnent la personne pendant toute sa vie car les besoins narcissique ne sont jamais dépassés.

KOHUT a décrit trois types d’objet-soi : les objets-soi miroir qui confirment le sens de vigueur, de grandeur et de perfection de la personne, les objets soi-idéalisé qui permettent à la personne de fusionner avec le calme et l’omnipotence de l’objet-soi et les objet-soi jumeau qui confirment la personne dans son humanité en donnant un sentiment de communauté. Les jeux vidéo fournissent ces trois types d’objet-soi en grande quantité. Les personnages joués sont généralement des héros avec des pouvoirs extraordinaires. Ils sont habiles de leurs corps, font des bonds immenses et possèdent des réflexes les mettent au-delà de l’ordinaire. Lorsque le corps des personnages-joué  ne possèdent pas ces capacités, des objets ou des armures les mettent à leur portée. Ce n’est pas toujours le design des personnages joués qui est décisif. Parfois, l’objet-soi est trouvé dans la situation de jeu. Arriver dans une partie et renverser la situation par son habilité ou sa ruse fait vivre des sentiments de maîtrise et de toute puissance. D’une façon générale, jouer à un jeu vidéo, c’est éprouver au travers son personnage-joué une vigueur, une grandeur et une perfection qu’il est difficile de vivre par d’autre moyens. Le jeu vidéo permet de vivre de grands moments d’omnipotence tout en restant dans le cercle magique du jeu. Lorsque cet objet-soi est perdu dans le jeu, le joueur le manifeste par des sentiments de colère ou de rage

Les objets-soi idéalisés sont rencontrés dans la fréquentation de personnages qui incarnent le calme ou l’omnipotence ou avec lesquels il est possible d’expérimenter ces sentiments. La position de sniper dans les FPS permet de rencontrer un tel objet-soi idéalisé car le sniper est celui qui peut faire de grands dégâts avec très peu de moyens. La perte des objets-soi idéalisé dans une partie fait vivre des sentiments de honte qui peuvent être combattus par des manifestation arrogance ou de froideur

Dans les parties en ligne, les joueurs mettent en jeu leur capacité à être avec d’autres personnes, à communiquer et à coopérer. Pour les personnes qui cherchent des objets-soi jumeaux, les jeux vidéo sont alors des espaces parfaits. Les personnages-joués sont en effet souvent  très semblables dans leurs design et dans leurs capacités. Le joueur est donc assuré de trouver des alter-ego en quantité avec lesquels il pourra cultiver le sentiment d’appartenir à un ensemble sans que cela ne mette trop en cause son narcissisme. Les objet-soi jumeaux peuvent aussi être trouvés dans toutes les situations dans lesquelles un objet ou un personnage accompagne le personnage du joueur. Par exemple, dans les MMORPG, les chasseurs sont souvent accompagnés d’un animal auquel il est possible de donner des ordre simples comme “attaquer” ou “rester ici’. Le personnage peut aussi être entouré d’un élément naturel. Le sort Bouclier d’eau du Chaman de World of Warcraft fait apparaître trois boules bleues qui entourent la taille du personnage.

En conclusion, les avatars ne sont pas simplement des émanations du narcissisme du joueur. Un des intérêts des jeux vidéo est qu’ils apportent aux joueurs des possibilités d’être en contact avec des objets-soi. Pendant leurs parties, ils peuvent éprouver de l’omnipotence, le calme et la sagesse des figurées idéalisées ou communiquer et coopérer avec d’autres personnes.

Ainsi, un de

[LECTURE] MARQUET (2009) L’amour romantique à l’épreuve d’Internet

mardi 19 juillet 2016 à 10:00

Le sociologue Jacques MARQUET étudie comment l’Internet affecte les pratiques amoureuses. Il décrit plusieurs  métaphores par lesquelles les personnes décrivent les sites de rencontre. Le modèle de la rencontre amoureuse créé en Occident au 19ième siècle reste le modèle de référence même si les personnes doivent inventer de nouvelles façon d’appréhender l’engagement amoureux dans un monde ou, du fait de la multiplicité des possibilités de rencontre, la figure de l’élu unique tend à disparaître.

L’Internet est un espace pour les rencontres amoureuses et sexuelles. 9,6% des femmes adultes et 13,1% des hommes se sont déjà connectés à un site de rencontres. L’étude actuelle s’appuie sur une recherche sur 44 entretiens de personnes ayant utilisé des sites de rencontre dans le but de nouer des relations sexuelles ou amoureuses.

