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Orelsan, le féminisme, et la culture française.

mercredi 2 mars 2016 à 18:50

Moi j’aime bien Orelsan. En tout cas depuis que je le connais. Et il se trouve qu’il a été relaxé en appel il y a quelques jours pour son procès datant de 2009 qui avait été provoqué par l’association Les Chiennes de Garde entre autres (nom tout à fait sympathique au demeurant, enfin bref). Et je pense que tout ça devrait poser les questions qui malheureusement ne se posent pas. En fait, j’avais pas prévu d’en parler parce que, comme pour la violence dans les jeux-vidéo, c’est tout aussi utile que de pisser dans une contrebasse, mais hier, j’ai vu ça, partagé sur une page Facebook d’humour que j’apprécie avec un commentaire désapprobateur.

OrelSan relaxé (Marie Aubin)

(source)

Et là, très clairement, c’est le drame. Parce que j’ai beau être tolérant, faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des cons et aussi parce que ça me donne l’occasion de revenir sur la question si intéressante de « c’est quoi le féminisme ? ».

Par contre, petite parenthèse qu’il faut ouvrir immédiatement. Parce que comme vous allez vous en rendre compte plus tard, l’auteure de cette image est assez bornée, et s’empresse de venir vous dire qu’en tant que personne de sexe masculin vous n’avez pas le droit de parler de féminisme, s’évitant ainsi de débattre et éventuellement d’avoir tort. Je suis un homme. Et j’affirme avoir le droit de parler de féminisme sans qu’on me dise qu’on a tort. Comparaison tout à fait sensée : je suis en prépa maths. Prenons quelqu’un en fac de lettres, appelons Jean.

Moi : Tu savais que 1+1 = 3 ?
Jean : Non, 1+1 = 2
Moi : Ta gueule, tu es en lettres, tu n’as pas le droit de t’exprimer sur ce sujet. Tu peux pas comprendre.

C’est très simple et absurde comme exemple et pourtant ça revient exactement au même. D’autant plus que dans notre cas, difficile de nous départager puisque le choix de 2 comme successeur de 1 est totalement arbitraire et donc « 1+1 = 3 » n’est pas forcément faux. Enfin bref, fermons cette parenthèse déjà trop longue !

D’ailleurs, c’est quand même fou, parce que Orelsan fait une série sur Canal+, ça s’appelle Bloqués. C’est pas toujours super, mais ils en ont fait un sur le féminisme et ça définit, selon moi, ce qu’est le féminisme.

Maintenant qu’on est partis sur des bonnes bases, qu’on sait ce qu’est le féminisme (puisque oui, ça me paraît être une bonne définition, malgré ce que Marie Aubin dira, ils ont le droit d’en donner une), on va pouvoir en parler.

Orelsan a écrit pas mal de chansons. Dont certaines sont violentes, et parfois pas forcément sympathiques pour les femmes. Qu’on retienne « Sale Pute », « Pour le pire » ou encore « Saint Valentin », les paroles sont souvent vulgaires. Mais d’où vous avez vu qu’il le pensait ? A chaque fois il se glisse dans la peau d’un personnage, par exemple pour exprimer sa colère après que sa copine l’ait trompé ou encore pour déclarer qu’il est clairement pas un bon copain. A quel moment peut-on se dire qu’il est sérieux quand il dit « Viens, bébé, on va tester mes nouvelles MST » ? Faut être d’une connerie sans limite pour y croire. De même pour « Perdu d’avance », « Suicide social », « Finir mal », « 50 pourcents » ou, en fait, presque n’importe laquelle de ses chansons. Mais ça, apparemment, les féministes ne le comprennent pas.

Mais c’est pas tout. C’est une remarque souvent faite et rarement contredite. Qu’on m’explique pourquoi un mec qui trompe sa copine « n’est qu’un sale fils de pute », mais dans l’autre sens « faut la comprendre, elle se sent seule, elle a des problèmes ». Belle égalité. Et ça s’applique à tellement de choses. Mais pardon, peut-être que ça, ça rentre dans une définition du féminisme que je suis pas assez féminin pour comprendre. Pardon. Et évidemment, je parlerai pas ici des féministes qui revendiquent la suprématie féminine plutôt que l’égalité, parce qu’elles sont des blagues en elles-mêmes.

Mais, au fond, c’est selon moi pas le problème. Le vrai problème, selon moi, c’est pas Orelsan. C’est les autres. Prenez Kaaris. Je mettrai pas de lien vers une seule de ses chansons. C’est vulgaire, mais en plus, c’est un gouffre profond, mais totalement vide. La musique de Kaaris c’est de la merde, et c’est hyper violent. Et misogyne. C’est pas le seul, mais j’aime pas parler de ce que je connais peu. Mais croyez-moi j’en connais assez (et j’en ai écouté assez, pour ne pas parler sans savoir) pour vous dire que si Orelsan mérite un procès, alors Kaaris en mérite deux cent. Alors pourquoi, Chiennes de Garde, pourquoi pas lui ? Vous avez peur ?

