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S.I.Lex

Site original : S.I.Lex

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S.I.Lex a 7 ans (et passe les deux millions de vues…) 

jeudi 2 mars 2017 à 08:01

Cela fait un moment que je n’ai pas écrit de billet sur les évolutions de S.I.Lex. Le dernier remonte en fait à 2012 (si loin déjà…), au moment où j’ai publié mon 300ème post sur ce blog. J’en suis à présent à plus de 600, mais c’est un autre tournant un peu particulier que S.I.Lex a atteint cette semaine, car en plus de fêter son septième anniversaire, le site a dépassé les deux millions de pages vues.

2millions

Je voulais prendre un moment pour remercier les personnes qui sont venues ici lire mes écrits depuis des années, ainsi que partager avec vous quelques réflexions sur ce que m’inspire le franchissement de ce jalon.

Les blogs sont morts ? Vive les blogs ! 

Il y a peu de temps, j’étais invité sur Radio Campus pour une interview à propos des problèmes de liberté d’expression et de censure sur YouTube. A un moment de la conversation, j’explique à la journaliste qu’à mon sens, ces difficultés tiennent intrinsèquement au fait que YouTube est une plate-forme centralisée et que nous avons eu le tort de remettre l’essentiel de nos vies numériques aux mains de quelques acteurs géants. Et je termine sur la nécessité de revenir à des moyens décentralisés d’hébergement et de diffusion. La journaliste – qui ne devait pas avoir 30 ans –  marque un temps d’arrêt et me répond : « Ha oui, les blogs ? Mais c’est pas un peu has-been quand même ?« .

campus

J’avoue avoir souri intérieurement à cette réplique (car la présentatrice ne savait pas qu’elle parlait à un blogueur), tout en étant aussi assez triste, car cette réaction est significative des habitudes d’une grande partie des internautes, qui n’imaginent plus à présent revenir à des modes propres d’expression, pour s’en remettre aux réseaux et plateformes sociales.

Certes, je suis moi-même un grand utilisateur des réseaux sociaux (Twitter, notamment), mais un exemple comme celui de S.I.Lex montre que les blogs ne sont pas encore morts. Déjà en 2009, année ou j’ai ouvert ce site, on se demandait si les blogs étaient dépassés et on ne cesse depuis de les enterrer régulièrement. Mais pour ma part, je suis très loin de constater une telle érosion.

Lorsque je regarde mes stats, je constate que l’affluence sur S.I.Lex n’a pas significativement baissé depuis 2012, année où ce blog a percé et trouvé son « rythme de croisière ». Elle se situe en moyenne entre 20 et 30 000 pages vues par mois. La seule chose qui fait varier significativement ce chiffre, c’est ma propre assiduité : vous êtes nombreux à venir lorsque je suis régulier dans la publication et les visites s’effondrent dès que j’arrête d’alimenter le blog. Au-delà de deux semaines sans billet, je constate qu’il se produit un décrochage dans la fréquentation et qu’il faut ensuite beaucoup d’efforts pour « ressusciter » le trafic. C’est le propre du « travail de Sisyphe » qui fait à la fois le charme et la difficulté de l’art de bloguer. Une chose rassurante quand même, c’est qu’une part importante des visites (quasiment la moitié chaque mois) se fait sur la « longue traîne » des billets, certains restants même encore beaucoup lus plusieurs années après leur publication.

Mutation de la conversation

Une chose par contre a significativement évolué depuis le lancement de S.I.Lex : si les blogs  ne sont pas morts, la blogosphère s’est de son côté lentement désagrégée. Nous sommes moins nombreux à nous tenir assidûment à la pratique du blog par rapport au moment où j’ai commencé en 2009. Dans la BiblioSphère ou InfoSphère, au sein de laquelle je me suis d’abord inscrit, on trouve encore des personnes qui « se tiennent » au blog comme Olivier Ertzscheid sur Affordance.info (qui a passé il y a peu lui aussi le cap des 2 millions) ou Silvère Mercier sur Bibliobsession. Mais nos billets ne se répondent plus tellement, comme nous le faisions il y  a quelques années, et la conversation qui s’instaurait entre nos sites s’est déportée vers les réseaux sociaux.