En Occident, le modèle romantique de la rencontre amoureuse fonctionne comme référence depuis le 19ième siècle. Le modèle romantique met en avant la valorisation de la pérennité conjugale, l’idéalisation du partenaire, la prédestination, et les sentiments amoureux. La post-modernité conteste le modèle de l’amour romantique mais il reste tout de même le modèle dominant qui organise les relations entre les adultes.

MARQUET identifie plusieurs métaphores chez les personnes qui utilisent les sites de rencontre : 1) le marché, 2) le bordel; 3) la pêche à la ligne et 4) le travail. Le modèle du marché met en avant la multiplicité des choix et les possibilité de comparaison qui s’offre aux utilisateurs. La métaphore du bordel met en avant les images de prostitution et de mensonge. Sur les site de rencontre, chacun s’affiche comme les prostituées de Hambourg ou de la Gare du Nord s’offrent aux regards des passants. Dans le même temps, tout ce qui est montré est un mensonge. Les utilisateurs mentent sur leur âge, leur physique, leurs intentions. Avec la pêche à la ligne, les utilisateurs sont tour à tour pêcheurs et poissons. Comme les pêcheurs, les utilisateurs doivent constamment surveiller leurs lignes et réagir rapidement lorsqu’ils ont une touche. Enfin, les utilisateurs des sites de rencontre sont aussi des travailleurs parce qu’ils doivent veiller à se présenter d’une façon qui les rende aimables, se souvenir des interlocuteurs et ne pas se laisser entraîner trop vite par toutes les sollicitations

MARQUET fait allusion à deux autres univers de référence : la technologie de la communication et la chasse. Les métaphores utilisées par les interviewés dépendent aussi de leur expérience de la relation amoureuse ou appartiennent a l’univers mental de la personne. Elles préexistent donc à l’utilisation du réseau social.

Ces métaphores s’éloignent du modèle romantique du coup de foudre qui met en avant l’attirance immédiate et la fusion des émotions. Au contraire du coup de foudre, la rencontre amoureuse est recherchée sur les sites de rencontre; elle est rationalisée par les dispositifs de présentation de soi. La quête amoureuse sur Internet est caractérisée par l’impression d’abondance de partenaires, la multiplication de contacts et une recherche sans fin. Pour MARQUET, ce dernier élément est le plus important car il remet en question le mythe de la personne aimée unique et élue.

D’une façon générale, les sites de rencontre n’annulent pas le modèle romantique de la rencontre amoureuse. Celui ci subsiste à l’intérieur des pratiques amoureuses sur les sites de rencontre qui obligent par ailleurs les couples à inventer de nouvelles façon d’appréhender l’engagement amoureux.

L’article apporte un regard sur les sites de rencontre différent de celui qui est généralement porté. Les sites de rencontre sont souvent décrits comme un mal de la post-modernité qui transforme tout en marchandise. Même l’amour, chose sacrée entre toutes, est tombé dans l’enfer post-moderne qui réduit le rêve et le mystère de l’autre aimé à une série de caractéristiques. Chacun n’a plus qu’a assembler l’objet de ses fantasmes  – blond, sportif et bon vivant ou brune, intellectuelle, aimant les sorties au musée – pour trouver l’ame soeur.

Le travail de MARQUET permet de comprendre que ce point de vue est partiel et et probablement nourri par la nostalgie d’une rencontre amoureuse idéalisée. Les formes anciennes de l’amour ne sont pas remises en cause du jour au lendemain du fait de la magie numérique, mais elles sont réinterprétées  et renégociées dans les formes nouvelles de la modernité.

 

[LECTURE] ASSOUN (2010) L’amour virtuel et son envers inconscient

dimanche 17 juillet 2016 à 11:09

Comment les relations entre les hommes et les femmes sont-elles affectées par le cyberespace ? Qu’est ce que l’Internet apporte de neuf et qu’est ce qui se rejoue dans les relations en ligne ? Le psychanalyste Paul-Laurent ASSOUN tente de répondre à ces questions dans L’amour virtuel et son envers inconscient à partir de sa conception du fantasme.

