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A-t-on trop confiance en la science ?

jeudi 10 décembre 2015 à 11:00

Il y a fort à parier que, si on vous demandait, vous diriez que vous avez, de manière générale, confiance en la science. En tout cas, si vous non, une grande partie de la population a confiance en elle (en tout cas, à en croire ce sondage de La Recherche, seulement 20% des sondés ne font pas confiance à la science).

Et je dois reconnaître être assez étonné. Il faut dire que, même si la science mène à beaucoup de bonnes choses (la médecine, l’électronique, l’eau chaude, la roue ?), elle ne fait pas que ça. Il est difficile de ne pas penser directement aux conséquences désastreuses qu’a eu la bombe atomique. Malgré les retombées civiles qu’elle a eu (eh oui, si l’électricité est si peu chère, ce n’est pas pour rien), il ne faut pas oublier que des milliers de gens en sont morts, et sans doute plusieurs générations ont été affectées. Et c’est sans parler de la centrale de Tchernobyl qui a eu sans doute plus d’effets négatifs que positifs.

Mais, alors, une autre question se pose. Certes, la science a créé la bombe atomique. Mais en est-elle responsable ? En effet, les scientifiques ne sont que très rarement politiciens, et il est facile d’imaginer que certains aient été sous mauvaise influence, voire peut-être forcés. Vous le savez sans doute, après le test d’une des deux bombes au Plutonium dans le désert au Nouveau-Mexique, Oppenheimer a déclaré

Je suis devenu la mort, le destructeur des mondes.

L'Atomium, à Bruxelles.Ce qui pourrait laisser penser qu’avant mêmes les bombardements, il regrettait déjà son acte. Les accusations devraient donc porter plus sur ceux qui dirigent les scientifiques que les scientifiques eux-mêmes. D’ailleurs, quand l’on regarde la culture populaire ou plus généralement les diverses actualités, très rares sont les cas où les scientifiques eux-mêmes sont responsables d’un drame. Je suis vraiment convaincu que les concepteurs des différents médicaments aux effets secondaires dévastateurs n’étaient soit pas au courant de ceux-ci, soit leurs dirigeants ont décidé de malgré tout commercialiser les produits en question. Il ne s’agit pas de défendre les chimistes, mais plutôt de comprendre leur but.

Un vrai scientifique n’est pas un homme d’affaires (d’ailleurs c’est pourquoi je trouve que Iron Man est très peu réaliste, enfin c’est un mauvais exemple). Le scientifique n’avance que dans l’espoir d’arriver à une conclusion, à quelque chose qu’il cherche, mais qu’il ne sait pas comment trouver.

D’ailleurs, vous serez heureux d’apprendre qu’il y a des gens payés pour (je simplifie) faire rentrer en collision deux atomes qui vont très vite pour faire un troisième atome qui est trop imposant pour être stable et qui donc se désintègre en deux plus petits noyaux. Tout ça coûte beaucoup d’argent et n’a apparemment aucun intérêt, puisque les deux atomes fabriqués par le processus ne servent à rien (en tout cas pas en ces quantités microscopiques) et que le noyau fabriqué n’est même pas observable. Mais que fait la police ? Qu’on les brûle ces gens qui gaspillent l’argent du contribuable !

LaserNon. Vous ne le savez sans doute pas, mais le laser n’a pas été inventé après la seconde guerre mondiale. Pas du tout. Il a été mis au point par Einstein en 1917 et totalement décrit par son inventeur. Mais il ne savait pas le faire à l’époque. C’est en 1953 que le premier laser (maser, en fait) est mis au point. Et à l’époque, on ne sait pas vraiment à quoi ça va servir, on se dit qu’on verra bien. Et pourtant.

Aujourd’hui, les lasers sont utilisés au quotidien, peut-être par votre prof pour pointer un truc au tableau, par des dizaines de machines pour découper des objets, pour aligner des choses, et même tout simplement pour lire votre CD de Charlie Puth. Alors qu’à la base ça ne servait à rien, a priori.

Ne brûlons donc pas ces gentils physiciens. En revanche, revenons à notre sujet de départ. En fait, si j’écris cet article, c’est parce qu’on m’a posé la question en philosophie l’année dernière et…

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Combien de fois avez-vous déjà vu écrit quelque part « Prouvé scientifiquement » ou « Testé en laboratoire » ou ce genre d’arguments de vente tous plus convaincants les uns que les autres. Comme si la science devenait un argument d’autorité tout puissant, contre lequel on ne pourrait rien. Et ça, c’est bien ennuyeux.

