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Philippe Scoffoni : Application métier libre, la prochaine étape ? (Partie 3/3)

mardi 5 mars 2013 à 09:13

Nous voici arrivés au troisième et dernier volet de cette série d’articles sur les logiciels libres métiers. Retrouvez les deux premiers articles de cette série :

Si l’approche par la mutualisation des moyens des utilisateurs (pas des « clients ») semble pertinente pour l’avenir du logiciel libre, il n’en demeure pas moins qu’elle porte aussi en elle une part de risque de dérive.

chardonLe risque de la mutualisation

Nous avons vu qu’il existe différents statuts possibles. Pour chacun il existe un premier risque commun : la dominance d’un acteur sur le projet. Cette dominance peut s’exprimer de diverses façons. Mais la principale revient à être dépendant du bon vouloir de celui qui paie.

Dire qu’il suffit de mutualiser pour arriver à trouver des moyens est un raccourci qui masque bien des difficultés. Tout d’abord celle de se mettre d’accord sur les évolutions à apporter et faire adopter ce cahier des charges à l’ensemble des acteurs. Tous les acteurs ne sont pas égaux en terme de capacité d’investissement. Si un « gros » vient à refuser son concours financier, la demande aussi pertinente soit elle ne sera pas prise en compte.

A l’inverse, le plus gros acteur va faire avancer le projet dans le sens qui lui convient et qui n’est pas forcément celui de l’intérêt général. On retombe donc finalement dans les travers connus des autres modèles. Que ce soit celui de l’éditeur ou de la communauté d’industriels. Cette dominance est-elle inéluctable ?

Quelle parade ?

Il serait possible de s’en arrêter là et de dire que c’est le système qui veut que le plus fort l’emporte toujours. Parfois (souvent ?) au détriment de l’intérêt général. Une approche qui tendrait à rendre nécessaire l’existence d’un tiers entre ceux qui financent et ceux qui réalisent. Un tiers dont l’indépendance peut être réelle.

Le logiciel libre est un bien d’intérêt général. Il lui faut donc être porté par des structures qui ne sont pas gouvernées par des intérêts particuliers. J’en reviens toujours là, mais mis à part les associations ou fondations, je ne connais pas vraiment d’autres statuts qui s’y prêtent, mis à part peut-être certaines formes de coopératives.

La gouvernance de cette association à but non lucratif devient alors le centre de la problématique. Elle doit permettre d’arbitrer entre les demandes des utilisateurs et de répartir les fonds disponibles sur les actions les plus porteuses, indépendamment du poids de ceux qui financent. Pas évident, mais indispensable. Cela sous-entend que la mutualisation des moyens financiers doit se faire indépendamment et en amont des demandes des utilisateurs.

Il faut que l’association porte un projet suffisamment vaste pour que toutes sortes d’acteurs économiques puissent trouver leur intérêt. Il faut que le financement ne puisse être corrélé en aucune façon avec un objectif. Sinon cela revient à payer une prestation et donc à créer un lien de « pouvoir » entre l’argent donné et le « produit » résultant. A ce jour seul le mécénat impose juridiquement une telle séparation.

Mais le mécénat ne peut être qu’un moyen de démarrer un projet et ne peut-être une source pérenne. L’arrêt d’un financement, l’unicité du mécène ou de la source de revenus peuvent conduire à une situation « mozillienne » (en référence à Mozilla et son unique source de revenu : Google). Situation où l’indépendance des décisions peut être mise en doute. Il faudra que cette structure de mutualisation ait donc également ses propres revenus les plus diversifiés possible pour conserver son indépendance.

Est-ce à dire que ce genre de projet est impossible à monter ? Je ne le pense pas, mais cela sera forcément difficile, car perçu comme trop ambitieux. Mais une ambition indispensable pour atteindre cette masse critique qui fait qu’un jour les signes se décident tous à enfin arrêter de manger des patates sales. Des patates propres c’est quand même plus agréable en bouche. Mais voilà, il faut une bonne centaine de singes et c’est un chiffre difficile à atteindre à notre époque.

Merci à david96 qui nous a signalé cette excellente fable sur la théorie du centième signe et qui me permet de conclure cette série d’articles.

Post-scriptum :Cette série d’articles finit sur une conclusion qui nous renvoie encore une fois au modèle de développement élaboré et mis en œuvre par Meza|Lab.

Image sous licence CC0


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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 05/03/2013. | Lien direct vers cet article

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