ASSOUN  rappelle tout d’abord la différence entre le virtuel et le réel. Le virtuel n’est pas le faux mais “ce qui permet de faire tenir la réalité, sur le mode de l’illusionnement”. De nombreuses définitions au virutel sont données sans être développées plus avant. Le virtuel est ainsi  ce qui possède les conditions à son actualisation, ce qui existe sans se manifester, et ce qui est de l’ordre de la mise en situation

Le virtuel est ensuite rapproché du fantasme et de l’amour. Pour ASSOUN le fantasme remplit une fonction d’indemnisation et de suppléance et constitue une sorte de “réserve naturelle” dans laquelle le sujet pouvoir au moyen de scénario regagner quelque chose de la jouissance perdue. L’amour permet de vivre le fantasme en accord avec la réalité.

Cette définition permet d’articuler le virtuel et le fantasme. ASSOUN affirme que le virtuel ouvre un “espace de renégociation avec l’objet du fantasme”. Sur Internet, l’autre n’est ni réel, ni anonyme, il est “hétéronyme”. La recherche de “l’ame soeur” sur Internet est le symptome de l’hypermodernité. En ligne, les autres n’ont pas de nom. C’est précisément cette absence de nom, le “dé-nommé”, le “dé-figuré” qui est recherché dans le cyberespace

ASSOUN présente trois figures qui lui semblent caractéristiques des utilisateurs du réseau. L’adolescente part sur le web parce qu’elle est malade des personnes qui l’entourent au quotidien. Elle cherche l’ami inconnu, ou l’amant magnifique : celui qui va donner réponse à l’amour oedidien non satisfait. La femme marié va alors chercher sur Internet un “petit don juan disponible” qui va la consoler de ce que son mari soit devenu un étranger. L’homme obsessionnel va chercher dans le dos de sa femme des satisfactions à son désir sur le réseau.

L’animisme et la toute puissance de la pensée sont communs à ces trois figures. Le virtuel entretien l’illusion de naviguer par delà le temps et l’espace. Sur le réseau, l’autre est quasiment halluciné. L’illusion hypermoderne recouvre l’illusion classique puisque la magie du cyberespace rencontre la magie de l’amour. Le phénomène ne semble pas vraiment nouveau à ASSOUN puisque il est possible de le retrouver dans la passion épistolaire. La massivité du phénomène est ce qui fait sa modernité :  en ligne, chacun a quelque chose à “vendre” ou à “acheter”

La notion d’hétéronymie empruntée que ASSOUN emprunte à Pessoa  est intéressant pour explorer les usages du pseudonyme sur le réseau Internet. GOMES et al. (2009) utilisent la notion pour montrer comment la communication à distance permet une exploration de la subjectivité de chacun De ce point de vue, devenir autre n’est pas nécessairement une impasse. S’autrer Cela peut même être une condition permettant de devenir soi.

Le texte, comme toujours avec ASSOUN, est habilement écrit. On y trouve les formules qui vont attirer l’attention : “l’avenir de cette illusion là” évoque bien évidement L’avenir d’une illusion de Freud, “l’homme sans nom” renvoit au Nom-du-père dont Lacan a voulu faire la clé de voute de la psychose Ce sont des signes de reconnaissance qui permettent permettent au lecteur et à l’auteur de se reconnaitre. On est entre soi puisque l’on reconnait les clins d’oeil. Malheureusement, on reconnait moins l’Internet qu’il décrit. Lorsque l’article est publié en 2010, les réseaux sociaux sont les principaux dispositif. Le Cablegate de Wikileaks est sur tous les journaux. Pinterest et Instagram sont les nouvelles attractions. . Les forums et les chat ont été emportés par la vague du Web 2.0 en 2003 Rien de tout cela n’apparait dans l’article de ASSOUN qui semble parler d’un Internet révolu depuis longtemps

L’écriture en surplomb de l’Internet l sert davantage de faire-valoir aux idées de l’auteur qu’a présenter ce qu’est le cyberespace. De ce fait, ce que les personnes y font et ce qu’elles y trouvent n’est jamais approché. Par ailleurs, ASSOUN ne traite que des aspects négatifs de l’Internet. Il y a tout au long du texte une ironie vis à vis de l’Internet et de personnes qui l’utilisation qui est génante. On sent que du point de vue de l’auteur, l’amour en ligne ne peut qu’être une tromperie. Quand bien même, le cyberespace serait un lieu de fuite et de retraite, en quoi cela est un lieu de fuite et de retraite. Ne pourrait il pas être aussi un lieu de recharge ?