Il y a aussi peu de renouvellement dans ce qui subsiste de la blogosphère et les nouveaux entrants se font rares ou ne « tiennent pas » (à quelques exceptions près…). L’éparpillement des publications sur les réseaux sociaux y est manifestement pour quelque chose, mais il y avait aussi sans doute dès l’origine un problème inhérent à la blogosphère, comme l’expliquait bien Loïc Lemeur dans cet article sur Libé :

Le blog a démocratisé la publication mais a laissé de côté le problème de la diffusion. Pour être lu, le contenu devait être connecté à d’autres blogs, par l’entremise de la blogroll, une liste de blogs amis placée sur le côté. Ce système de recommandation a constitué une oligarchie du blog, où seuls les plus connus pouvaient être vraiment lus.

J’ai longtemps cru être épargné par un autre phénomène, qui a quand même fini par me rattraper : celui du tarissement des commentaires. Jusqu’à 2015 environ, j’avais sous mes billets un nombre important de personnes qui venaient commenter, alors que beaucoup de blogueurs se plaignaient de leur raréfaction. Mais depuis un ou deux ans, je constate que S.I.Lex subit à présent également cette baisse. Il y a toujours des discussions autour des billets, mais elles sont déportées sur les réseaux sociaux (Twitter en particulier). Globalement, je trouve que ça représente une perte, car l’échange est beaucoup moins argumenté, et souvent même un peu caricatural quand il se limite à des bordées de tweets. Aujourd’hui, ce sont seulement les billets lus par un grand nombre de personnes qui suscitent encore des commentaires.

Ecrire, c’est agir

Si la blogosphère me paraît assez moribonde, cela ne veut pas dire que le blog est devenu une pratique solitaire, mais les réseaux dans lesquels S.I.Lex s’inscrit ont évolué. Je constate par exemple que les connexions que je peux avoir avec la presse tendent au contraire à s’enrichir. Il y a des billets qi arrivent à accrocher l’attention de journalistes, dont certains me contactent après leur lecture et reprennent des éléments pour écrire des articles. C’est arrivé par exemple cet été à propos du billet que j’avais écrit sur Pokémon Go ou encore cette semaine avec le post que j’ai consacré à l’expo Vermeer au Louvre. Au fil des années, des liens ont fini par se tisser avec certains journalistes et ces relations me paraissent mutuellement intéressantes. Je n’ai certes pas l’honneur de figurer dans le Decodex du monde, mais pour certains journalistes, je représente une source que l’on peut citer, et c’est une reconnaissance que je trouve importante.

Je regrette néanmoins l’époque où une plateforme comme OWNI avait systématisé la démarche en créant un média hybride entre site de presse et blogs. Rien n’a réellement comblé le vide laissé par la disparition d’OWNI en 2012, même si beaucoup des journalistes qui sont passés par là sont aujourd’hui devenus nos meilleures plumes sur le numérique dans la presse.

Au final, cette capacité à toucher au-delà de sa communauté d’origine fait que le blog reste un moyen irremplaçable de lancer des actions. J’ai toujours vu le blog du côté de la réflexion, comme une manière de forger sa pensée, d’approfondir des questions en les travaillant sur plusieurs années, de se confronter à d’autres (y compris parfois dans la polémique). Mais le blog n’est pas seulement cela, c’est aussi un moyen d’action et je pense que c’est ce double aspect que j’aime le plus dans l’écriture sur S.I.Lex. Certes, c’est surtout à travers SavoirsCom1 et la Quadrature du Net que je m’efforce de militer et d’agir, mais il reste important de pouvoir conserver une voix propre.

Il y a vraiment des idées qui sont parties d’un billet de blog écrit ici et qui ont fait leur chemin depuis ; des impulsions qui se sont propagées comme des ronds dans l’eau. Je me souviens par exemple d’un billet publié en 2013 sur les Grainothèques en bibliothèque (qui reste l’un des plus lus sur ce blog) dans lequel j’avais proposé une interview au fondateur de Graines de Troc. Certes, je n’ai pas inventé le concept de Grainothèque, ni même eu le premier l’idée d’en installer dans une bibliothèque, mais je pense que ce billet aura joué un rôle dans la diffusion de ce dispositif. Et c’est pour ce genre de choses que je me dis que cela vaut la peine de passer des nuits blanches à enchaîner les billets.

Il y a aussi de plus en plus d’étudiants (la plupart en droit), en mémoire ou en thèse, qui m’écrivent pour me poser des questions et qui me disent qu’ils ont eu envie de choisir leur sujet – en général un peu iconoclaste – en lisant mon blog. Et c’est aussi extrêmement précieux, car cela laisse espérer que les idées défendues ici puissent infuser peut-être au niveau académique.

