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Parents et Smartphones : Pourquoi le « flicage » ne marche pas (et ce qu’il faut faire à la place)

samedi 22 novembre 2025 à 08:37

C’est le dilemme moderne de tous les parents : à quel point doit-on contrôler le téléphone de nos enfants ? Entre la peur qu’ils passent trop de temps sur les écrans et l’angoisse de ne pas savoir où ils sont, notre premier réflexe est souvent de serrer la vis. On impose des règles strictes, on appelle dix fois par jour pour vérifier où ils sont, et on surveille.Pourtant, la science nous envoie un message contre-intuitif : plus vous essayez de contrôler techniquement l’usage du téléphone, moins cela semble efficace.Basé sur des recherches récentes en psychologie des médias, voici pourquoi la confiance et l’exemple valent mieux que la police du smartphone.

 

1. L’effet pervers des règles strictes et des appels incessants

On pense souvent que pour éviter que notre enfant ne devienne « accro » à son téléphone, il faut interdire et restreindre. Or, une étude menée sur 500 dyades parents-enfants montre que la médiation restrictive est associée à une augmentation de l’utilisation problématique du téléphone chez l’enfant. a médiation restrictive est une stratégie parentale qui consiste à limiter le temps d’utilisation ou le contenu auquel les enfants ont accès sur leur téléphone mobile ou Internet. L’objectif des parents, en imposant ces règles et restrictions, est de prévenir les effets négatifs des médias ou d’empêcher des comportements à risque

Pourquoi ? Soit parce que l’interdit crée une envie de transgression , soit parce que les restrictions ne règlent pas le problème de fond : l’autorégulation. s enfants et adolescents peuvent réagir négativement aux restrictions imposées en adoptant davantage le comportement interdit. En se sentant contrôlés, ils peuvent chercher à contourner les règles, rendant la médiation inefficace. Il est aussi possible que les parents imposent des restrictions strictes en réaction à un problème déjà existant. Autrement dit, ce n’est pas la restriction qui cause le problème, mais le comportement problématique de l’enfant qui pousse les parents à sévir, souvent trop tard ou maladroitement. Restreindre simplement l’accès n’aide pas l’enfant à développer ses propres compétences d’autorégulation. Pour apprendre à gérer leur consommation, les enfants ont besoin de comprendre et d’intérioriser les règles, ce qui passe mieux par le dialogue que par la contrainte. Enfin, les tentatives de contrôle fréquentes, comme appeler souvent pour surveiller, sont perçues comme intrusives. Cela incite les adolescents à être moins sincères et à dissimuler leurs activités pour éviter le conflit ou la punition

2. Laisser l’enfant venir vers vous : la clé de la vérité

Si le harcèlement téléphonique parental ne fonctionne pas, qu’est-ce qui marche ? La réponse est : la confiance. Lorsqu’elle est présente, c’est l’adolescent qui  choisit de partager des informations. Le smartphone devient un outil positif uniquement lorsque l’initiative de la communication s’inverse. La recherche identifie un comportement spécifique nommé « Demander et Conférer » (Ask and Confer). Il s’agit des moments où l’adolescent appelle de lui-même pour demander une permission, prévenir d’un changement de plan ou valider une information. Ce type d’appel est le marqueur le plus fiable d’une relation saine. Lorsque l’adolescent initie cet appel, les recherches montrent une augmentation significative de sa sincérité et une meilleure perception de l’harmonie familiale.

Pourquoi cette différence est-elle si cruciale ? Parce qu’elle marque le passage de la soumission à la responsabilité. Un adolescent qui répond à un énième appel de contrôle le fait par contrainte, souvent avec ressentiment. À l’inverse, l’adolescent qui appelle pour dire « Je serai en retard » ou « J’ai un problème, peux-tu m’aider ? » pose un acte d’autonomie. Il reconnaît l’autorité parentale non pas comme une menace, mais comme une ressource. Ce comportement est également lié à la recherche de soutien social (Social Support Seeking) : l’enfant appelle pour chercher du réconfort ou des conseils

a stratégie gagnante pour les parents n’est pas technique, elle est relationnelle. Au lieu d’utiliser le téléphone comme un radar, il faut l’envisager comme un canal ouvert. L’objectif parental doit être de créer un climat de sécurité émotionnelle tel que l’adolescent n’hésite pas à composer le numéro de ses parents, que ce soit pour une urgence logistique ou un besoin affectif. C’est dans cette initiative, et non dans la fréquence des contrôles, que réside la preuve d’une éducation réussie et d’une relation de confiance

3. Le dialogue plutôt que le blocage

Au lieu de simplement confisquer ou limiter, les chercheurs suggèrent la médiation active. Discuter avec son enfant de ce qu’il voit, de ce qu’il fait sur son téléphone et de ses émotions est associé à une baisse des comportements problématiques. Plutôt que de bâtir des murs, il s’agit de construire des ponts. L’objectif est de favoriser un attachement sécurisant. Un enfant qui se sent en sécurité affectivement développera de meilleures capacités d’autorégulation. À l’inverse, les appels passés par des parents en colère ou angoissés  détériorent la relation et la communication.