On est étonné de la méconnaissance de  l’auteur sur le sujet qu’il traite. La question de l’identité en ligne a fait l’objet de suffisament de publications pour comprendre qu’il ne s’agit pas d’une fausse identité, ou d’une identité moins réelle que l’identité civile. sur Internet tout le monde a un nom. Mieux encore, le fait de pouvoir se donner un nom et de nommer tous les autres est une des attraits et des problèmes du cyberespace. Le nom que chacun se donne est en lien avec le fonctionnement conscient et inconscient de chacun. Il ne s’agit pas simplement d’une projection au sens de la mise à l’extérieur de soi de quelque chose que la personne ne peut pas reconnaître en elle même. Les apparences prises en ligne font partie du travail de subjectivation qui vise, petit à petit, à étendre les frontières du Self. Cela peut se faire par une projection dans un nom ou un avatar qui va dans un second temps être reconnue par d’autres personnes. Cette reconnaissance permet dans un troisième temps à la personne d’accepter ce qui été précédemment projeté.

L’autre étonnement vient du fait que ASSOUN oppose les relations en ligne et les relations “de proximité” que les utilisateurs de l’Internet fuieraient pour “se mettre en quête d’un être sans visage”. Le fait qu’ASSOUN n’arrive pas à voir des visages sur Internet ne signifie pas que cela soit le cas de tout le monde. Ce n’est pas parce que l’on est errant que l’on est personne.

ASSOUN croise une figure de l’imaginaire occidental qui aurait pu donner lieu à des développements intéressant. Lorsqu’il a fallu nommer les pratiques en ligne, ce sont les vocables de la navigation qui ont été mis en avant. Nous sommes devenus des internautes et nous surfons sur Internet  L’imaginaire liquide de la post-modernité rejoint l’imaginaire des mythes antiques sur lesquels l’occident a construit son identité. Aujourd’hui nous sommes des errants numériques alors qu’hier nous étions des Ulysses. Mais si Ulysse s’appelle Personne, c’est le temps de tromper Cyclope. Jamais il ne perd de vue qu’il est Ulysse, fils de Laerte, de la même façon qu’aucun digiborigène ne se confond totalement avec son identité en ligne

Finalement, après avoir pris la précaution de dire que le virtuel n’est pas l’illusion, ASSOUN développe l’idée contraire. Sur le réseau, l’animisme et la pensée magique sont prédominants. L’autre en ligne est un autre halluciné. L’illusion hypermoderne recouvre l’illusion classique puisque la magie du cyberespace rencontre la magie de l’amour. Cette dérive aurait pu être évitée si l’auteur était parti du cyberespace dans ce qu’il a de plus concret et non pas de sa propre théorie

[LECTURE] NATANSON (2009) Le virtuel chez nous, impasse ou voie pour l’imaginaire

dimanche 17 juillet 2016 à 10:00

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Madeleine NATANSON tire de son expérience de psychothérapeute et de ses observations quelques propositions à propos de l’utilisation du virtuel. Elle voit dans la multiplication des images des occasion de difficultés pour les enfants mais surtout des possibilité de soutien de l’imaginaire dans lesquelles les grands-parents peuvent jouer un rôle important.

NATANSON part du constat suivant :d’abord éxtérieurs et publics, les dispositifs d’images sont devenus de plus en plus domestiques et intimes. Le mouvement a été de plus en plus rapide puisqu’il a fallu cinquante ans a la télévision pour devenir un objet quotidien, 20 années à l’ordinateur et 10 ans seulement pour l’Internet. Les enfants sont les acteurs privilégiés de ces changements. Ils passent entre 6 et 11 ans la moitié de leur temps devant un écran et 12,7 heures par semaine sur Internet entre 15 et 25 ans.

Comment ces technologiques sont elles intégrées dans les familles ? Que remplacent-elles ? Que détruisent elles ? Que comblent-elles ? Pour répondre à ces question NATANSON s’appuie sur son expérience de thérapeute et de l’ordinaire des conduites adolescentes.

