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Rétention des données : La CJUE dénonce le fichage systématique des communications

mardi 8 avril 2014 à 10:15

Paris, 8 avril 2014 — Dans un arrêt rendu ce matin, la Cour de Justice européenne (CJUE) vient de s'opposer au fichage systématique de nos communications en ligne en invalidant la directive européenne sur la rétention des données adoptée en 2006. En plein débat sur la surveillance de masse, cette nouvelle jurisprudence représente une étape importante dans la reconquête de notre droit fondamental à la vie privée et à la protection de nos données personnelles.

Depuis son adoption en mars 2006, la directive sur la rétention des données a fait l'objet de nombreuses critiques, tant de la part des organisations de la société civile, que d'eurodéputés1, d'autorités indépendantes2 et des cours constitutionnelles de certains États membres3. L'obligation pour les opérateurs télécoms, et donc les fournisseurs d'accès à Internet, de stocker toutes les données relatives aux communications de leurs abonnés pour une « durée minimale de six mois et maximale de deux ans à compter de la date de la communication », afin d'assurer « la disponibilité de ces données à des fins de recherche, de détection et de poursuite d'infractions graves », figure parmi les dispositions les plus controversées de ce texte. Ces dispositions sont d'autant plus critiquées et jugées inutiles que les mesures de préservation (et non pas de conservation) pratiquées dans une trentaine de pays, qui permettent aux enquêteurs d'enjoindre les opérateurs et autres intermédiaires techniques de préserver certaines données ou de leur communiquer les données techniques en leur possession, s'avèrent efficaces et montrent donc l'existence de solutions alternatives beaucoup plus ciblées et donc plus proportionnées4.

L’arrêt rendu ce matin par la Cour de justice de l'UE fait suite aux saisines initiées par la Cour suprême irlandaise et par la Cour constitutionnelle autrichienne. En donnant gain de cause aux requérants, la CJUE affirme que la directive sur la conservation des données viole les droits garantis par les traités de l'Union européenne et la Charte des droits fondamentaux, qui protège notamment les droits des citoyens européens à la vie privée et familiale ainsi qu'à la protection de leurs données personnelles5. Cet arrêt de la CJUE ayant un effet erga omnes, sa portée dépassera les dossiers des instances irlandaise et autrichienne, et risque d'obliger les États membres à s'y conformer en réformant leur législation nationale en matière de conservation des données6. En France, cette décision pourrait notamment concerner les mesures de rétention des données imposées aux opérateurs télécoms et aux hébergeurs (dispositions renforcées à l'occasion de l'adoption de la loi de programmation militaire).

« Cette décision historique est une victoire pour tous les défenseurs de la vie privée qui, partout en Europe, s'étaient mobilisés depuis 2006 contre le fichage généralisé des communications. Alors que depuis près d'un an se tient un débat sans précédent sur la surveillance de masse, la Cour de Justice de l'Union européenne souligne à son tour que les mesures d'exception adoptées au nom de la lutte contre le terrorisme ont abouti à des violations inacceptables de la vie privée. Cet arrêt est une invitation à continuer le combat contre la surveillance par tous les moyens appropriés, qu'ils soient techniques, politiques ou juridiques. Lois après lois, nos gouvernements se sont affranchis de l'État de droit. Il est désormais temps de leur rappeler que les libertés fondamentales constituent la pierre angulaire de nos démocraties et qu'elles ne sont pas négociables. » déclare Félix Tréguer, cofondateur de La Quadrature du Net.