La médiation active ne consiste pas à surveiller l’écran par-dessus l’épaule de l’enfant, mais à instaurer un dialogue continu autour de ses usages. Les chercheurs ont constaté que la médiation active (discuter du contenu, expliquer les risques, partager des opinions) et la co-utilisation sont inversement associées à l’implication problématique avec le téléphone portable. Contrairement à la restriction pure qui peut frustrer, la médiation active permet à l’enfant de comprendre le sens des règles. En discutant des émotions ressenties face à un message ou en expliquant les mécanismes d’un jeu, le parent aide l’enfant à « intérioriser les règles médiatiques » pour qu’il les respecte volontairement. Ce dialogue favorise la littératie numérique : l’enfant n’obéit plus aveuglément, il apprend à porter un regard critique sur son propre comportement.

4. ET VOUS, comment utilisez-vous votre téléphone ?

L’une des conclusions les plus percutantes de la recherche sur la parentalité numérique est que le comportement des enfants est souvent le reflet direct de celui de leurs parents. L’étude de Hefner et al. (2018) valide statistiquement cette réalité inconfortable : il existe une association positive significative entre l’implication problématique des parents avec leur téléphone (PMPI) et celle de leurs enfants. Autrement dit, plus un parent est absorbé par son écran, plus son enfant risque de développer une dépendance similaire.

Ce phénomène s’explique par la théorie de l’apprentissage social de Bandura : les enfants apprennent en observant et en imitant les figures d’autorité qui les entourent. Le téléphone portable étant utilisé fréquemment tout au long de la journée, il offre aux enfants de multiples occasions d’observer les habitudes parentales. Même si les enfants maîtrisent souvent mieux la technique des applications que leurs parents, ils imitent inconsciemment les comportements d’usage répétés. Si un parent consulte ses emails à table ou interrompt une conversation pour répondre à une notification, l’enfant intègre ces gestes comme une norme sociale acceptable. Le parent fournit ainsi involontairement une « représentation mentale » de l’utilisation du téléphone que l’enfant va reproduire. De plus, cette transmission peut s’opérer au niveau de l’autorégulation : des parents ayant eux-mêmes du mal à contrôler leurs impulsions transmettent, par l’exemple et peut-être génétiquement, une faible capacité d’autodiscipline à leurs enfants.

En résumé : 3 conseils pour une parentalité numérique apaisée

  • Misez sur la relation avant les règles : Un climat de confiance protège mieux votre enfant qu’un logiciel espion. Intéressez-vous à ce qu’il fait en ligne sans juger immédiatement.
  • Lâchez du lest sur les appels de contrôle : Laissez votre ado respirer. Encouragez-le à vous appeler lui-même pour vous tenir au courant. S’il se sent écouté plutôt que fliqué, il sera plus honnête
  • Montrez l’exemple  Pour que votre enfant apprenne à déconnecter, il doit vous voir le faire. Votre propre discipline est le meilleur outil éducatif dont vous disposez

Bibliographie

  • Hefner, D., Knop, K., Schmitt, S., & Vorderer, P. (2018). Rules? Role model? Relationship? The impact of parents on their children’s problematic mobile phone involvement. Media Psychology. https://doi.org/10.1080/15213269.2018.1433544

  • Weisskirch, R. S. (2009). Parenting by cell phone: Parental monitoring of adolescents and family relations. Journal of Youth and Adolescence, 38, 1123–1139. https://doi.org/10.1007/s10964-008-9374-8

Les écrans et les tout-petits : comprendre l’impact réel à la lumière des recherches

vendredi 21 novembre 2025 à 14:26

Comprendre l’impact des écrans sur le développement des jeunes enfants est devenu un enjeu central pour les parents, les professionnels de l’éducation et les cliniciens. Les technologies sont partout, mais leurs effets ne sont ni simples ni univoques. Pour y voir plus clair, les chercheurs ont mobilisé différents types d’études : des enquêtes menées auprès des familles, des suivis sur plusieurs années, et des expériences réalisées en laboratoire. Chacune apporte un éclairage particulier.

Les études corrélationnelles montrent comment les écrans s’insèrent dans la vie quotidienne et dans les dynamiques familiales. Les recherches longitudinales permettent d’observer les trajectoires développementales dans le temps. Les études expérimentales, quant à elles, testent de manière précise la manière dont les enfants apprennent ou interagissent avec les supports numériques.

En combinant ces trois approches, on dispose d’une vision d’ensemble plus nuancée : les écrans n’agissent pas isolément, mais s’inscrivent dans un contexte plus large, fait d’interactions, d’affects, de pratiques familiales et d’opportunités d’apprentissage.

