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Philippe Scoffoni

source: Philippe Scoffoni

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Gagner sa vie avec un projet open source

mardi 28 février 2017 à 10:19

C’est l’article de Nicolas Lœuillet le développeur à l’origine du projet Wallabag qui s’interroge sur comment il va bien pouvoir faire pour gagner sa vie avec un projet open source qui me fait sortir ma plume numérique. N’y voyez bien sûr aucune allusion grivoise de ma part 🙂 . C’est juste le plaisir de prendre un instant pour renouer avec un acte (l’écriture sur ce blog) que je n’ai malheureusement plus eu la possibilité de pratiquer des derniers temps.

C’est aussi parce que le questionnement de Nicolas me touche en tant qu’entrepreneur du logiciel libre. J’ai eu l’occasion d’échanger récemment avec lui par téléphone à sa demande. J’avoue ne pas avoir été d’une grande aide. Je n’ai pas d’idée géniale qui pourrait l’aider à lancer son activité et surtout à réussir à en tirer un revenu décent à court terme.

Les structures dédiées aux porteurs de projets libres sont hélas trop rares en France, si l’on veut éviter les incubateurs « traditionnels » bien souvent éloignés de la philosophie et de l’éthique du logiciel libre. Nous vivons dans un monde peu favorable au « vrai » logiciel libre. Rares sont les cas (ils existent pourtant) de success-story 100% libres.

Certes, sa situation n’est pas la pire. Un job à 4/5 qui lui laisse un peu de temps pour se consacrer à son projet, c’est déjà plutôt luxueux à notre époque. Mais c’est insuffisant probablement pour arriver à développer davantage son offre de services autour de Wallabag.

Quelles sources de revenus ?

Dans le monde du logiciel libre, ce sont les services que l’on vend qui vous font vivre (en général). Nicolas vend une prestation de mise à disposition de Wallabag clé en main via le portail Wallabag.it pour 9 euros par an (jusqu’au 1er mars, dépêchez-vous). À ce tarif-là, il est évident qu’il faut vendre un bon paquet d’abonnements pour couvrir un salaire.

J’évaluerais un premier palier à 3500/4000 abonnements. Reste à voir la charge de travail que représente le support de ce nombre d’abonnés pour déterminer le temps qu’il resterait pour maintenir et faire évoluer Wallabag et/ou l’offre de services. À vue de nez ce n’est pas gagné.

Le grand problème de Nicolas, c’est qu’il n’a pas choisi le business model « as usual » du web. Il devrait en principe offrir un accès gratuit à son service et revendre les données de ses utilisateurs à des fins marketing. Sauf que comme beaucoup d’adeptes du logiciel libre, cette approche est incompatible avec son éthique.

Autre mauvaise surprise, le rachat de Pocket par Mozilla. Pocket c’est le méchant service en ligne qui obligea par le passé Nicolas à changer le nom du projet alors appelé Poche en Wallabag. Encore trop tôt pour en être sur, mais la logique voudrait que le service Pocket devienne open source… J’ai comme dans l’idée que ce ne sera pas aussi simple que cela. Faisons confiance à Mozilla pour (hélas) se prendre encore une fois les pieds dans le tapis de ces contradictions… J’ai donc tendance à ne pas trop m’inquiéter pour Wallabag.

Alors comment on fait ?

Je doute qu’il existe une recette magique quelque part qu’il suffise d’appliquer étape par étape pour trouver une solution. Je peux juste partager mon expérience personnelle qui vaut ce qu’elle vaut. Il m’aura fallu presque cinq an pour parvenir à trouver une combinaison services/logiciels et un positionnement qui semble vouloir tenir la route à ce jour.

J’arrive à vivre en ne vendant que des prestations autour du logiciel libre. J’arrive même à faire vivre deux autres personnes depuis ce début 2017. Nous sommes loin de rouler sur l’or… chaque mois passé est une victoire. L’œil rivé sur le prévisionnel de trésorerie avec en mire d’horizon le mur du zéro sonnant le glas de ma société. Toujours reculer ce mur plus loin. Mais c’est le pain quotidien de tout entrepreneur, rien d’extraordinaire.

Je n’ai jamais fait de business plan ni rempli de lean canvas. C’est peut-être un tort. J’ai fonctionné par itérations et évolution successives en fonction de mes échecs. Un long chemin souvent douloureux. Il est le même pour tous les porteurs de projets. Le fait que l’on s’appuie sur un logiciel libre ne change finalement que peu de choses au final. C’est à la fois un atout et un problème.

Je n’ai pas de Martingalle à proposer à Nicolas, il le sait déjà. Je ne peux que lui apporter mon soutien et mes encouragements. Il peut éventuellement clouer un fer à cheval sur sa porte, il paraît que cela porte bonheur 🙂 . Souvent d’ailleurs, la chance ou le hasard fait un bien meilleur travail que tous les conseillers réunis. J’ai pu le vérifier parfois.

La seule idée qui me vient est qu’il faut probablement trouver un « produit lié » à Wallabag pour créer une valeur supérieure et donc des revenus plus conséquents. La qualité technique seule de l’outil est un argument insuffisant. C’est en quelque sorte ce qu’essaie de faire Mozilla en rachetant Pocket et en espérant que la somme de Firefox + Pocket sera supérieure à ce que valent les deux outils pris séparément.

Allez haut les cœurs moussaillons, la route est longue, mais la voie est libre !


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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 28/02/2017. | Lien direct vers cet article

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