PROJET AUTOBLOG


PsyEtGeek

source: PsyEtGeek

⇐ retour index

Avez-vous lu ? HODENT 2017 The gamer’s brain

jeudi 4 juillet 2019 à 06:00
View post on imgur.com
<script async src="//s.imgur.com/min/embed.js" charset="utf-8">

Publié en 2017, The Gamer’s Brain : How Neuroscience and UX can Impact Vidéo Game Design est un livre rare et précieux. Il rassemble d’une manière conscience les principaux éléments de connaissance sur les jeux vidéo et montre comment ils peuvent être utilisés pour améliorer les jeux vidéo.

Le livre est rédigé par Célia Hodent, psychologue française qui a longtemps travaillé chez Ubisoft puis dans d’autres compagnies comme Lucas Art et Epic Games où elle a participé à des jeux majeurs comme Rainbow Six et Fortnite. C’est donc un savoir incarné qu’elle apporte dans un livre passionnant.

The Gamer’s Brain est un livre hybride. Ce n’est pas tout a fait un livre de psychologie mais ce n’est pas non plus un livre de game design. Cette forme particulière est probablement dû au sujet du livre puisque, comme Célia Hodent le démontre, l’expérience utilisateur doit être envisagées à partir de plusieurs sources.et d’une manière globale.

L’UX concerne l’expérience que le joueur a d’un jeu vidéo. Cela comprend le jeu vidéo lui-même mais aussi ce qu’il a entendu ou lu sur le jeu, les bande-annonces, les discussions sur Twitter, les contacts avec le service client. Elle est la façon dont les joueurs perçoivent et comprennent un jeu, comment ils interagissent avec lui, et les émotions et l’engagement suscités par cette interaction”. Cette expérience dépend donc de l’ergonomie du jeu (“usability”) et de l’engagement du joueur. 

Pour démontrer cette thèse, Célia Hodent a organisé le livre en deux partie. La première partie pose les concepts majeurs qui permettent de comprendre l’UX. La seconde partie est consacrée à l’UX et à la manière dont elle peut être implémentée dans la production d’un jeu vidéo. Célia Hodent part des idées reçues sur le cerveau puis en puis aborde les grandes fonctions que sont la perception, la mémoire, l’attention, les grands principes et les grands principes des apprentissages. Pour les lecteurs pressés ou peu intéressés par la psychologie, un neuvième chapitre résume ces éléments. Ce serait cependant dommage de s’en tenir là, car cette première partie est donne la base a partir de laquelle l’UX est abordée par Célia Hodent dans la seconde partie de son livre

L’UX est un concept déjà ancien qui arrive aux jeux vidéo via les recherches sur les interactions homme-machine. Elle fait l’objet de préjugés qui sont critiqués par Celia Hodent qui défini l’UX comme “la manière dont les joueurs perçoivent et comprennent le jeu, interagissent avec lui, les émotions et l’engagement suscité via cette interaction” (p. 106). Ainsi, l’UX n’est pas quelque chose qui s’oppose à la créativité des game designer ou qui dénature un jeu vidéo mais au contraire quelque chose qui peut permettre a une équipe de développement de garder la quintessence de sa vision d’un jeu vidéo.

Pour ce faire, un jeu vidéo doit suivre ce que Célia Hodent appelle “les sept piliers de l’ergonomie”. Il serait trop long de les décrire ici – et je préfère que le lecteur les découvre dans le livre – mais ils sont bien décrit et richement illustrés par des exemples concrets Après l’ergonomie, Célia Hodent décrit les composantes de l’engagement du joueur à savoir la motivation, l’émotion, et le flow. C’est l’occasion de reprendre des éléments sur la théorie de la motivation en distinguant la motivation intrinsèque et extrinsèque, ainsi que la théorie de l’autodétermination. Le lecteur n’est pas perdu dans des abstractions puisque chaque partie s’appuie sur des exemples. Ce même soucis de documentation se retrouve pour les parties sur l’émotion et le flow. La encore, Célia Hodent donner des exemples concrets de la manière dont l’UX peut être intégrée au coeur de la production de l’UX sans gêner les équipes de développement tout en restant au service de leur vision.

