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Charles Ceccaldi-Raynaud, un maire grandiose, redouté et redoutable (par Sylvie Cancelloni)

dimanche 28 juillet 2019 à 17:35

34513564_715c3a0741Charles Ceccaldi Raynaud est mort, lui qu’on eut cru immortel, tant il a incarné l’histoire politique du 92 dont les figures principales, Charles Pasqua au 1 er rang, commencent à disparaître.

J’ai travaillé avec lui le temps d’un mandat. Ou plutôt, j’ai essayé, tant l’homme portait de contradictions pour la jeune femme que j’étais à l’époque : rusé et cruel parfois, généreux à d’autres, hypocondriaque souvent et se servant de sa santé chaque fois qu’on l’importunait, glaçant dans ses menaces et sincèrement désolé qu’on ne l’aime pas davantage, il travaillait la pâte humaine comme personne en pétrissant la fidélité entre terreur et largesses. Ne faisant qu’exceptionnellement confiance, il misait d’abord sur les faiblesses qu’il devinait avec une finesse frisant le grand art.

C’est dans ce chaudron paternel que s’est développée la culture si particulière du clientélisme à la Puteaux : à défaut de pouvoir compter sur l’engagement indéfectible de quiconque, il faut le lier d’abord à soi par une dette de reconnaissance … C’est infaillible : on se bouscule au portillon pour une faveur !

Il a été un Maire grandiose, redouté et redoutable. Il faut dire qu’il a reçu à ses débuts le plus fabuleux cadeau, la Défense. Moyennant la cession du « terrain » à l’Etat (via l’EPAD), elle a rapporté à Puteaux des revenus annuels dont l’importance aura fait transpirer des générations d’inspecteurs des finances cherchant à le confisquer. Un des directeurs de l’EPAD, Gerard de Senneville, a raconté dans un livre à charge l’épopée qualifiée de cynique et affairiste, des deux rois de l’époque, Charles Ceccaldi et Christian Pellerin.

Même avec des méthodes discutables, Charles Ceccaldi a pourtant constitué pendant 35 ans le trésor de guerre sur lequel Puteaux continue de vivre, en un temps où d’autres communes se serrent la ceinture et peinent à investir. Un trésor de guerre envié bien sûr, et utilisé en grande part… pour asseoir les fidélités  ! Le clientélisme est trop efficace pour résister à la tentation!

Quel souvenir laissera-t-il à Puteaux ? La mémoire est capricieuse et l’étoile du ceccaldisme vieillissante : 3 générations, c’est quand même beaucoup… Il n’est plus si sûrement compatible avec l’air du temps, peu amateur de sagas fastueuses, et tourné davantage vers la construction d’un avenir responsable. De ce point de vue, le grand péché du ceccaldisme aura été son indifférence totale au développement de la Défense. Aussi décrépite qu’il le devient peu à peu…

On retiendra : la reconnaissance des rapatriés d’Algérie qu’il a acceuillis après les accords d’Evian ; le taux de HLM assurant à la fois une mixité sociale appréciée dans la ville; la sanctuarisation de l’Ile de Puteaux et la construction de la piscine ; l’entrée de Puteaux dans l’ère post-industrielle... Mais tout cela avec son cortège d’affaires (relations avec les maires Dardel et Peretti ; les liens corses et les réseaux franc-maçons, la mort du colleur d’affiches, le marché de chauffage de la Défense etc). L’Histoire et la justice, qui continue à enquêter, feront le tri le tri et établiront un jour le vrai bilan de ces 50 années putéoliennes.

Il restera surtout la figure d’un homme qui n’avait peur que de la mort, et dont le style et la carrière politique, de l’Algérie à Puteaux, de la SFIO au RPR, très 3 ème République, resteront à jamais inimitables.

Si sa vie fût Puteaux pendant 35 ans, il lui tourne cependant résolument le dos dans la mort, préférant être enterré près de Toulouse, dans sa nouvelle famille dont le faire-part n’évoque ni sa fille et son petit-fils. La guerre aura continué jusqu’au bout.

Et le connaissant, là où il est, nul doute qu’il appréciera peu les hommages post mortem que la ville de Puteaux, qu’il considérait comme passée à l’ennemi, ne manquera pas de lui rendre.

Sylvie Cancelloni
ancienne conseillère municipale de Puteaux

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