Je me suis juré qu’un jour, vous danserez sur mes sons
À une époque, j’voulais me procurer un Smith et Wesson
Une petite voix me chuchotait : « Vas-y, tire sur l’école
Ça fera une petite anecdote, la directrice, elle est conne »
Pourquoi ce con de surveillant m’demande de vider mes poches ?
On n’est pas au poste de police, et, moi, j’suis fidèle au poste
Mettez-moi vos heures de colle, même allez prévenir vos collègues
Vous avez qu’à être en colère, c’est nous les ‘reusta’ du collège

C’est sûr que proposer aux jeunes d’apporter un Smith et Wesson à l’école, c’est tout de suite mieux comme message. Merci Black M. (Au passage, pourquoi on te demande de vider tes poches ? je sais pas, si tu veux apporter un gun en cours je trouve ça plutôt justifié, moi)

Et encore un truc tout qui a son importance. J’aime Orelsan, mais je suis capable de prendre du recul par rapport à ce qu’il dit. Je suis pas totalement con. Et bon nombre de ses fans ne le sont pas non plus. Ce que chante Orelsan dans « Sale pute », c’est ce qu’énormement de gens ont ressenti. Si il a décidé de le chanter et de le dire à voix haute, il n’y a pas à vouloir en empêcher la diffusion ou l’écoute. Parce que ça ne changera rien à ce que les futurs Orelsan penseront lorsqu’il leur arrivera la même chose. Par contre les fans de Kaaris et le recul en revanche… (enfin pour ceux qui ne sont pas encore sourds)

Et évidemment, c’est pas aux féministes qu’il faut dire ça. Parce que, vous comprenez, ce serait bête d’avoir tort. Surtout après avoir fait un dessin d’une telle profondeur et une analyse de la situation aussi précise et méticuleuse. C’est pourquoi, quand je lui ai gentiment (le but était évidemment d’avoir un débat constructif) qu’il n’était pas le seul, et encore moins le pire elle a tout bonnement… supprimé mon commentaire. Pardon, non.

Non

En fait, pas vraiment. C’est une reconstitution, c’est pourquoi l’heure ne convient pas. Mais c’était exactement ça. C’est une fois qu’elle a répondu ça et qu’elle s’est rendu compte que son argumentaire (assez solide il faut le dire) ne tenait pas la route qu’elle a censuré mon commentaire.

Ah, et j’ai oublié. Sur tous les autres commentaires, sa réponse est digne d’un être humain sur les commentaires qui vont dans son sens. Sur les autres, elle va se contenter d’avoir la réaction qu’aurait un blobfish (ou une autruche plutôt) c’est à dire tenter d’ignorer la remarque, en répondant de façon totalement con. Moi aussi je faisais ça… quand j’étais en quatrième.

Et y’en a des pages et des pages de commentaires comme ça… Tenter d’échapper à toute contradiction en ironisant sur le commentaire précédent… Même les plus grands politiques ne le font pas.

Ceci dit, je vais arrêter de taper sur cette pauvre fille (femme pardon, je ferai cent Ave Maria en rentrant chez moi). Parce que même si le contenu de son blog est inexistant, même si elle a un comportement qui, pour quelqu’un qui tente de montrer l’exemple, est ridicule, même si selon moi, disons-le, c’est une conne, il ne font pas abuser des bonnes choses (en l’occurrence se moquer de quelqu’un qui a tort). L’ambulance a déjà assez pris de balles comme ça.

Non, parlons plutôt des raisons de la relaxation d’Orelsan. Pour moi, la plainte de départ n’avait aucun sens du fait que c’est un personnage qui parle pas le vrai Orelsan mais en fait, s’il a été relaxé, ce n’est pas pour ça. Non, non. Ce n’est pas non plus parce que les associations féministes, elles sont chiantes à la fin. Non.

La cour d’appel de Versailles a en effet invoqué la « liberté d’expression » en notant que « sanctionner » les chansons objets de la polémique »reviendrait à censurer toute forme de création artistique inspirée du mal-être, du désarroi et du sentiment d’abandon d’une génération, en violation du principe de la liberté d’expression ». (source)

Or sept ans plus tard, la justice française revient sur son jugement et relaxe Orelsan… Mais à travers les mots énoncés, on perçoit à quel point le rap souffre d’une image désastreuse. Au contraire, car dans son verdict, la cour d’appel de Versailles estime que le rap est “par nature un mode d’expression brutal, provocateur, vulgaire, voire violent puisqu’il se veut le reflet d’une génération désabusée et révoltée”. Bigre. (source)

Voilà le problème. Pour la justice, Orelsan n’est pas relaxé parce qu’il est innocent de ce de quoi il est accusé, mais parce que le mode d’expression utilisé – le rap – est par nature violent. What? Connaissez-vous le rap ? Macklemore, Orelsan lui-même, MC Solaar ou même La Fouine (et pourtant croyez-moi c’est pas lui que j’aurais cité). Bien sûr,  il y a du rap violent, et chez énormément de rappeurs. Mais pas seulement. Evidemment, quand ta seule référence c’est la variété française et les Gipsy Kings, ça peut être violent à côté. Mais le rap est loin d’être le seul genre qui peut être violent. Et relaxer un artiste parce que son style est par définition violent, c’est encore pire que de le condamner pour la même raison. Parce que c’est faux. Voilà pourquoi Konbini dit que la relaxation d’Orelsan n’est pas une bonne chose pour le rap, et pourquoi les styles urbains ont encore du chemin à faire avant de pouvoir être acceptés comme de l’art « normal » par les gens qui n’y connaissent rien et qui malheureusement sont responsables de trop de choses dans ce monde.

Tiens, entre le moment où j’ai écrit cet article et celui où je l’ai publié, Marie Aubin a fait un joli dessin pour représenter le fan d’Orelsan moyen.

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Décidément, pour citer Georges Brassens… « Quand on est con, on est con. » Et d’ailleurs, c’est gentil d’ironiser sur l’orthographe des gens (même si c’est bas, mais bon avec toi j’ai l’habitude) ; mais pour ça encore faudrait-il savoir écrire :

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