Premièrement, parce que ça rend « fonctionnel » tout un tas de conneries. De la crème anti-âge aux « alcaliseurs » d’eau. Evidemment, le mot n’est pas français, mais l’exemple est tout à fait représentatif. Sur le blog « The Chronicle Flask« , l’auteur explique ce que alcaliser signifie vraiment, après avoir vu tout un tas d’annonces liées à des régimes alcalisés ou alcalins. Je traduis.

“Ce n’est pas vraiment un régime, c’est une manière de manger.” (parce qu’il y a une différence ?)
“Alcalisez ou vivez dans la misère”
“Alcalisez ou mourez”
“Eau Alcaline” (apparemment ça existe)
“Pourquoi il est important d’alcaliser votre eau” (en utilisant nos produits hors de prix)

J’ai dû parcourir plusieurs pages de recherche avant de trouver une définition. Il n’y a sans doute aucune réelle biochimie ou chimie dans les articles en question.

En définition, vous trouverez « rendre basique et moins acide », « rendre alcalin » ou tout simplement « faire de quelque chose un alcalin »

La première est intéressant, puisqu’elle parle de basicité. Et comme je l’ai expliqué dans un autre article, les bases et les alcalis ne sont pas vraiment la même chose. En chimie, une base est, pour faire simple, n’importe quoi capable de neutraliser un acide. Les alcalis sont un sous-groupe des bases, par exemple les métaux alcalins ou les terres alcalines, tous deux solubles, ioniques et basiques.

[Il explique ensuite qu’il n’y qu’un certain nombres d’alcalis qui existent (lithium hydroxide, sodium hydroxide, potassium hydroxide, rubidium hydroxide, caesium hydroxide, beryllium hydroxide, magnesium hydroxide, calcium hydroxide, strontium hydroxide, barium hydroxide and radium hydroxide), et qu’on ne peut parler d’alcaliser que dans la mesure où ce qui résulte de la réaction fait partie de cette liste. Et de toute évidence, l’eau n’en fait pas partie. Ce qu’ils veulent dire, c’est « basifier ».]

Vous voyez ? Typiquement le genre d’exemple ou la science, la Grande Science, est utilisée pour vendre quelque chose qui, en plus d’être inutile (comme il le dit ironiquement, « apparemment l’eau alcaline ça existe »), est faux. Et ce n’est malheureusement qu’un exemple parmi tant d’autres de termes ou de pseudo explications scientifiques qui sont utilisées pour faire vendre quelque chose dont l’utilité est sans doute… relative.

Ca existe vraiment...

Ca existe vraiment…

Le problème, dans tout ça, c’est qu’on peut imaginer arriver à des conséquences désastreuses. Déjà, les gens qui se ruinent dans des machines inutiles mais, à part ça, le risque est de décrédibiliser la science. Et ce serait triste. Je veux dire, ça ne dérange personne qu’on aille dans l’espace, et je suis sûr qu’une bonne partie de la population trouve que c’est même important pour l’humanité, d’aller plus loin. De la même façon, qu’on finance le LHC ne nous dérange pas non plus, puisqu’il nous permet de mieux comprendre le monde. Mais si tout ça finissait par changer ? Et si, à force de voir l’argument scientifique utilisé pour justifier des pratiques douteuses, on en arrivait à ne plus avoir confiance en cette importante partie de la connaissance ? Je ne dis évidemment pas qu’il faut laisser libre cours à l’imagination des scientifiques (qui sait, si on l’avait fait, on aurait peut-être tous un clone, et on ferait pousser des bébés aux arbres pour avoir des organes de rechange), parce que ça poserait des questions d’éthique, dans les cas cités juste précédemment.

Faites attention, ne croyez jamais ce qu’on vous dit. Si les résultats d’une expérience semblent être corrects alors qu’ils vous semblent douteux, remettez en cause non seulement la rigueur de l’expérience, mais aussi la validité de la méthode. Si vous voyez quelque part que c’est scientifiquement prouvé, remettez cette parole en question, informez-vous, ne serait-ce que sur Internet. Vous éviterez peut-être de faire une connerie et la science restera ce qu’elle doit être : une référence, une source de confiance.