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L’enfer est pavé de sorties du nucléaire

mardi 30 mai 2017 à 10:21

Fut un temps où la vapeur, c’était l’avenir. Sauf que pour faire de la vapeur, il fallait du charbon. Alors, on a cherché du charbon. En grandes quantités. On a envoyé des gens mourir sous la terre, dans d’atroces conditions, on a laissé Zola écrire Germinal, mais la science a fait un énorme pas en avant. On a même inventé la thermodynamique (ce qui me fait demander si c’était si bien que ça, la révolution industrielle).

Et puis un jour, on a inventé (enfin, inventé) l’électricité. Certains disent que c’est Edison. Moi je crois pas. Mais on s’en fout. L’électricité est devenue l’avenir. On a commencé à en faire avec du charbon, sauf qu’on s’est rapidement rendu compte que y’avait moyen de faire mieux. Parce qu’une centrale à charbon, ça demande du charbon. Et que faire brûler du charbon, c’est pas forcément tip top. Alors, on a inventé plein de façons de l’électricité : avec de l’eau, avec du soleil (bon, ça c’était un peu après), avec des programmes d’Emmanuel Macron (c’est à dire avec du vent) et avec une propriété physique sacrément pratique qui permet également d’éclater la gueule à son voisin et à dissuader celui qui se sentirait pousser des ailes de conquérant : la radioactivité.

Sauf que le problème de la radioactivité, pas besoin d’avoir inventé l’eau chaude pour le comprendre, c’est que c’est dangereux. La preuve, c’est qu’en parcourant Internet, on peut voir à tous les coins de rues des gens qui ont apparemment fait des études très supérieures dans des domaines très poussés de la physique nucléaire, mais qui pour une raison ou une autre ont oublié d’apprendre à parler français. Il y a souvent une corrélation. Mais bref, j’y reviendrai.
Le nucléaire, donc, c’est mal. On l’aura compris. Les politiques nous l’ont fait comprendre. Mélenchon. Hamon. Macron. Ca faisait d’ailleurs partie intégrante du projet de VIème république que voulait instaurer notre papi préféré de la France Insoumise. Et pourtant, je crois, et même si ça me fait mal d’être du même avis que des gens comme Fillon ou Le Pen, que la sortie du nucléaire a beau être une idée gentille et bienveillante, c’est pas demain la veille que ça arrivera. Alors démagogie ou réelles possibilités de changement ? Voyons tout ça.

Je précise que, contrairement aux physiciens nucléaires de YouTube, je n’ai que fait Math Spé, et que donc, mes connaissances en physique atomique sont relativement limitées. C’est pour ça que je parlerai pas trop du côté scientifique, histoire de pas dire de conneries 🙂

Je dois dire qu’habituellement, voir des gens débattre de sujets auxquels ils ne connaissent rien avec le même véhémence que s’ils avaient tous les deux un doctorat dans le domaine, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre, mais là… je sais pas.

C’est en regardant la dernière vidéo du Grand JD sur YouTube (que je connais pas plus que ça, mais ça avait l’air intéressant) que j’ai eu l’occasion de rencontrer dans les commentaires de véritables combattants du nucléaire. Présentations.

Remarquez qu’en rageux de base, j’ai mis mon pouce en bas. Vive la démocratie.

Lui, c’est Gibu 1999. L’histoire ne dit pas s’il s’agit de son année de naissance ou son QI, mais il a des idées assez arrêtées sur le nucléaire. Pour lui, le nucléaire, c’est mal. Point. Même si ça ne se voit pas immédiatement dans son commentaire, dès qu’on lui oppose un commentaire qui ne le satisfait pas tout à fait, il s’excite et… oh.

En lisant ses commentaires et ses réponses, on se rend rapidement compte qu’il a une idée : une éolienne et un panneau solaire par maison et tada, problème réglé. En plus, on a plein d’argent à jeter par les fenêtres et puis le renouvelable, c’est magique. Tout va bien dans le monde du renouvelable. Mais encore une fois, j’y reviendrai.

