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L’hypersensibilité, on en parle ?

vendredi 6 mars 2020 à 13:17

Cela fait un moment que je voulais écrire cet article. Aujourd’hui, je me lance.

Avertissement : cet article est complètement personnel, ce n’est pas un guide, pas une référence, c’est simplement mon expérience, de mon point de vue, d’après mes connaissances. Je ne suis en aucun cas un professionnel du domaine.

 

Je me suis toujours senti en décalage par rapport aux autres. Par exemple j’ai toujours été vite fatigué, il n’était pas rare que les autres me traitent de “fainéant”, par mes propres parents par exemple. Oui, je fatiguais vite, mais je ne me trouvais pas fainéant pour autant : si un sujet m’intéresse, je peux y passer beaucoup de temps et d’efforts. J’étais donc dans l’incompréhension. Je m’intéresse souvent à des sujets complètement variés, où la majorité des gens n’y trouveraient pas d’intérêt. Cela peut partir sur un sujet politique, scientifique, littéraire, artistique, théologique… Cela m’a longtemps causé des soucis à l’école, quand il fallait répondre à la question : “tu veux partir en 1ère S ou 1ère L ?” “Je ne sais pas, j’aime autant les deux…”. “Tu veux faire des études post-bac dans quel domaine ?” “Je ne sais pas, j’aime trop de choses…”. J’ai eu un parcours scolaire chaotique : j’ai fait des études d’ingénieur, puis dans les mathématiques, l’informatique, puis dans les sciences (biologie, chimie, un peu physique), pour au final être prof des écoles, finalement un des rares métiers qui me permet de faire tout ça à la fois. J’ai en parallèle touché à plein de trucs : j’ai développé mon premier site web au collège, site qui m’a rapporté environ 2000€ par mois à 13 ans, j’ai créé en parallèle de la fac mon entreprise de développement de sites web (matronix.fr était avant d’être mon blog le site vitrine de mes prestations, ouvert en 2009, un an après mon bac). J’ai touché au développement/hacking de consoles, en particulier les consoles portables où j’ai développé de nombreux jeux, j’ai programmé des robots sans fil qui pouvaient se déplacer par Nintendo DS, avec une caméra qui renvoyait toujours sans fil l’image sur l’écran du haut de la console. Au niveau de la scolarité je n’étais pas particulièrement un bon élève : je n’étais pas spécialement intéressé par les matières scolaires sauf rares exceptions, les profs ne m’appréciaient pas des masses, car j’avais toujours des questions dont ils n’avaient pas la réponse, et prenaient souvent cela pour de la provocation, alors que j’étais réellement intéressé par mes questions. J’ai été passionné par certaines périodes de l’Histoire, comme la seconde guerre mondiale. J’aime la musique, j’ai composé beaucoup de musique électronique. J’ai beaucoup écrit, des histoires d’horreur, des trilleurs, de la fantaisie, de la poésie. Bref, j’ai touché à beaucoup de choses. J’aime beaucoup de choses, mais à chaque fois jamais à fond : je ne supportais pas l’idée de se focaliser sur un seul domaine “à fond” et négliger le reste. J’ai mis très longtemps à me trouver le métier idéal, j’ai enchainé des dizaines de boulots différents : faire des états des lieux d’appartement livrés neufs, travailler en centre d’appels pour la fac, en hôpital psy, livrer des cuisines, travailler dans des milieux spéciaux type -40°C, dans la livraison de magasins de jouets, travailler en laboratoire, dans la recherche, etc, etc, etc. Pour toujours abandonner après quelques mois, car je n’en pouvais plus. J’ai vite compris qu’avoir un patron était impossible pour moi : je me prenais rapidement la tête avec, je trouvais ses instructions absurdes, je trouvais souvent une façon de travailler plus rapide, plus efficace, et le patron le prenait mal et cela devenait compliqué. J’ai tenté l’expérience d’être mon propre patron : cela fonctionnait, j’étais rentable, mais l’expérience ne me plaisait pas non plus, travailler pour gagner de l’argent n’était pas mon truc, ma motivation principale dans la vie n’étant pas l’argent mais le  temps. Avoir du temps libre est beaucoup plus important pour moi que gagner beaucoup d’argent, et en général les deux ne sont pas compatibles.

