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Un prêtre condamné pour viols sur mineurs coauteur d’un livre promu par l’Education nationale

jeudi 12 février 2015 à 18:46
Un prêtre condamné pour viols sur mineurs coauteur d’un livre promu par l’Education nationale

Comme l’a relevé mercredi dans son billet – critique – notre blogueur Bernard Girard, professeur d’histoire, un livre est diffusé par l’Education nationale aux enseignants, « 100 mots pour se comprendre. Contre le racisme et l’antisémitisme » (éd. Le Bord de l’eau, 160 p., 10 euros), fruit d’un partenariatentre le ministère et la Licra.

Ce livre a été réalisé, indiquent les services de Najat Vallaud-Belkacem, « sous la direction de Mano Siri et d’Antoine Spire, avec la participation de Salima Ait-Mohamed et d’une quarantaine de contributeurs, historiens, intellectuels, écrivains, journalistes, universitaires ».

La quatrième de couverture du livre indique :

« Les définitions sont l’œuvre d’une trentaine d’auteurs parmi lesquels Vincent Peillon et Aurélie Filipetti ministres de la République mais aussi certains de nos plus grands intellectuels : Henri Atlan ou Boris Cyrulnik, Mireille Delmas-Marty ou Jacqueline Costa-Lascoux. »

Ces ressources pédagogiques, indique le ministère, sont « à disposition des enseignants et de l’ensemble des équipes éducatives sur le site Eduscol », où il est diffusé en PDF.

Capture d’écran de l’article « Eduquer contre le racisme et l’antisémitisme », qui met le livre à la disposition des enseignants (Eduscol.education.fr)

Dans les notices de présentation des auteurs, au début du livre, on trouve entre l’historien Marc Knobel et l’ancien ministre Vincent Peillon : 

« LEFORT FRANÇOIS : Prêtre catholique et médecin. Auteur de “Justice pour l’honneur d’un prêtre”, Editions Chemins de traverse. »

Procès en 2005

François Lefort signe les articles « Chrétiens et christianisme » (p. 29), « Croyants » (p. 38) ; « Les Evangiles ou la bonne nouvelle » (p. 62) et « Incroyants » (p. 83). Il est l’auteur de plusieurs livres, notamment sur ses missions humanitaires dans les années 70-80, ce qui lui a valu autrefois de passer à maintes reprises dans les médias, télévision comprise.

Capture d’écran de l’article « Le ministère de l’Éducation nationale renouvelle son partenariat avec la Licra », qui fait mention de l’ouvrage (Education.gouv.fr)

Mais cette façade s’est lézardée dans les années 90, lorsque plusieurs accusations de viols au Sénégal et en France ont été portées contre lui par des mineurs, débouchant sur un procès en 2005.

Celui-ci s’est déroulé sur un fond agité : témoins de la défense remis en cause, comité de soutien parfois bruyant – le père Lefort est le frère d’Elisabeth Dufourcq, secrétaire d’Etat à la Recherche de mai à novembre 1995 dans le gouvernement Juppé, qui s’est fait rappeler à l’ordre pendant une audience.

Les juges de la cour d’assises des Hauts-de-Seine ont condamné le 24 juin 2005 François Lefort – qui n’a jamais reconnu les faits, plaidant une machination contre lui – à huit ans de prison pour viols et agressions sexuelles sur six mineurs au Sénégal et en France en 1994 et 1995.

Le prêtre n’a pas fait appel, rendant la sentence définitive. L’avocat des parties civiles, Me Olivier Morice, avait déclaré :

« C’est la face cachée de François Lefort des Ylouses qui est démasquée. Durant des années, cet homme a été le héros des enfants des rues [...] et aujourd’hui son autre personnalité, qui est celle d’un pédophile, est reconnue par la cour d’assises. »

Libre depuis 2009

Il dit sur le site créé en 2010 (Droit à la justice soutient François Lefort, qui l’indique comme contact) pour le soutenir, être devenu libre en mars 2009.

Capture d’écran de la page « L’homme » sur le site de François Lefort (DALJ-soutient-francois-lefort.com)

Son livre cité dans la présentation de l’ouvrage promu par l’Education nationale suit la douzaine qu’il a publiés depuis les années 80.

Sur son site, François Lefort maintient son image de combattant antipédophilie(un des arguments de ses soutiens était un complot de « vrais » pédophiles pour l’abattre), affirmant que « il [François Lefort, ndlr] dénonce le réseau hollandais Spartacus, éditeur de guides touristiques à l’usage des pédophiles ».

En fait, lors du procès de 2005, les policiers cités à la barre avaient totalement démoli cette fiction, exposant n’avoir jamais reçu d’aide de sa part malgré ses allégations – et dressant par ailleurs du prêtre un portrait en pédophile type.

Un livre-enquête paru en 2003, « L’Illusionniste » (éd. Les Arènes), par le journaliste Mehdi Ba, a dressé un portrait de François Lefort dont le titre dit tout ; son éditeur Laurent Beccaria, qui neuf ans plus tôt avait été l’éditeur du prêtre médecin, s’en est expliqué en préface, rappelant son incrédulité initiale :

« Cette grande figure de l’humanitaire, incarnation de la lutte contre les réseaux pédocriminels, au carnet d’adresse épais comme un Who’s Who, titulaire d’un Prix international des droits de l’homme, décoré de la Légion d’honneur, ne pouvait pas être un violeur d’enfant. »

Prêtre à la campagne et médecin en Afrique

Aujourd’hui en Haute-Loire, François Lefort, né en 1946, n’a pas été rendu à la vie civile par l’Eglise catholique et affirmait, dans une interview au quotidien régional Le Progrès en février 2013, avoir été victime d’une erreur judiciaire.

Il a été nommé en 2011 « prêtre coopérateur dans l’ensemble paroissial de la Sainte-Famille de l’Ance à l’Arzon », rapporte le site du diocèse du Puy-en-Velay (principalement en Haute-Loire). Cette nomination avait été faite par MgrHenri Brincard, évêque mort le 14 novembre 2014.

Bernard Planche, responsable du service communication du diocèse, joint ce jeudi, nous indique que « le père Lefort est auxiliaire auprès du curé » de cet ensemble de paroisses. Interrogé sur ses activités paroissiales – en a-t-il auprès de mineurs ? –, notre interlocuteur nous répond que François Lefort « n’a pas de ministère auprès des enfants, compte-tenu du problème qu’il y avait eu ». Lediocèse compte un peu plus de 90 prêtres en activité.

François Lefort, ce jeudi soir, nous précise par téléphone que c’est Antoine Spire (codirecteur du livre « 100 mots pour se comprendre ») qui lui a demandé d’y participer. Il souligne en être à sa deuxième demande de révision de son procès et critique la justice française :

« Depuis Dreyfus, il n’y a eu que huit erreurs judiciaires reconnues en France ; soit notre justice est parfaite, soit on se fout du monde. »

Quant à ses activités présentes :

« Je pourrais être directeur de colonie de vacances si je voulais, je suis libre maintenant, mais je ne suis pas fou, je ne vais pas m’occuper d’enfants, imaginez qu’un d’eux se mette en tête de m’accuser ! »

Outre ses tâches auprès de quatorze petites paroisses rurales, François Lefort a « repris une activité de médecin humanitaire ». Il s’est rendu « deux fois en Centrafrique et une fois à Madagascar ».

 

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