Études corrélationnelles

Les études corrélationnelles examinent comment les écrans s’intègrent dans le quotidien des familles. Elles comparent le temps d’écran, le type de contenu ou encore la manière dont les parents accompagnent l’enfant avec différents aspects du développement : langage, attention, comportement, etc.

La majorité de ces travaux — qu’il s’agisse d’enquêtes auprès des parents (Cristia & Seidl, 2015), d’analyses du stress familial (Shin et al., 2021 ; Coyne et al., 2021) ou de mesures d’usage problématique (Domoff et al., 2019) — montrent que les effets directs des écrans sont modestes. Ce qui pèse le plus, c’est le contexte dans lequel les écrans sont utilisés : un foyer stressé, un enfant difficile à apaiser, ou au contraire, une co-visionnage attentif peuvent changer complètement la donne. Cela change complètement la manière dont on interprète les effets des écrans sur les jeunes enfants. Si l’on se contente de regarder le temps d’écran, on pourrait croire qu’il suffit de limiter la tablette ou la télévision pour éviter les difficultés. Mais ces études montrent que ce n’est pas l’écran en lui-même qui pose problème : c’est le contexte familial dans lequel l’écran s’insère.

Les revues systématiques de Mallawaarachchi et al. (2022) et de Kostyrka-Allchorne et al. (2017) analysent des dizaines d’études et arrivent toutes deux à la même conclusion : lorsque l’on prend en compte les autres facteurs de la vie de l’enfant — stress familial, routines, interactions, niveau socio-économique, tempérament — la quantité d’écran en soi n’explique presque rien des différences de langage, d’attention ou de comportements. Dans de nombreuses études, le temps d’écran reflète surtout un environnement familial plus tendu ou moins disponible : il devient un symptôme du contexte, plutôt qu’un moteur direct des difficultés. Ces résultats empêchent d’attribuer trop rapidement les problèmes des enfants aux écrans eux-mêmes. Ils montrent que réduire le développement à la simple durée d’exposition passe à côté des vrais enjeux : la stabilité émotionnelle du foyer, la qualité des interactions, la présence d’un adulte engagé, et le climat relationnel dans lequel l’enfant grandit. En d’autres termes, ces revues rappellent que ce sont les conditions de vie, bien plus que les écrans, qui façonnent l’essentiel du développement.

Une étude phrare:

L’étude menée par Linebarger et ses collègues en 2014 est souvent citée parce qu’elle permet de mieux comprendre ce qui relie réellement l’usage des écrans aux compétences d’autorégulation chez les jeunes enfants. Les chercheurs ne se sont pas contentés de mesurer le temps passé devant les écrans ; ils ont surtout examiné l’environnement dans lequel cet usage s’inscrit. Pour cela, ils ont interrogé des parents de jeunes enfants sur leur quotidien, sur la manière dont ils utilisaient les médias numériques à la maison, et sur différents aspects de leur vie familiale, tels que le stress, la stabilité financière, la disponibilité émotionnelle ou encore la qualité des routines éducatives.

Ce travail leur a permis de dresser un portrait assez fin de ce que l’on appelle le « cumul de risques familiaux » : des conditions de vie parfois compliquées, marquées par la fatigue parentale, l’instabilité économique, les tensions relationnelles ou des niveaux élevés de stress. Ils ont également demandé aux parents d’évaluer les fonctions exécutives de leur enfant, c’est-à-dire sa capacité à se concentrer, à contrôler ses impulsions ou à gérer ses émotions.

À première vue, les résultats semblaient confirmer ce que beaucoup imaginent : les enfants qui passent plus de temps devant les écrans présentent en moyenne des fonctions exécutives un peu plus faibles. Mais la réalité s’est révélée plus complexe. Lorsque les chercheurs ont intégré dans leur analyse la qualité du contexte familial, le rôle du temps d’écran s’est largement estompé. Ce n’était plus l’écran qui expliquait les difficultés de régulation de l’enfant, mais bien les conditions de vie dans lesquelles cet écran était utilisé.

Cette conclusion change profondément la manière de comprendre les résultats. Dans les familles confrontées à un cumul de risques — stress intense, fatigue, instabilité ou isolement — les écrans sont davantage présents parce qu’ils deviennent un outil pratique pour apaiser, occuper ou simplement souffler quelques minutes. Les enfants de ces familles présentent aussi plus fréquemment des difficultés d’autorégulation, mais ces difficultés ne sont pas causées par les écrans. Elles sont plutôt le reflet d’un environnement familial fragilisé, où les interactions quotidiennes sont parfois plus tendues, moins disponibles ou moins consistantes.