Ensuite, dès qu’on commence à lui opposer des arguments un peu plus construits, il part dans un délire bizarre sur l’énergie libre de Tesla (théorie conspirationniste comme quoi il existe une énergie récupérable gratuitement mais que – oh – ça nuit au pouvoir du lobby du nucléaire et que donc, bah, on l’utilise pas, eh !)

J’ai ensuite posé quelques questions, notamment sur la possibilité d’une prochaine fusion nucléaire contrôlée. Le principe – pour simplifier beaucoup – c’est qu’au lieu de casser des noyaux lourds pour libérer de l’énergie (ce qui demande des noyaux lourds fragiles, donc de l’uranium enrichi qui a été au préalable miné par des enfants exploités par Areva en Afrique) on balance deux noyaux l’un sur l’autre pour les fusionner. L’avantage, c’est que ça libère beaucoup plus d’énergie, en plus de n’avoir pour déchets que des trucs du genre de l’eau – ou de l’eau lourde – qu’on a pas besoin d’enterrer pendant des centaines d’années. L’inconvénient c’est que… heu… on sait pas trop le faire. C’est en version alpha on pourrait dire. Mais ça avance, et à une vitesse assez étonnante (je me souviens qu’en première on me disait “la fusion nucléaire ? Jamais, on n’y arrivera pas.” Et pourtant, les premiers tests – primaires, certes, mais il faut un début à tout – se font actuellement – et en Europe ! Pour en revenir à Gibu, il répond soit à côté en restant dans son idée d’éoliennes (notamment quand je demande comment il compte mettre des éoliennes dans une ville, vu le bruit que ça fait et l’espace que ça demande…), soit en disant que “certains le font, alors pourquoi pas tout le monde ?” Aucun vrai argument. Au final, après une autre réponse de ma part, il met fin au débat :

Ah. On verra ce que l’avenir te donne. J’ai peur qu’il te donne une place à pôle emploi, personnellement (eh oui ça clash, faut bien faire de l’audimat).

Le fait est que le problème est un peu plus profond que ça. Le problème ne concerne pas deux abrutis qui débattent d’un sujet qu’ils ne comprennent pas sur une vidéo d’un mec qui va visiter les ruines de Fukushima. Le problème est de vendre aux gens quelque chose qui n’a pas forcément de sens.
Je suis peu renseigné sur les programmes des candidats. Je sais en particulier que Mélenchon a fait une vidéo de cinq heures que tout le monde cite mais que sans doute personne n’a regardée, expliquant (avec des économistes) comment son programme peut être appliqué en cinq ans, et pourquoi ce n’est pas économiquement utopiste, mais économiquement possible. Et je dois dire que je suis assez impressionné par ça. Trump n’a pas encore expliqué comment il allait faire son mur, lui.

Mais peut-être qu’en fait, la question de l’énergie au vingt-et-unième siècle est un peu plus complexe que de dire “ouais, on va supprimer le nucléaire, et mettre des trucs verts à la place !” N’oublions pas que que le nucléaire représente près de 80% de l’électricité consommée en France. Et que ce qu’on produit avec la fission, c’est un peu plus que ce qu’on peut produire avec tous les autres moyens. Le Monde consomme de l’énergie. Beaucoup d’énergie. Tellement d’énergie que c’est difficile de réellement se rendre compte. Et on est face à une impasse. Il n’existe pas de moyen miracle de produire assez d’énergie en 2017 (pas même l’énergie libre de Tesla !). Et la transition énergétique n’est peut-être pas la meilleure idée, en ce moment.

Parce que penser qu’un panneau solaire ou une éolienne, c’est cool et ça ne pose pas de problème, c’est être utopiste, pour ne pas dire faire l’autruche. C’est difficile à produire, c’est cher à produire. Ça produit moins que la fission. Et surtout, ça dépend beaucoup de la météo. Si vous avez pas pile le bon vent, votre éolienne tourne pas. Si vous avez pas assez de soleil, les déjà maigres quinze pour cents de rendement de votre panneau de vous aideront pas. Mais on a qu’à en faire autant que possible et l’utiliser plus tard ! Sauf qu’admettre que c’est possible est oublier un fait : les batteries sont un problème presque aussi gros que le nucléaire. Produire des batteries – ou des piles – coûte cher à la Terre. C’est difficile à fabriquer, c’est difficile à entretenir, c’est dangereux à sa façon (tapez sur une batterie au lithium un coup pour voir) et ça a du mal à tenir la longueur. Combien de temps votre téléphone a t-il eu l’autonomie annoncée par le constructeur ? Ce serait pareil avec les maisons. Sauf que ce serait des batteries beaucoup plus grosses, beaucoup plus chères, donc beaucoup plus difficile à recycler. Et ça coûterait plus que le nucléaire, parce que ça nous limiterait très rapidement en ressources naturelles. Voilà une première raison pour laquelle le “tout vert” ce n’est pas aussi facile que ça en a l’air.

