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[100 MOTS] Santé

jeudi 1 novembre 2018 à 06:30

SANTE.

Une grande partie de l’effort de recherche sur les jeux vidéo a été consacrée à examiner leur impact sur la santé. Les chercheurs ont tenté d’identifier les problèmes psychologiques et physiques qui pouvaient apparaître au voisinage des jeux vidéo ou être directement associés à la pratique des jeux vidéo. Les hallucinations et l’addiction sont les principaux problèmes psychologiques qui ont fait l’objet d’une recherche. Du côté des problèmes physiques, la recherche a travaillé sur l’épilepsie et les blessures provoquées par la pratique des jeux vidéo.

 

SPENCE (1993) rapporte un cas ayant présenté des hallucinations avec un jeu Nintendo. Le cas reste très anecdotique, puisqu’à ce jour on ne trouve pas d’autre publication liant la pratique des jeux vidéo à des hallucinations.

L’idée d’une addiction aux jeux vidéo est popularisée par Mark GRIFFITHS et Kimberley YOUNG. Tous deux sont psychologues et tous deux s’appuient sur les critères de l’addiction aux jeux d’argent du Diagnostic Standard Manual de l’American Psychiatric Association pour construire une nouvelle pathologie. En fonction de cette grille, l’addiction aux jeux vidéo est constituée par le repli sur soi, la modification de l’humeur, l’augmentation irrésistible du temps de jeu, le syndrome de manque à l’arrêt, les conflits et les rechutes. La notion a été largement critiquée notamment par MarK GRIFFITHS lui-même qui ne trouve pas de cas qui réunissent tous les critères de l’addiction.

Il est notable que l’addiction aux jeux vidéo et à l’Internet sont souvent confondus comme s’il s’agissait d’une même entité. Malgré un travail de lobbying important des “pro” addiction pour que cette pathologie soit reconnue, elle n’a pas été inscrite au DSM V. Le groupe d’experts responsables de la section des troubles addictifs du DSM ne sont pas arrivés à un consensus du fait des résultats contradictoires de la recherche. Le DSM fait mention d’un Trouble d’Utilisation d’Internet (Internet Use Disorder) dans sa section III. Les experts y notent que la plupart des études viennent d’Asie et décrivent des joueurs en ligne dont le jeu compulsif provoque des problèmes et de la détresse. Ils appellent à davantage de recherches sur le Trouble d’Utilisation d’Internet, qui ne peut donc faire l’objet d’un diagnostic.

En France, les sociétés savantes comme l’INSERM, l’Académie des Sciences, l’Académie de Médecine et les spécialistes recommandent l’abandon du terme et l’utilisation d’une expression plus descriptive. Aussi, s’il n’y a pas de dépendance au jeu vidéo, il peut y avoir des conduites excessives autour du jeu vidéo et ces conduites excessives peuvent avoir dans certains cas un caractère pathologique.

Les premiers travaux sur les jeux vidéo reposent sur une double erreur. L’approche des psychologues privilégie le média ce qui les a amenés à souscrire au modèle dit de la seringue. Selon ce modèle, le média diffuse ses effets auprès des individus comme la seringue injecte un produit dans l’organisme. Mais ’est à la fois surestimer le média en question et sous-estimer le rôle des individus. Aujourd’hui, les psychologues préfèrent utiliser des modèles qui font une plus grande place à la réception du média par les individus.

Les études plus récentes prennent davantage en compte ces éléments. Par exemple, SMYTH (2007) a examiné l’effet des jeux vidéo sur la santé. La santé, le bien-être, le sommeil, la socialisation et la scolarité ont été évalués sur 100 joueurs âgés de 18 à 20 ans. Les sujets devaient jouer sur une borne d’arcade, avec une console de salon, avec un ordinateur ou avec un ordinateur à un MMORPG pendant un mois. Les joueurs de MMORPG ont eu tendance à jouer davantage, à dormir moins et avoir davantage d’interférence avec leur vie quotidienne. Mais ce sont aussi les personnes qui ont eu le plus de plaisir à jouer, qui ont maintenu un intérêt pendant toute l’expérience et qui se sont fait plus d’amis que les autres.

Penser que les jeux vidéo ont un effet direct et unilatéral est sans doute une erreur comme le montrent plusieurs études. CHEN (2008) suggère que les jeux en ligne peuvent avoir des effets positifs en fonction des caractéristiques psychologiques des joueurs. De leur côté, RYAN, RIGBY et PRZYBYLSKI (2006) montrent que les effets des jeux vidéo ne sont pas directs. Ils proposent un modèle dans lequel la satisfaction des besoins d’autonomie, de compétence et de relation sociale déterminent les niveaux d’estime de soi et de plaisir (à jouer).