L’étude montre ainsi que le temps d’écran est souvent un indicateur, et non une cause. Il indique la présence de facteurs familiaux plus lourds qui influencent directement le développement de l’enfant. Les écrans ne sont donc pas le cœur du problème ; ils apparaissent surtout là où la famille manque de ressources pour faire face au stress. Cette étude rappelle que, lorsqu’on parle du développement d’un enfant, il faut toujours regarder au-delà de l’écran : vers les relations, les routines, les émotions et les conditions de vie qui structurent la vie quotidienne.

Études longitudinales

Les études longitudinales suivent les enfants sur plusieurs mois ou années. Elles permettent de répondre à deux questions importantes : les écrans influencent-ils durablement le développement ? Ou bien les enfants en difficulté se tournent-ils simplement davantage vers les écrans ?

Les résultats vont presque toujours dans le même sens : les relations sont bidirectionnelles. Les enfants qui ont plus de difficultés d’attention ou d’autorégulation regardent généralement plus d’écrans (Cliff et al., 2018 ; Gentile et al., 2012). À l’inverse, un usage très important peut parfois accompagner des trajectoires un peu moins favorables, par exemple pour la lecture (Ennemoser & Schneider, 2007) ou la concentration (Portugal et al., 2021, 2023), mais ces effets restent faibles. Cela montre que les enfants qui ont déjà du mal à se concentrer ou à gérer leurs émotions se tournent plus naturellement vers les écrans, ce qui montre que l’usage numérique est aussi une conséquence de leurs vulnérabilités. De l’autre côté, passer beaucoup de temps devant les écrans peut accompagner des trajectoires légèrement moins favorables, mais ces effets restent modestes et ne suffisent pas à expliquer les difficultés à eux seuls. Cette bidirectionnalité oblige donc à dépasser les explications simplistes et à tenir compte du contexte familial, du tempérament de l’enfant et de l’ensemble de son environnement. En bref, elle nous rappelle que les écrans ne façonnent pas seuls le développement : ils interagissent avec des fragilités et des ressources déjà présentes.

Certaines équipes, comme celle de Hutton, ont suivi de jeunes enfants par IRM sur plusieurs années : leurs résultats suggèrent des différences subtiles de maturation selon l’exposition aux écrans, mais là aussi, rien qui permette de dire que les écrans sont la cause principale. Même si les différences observées sont faibles, elles indiquent que certaines régions cérébrales associées au langage, à la régulation attentionnelle ou à l’intégration sensorielle peuvent évoluer légèrement différemment selon le mode de vie des enfants. Cela ne signifie pas que les écrans sont nocifs en eux-mêmes, mais plutôt qu’ils participent à l’environnement global dans lequel le cerveau se développe — un environnement composé d’une multitude de facteurs : routines familiales, interactions sociales, exposition au langage, habitudes de sommeil, disponibilité des parents, et bien d’autres encore. Ces différences observées sont trop petites pour suggérer un effet direct ou un mécanisme causal simpliste du type “plus d’écrans = moins de maturation”. Au contraire, les analyses montrent que l’usage des écrans coïncide souvent avec des environnements familiaux différents : stress parental, moins d’échanges verbaux, routines moins stables, etc. Ce sont ces éléments — et non l’écran lui-même — qui semblent contribuer aux variations observées dans les mesures anatomiques ou fonctionnelles.

Une étude phare:

L’étude de Cliff et de ses collègues, publiée en 2018, est devenue l’une des références lorsqu’il s’agit de comprendre la relation entre l’usage des écrans et l’autorégulation chez les jeunes enfants. Contrairement aux études qui offrent une simple photographie à un moment donné, celle-ci adopte une perspective longitudinale. Elle suit les mêmes enfants au cours du temps afin de mieux comprendre comment les écrans et l’autorégulation évoluent ensemble et, surtout, d’identifier dans quel sens s’exerce l’influence.

Les chercheurs ont demandé à des parents de jeunes enfants d’évaluer régulièrement les comportements de leur enfant : leur capacité à se calmer lorsqu’ils sont contrariés, à attendre leur tour, à rester concentrés, à faire face à la frustration ou à gérer des transitions difficiles. Toutes ces compétences appartiennent à ce qu’on appelle l’autorégulation, un ensemble de capacités essentielles qui permettent à l’enfant d’agir de manière adaptée plutôt qu’impulsive. Parallèlement, les parents indiquaient le temps quotidien que leur enfant passait devant les écrans, quel que soit le support : télévision, tablette, smartphone.

En observant les données de manière simple, les chercheurs ont d’abord constaté que les enfants qui regardaient davantage d’écrans avaient tendance à présenter des difficultés d’autorégulation lors des évaluations ultérieures. Ce premier résultat pourrait laisser croire que les écrans sont directement responsables de ces difficultés. Mais l’intérêt majeur de cette étude est qu’elle ne s’est pas arrêtée à cette conclusion apparente. Elle a cherché à comprendre la dynamique réelle qui lie ces deux variables.