Du coté de la psychothérapie, NATANSON note que les thérapeutes TCC utilisent le virtuel dans leurs traitements pour exposer les patients dans des situations et l’aider à réduire son anxiété. Dans le domaine psychodynamique, la technique du rêve éveillé permet d’aider le patient a mettre des mots sur des images “virtuelles”. Elle en tire une proposition générale : c’est aux thérapeutes, aux animateurs, aux parent de donner sens au jeu virtuel  et d’offrir aux enfants d’autres constructions imaginaires. NATANSON reprend l’idée d’une addiction aux jeux en ligne tout en précisant que trois facteurs entrent en jeu dans la toxicomanie : le produit, le sujet et l’environnement (OLIVENSENSTEIN, 1973). La dépendance au virtuel est décrite comme une tentaitve de resoudre la question de la séparation qui se pose à l’adolescence.

Du côté de l’adolescence ordinaire, NATANSON trouve dans le Web 2.0 des occasion de créer et publier des textes. Les jeux vidéo permettent de recycler l’imaginaire qu’ils proposent pour se les approprier. Ils permettent également de nourrir les jeux fraternels. Les jeux ne son

Pour NATANSON, l’éducation est la clé. Il faut apprendre à se servir d’Internet à l’école mais aussi dans les familles. L’éducation est la meilleure prévention aux dérives que l’on peut constater. L’imaginaire des enfants est stimulé lorsqu’il est assisté par une communauté d’adulte. Dans ce travail de transmission, les grands-parents jouent un rôle important parce qu’ils peuvent aider les enfants à formuler leurs désirs et leurs craintes

Le principal problème du texte est qu’il regroupe sous le terme de “virtuel” un ensemble très disparate puisque ’on y trouve les jeux vidéo, les blogs et les forums. L’addiction aux jeux vidéo est reprise sans être critiquée. Elle est présentée comme un fait alors même que sa définition pose problème

La spécificité de NATANSON est d’insister sur le fait que les éléments positifs ou négatifs ne dépendent pas du “virtuel” mais de l’accompagnement que les adultes font des pratiques numériques des enfants. C’est à la communauté des adultes de lier les pratiques nouvelles aux pratiques anciennes. C’est en ce sens que les grands-parents sont dans une position privilégiée. Ils peuvent, parce que leur expérience porte sur plusieurs dizaine d’années, facilement mettre l’imaginaire actuel des jeux vidéo avec l’imaginaire des contes, des romans, de la poésie.

 

L’article est destiné à un large public qui s’intérerroge sur les effets des écrans sur les enfants. Du fait de son manque de précision, on lui préférera tout de même les textes grand public de Serge TISSERON

[LECTURE] LE CORRE 2013 Au croisement de l’imaginaire et du symbolique, le jeu vidéo

samedi 16 juillet 2016 à 16:41
LE CORRE Au croisement de l’imaginaire et du symbolique, le jeu vidéo

Psychologue et psychanalyste, Vincent LE CORRE  prend acte du fait que les jeux vidéo sont un phénomène complexe devant être étudié par plusieurs disciplines qui doivent prendre en compte les différentes situations de jeu. L’approche psychanalytique est utilisée pour comprendre les jeux vidéo sous un angle différent de celui de la violence ou de “l’addiction”. Deux aspects sont mis en avant : le narcissisme et l’interactivité. Un cas clinique articule les deux dimensions

Le narcissisme est une vieille piste de recherche sur les jeux vidéo probablement du fait que les adolescents ont été les premiers utilisateurs. L’adolescence est un moment ou les investissements narcissiques sont privilégiés puisque la personne doit quitter son Moi infantile pour construire une personnalité adulte. LE CORRE s’appuie sur LESSOURD (2004) pour qui le Moi adolescent est préférentiellement investi.

L’interactivité est traité sous l’angle du médium malléable et de l’interpassivité. Le médium malléable est une notion développée par le psychanalyste français René Roussillon. Il désigne par là des objets dont les propriétés spécifiques permettent l’accordage entre le thérapeute et le patient. Habituellement, le thérapeute est le médium malléable puisqu’il se fait “bonne pâte” en s’adaptant aux besoins du patient pour établir un contact avec son vrai self. Lorsque cela n’est pas possible, un objet peut jouer un rôle d’intermédiaire

Les jeux vidéo sont une manière d’interagir avec la “matière numérique” produite par la machine. Cette matière numérique serait le lieu  de rencontre d’objets malléables . La manipulation de cette matière peut donner forme à certains processus psychiques. La programmation donnerait un accès direct à cette matière tandis que le jeu vdéo permettrait une perspective imaginaire. Le fait de pouvoir reprendre de manière quasiment infinie une séquence de jeu serait source de plaisir