Dans le chapitre consacré à la méthodologie, Célia Hodent prône pour une approche réaliste et concrète : un studio de développement n’est pas un laboratoire de psychologie. Il faut donc y accepter quelques approximation. Mais elle maintient l’essentiel : une approche rationnelle et scientifique des éléments étudiés à partir de définitions, d’hypothèses et de tests ou de sondages. 

Les joueurs génèrent de nombreuses données télémétriques qui peuvent faire l’objet d’analyse. Mais celles-ci ne sont utiles que si leurs limitations et les biais cognitifs sont pris en compte. Là encore, Célia Hodent montre son expertise en donnant des exemples concrets

Le dernier chapitre prône la mise en place d’une stratégie UX dans la production des jeux vidéo en montrant comment à chaque étape, de la préconception à la version beta, la prise en compte de l’expérience du joueur est nécessaire. Avec tout ce qui précède, Celia n’a pas de peine à convaincre le lecteur.

En guise de conclusion, Célia Hodent fait quelques remarques sur le jeu et son utilisation dans des contextes non-ludiques. Les “jeux sérieux” et la “ludification” sont critiqués avec raison car ils trop souvent une façon d’enrober le brocoli des apprentissages avec le chocolat du jeu.

Les derniers chapitres montrent comment l’UX peut (et après avoir lu Célia Hodent : doit) être intégré a la production d’un jeu vidéo. Chaque élément doit être testé au regard des piliers de l’UX définis dans les chapitres précédents. C’est un processus minutieux, probablement pénible, mais lorsqu’il est organisé en amont, il permet véritablement d’éviter des erreurs de design

Je dois avouer que je suis entré dans le livre avec quelques réticence, d’ou le temps mis à le lire puisqu’il y maintenant deux ans qu’il a été publié! Les raisons en étaient simples. Il n’est jamais facile de lire un livre que l’on aimerait avoir écrit. Le talent de Célia Hodent a rapidement eu raison de mon envie. Sans surprise, je n’ai rien appris dans la première partie du livre. Mais j’ai été très admiratif de la manière dont l’auteur les présente. Célia Hodent prend toujours soin de montrer l’articulation entre les niveau biologiques et psychologiques. J’ai davantage appris des choses lorsque Celia Hodent explique comment la démarche UX peut être intégrée dans le processus de production, sans le gêner et en restant à son service. Même pour un psychologue comme moi qui travaille loin des studios de production, il y a la une leçon à retenir. N’avons nous pas, nous aussi, à mettre nos patients/usagers/clients au cœur des dispositifs éducatifs et de soin ? N’avons pas à aider les autres professionnels à faire leur travail sans les culpabiliser en leur apportant des éléments concrets qui leur permettent d’améliorer le service rendu auprès des patients/usagers/clients . N’avons nous pas à mettre un peu/beaucoup d’UX dans nos pratiques cliniques ?

The Gamer’s Brain : How Neuroscience and UX can Impact Video Game Design atteint sans problème son but. Il montre comment l’intégration de UX dans la fabrication des jeux vidéo conduit à produire de meilleurs jeux vidéo. Célia Hodent arrive à articuler ensemble des données des neurosciences et celles qui viennent du design pour construire une stratégie d’étude et d’évaluation qui met le joueur au cœur du processus. Il s’agit là sans aucun doute d’un livre majeur qui intéressera à la fois ceux qui cherchent à comprendre comment fonctionnent les jeux vidéo et ceux qui les fabriquent. Célia Hodent évite un écueil souvent reproché aux psychologues en donnant une méthode qui permet de diagnostiquer les problèmes et de trouver des réponses concrètes. . The Gamer’s brain est un livre a mettre entre toutes les mains de ceux qui s’intéressent aux jeux vidéo