Lorsque les chercheurs ont analysé les trajectoires individuelles des enfants, une autre histoire est apparue, plus nuancée et surtout beaucoup plus réaliste sur le plan psychologique. Ils ont constaté que la relation fonctionnait dans les deux sens : les enfants qui passaient beaucoup de temps devant les écrans s’autorégulaient un peu moins bien au fil du temps, mais ceux qui avaient initialement une autorégulation fragile se retrouvaient aussi plus souvent devant les écrans. Autrement dit, les écrans peuvent être une conséquence autant qu’une cause.

Cette réciprocité est particulièrement révélatrice du quotidien des familles. Un enfant qui se met facilement en colère, qui s’agite beaucoup ou qui a du mal à gérer la frustration peut devenir particulièrement difficile à accompagner au quotidien ; dans ces conditions, un parent peut avoir tendance à recourir davantage aux écrans pour apaiser l’enfant, faciliter une transition, ou simplement pour souffler quelques instants. L’étude montre que cette stratégie, compréhensible dans bien des situations, peut conduire à une boucle où les écrans prennent progressivement plus de place, sans qu’ils en soient pour autant la source initiale.

L’intérêt majeur de cette étude est donc de rappeler que les difficultés d’autorégulation des enfants ne sont pas uniquement influencées par la présence des écrans : elles en sont souvent la raison. Les écrans deviennent un outil de gestion dans un système familial où l’enfant, par son tempérament ou ses difficultés, réclame déjà beaucoup d’attention. En montrant cette relation réciproque, Cliff et al. mettent en lumière une dynamique beaucoup plus complexe qu’un simple lien de cause à effet et invitent à s’intéresser au fonctionnement familial dans son ensemble plutôt qu’à isoler l’écran comme un facteur indépendant.

En résumé, cette étude raconte l’histoire d’enfants qui ont du mal à se réguler et qui, parce qu’ils ont du mal à se réguler, se retrouvent plus souvent devant un écran. Puis, en retour, la présence importante de ces écrans peut rendre la régulation encore un peu plus difficile. Ce mouvement aller-retour illustre parfaitement ce que signifie une relation bidirectionnelle : il n’y a pas un coupable unique, mais un système dynamique où chaque facteur influence l’autre.

Études expérimentales en laboratoire

Les études en laboratoire permettent de tester précisément comment les enfants apprennent à partir des écrans. L’un des résultats les plus robustes est le déficit : les enfants de moins de trois ans apprennent beaucoup mieux d’un adulte présent physiquement que d’une vidéo, même de très bonne qualité.

Les travaux de Moser et al. (2015), Kirkorian, Simmering et d’autres montrent que les jeunes enfants savent très bien manipuler une tablette, mais qu’ils ont du mal à transférer ce qu’ils y apprennent dans le monde réel. Cela indique que l’écran ne fournit pas les mêmes indices perceptifs et sociaux qu’une interaction en direct.. Ces travaux révèle les limites des écrans comme outils d’apprentissage précoce. Il est tentant de penser qu’un enfant qui réussit brillamment sur une application éducative “a appris quelque chose”. Mais si ce qu’il apprend reste enfermé dans le cadre numérique, sans être utilisable dans la vie quotidienne, alors l’apprentissage est superficiel, limité, et parfois même trompeur pour l’adulte. Un jeune enfant peut donc paraître très compétent en manipulant une tablette : il sait pointer, faire glisser, toucher, anticiper des animations… mais cela ne signifie pas qu’il a acquis des compétences transférables, comme comprendre l’espace réel, utiliser la mémoire spatiale, manipuler des objets, ou résoudre un problème hors écran.

D’autres études utilisent l’EEG ou l’IRM. Carver et al. (2006) ou Ruysschaert et al. (2013) montrent que le cerveau des nourrissons ne traite pas exactement de la même façon les objets réels et ceux vus sur écran. Les études de Hutton (2019, 2020) montrent, grâce à l’IRM fonctionnelle, que le format d’une histoire (audio, livre illustré, dessin animé) modifie la manière dont différents réseaux cérébraux se synchronisent. Un objet en trois dimensions, présent physiquement dans l’espace de l’enfant, déclenche des réponses cérébrales plus riches, plus stables et plus intégrées que le même objet présenté en deux dimensions sur un écran. Cela signifie que les représentations que l’enfant construit à partir du réel et celles qu’il élabore à partir d’un écran n’ont pas la même profondeur. Ce résultat est essentiel, car il explique en partie pourquoi les tout-petits apprennent mieux dans le monde réel que dans les environnements numériques. Pour comprendre un objet, un geste ou une émotion, le jeune enfant s’appuie sur des informations multiples : la texture, le poids, l’odeur, la distance, la présence d’un visage, une intonation de voix, l’effet du mouvement dans l’espace. L’écran supprime la plupart de ces indices sensoriels et relationnels, ce qui pousse le cerveau à traiter ces images d’une manière plus superficielle. Lorsque Carver ou Ruysschaert montrent que le cerveau ne réagit pas de la même façon, ils ne décrivent pas seulement une différence biologique : ils révèlent une différence dans la qualité de l’expérience elle-même.