Se trouver et/ou se perdre

En 2010, quand j’ai atteint les 100 billets publiés sur S.I.Lex, j’ai écrit ceci :

[Bloguer] est un exercice difficile et exigeant – je dirais presque déstabilisant par moment. Le rythme du blog ressemble parfois à une discipline sportive bizarre qui combinerait le sprint et le marathon ! Mais le plus difficile à maîtriser, c’est certainement le développement d’une nouvelle « identité numérique » à la frontière entre le privé et le public, le professionnel et le personnel, qui est autre tout en étant soi et qui nous confronte à une véritable épreuve de vérité.

On peut s’y perdre ou s’y trouver.

Pour ma part, j’ai l’impression d’y avoir trouvé quelque chose d’important que je n’abandonnerai pas de sitôt.

Avec les années, je dirais que je me suis sans doute autant perdu que trouvé dans la pratique du blog… à moins que ce ne soit l’inverse !

Calimaq demande beaucoup à Lionel (vraiment beaucoup…). Car même après sept années de pratique régulière, cela reste toujours une « petite mort » de briser l’angoisse de la page blanche et il faut souvent mettre ses tripes sur la table pour y arriver… Il m’est déjà arrivé d’avoir envie de changer ma description de profil en  inscrivant « Esclave textuel », tant j’ai parfois l’impression de crouler sous la charge (c’est certes une servitude volontaire, me direz-vous, mais ce sont souvent les pires…).

Pour autant, le blog est la voie qui m’a permis de me trouver en tant qu’auteur (au sens d’une personne qui aspire à vivre avec l’écriture). Et je dirais qu’au-delà de tout, c’est ce qui m’importe le plus et la raison pour laquelle, malgré le recul des blogs, je resterai sans doute encore longtemps fidèle à S.I.Lex, car je n’imagine tout simplement pas vivre sans lui (ou alors une vie qui aurait tellement moins de sens…). La seule « infidélité » que je m’accorde, c’est pour faire à présent aussi de la radio toutes les semaines, avec l’émission Freezone sur Libre@Toi, depuis bientôt un an. C’est vrai que j’apprécie de plus en plus ce média, qui tient plus de l’éloquence que de l’écriture, mais qui m’enthousiasme aussi beaucoup. Il faut dire que je m’en sers surtout pour soulager ma frustration de ne pas pouvoir traiter chaque semaine tous les sujets que je voudrais couvrir ici…

L’an dernier, qui a été particulièrement chaotique pour moi, principalement en raison de mon engagement dans l’aventure BiblioDebout durant les longs mois de Nuit Debout, j’ai eu beaucoup plus de mal à me tenir à une publication régulière, au point que j’ai fini par me demander si je ne devais pas songer à raccrocher pour passer à autre chose. Mais loin de mon clavier, j’écrivais encore dans ma tête des billets, parfois même la nuit en dormant. J’avais l’impression d’être un amputé qui sent encore sa jambe coupée et tant que cette impulsion (voire pulsion tout court…) sera là, je pense que je ne pourrai pas faire autrement que d’ouvrir mon WordPress pour écrire un billet de plus quand j’aurai l’impression d’avoir quelque chose à dire que je ne pourrai pas lire ailleurs.

Sans doute, il y aura un jour où un billet sera le dernier (question que je me pose parfois en appuyant sur le bouton « publier »… Et si c’était celui-ci, le dernier ?). Mais ce jour n’est pas encore arrivé, car il y a trop de combats que je veux encore mener, à commencer par celui des Communs, qui ont fini par devenir le fil conducteur dont parlent, directement ou indirectement, chacun de mes écrits.

***

Merci encore à tous ceux qui sont venus me lire ici et qui me liront encore. Je termine avec cette phrase de Benjamin Bayart, que j’ai le plaisir de côtoyer à la Quadrature du Net :

L’imprimerie aura permis au peuple de lire ; internet lui aura permis d’écrire.

J’ajouterai : d’écrire, mais aussi de trouver des lecteurs (ce qui est l’autre moitié de l’équation complexe de la publication). Je suis content de faire partie de ce peuple du Net et avoir un blog reste aujourd’hui – et peut-être même plus que jamais – une manière de se battre pour lui.

 


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