 

En 1990, Richard BRASINGTON invente le mot “nintendinite” pour décrire les tendinites provoquées par un trop long temps passé à jouer à la console Nintendo. Le terme est repris dans plusieurs publications (CASANOVA, 1991; SIEGEL, 1991; MACGREGOR, 2000. Les mouvements répétitifs et prolongés des appuis sur le joypad provoquent une inflammation des tendons de la main du fait de tensions excessives. L). Des formes ulcéreuses de cette tendinite ont été décrites (KOH, 1999)

L’arrivée de la console Wii suscite l’invention d’un néologisme, la “wiitite” pour décrire les mêmes troubles provoqués par les même facteurs : une utilisation prolongée de la console et des mouvements répétitifs. (BOEHM et PUGH, 2009; BONIS, 2007; FYSH et THOMPSON, 2009)

La revue de littérature scientifique de MÜLLER, VAVKEN et PAGENSTERT montre que les patients sont jeunes (moy. 16 ans) et que les femmes sont davantage concernées par les blessures que les hommes. Les principales zones touchées sont celles sollicitées par l’utilisation du contrôleur à savoir les épaules, les mains et les doigts. À partir d’une revue de la littérature les articles publiés entre 2006 et 2014, La revue de PERRIER-MELO et al. va dans le même sens (2015). Les auteurs rapportent que la plupart des blessures se situent au niveau de l’épaule et du genou avec une gravité qui va de légère à grave.

Les blessures liées à l’utilisation des manettes de jeu vidéo ne sont pas nouvelles, mais elles sont plus fréquentes avec la Wii du fait de son interface particulière. Les jeux de cette console nécessitent souvent de l’utilisateur qu’il fasse de grands mouvements. Le joueur mime les mouvements qu’un boxeur ou qu’un joueur de bowling fait dans la réalité. L’ampleur des mouvements, l’énergie avec laquelle ils sont réalisés (SPARKS, CHASE, et COUGHLIN, 2009) a tendance à provoquer plus de blessures que lorsqu’ils sont effectués avec des JOYSTICKS traditionnels. Des cas anecdotiques de blessures au visage, à la nuque ou aux genoux sont rapportés (FYSH & THOMSON, 2009; JONES et HAMMIG, 2009)

Les problèmes physiques ne sont pas limités aux seules consoles de jeu. Le syndrome du canal carpien et des douleurs musculo-squelettiques ont été associés l’utilisation des PC (ZAPATA et al, 2016)

 

L’épilepsie est une maladie neurologique chronique caractérisée par des crises d’épilepsies. Les neurologues distinguent d’un côté les crises tonico-cloniques dans lesquelles la personne est prise de mouvements incontrôlés et de l’autre des crises caractérisées par un moment d’absence. La prévalence de l’épilepsie est estimée entre 4 et 10 pour 1000 personnes dans les pays industrialisés .

Des articles rapportant des cas de personnes ayant présenté une crise d’épilepsie pendant une partie de jeux vidéo apparaissent tout au long des années 1990. Une “épilepsie Space Invaders” est ainsi évoquée par Rushton dans la célèbre revue The Lancet en 1981.

La multiplication des joueurs dans les années 1990 a provoqué une augmentation du nombre de cas d’épilepsie photosensible (SHOJA et al., 2007) Cela amène un groupe d’experts internationaux à rassembler l’état de l’art sur les liens entre l’épilepsie et les jeux vidéo. La crise d’épilepsie est déclenchée en fonction des caractéristiques de l’écran, des caractéristiques du jeu, des activités cognitives prises pendant le jeu, des facteurs émotionnels ou de la fatigue. La crise peut aussi être spontanée et concomitante avec le jeu vidéo sans être déclenché par lui (BINNIE et al. 1994).

RICCI et VIEGANO (1999) arrivent à des conclusions similaires en identifiant quatre groupes de facteurs dans le déclenchement des crises pendant des parties de jeu vidéo. Certains facteurs tiennent à la personne, d’autres à la taille de l’écran, d’autre à l’image. Enfin, certains facteurs dépendent du programme.

En associant données cliniques et données de laboratoire, KASTELEIJN-NOLST TRENITE (2002) a examiné les effets du jeu Super Mario World sur 352 personnes épileptiques. Les résultats montrent que le jeu Super Mario World est plus épileptogène que la télévision. Les patients à risque sont les personnes qui présente une épilepsie photosensible.

Deux grandes périodes peuvent être repérées dans le traitement de l’épilepsie dans le domaine de la recherche : 1) une période de d’exploration et de découverte. Cette période est marquée par la publication de brefs cas anecdotiques ; 2) une période de recherche pendant laquelle l’utilisation de questionnaires et de mesures en laboratoire a permis de mieux circonscrire le phénomène et de faire des recommandations.

La recherche ayant identifié les crises d’épilepsie liées aux jeux vidéo comme un cas particulier de l’épilepsie photosensible, les recommandations sont les suivantes : 1) éviter de jouer aux jeux vidéo ou 2) jouer en prenant certaines précautions comme a) utiliser un écran 100 Hz, b) jouer à plus d’1,5 m de l’écran, c) jouer pendant de courtes périodes, d) éviter les jeux qui présentent des images trop constatées ou scintillantes

Finalement, la pratique des jeux vidéo a été associée à des problèmes de posture, des tendinites, et une fatigue visuelle. Ces problèmes physiques régressent assez vite avec une interruption de la pratique des jeux vidéo ou peuvent être évités en organisant l’espace de jeu convenablement.

 

SOURCES

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