Enfin, certaines expériences comparent les supports. Munzer et al. (2019) montrent ainsi que les livres numériques réduisent les échanges verbaux entre parents et jeunes enfants par rapport aux livres imprimés. Cela souligne que lorsqu’un jeune enfant “lit  un livre” avec un adulte, ce n’est pas l’histoire en elle-même qui est la plus importante, mais tout ce qui se passe autour : les commentaires spontanés, les questions, les gestes, les mimiques, les rires partagés, les reformulations, les pointages du doigt. Ces échanges constituent un terreau extrêmement riche pour le langage, la régulation émotionnelle, la construction du lien et même l’attention conjointe. lorsque le support devient numérique, une partie de ces échanges disparaît. Ce n’est pas que les parents se soucient moins de l’enfant ; c’est que le support lui-même prend plus de place. L’écran attire l’attention, structure l’activité, impose un rythme. L’adulte ne commente plus autant, parce que les animations, les effets sonores ou les boutons interactifs deviennent le centre de l’action. L’enfant, de son côté, se focalise sur l’écran plutôt que sur le visage ou la voix du parent. L’expérience devient plus “technique”, plus orientée vers la manipulation du dispositif, et moins tournée vers la relation et le dialogue.

Une étude phare :

L’étude menée par Moser et ses collègues en 2015 est devenue emblématique parce qu’elle illustre parfaitement un phénomène bien connu chez les jeunes enfants : le déficit vidéo. Ce terme désigne la difficulté que rencontrent les tout-petits lorsqu’ils doivent apprendre quelque chose à partir d’un écran et le transposer ensuite dans le monde réel. L’étude n’examine donc pas seulement la capacité des enfants à utiliser une tablette, mais surtout leur aptitude à généraliser ce qu’ils y apprennent.

Pour explorer cette question, les chercheurs ont proposé à des enfants d’environ deux ans une tâche simple qui consiste à retrouver un objet caché. Dans un premier temps, l’objet était dissimulé dans un décor numérique sur une tablette : une boîte virtuelle, un petit décor interactif que l’enfant pouvait toucher ou manipuler. Les enfants réussissaient très bien cette tâche. Ils comprenaient rapidement comment fonctionne le jeu, mémorisaient l’emplacement de l’objet et savaient comment utiliser leurs doigts pour le retrouver. À ce stade, l’apprentissage semblait tout à fait efficace : la tablette ne posait aucun obstacle à leur compréhension de la situation.

C’est dans un second temps que l’étude révélait quelque chose de plus intéressant. Une fois l’enfant familiarisé avec la tâche numérique, les chercheurs lui proposaient la même activité, mais dans le monde réel. L’objet était alors caché dans une vraie boîte, posée devant lui, dans un environnement physique. Or, dès que les conditions changeaient, les performances des enfants chutaient de façon spectaculaire. Ils n’avaient plus la même aisance, ne reconnaissaient pas forcément la correspondance entre la tâche virtuelle et la tâche réelle, et peinaient à utiliser ce qu’ils avaient appris sur la tablette pour réussir la version physique.

C’est précisément cette rupture entre le numérique et le réel qui constitue la signature du déficit vidéo. Ce que l’enfant apprend sur un écran n’est pas automatiquement transféré dans la vie réelle, même lorsque la tâche paraît identique. Les chercheurs interprètent ce phénomène comme un signe que les jeunes enfants s’appuient sur des indices contextuels très concrets pour comprendre une situation : la présence d’un adulte, la tridimensionnalité du monde réel, la richesse sensorielle, les repères spatiaux authentiques. Une tablette, malgré son interactivité, ne fournit pas ces repères de la même manière.

L’intérêt de l’étude est qu’elle montre que l’enfant ne manque ni d’intelligence ni de compétence technologique ; au contraire, il maîtrise très bien la tablette et comprend parfaitement ce qu’on attend de lui dans l’environnement numérique. Le problème n’est donc pas l’apprentissage en soi, mais la façon dont cet apprentissage est encapsulé dans un contexte visuel et sensoriel particulier. Lorsqu’on change de contexte, l’enfant doit réinterpréter la situation, et cette réinterprétation lui demande des capacités de généralisation qui, à deux ans, ne sont pas encore suffisamment développées.

Ainsi, l’étude de Moser et al. met en évidence une limite importante de l’apprentissage à partir des écrans chez les très jeunes enfants. Elle montre que, même lorsque la tâche est simple et que l’enfant réussit très bien en contexte numérique, cette réussite ne garantit pas qu’il saura appliquer la même compétence dans un environnement réel. C’est ce décalage — entre ce que l’enfant réalise sur écran et ce qu’il parvient à faire hors écran — qui constitue le cœur du déficit vidéo.

