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Yannic Arnoux : Protégeons notre vie privée

dimanche 1 octobre 2017 à 02:00

Framasoft fête les 3 ans de sa campagne Dégooglisons Internet. Le nombre de services alternatifs aux GAFAM, libres et respectueux de la vie privée, a grossi ainsi que le nombre d’utilisateurs. Comme ils l’expliquent eux-mêmes, le but n’est pas de devenir un hébergeur professionnel mais plutôt de servir de catalyseur pour que les gens prennent conscience qu’il y a une autre voie, décident de se libérer et auto-hébergent leurs services s’ils le peuvent ou aient recours au tissu associatif à travers le collectif des Chatons par exemple.

Chaque fin d’année je fais un don financier à un ou deux acteurs qui me semblent cruciaux dans le monde du Libre ; c’est d’ailleurs généralement la période de relance, chacun essayant de boucler son budget de fonctionnement pour l’année à venir. Beaucoup ont besoin d’aide et ils sont à la fois nos bras armés et nos boucliers. Je pense à Framasoft, à la Quadrature du Net, à l’APRIL, à Wikipedia, à des équipes de développement, des distributions Linux. Bref il y a beaucoup à soutenir et il faut faire des choix. Cette année je serais exclusif et ce sera Framasoft pour rétribuer mon usage de Framasphere et soutenir la suite de la campagne.

Pour ma part, j’ai dégooglisé progressivement depuis un bout de temps les services vitaux : contacts, agenda, mails. Ca ne veut pas dire qu’on peut m’appeler Richard et que je n’utilise aucun service GAFAM :

Comme en religion, chacun met la barre à son niveau et voit jusqu’où il veut / peut aller… et on trouve aussi des extrémistes dans ce domaine.

Donc en plus d’ordinateurs sous Linux et OpenBSD, d’un téléphone génial utilisé par 0,1% du marché, j’ai aussi une belle tablette Android déjà évoquée dans mes articles autour de Termux : bootloader verrouillé, ROM Android du constructeur. Je surfe avec Firefox, j’utilise mes propres services pour le mail, l’agenda, les contacts, le cloud. Mais je suis quand même sur un système non maîtrisé qui :

Bref, la coupe était pleine. La garantie de la tablette étant expirée, je me suis décide à regarder ce qui est faisable : idéalement changer la ROM, à défaut revenir à une version précédente du constructeur. Je passe les détails techniques affligeants mais parti sur l’option 2, j’ai failli transformer la tablette en brique et j’en suis sorti à force de parcourir le forum XDA à la recherche d’infos. Pour les connaisseurs j’étais bloqué au BIOS dans l’EFI (car oui ma tablette a un processeur Intel) et j’ai réussi à réinjecter ma ROM d’origine (celle du constructeur) avec une manipulation tordue. Ce que j’ai retenu c’est que monde Android c’est le monde Ms Windows tel que je lai quitté il y a des années : la plupart des gens sur les forums ne connaissent pas grand chose et préconisent d’appliquer des recettes de cuisine : installe tel soft, fais telle manip. Ce n’est pas leur faute, on est sur un sytème fermé (pour ce qui est du bootloader en tout cas) donc à part quelques initiés qui ont la connaissance acquise par la sueur à force de reverse-engineering, la masse ne fait que propager de l’information erronée et recopier des topics de forums.

Revenu donc au point de départ, j’ai tenté le rootage de la tablette ; c’est moins risqué qu’un changement de ROM. Je l’ai réalisé et j’ai pu désinstaller les applications Google de ma tablette gràce à un utilitaire nommé /system/app mover trouvé sur le magasin d’applications F-Droid. J’ai commencé petit, en virant les applications Google, puis j’ai carrément viré le Playstore et surtout ses services. J’ai récupéré 300 Mo de mémoire (pas négligeable sur une tablette de 2 Go) et je n’ai plus aucun ralentissement depuis 3 semaines. Je me suis prouvé, au passage, que toutes les applications dont j’ai besoin pour ma tablette sont sur F-Droid.

Tablette

Est-ce que c’est parfait ? Non pas du tout car j’ai enlevé les applications Google et quelques services du système, mais je ne maîtrise pas ce qui reste : il peut rester un service de pistage qui bouffe mes données et les envoie à Google.

Une dégooglisation complète passe par plusieurs étapes :

  1. se libérer des services GAFAM et mettre en place soi-même ou utiliser des alternatives.
  2. utiliser un système d’exploitation libre ou de confiance :
    • un système GNU/Linux (pas n’importe lequel) ou un système BSD
    • en mobilité, sur Android :
      • rooter l’appareil pour pouvoir faire le ménage, c’est mieux que rien.
      • installer une ROM commmunautaire (pas n’importe laquelle) sans les Google Apps, c’est mieux.
  3. utiliser du matériel libre grâce à l’Open Hardware

Je considérais, jusqu’à récemment, le 3ème point exagéré pour des équipements domestiques mais j’ai largement changé d’avis.

Le ciblage publicitaire est de plus en plus précis. Ma moitié a reçu dans la semaine un e-mail d’encouragement pour s’inscrire sur le site de la Française des Jeux, probablement car elle est passée sur leur site pour consulter les résultats. Elle navigue sur un Samsung A5 avec Chrome donc qu’ils aient obtenu l’e-mail ne m’étonne pas, mais qu’ils connaissent mon prénom un peu plus. En bas de l’e-mail, la société tierce responsable de ce profilage propose de se désabonner de leurs services. J’aime me désabonner quand je n’ai jamais été invité à m’abonner… Bref ma moitié navigue essentiellement en 4G donc cela exclut le recoupement avec notre adresse IP domestique. Je penche plutôt pour un recoupement entre son e-mail et d’autres données glanées à droite à gauche (???) pour parvenir à lier nos identités.

La semaine d’avant nous avons été confrontés, toujours sur le Samsung, au mini-scandale de l’enregistrement des visages, une sympathique fonctionnalité, découverte par Seb Sauvage, destinée à enrichir la base de reconnaissance faciale de Google. Dans son dernier article, Tristan Nitot clarifie bien ce deal entre Google et les constructeurs de téléphone.

Pour les appareils mobiles, le matériel est bien le souci principal. Et on peut se demander jusqu’à quand certains constructeurs pourront continuer à fournir des bootloader déverrouillés pour faire plaisir à quelques clients, sans que Google durcisse sa position et l’interdise. De plus, installer une ROM communautaire résoud partiellement le problème : il reste des bouts de code propriétaires dans les composants électroniques du téléphone dont on ne connait pas le fonctionnement. La solution ultime est un téléphone Libre de A à Z : logiciel (Open Source / Libre) et matériel (Open Hardware).

On a assisté une succession de projets de téléphones plus ou moins libres depuis quelques années : OpenMoko, Maemo et plus récemment, FirefoxOS et Ubuntu Phone.

Ne nous voilons pas la face, ils ont tous échoué, mais ils ont apporté leur pierre à l’édifice et participé à la prise de conscience du problème des GAFAM et du marchandage de notre vie privée qui dépasse largement le cercle des geeks aujourd’hui.

Le buzz du moment prochain téléphone libre serait le Librem. Encore faut-il y croire suffisamment et avoir confiance dans la société Purism pour mettre la main à la poche et subventionner sa création.

En tout cas, avoir pris conscience du problème c’est déjà un grand pas et le début de l’action pour reprendre sa vie numérique en main.

La route est longue mais la voie est libre !

Phagocitage

Source de l’image : maymay

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