J’ai donc longtemps galéré, à chercher quelque chose qui me correspond. Puis enfin, la révélation, prof. Je touche à tout, je n’ai pas de patron (du moins je ne le vois pas), je travaille comme je le veux, j’ai du temps, etc. Beaucoup d’avantages pour moi, même si le travail reste difficile.

Au niveau de mes relations sociales, ça a toujours été compliqué. J’étais toujours l’ami des gens sans amis (j’ai toujours trouvé ces personnes plus intéressantes que la majorité), j’ai du mal à sortir, car les gens me fatiguent/saoulent vite. En couple, j’ai du mal à garder une partenaire (j’en ai eu deux), car il arrive toujours un moment où l’incompréhension s’installe (j’y reviendrai plus tard). Actuellement je suis sur une période de célibat entamée depuis un moment. Cela me rend triste car c’est toujours plus sympa de partager sa vie, mais je n’ai pas le besoin comme beaucoup d’aller vivre des expériences légères on va dire.

Puis est arrivé un gros passage à vide il y a quelques mois, comme un besoin de faire STOP sur ma vie, besoin de prendre du recul, de comprendre certaines choses, car je me sens différent. J’ai été arrêté 2 mois, officiellement pour cause de dépression, bien que je ne me sentais pas dépressif. J’ai lu, j’ai travaillé mon développement personnel, j’ai pris de nombreux rdv chez le psy. Le verdict est tombé : précocité intellectuelle et hypersensibilité. BOUM, prends ça dans la tête et débrouille-toi.

 

L’hypersensibilité m’a expliqué beaucoup de choses. Quelqu’un d’hypersensible, c’est une personne qui ressent très fortement les émotions, quelles qu’elles soient. C’est une personne qui ressent fortement les stimulations extérieures, où ses sens sont très développés : un bruit, une odeur, une vision, etc. Mon psy m’a expliqué la chose avec une image que j’ai bien aimée : chaque matin, l’hypersensible se réveille avec par ex 15 allumettes. À chaque stimulation trop importante, on retire une allumette. Quand il n’y a plus d’allumette, c’est le moment où la fatigue s’installe très fortement, et peut causer des sauts d’humeur, parce que l’hypersensible n’en peut plus, et peut s’énerver ou s’irriter. L’hypersensible a également une très forte empathie, et peut ressentir les émotions des personnes qui l’entourent. Je me suis complètement reconnu là-dedans. Cela m’a fait comprendre pourquoi je ne supporte pas la télé (je n’en ai pas chez moi), pourquoi chez les gens je suis *obligé* de demander de couper la télé ou au moins de couper le son (et passer accessoirement pour un chieur), pourquoi j’ai beaucoup de mal à rentrer dans un centre commercial, pourquoi je ne peux pas écouter la radio, pourquoi la sonnette d’un voisin me procure une montée hyper rapide d’adrénaline, pourquoi je ne peux pas avoir de téléphone fixe, pourquoi mon portable est constamment en silencieux complet (sans vibreur donc), pourquoi je *dois* désactiver absolument toute notification sur mon téléphone, pourquoi je suis si mal en voiture, pourquoi en couple je n’arrive pas à gérer les moments de conflits : cela me développe tellement d’émotions que j’en suis submergé, et je perds toute analyse critique de la situation, et que je deviens complètement mutique et paralysé. Mon monde idéal n’est pas un monde silencieux, mais un monde où je contrôle le bruit. Je suis capable d’aller à un concert, mais je vais avoir beaucoup de mal à aller dans une soirée, où il faut sourire, rire, être marrant, discuter, s’intégrer. Au bout d’une heure je suis épuisé. Quand arrive le vendredi soir ou le we quand les gens sortent, moi je récupère de ma semaine. Je me suis longtemps cru asocial, en fait non, je suis sociable, juste qu’il faut que les stimulations extérieures ne soient pas trop importantes, et c’est rarement le cas. Une soirée idéale pour moi est une soirée calme avec des jeux de société par ex, dans un groupe de 3 ou 4 personnes, guère plus.

