PROJET AUTOBLOG


Blog de Thomas Kowalski

Archivé

Site original : Blog de Thomas Kowalski

⇐ retour index

Entre piratage et paiement, sachez être pragmatique.

mardi 1 décembre 2015 à 13:30

figure 1 : Kévin, 17 ans, télécharge illégalement depuis quatre mois. Lorsqu’il est devant son ordinateur, il met sa cagoule pour ne pas qu’on le reconnaisse. Aussi, il n’utilise qu’un de ses deux écrans alors qu’il a deux fichiers ouverts côte à côte et que ce serait grave plus pratique d’avoir un écran pour chaque. Il allume pas la lumière, pour rester discret et tuer ses yeux à petit feu. Quel génie.

Il y a quelques années, j’avais été très impressionné de cet article d’un mec qui revendiquait être un pirate, et en être fier. Et faut le dire, j’avais été tout à fait convaincu par son article. Je veux dire, son argumentaire est plutôt solide. Le hic, c’est qu’à y repenser, on pourrait se demander ce qui se passerait si tout le monde faisait comme lui.

Dans le monde auto-revendiqué civilisé dans lequel nous vivons aujourd’hui, l’accès à la culture semble une condition sin equa non à une “bonne” vie. Effectivement, quelqu’un sans aucune culture littéraire, musicale, cinématographique, voire même scientifique ou vidéoludique semble à tout un chacun un peu marginal, et surtout pas forcément très intéressant. Et je dirais qu’il semble évident qu’un homme cultivé a plus de chances de réussir dans la vie que l’ignare profond.

Sauf que l’accès à la culture, quelle qu’elle soit, est rarement gratuit.

Aujourd’hui, les services comme Deezer, ou Vevo nous permettent d’accéder à énormément de musique gratuitement. Avant, la radio était déjà là, mais aujourd’hui on peut écouter ce qu’on veut, et quand on le veut, ce qui représente un considérable pas en avant. Alors, oui, tout le monde n’a pas la chance de pouvoir écouter légalement et gratuitement sa musique dans le métro, où on ne capte pas la 4G, mais il peut le faire ailleurs.

Le truc, c’est que ça, ça ne fonctionne qu’avec la musique. En effet, voir un film, c’est pas gratuit. L’acheter sur iTunes, c’est pas donné, en DVD encore moins, et Netflix c’est bien beau mais pas accessible aux plus démunis. Et malgré l’ouverture de chaînes officielles comme The Paramount Vault sur YouTube, qui diffuse des films entiers et légalement, l’offre reste malheureusement très limitée (à des films souvent âgés, et relativement peu intéressants) : voir Titanic sur YouTube en HD, ce n’est pas pour tout de suite. Il reste évidemment la télé, mais bon soyons honnête, il n’y a que très, très peu de bons films sur les chaînes publiques (et quand je dis de bons films, je sous-entends régulièrement, pas une fois par an).

De même pour les jeux-vidéo. Aujourd’hui, ce média est plus populaire que jamais. Mais acheter le dernier GTA ou le dernier Fallout, ça coûte une quarantaine d’euros, ce qui est loin d’être négligeable comme budget.

Alors, bien sûr, les médiathèques existent. D’ailleurs, elles permettent de régler le problème de la littérature, en plus d’avoir une grande collection de livres de qualité gratuits sur Internet (et légaux, c’est à dire toute la littérature française), ainsi que la musique (la plupart des médiathèques ont une jolie collection de CD). Mais ça ne règle pas le cinéma (ou alors, que très marginalement), et surtout pas les jeux.

Pourtant, j’ai beau parler de ça, je n’ai aucune solution. La culture est nécessaire à la réussite, mais pas accessible autant par tout le monde. Le piratage semble alors la solution évidente, et je suis alors d’accord avec Ploum. Mais.