Conclusion

Les recherches sur les écrans et le développement de l’enfant montrent une réalité bien plus complexe que les discours alarmistes ou, au contraire, totalement rassurants. Les données convergent vers une idée centrale : les écrans, en eux-mêmes, ne suffisent pas à expliquer les variations du développement cognitif, social ou attentionnel. Ce qui compte le plus, c’est le contexte dans lequel ils sont utilisés, la qualité des contenus, et les ressources familiales disponibles.

Les études corrélationnelles révèlent que les écrans sont souvent un reflet des conditions de vie des familles : stress, routines, stratégies d’apaisement. Les études longitudinales rappellent que les relations sont bidirectionnelles, les difficultés de régulation ou d’attention pouvant aussi conduire à un usage accru des écrans. Les études en laboratoire montrent enfin que, malgré leur attractivité, les supports numériques ne remplacent pas la richesse des interactions humaines, surtout dans les tout premiers âges.

L’ensemble de ces résultats invite donc à sortir d’une vision « pour ou contre les écrans ». Là où se joue réellement le développement de l’enfant, c’est dans les interactions, la disponibilité émotionnelle, la qualité des échanges, et la manière dont les adultes accompagnent, filtrent ou enrichissent les expériences numériques.

Les écrans ne sont ni de simples outils ni de dangereux envahisseurs : ils deviennent ce que nous en faisons, et les enfants se développent toujours dans un ensemble beaucoup plus large que la seule présence d’une tablette ou d’une télévision.

Recréations violentes

mardi 23 septembre 2025 à 14:40

Quelques heures seulement après la mort de Charlie Kirk, des joueurs avaient déjà recréé la scène de son assassinat dans Roblox. Plus d’une centaine de ces recréations ont rapidement été supprimées par la plateforme, mais le mal était fait : sur TikTok et X, des extraits de ces mises en scène tournaient en boucle, accompagnés parfois d’avatars portant des vêtements tachés de sang rappelant ceux de Kirk.

Face à l’indignation, le PDG de Roblox, David Baszucki, a rappelé que les standards de la plateforme interdisent les contenus qui rejouent des événements violents réels ou qui promeuvent la haine et le terrorisme. Mais l’affaire souligne une réalité plus large : chaque drame médiatisé semble désormais voué à être rejoué dans les mondes virtuels. Qu’il s’agisse de l’assassinat de JFK, d’une tentative sur Donald Trump, ou même de fusillades scolaires, Roblox, Fortnite ou Minecraft deviennent régulièrement le théâtre de ces reconstitutions.

Pour le psychologue, ces recréations sont une manière de traiter psychiquement et collectivement des événements violents et potentiellement traumatiques. La mise en scène est une mise à distance avec un traitement collectif de l’émotion. On aurait là un bon exemple d’un rituel par lequel des digiboriègnes raiteraient un événement difficile. Là, sur un équivalent numérique de la place du village, des personnes exorciseraient la violence dont ils ont été témoins.

Mais cette explication me semble trop psychologisante. Ne s’agit-il pas purement et simplement de propagande ? Pour répondre à cette question, j’ai appelé Olivier Mauco,  chercheur en sciences politiques et spécialiste de l’analyse des discours et idéologies des jeux. Il est l’auteur d’ouvrages de référence tels que « GTA IV?: l’envers du rêve américain » et « Jeux vidéo hors de contrôle ». S’il est un chercheur français qui peut comprendre finement ce qui se passe dans les jeux vidéo, c’est bien lui!

Selon Olivier Mauco, il faut d’abord comprendre que Roblox n’est pas seulement un jeu : c’est un réseau social et un outil d’expression. Grâce à Roblox Studio, les utilisateurs peuvent produire en quelques heures des espaces en 3D. Cela en fait une plateforme de user-generated content, comparable aux pratiques de modding qui existent depuis les années 1980. Déjà à l’époque, certains groupes, notamment néonazis, utilisaient les jeux vidéo comme lieux de communication, de propagande et de rencontre. Les pratiques observées aujourd’hui s’inscrivent donc dans une continuité historique.

Dans Roblox, il existe même une véritable culture de la reconstitution de crimes ou d’assassinats. Les scènes de meurtre et de violence attirent parce qu’elles jouent sur plusieurs ressorts : l’émotion, l’excitation, la transgression. Comme l’explique Mauco, ces contenus circulent parce qu’ils exploitent le règne de l’interdit et du marginal, mais aussi parce qu’ils constituent des espaces sociaux. Ceux qui y participent ne font pas que regarder : ils se retrouvent, échangent et forment des communautés.