Surtout que la science avance. On a presque envie de dire que c’est pas de chance, mais la fusion nucléaire n’est pas loin. Je sais que c’est mon leitmotiv depuis le début de l’article, mais la fusion ne tardera pas. Peut-être moins de dix ans avant d’avoir une fusion contrôlée. Quinze pour avoir des bons rendements. Peut-être que dans vingt ans on aura le premier réacteur à fusion nucléaire civil (et si vous ne vous rendez pas compte de que ça veut dire… dites vous seulement que c’est… exceptionnel). Et du coup, est ce que c’est pas un peu dommage d’investir des milliards dans des énergies “renouvelables” qu’il faudra remplacer quand la fusion sera là ? Parce que dès lors, et malgré les possibles défauts qu’elle aura – parce que rien ne se passe jamais comme prévu – elle sera plus rentable sur le long terme que ne l’auront jamais été éoliennes et panneaux solaires.

Le problème, le voici. On est face à une décision difficile, décision dont les résultats sont très difficilement imaginables, puisqu’il est impossible de prévoir ce que l’avenir nous prédit en matière de fusion. Soit investir dans les énergies vertes, produire énormément, tout pour sortir du nucléaire maléfique. Mais prendre le risque que ça ait été inutile quand on aura un réacteur à fusion.
Ou alors, on attend. On reste pareil. Avec autant, voire plus, d’inconvénients (que ce soit par rapport aux risques, à l’argent que ça coûte à l’état ou à la question de la fission toujours remise sur le tapis).

On pourrait dire “on reste comme ça, après tout, ça ne coûte pas grand chose, et on ne prend que le risque que tout explose.” (C’est ce que je me disais au début.) Mais c’est plus compliqué que ça : les réacteurs nucléaires demandent un entretien plus ou moins régulier, qui fait qu’en ce moment, on est censé rénover des centrales. Et ça coûte cher. Plus cher que Pénélope Fillon. Est ce que ce serait pas mieux d’investir dans quelque chose de durable ? Ça créerait de l’emploi mais en parallèle, bah… ça demanderait de produire tout ces trucs. Dans tous les cas, on va polluer. Polluer beaucoup.

Et c’est bien ce message que je veux faire passer au travers de cet article : sortir du nucléaire, non seulement ce n’est pas aussi simple qu’on peut vouloir nous le faire croire, mais surtout c’est pas aussi miraculeux qu’on pourrait le penser. Comment produire cinq fois plus d’énergie avec les moyens dits écologiques (et je n’ai pas parlé du fait, par exemple, que les stations marémotrices ont un impact négatif sur les populations de poissons, ou aussi du fait que construire des barrages n’a jamais fait du bien à l’écosystème autour) alors qu’ils dépendent des conditions météo ? Dire que “de toute façon la nuit on dort” serait trop rapidement oublier le fait que les humains ne sont pas les seuls utilisateurs de l’électricité. Le nucléaire, aujourd’hui, permet de “lisser” les variations de production des moyens annexes pour qu’on puisse regarder la télé la journée comme la nuit sans se poser de questions. Mais comment faire un jour de pluie où il ne vente pas ? Comment faire le jour où une tempête décide de décimer toutes les éoliennes d’une région ?

Le nucléaire a beau être dangereux, le nucléaire a beau être polluant, le nucléaire reste un mal nécessaire. Au moins tant que Gibu et son équipe de chercheurs en énergies renouvelables ne nous sortent un moyen d’exploiter l’énergie libre de Tesla.