Mais alors, un autre problème se pose. Produire un disque, l’enregistrer, tourner et monter un film, réaliser un jeu-vidéo, ça prend du temps. Et de l’argent. Et même si, une fois le tout terminé, il suffit de le reproduire, ça coûte des sous. Combien a coûté GTA V ? 260 millions de dollars. Et même s’ils ont renfloué les caisses en quelques jours, je pense qu’il est important de se poser la question de l’influence de l’acte de piratage lorsqu’on le commet.

figure 2 : si vous voyez un jour un mec comme ça, n'ayez crainte. Un vrai pirate sait programmer, et un programmeur est assez intelligent pour aller chercher une chaise.

figure 2 : si vous voyez un jour un mec comme ça, n’ayez crainte. Un vrai pirate sait programmer, et un programmeur est assez intelligent pour aller chercher une chaise.

Pirater Cinquante nuances de Grey, quelle incidence ? Télécharger en torrent Merci pour ce moment, après tout c’est peut-être un acte de bonté envers l’humanité (vous savez de quoi je parle si vous l’avez lu). Télécharger la dernière chanson de Muse, qu’est ce que ça changera ? Ils sont déjà riches, leur éditeur encore plus. Mais pensez aux autres. Pensez aux développeurs de jeux indépendants, qui ont tout quitté pour vivre de leur passion. Pensez à celui qui a écrit son livre dans son temps libre, qui a dû l’auto-éditer, qui a fait tout son possible pour voir son rêve se réaliser. Peut-être que si vous aviez acheté ce livre à peine connu, son auteur aurait pu en écrire un autre, plutôt que de repartir travailler chez Mac Donald’s.

Comme le dit Ploum, le problème, c’est qu’on a le choix entre deux extrêmes. D’un côté, le tout gratuit. C’est gratuit, ça marche, c’est rapide, peut-être plus que la solution légale. Mais c’est immoral, et c’est oublier toute notion de respect envers les artistes et concepteurs que l’on aime. De l’autre, il y a la solution légale. Légale, certes, mais lourde, excessivement chère, aussi pratique que de faire un marathon avec les deux jambes attachées, et qui en plus, si on lui donne de l’argent, l’utilise non pas pour récompenser les artistes, mais majoritairement pour en avoir plus (conception de DRM, ce qui aura aussi parfois pour conséquence de nous rendre l’obtention de leurs médias plus difficile, même par des voies légales…). Alors que faire ? J’aimerais le savoir.

Quand j’étais petit, je ne comprenais pas ce que “Le photocopiage tue le livre” signifiait. Il ne tue pas le livre ; il tue ses auteurs. Alors, Jean-Pirate, la prochaine fois que tu te rends sur T411 pour “essayer” un jeu qui te semble pas mal, réfléchis à ton acte. Si tu crackes Skyrim, t’inquiète, ils sont déjà bénéficiaires. Autrement, si ça se trouve, le jeu en question coûte deux euros sur Steam. Alors achète-le, fais pas ton haxor. En plus, tu encourageras son créateur à en faire un autre, et il n’y a rien de plus beau après une journée de travail que de voir au moins une petite récompense.

Edit du 28/11 : j’ai écrit cet article il y a une semaine, et j’ai appris hier que certains majors veulent une “amende automatique”. En gros, ils trouvent qu’un juge, un tribunal, tout ça, c’est trop lent et pas assez efficace. Ils veulent que si on te chope en train de télécharger quoi que ce soit, une amende soit directement prélevée sur ton compte. Et ça, je trouve que c’est vraiment hors limites. Parce que c’est limite, niveau déontologie : il n’y a aucun moyen de faire appel. Ne nous voilons pas la face, créer un système comme ça implique soit quelqu’un qui s’occupe de chaque demande en personne (ce qui enlève l’aspect automatique), soit quelque chose qui soit totalement autonome. Si vous vous faites attraper en train de télécharger un album que vous possédez chez vous (oui, vous avez le droit de récupérer un album sur Internet si vous l’avez acheté en CD, par exemple), et que vous vous faites avoir, aucun moyen de refuser, de vous défendre. Pas cool. Et puis ça voudrait dire que les majors en question contrôlent plus ou moins Internet. Chouette.