Je me trouve donc en gros décalage avec le monde actuel, un monde régit par la publicité, capitaliste, un monde qui va toujours plus vite. Je vis donc au ralenti, localement, avec mon vélo, dans un environnement calme.

Cela m’a fait beaucoup de bien de mettre un mot sur cette caractéristique. Cela permet d’adapter sa vie, de la rendre moins fatigante. J’ai remarqué qu’il est très difficile de parler d’hypersensibilité avec la majorité des personnes, car une personne non concernée ne comprend tout simplement pas. J’ai longtemps cru que tout le monde ressentait les choses comme moi, forcément nos ressentis sont là depuis avant notre naissance, c’est donc depuis toujours, on ne pense pas forcément à remettre en question cela. J’ai compris que mes deux couples n’ont pas fonctionné car elles ne comprenaient pas mes besoins vitaux. Comprendre qu’un conflit peut être reporté pour être réglé plus tard, quand les émotions seront redescendues. Comprendre que quand je ne parle pas, ce n’est pas que je ne veux pas parler, c’est que je suis dans un moment d’hyperstimulation, que je n’arrive pas moi-même à organiser ma pensée et mes émotions, qu’il faut juste me laisser un peu de temps.

Les filles voient souvent en moi quelqu’un d’intéressant car je les comprends, j’ai une bonne capacité d’analyse, je suis de bon conseil, je sais rassurer, je ne juge pas, des avantages apportés par l’hypersensibilité. Mais souvent la contrepartie (citée au-dessus) n’est pas acceptée.

Il y a encore un an, je n’avais jamais entendu le mot hypersensible. J’aurais gagné du temps sur ma vie si j’en avais eu connaissance avant. C’est donc un peu l’objectif de cet article. Je sais que je suis loin d’être un cas isolé, et si vous vous reconnaissez un peu dans ce que je dis, je ne peux que vous inviter à aller voir un.e psy. Je sais que la démarche est *très* compliquée, mais cela vous permettra d’avancer efficacement, et au final vous ne le regretterez pas.

J’ai mis quelques mois à accepter ce terme “d’hypersensible”. Je n’arrive toujours pas à accepter le terme de “précocité” cependant. L’un ne va pas forcément avec l’autre. Un.e précoce sera hypersensible, la réciproque n’est pas forcément vraie. Accepter ma précocité sera un prochain travail, mais elle ne me gâche pas la vie comme l’hypersensibilité pouvait le faire.

Aujourd’hui, je m’assume, je suis hétéro, pas homo, je ne m’empêche plus de ressentir les émotions. Je peux pleurer ou frissonner en écoutant une musique, je me laisse emporter par mes émotions. Jamais la musique, l’art ou le cinéma n’ont été aussi beaux. Je réapprends à écouter mon corps et mes sensations. Oui, je peux frissonner en buvant un verre d’eau, manger un bon plat peut me procurer des sensations incroyables. Je me laisse envahir par mes émotions positives, les larmes aux yeux peuvent certes monter vite, mais à côté de cela le monde parait tellement plus beau et agréable. J’ai fait le choix de ne plus regarder certains films ou séries, de m’éloigner des gens qui ne me comprennent pas. Être sensible ne veut pas dire être fragile ou timide, je sais me faire entendre ou être respecté. J’ai fait le choix de ne plus toucher aux produits qui changent mon ressenti des choses, typiquement l’alcool, car cela me dérègle complètement. Je me suis mis à la méditation. C’est incroyable les bienfaits qu’elle peut m’apporter, même juste 10 minutes. Cela m’apporte une énergie et un recul que je n’aurais jamais soupçonnés. J’apprends à ne plus me faire influencer par les personnes négatives. Bref j’organise ma vie différemment, et cela va beaucoup mieux.

Dans un prochain article 3615 My Life j’expliquerai plus en détails de quelle manière l’alcool et autres drogues me dérèglent complètement.