Dans la relation thérapeutique, l’objet numérique permet de faire apparaître des aspects de la réalité psychique en fonction des propriétés de la matière et du type de relation que le sujet peut mettre en place avec les machines numériques

L’interpassivvité est une notion développée par le philosophe Slavoj ZIZEK qui désigne un rapport de substitution dans lequel une croyance ou une émotion est déplacée de l’extérieur vers l’intérieur ou de l’intérieur vers l’extérieur. LE CORRE retrouve avec l’avatar cete notion d’interpassivité qu’il voit comme un signifiant qui agit, vit, souffre et éprouve du plaisir à la place du sujet. L’interpassivité permet de  comprendre le jeu excessif. Vincent LE CORRE propose de voir le jeu vidéo excessif comme une tentative de faire jouir inlassablement l’objet-machine et une manière de se soulager du devoir surmoique de s’amuser.

Le cas clinique concerne un jeune homme reçu en psychothérapie et adressé à l’auteur pour  un médiation “autour de l’informatique”. Elle prendra la forme de parties de jeux vidéo apportées par le patient au cours desquelles il va “refaire l’histoire des jeux vidéo”. Dans les parties, il est aussi agile et gracieux qu’il est maladroit et lourd dans la réalité. Pour LE CORRE, le héros représente l’image id.éalisée de son Moi corporel et l’expérience vidéoludique est dans son ensemble une expérience corporelle. Le jeu vidéo permet au patient d’établir des contact avec d’autres personnes sans que cela soit dangereux parce que les règles d’interaction sont prises en charge par la machine. Le jeu vidéo est pour cet adolescent un pont vers la culture tout en lui donnant des occasions de rencontrer les autres en étant sauf de sa propre destructivité.

Le jeu vidéo est un partenaire d’autant plus apprécié par les adolescents qu’ils sont libres de tous affaire pulsionnelle. Lorsqu’il devient excessif, c’est pour la personne une tentative de faire jouir inlassablement l’objet-machine, une manière de soulager son devoir surmoique de s’amuser

L’article se termine sur deux questions : que devient un sujet lorsqu’il se connecte à une machine ? Quels sont les types de plaisir et de jouissance provoqués par les jeux vidéo

Ma lecture du texte a été compliquée dans certaines parties du fait de l’approche lacanienne. L’interpassivité de Slavoj ZIZEK est pour moi un détour qui  n’apporte pas grand chose de plus que l’extimité. L’interpassivité ne permet pas non plus de comprendre comment une personne est affectée par l’utilisation de ce mécanisme

J’ai été largement plus intéressé par la partie qui traite du numérique comme d’une matière. C’est une image que j’avais donné dans ma thèse sur les processus groupaux. L’idée m’en était venue lorsque j’avais découvert que la machine à tisser était un des ancêtres de l’ordinateur. Cette matière est particulière car elle est intangible et asensuelle. Aucune main ne passera jamais dans les cheveux d’un avatar. Personne ne pourra jamais dire le gout du numérique. Ces deux caractéristiques en font un médium de choix pour les adolescents. En effet, le tabou du toucher est réactivé au moment de l’adolescence du fait des nouvelles significations que le touche prend à ce moment. Les adolescents doivent également veiller à ne pas être débordés par leurs pulsions ou s’effondrer dans la dépression. Les objets externe sont alors des points d’appuis importants dans cette lutte. L’adolescent évite le contact avec les objets trop excitants ou au contraire va vers eux lorsque la dépression menace. L’asensualité du numérique libère l’adolescent de ces contraintes. Quelque soit l’excitation vécue, elle ne peut être qu’interne . Le procédé n’est pas nouveau puisque les générations précédentes pouvaient le vivre au cinéma. Mais l’image garde un potentiel sensuel que le numérique ne possède.

J’espère que Vincent LE CORRE pourra traiter dans d’autres textes des questions sur lesquelles il termine. On imagine assez aisément les pistes de travail : l’hybridation, le cyborg sont les images qui viennent lorsque l’on pense à l’appareillage entre le joueur de jeu vidéo et la machine. Cette ’hybridation massivement sociale car un des grands plaisir du jeu vidéo est de jouer avec des multitudes.