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Le handicap et les jeux vidéo

vendredi 20 octobre 2017 à 07:00

En France, on estime de 12 millions de personnes sont touchées par un handicap. Parmi elles, 8 personnes sur 10 ont un handicap invisible. Les handicaps les plus fréquents sont la déficience motrice (13,4), la déficience sensorielle (11,4), la déficience organique (9,8), la déficience mentale (6,6). Il est évidement que parmi ces personnes, certaines sont intéressées par les jeux vidéo, soit parce qu’elle jouaient avant de présenter un handicap, soit parce que, comme beaucoup de français, les jeux vidéo ont toujours fait partie de leur environnement.

Dans le monde des jeux vidéo, il est assez facile de trouver des personnes présentant un handicap. Par exemple :

Certains personnages sont un peu plus complexe. C’est le cas de Nathan Rad Spencer du jeu Bionic Commando

Rad commence tout d’abord par être amputé de son bras gauche à la suite d’une blessure au combat. Mais il quitte rapidement le statut d’handicapé en acceptant la greffe d’un bras bionique qui lui donne une série de pouvoir qui le rendent pratiquement invulnérable. “Comment pourrais-je perdre ? J’ai un bras bionique” est le principal commentaire de Brad. Mais il est aussi un représentant des stigmates que portent les handicapés dans notre société. En effet, la méfiance des citoyens vis à vis de ces cyborg conduisent à un mouvement anti-bionique qui le conduisent en prison où il échappe de peu à la peine capitale. Enfin, Brad Spencer peut être mis dans la liste des personnages présentant un problème de santé mentale si l’on prend en compte le fait que son bras bionique est aussi sa femme. En effet, pour que la prothèse bionique fonctionne parfaitement, il doit être parfaitement adapté physiquement et émotionnellement à son hôte. Qui mieux qu’une épouse (du moins dans le monde de Bionic Commando) pourrait jouer ce rôle ? Même si cet élément de l’histoire a été décrit comme “stupide”, il a une part de vérité psychologique car il est une illustration d’un deuil pathologique. L’amputation souligne la perte de la “moitié” de Brad tandis que le bras bionique est un représentant des mécanismes de deuil : l’être aimé n’a pas été perdu, il est encore là, présent et le couple formé avec lui rend invulnérable.

 

Plusieurs éléments sont à retenir dans la manière dont le handicap est représenté dans les jeux vidéo. Tout d’abord, les personnages handicapés sont peu nombreux. Cela tient sans doute d’une part au fait que le handicap est peu représenté dans les média. Mais les jeux vidéo apportent une barrière supplémentaire car leur mécanique est basée sur l’amélioration constante. Niveau après niveau, le joueur progresse dans des arbres de compétences qui apportent toujours de nouvelles capacités.

Les personnages handicapés ne sont pas seulement peu nombreux. Ils sont aussi très souvent à l’arrière plan. La majeure partie des personnages de jeu vidéo présentant un handicap est constituée par des personnages  non-jouables. Les jeux vidéo présentent là une image des forces de notre société qui a tendance à rendre invisible les personnes qui portent un handicap.

Dans les jeux vidéo, le handicap est le plus souvent idéalisé. L’idéalisation peut être positive comme dans le cas de Kota (Star War : The Force Awakens) dont la cécité est largement contrebalancée par ses pouvoirs exceptionnels de Jedi. Si Kota est aveugle, c’est parce qu’il est un sur-voyant dans d’autres domaines. Il a les yeux fermés sur l’accessoire – notre réalité – mais grand ouvert sur la vraie réalité des choses. Ironiquement, pour beaucoup de personnages de jeu vidéo, le handicap est une manière de souligner leurs capacités extraordinaires. Par exemple, le génie technologique de Bentley (Thieves in Time) lui permet de transformer son fauteuil roulant en une merveille mécanique qui lui donne son surnom mais qui surtout lui permet de faire ce que les autres sont incapables de faire. Pour le joueur, ces personnages peuvent être lus de deux manières différentes. Ils peuvent soutenir le déni de ce que la condition de handicap peut avoir de difficile voire de douloureux. Mais ils peuvent aussi être une occasion de voir les personnes handicapées comme des personnes capables d’agir sur leurs destinées et non comme des personnes systématiquement en situation de dépendance.  L’idéalisation peut aussi être négative. C’est le cas lorsque le handicap est porté par un villain. Le handicap souligne alors un défaut fondamental du personnage en reprennant un vieil imaginaire de la culture populaire qui associe handicap et malignité depuis les terribles maratres des contes de fées jusqu’à Dark Vardor.

Il a été avancé que certains personnages pouvaient être porteurs d’un handicap invisible. Par exemple, le fait que Link de la série de Zelda ne dise jamais un mot a pu étonner. Il n’est pas possible de dire de Link qu’il est muet puisqu’on peut l’entendre pousser des cris. Mais peut-être est il mutique ? Il serait alors à rapprocher de ces enfants qui font preuve d’un mutisme sélectif.

Les personnages handicaps ont un effet puissant sur les joueurs et bien plus plus particulièrement chez les joueurs handicapés.  Par exemple, Taimi de Guild Wars 2 a suscité beaucoup de réaction chez les personnes à mobilité réduite qui se sont reconnues dans sa condition.

Les développeurs commencent à porter attention à la partie de leur public qui ont des besoins spécifiques. Par exemple, Call of Duty a un mode d’affichage spécial pour les mal-voyants et un système de contrôle “NOM4D” pour les personnes qui ont un handicap moteur. D’autres utilisent des polices spéciales pour faciliter la lecture des dyslexiques. Il y a beaucoup à faire pour faciliter l’accès des jeux vidéo aux personnes handicapées. La bonne nouvelle est que cela ne demande pas beaucoup plus de travail aux développeurs. Par ailleurs, faciliter l’accès au jeu vidéo à quelques uns améliorera sans doute la qualité générale des jeux de la même manière qu’adapter le mobilier urbain aux personnes handicapées est profitable à tous.  Enfin, pour les personnes handicapées, pouvoir jouer sans assistance (ou avec le moins d’assistance possible) est doublement important. Tout d’abord, cela leur permet de bénéficier des conséquences positives du jeu dans les domaines sociaux, affectifs et cognitifs. Ensuite, cela leur permet d’avoir une activité dans laquelle la question du handicap ne se pose pas.

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La question du handicap dans les jeux vidéo doit êtré traitée avec tact. En effet, il faut éviter de présenter systématiquement les personnes handicapées comme souffrant d’une condition qui ne peut pas être dépassée. Présenter la personne handicapée comme uniquement dépendante peut avoir un effet stigmatisant pour les handicapés et leur entourage. Il faut mettre au crédit des jeux vidéo d’éviter cet écueil. Lester Crest est de ceux-là. Son handicap n’attire pas la pitié. Il n’est pas une excuse pour ses penchants pédophiliques.Il arrive tout simplement qu’un handicapé puisse être une mauvaise personne.  Par contre, les jeux vidéo ont trop souvent à pencher dans l’excès inverse en donnant au personnage tellement de pouvoirs que cela conduit au déni du handicap ou laisse penser que les handicapés doivent être des personnes extraordinaires. Enfin, le stéréotype du villain peut contribuer à augmenter l’anxiété autour du handicap et donc à maintenir les personnes handicapés dans des placards sociaux