La dimension politique n’est pas à négliger. Mauco rappelle que l’extrême droite est particulièrement présente et habile dans l’usage des réseaux sociaux et du gaming. Elle vise un public jeune, souvent entre 18 et 30 ans, âge où l’on se politise le plus. Charlie Kirk lui-même s’est appuyé sur une stratégie tournée vers les étudiants et les conservateurs. Les recréations violentes deviennent alors à la fois chambre d’écho, outil de diffusion et parfois instrument de recrutement. L’histoire montre d’ailleurs que l’extrême droite a toujours eu une capacité particulière à exploiter les nouveaux médias pour sa propagande, du nazisme jusqu’aux plateformes numériques actuelles.

Il faut enfin replacer ces recréations dans la culture des mèmes. Souvent, elles n’ont pas de dimension idéologique explicite : elles relèvent du désir d’attirer l’attention, de provoquer, ou simplement de participer au flux de l’actualité. Dans cette logique, des assassinats, des attentats ou des tendances légères se retrouvent sur le même plan : tout ce qui est reconnaissable devient partageable.

Ce brouillage est éthique et politique. Comme le note Mauco, on ne peut jamais savoir si celui qui recrée l’assassinat de Charlie Kirk cherche à choquer, à faire rire, à vendre des skins virtuels… ou à radicaliser. C’est précisément cette ambiguïté, inscrite au cœur de la culture numérique, qui rend ces contenus si problématiques.

En définitive, la reconstitution de l’assassinat de Charlie Kirk sur Roblox n’est pas un simple épiphénomène : elle révèle la manière des groupes politiques utilisent les modes d’expression des diigirigènes. Jouer avec l’interdit, rire de tout et de n’importe quoi, partager des contenus parce qu’il est possible de les partager fait partie des normes et des valeurs des digiborigènes. Ces pratiques sociales qui brouillent les frontières entre jeu, mémoire, satire et instrumentalisation idéologique peuvent être habilemment exploitée à des fins polisiques. . C’est sans doute là le vrai danger : que la violence réelle, une fois entrée dans le circuit des mèmes et des plateformes, perde son ancrage dans la réalité sociale et historique pour devenir un puissant cri de ralliement

Les IA sont là. Il faut modifier le code de déontologie des psychologues

vendredi 15 août 2025 à 21:01

L’intelligence artificielle (IA) n’est plus une promesse futuriste : elle est désormais intégrée aux pratiques professionnelles, y compris dans le champ de la psychologie. Outils de rédaction, d’aide à l’analyse, de conceptualisation ou d’organisation de données cliniques, les systèmes IA — notamment les grands modèles de langage — deviennent des assistants polyvalents du quotidien. Or, cette transformation soulève des questions inédites en matière d’éthique, de responsabilité, de confidentialité et de formation. Face à ces enjeux, le Code de déontologie des psychologues doit évoluer.

Voici les modifications proposées

1. Préambule — Clarification du contexte technologique

Ajout suggéré :
« Le développement de technologies numériques, et en particulier de l’intelligence artificielle (IA), transforme les modalités d’exercice de la psychologie. Le présent code intègre les principes éthiques liés à l’usage de ces outils, afin de garantir la protection des personnes et la responsabilité professionnelle dans un environnement numérique. »

2. Titre I – Principes généraux

Article 1 – Respect des droits de la personne

Ajout :
« Le psychologue veille à ce que l’usage d’outils numériques, notamment basés sur l’IA, respecte pleinement la confidentialité, la sécurité et le consentement éclairé des personnes. Aucun contenu identifiable ne doit être introduit dans des systèmes IA publics. »

Article 2 – Compétence

Ajout :
« L’utilisation de l’intelligence artificielle suppose des compétences spécifiques en littératie numérique, en interprétation des sorties algorithmiques, et en évaluation critique des limites de ces outils. Le psychologue s’abstient d’utiliser une IA qu’il ne maîtrise pas. »

Article 3 – Responsabilité

Ajout :
« L’usage d’une IA ne saurait déléguer ou diluer la responsabilité du psychologue. Il demeure seul responsable des conclusions, décisions ou recommandations issues de l’usage de ces outils. »

Article 5 – Qualité scientifique

Ajout :
« Le psychologue s’assure que les outils d’IA utilisés dans sa pratique sont validés scientifiquement et adaptés à un usage psychologique. Il évalue leur robustesse, leur transparence, et les éventuels biais algorithmiques. »

3. Titre II – Exercice professionnel

Article 9 – Consentement

Ajout :
« Le psychologue informe les personnes de l’usage éventuel de systèmes numériques ou d’IA dans leur prise en charge, en explicitant les objectifs, les risques et les limites. »

Article 12 – Production de documents

Ajout :
« En cas d’usage d’IA générative dans la rédaction de comptes rendus, synthèses ou protocoles, le psychologue demeure responsable du contenu produit, et procède à une vérification complète et critique. »

Nouvel article proposé : Protection des données en contexte d’IA

« Le psychologue garantit que les données utilisées pour entraîner, enrichir ou interagir avec des systèmes d’IA respectent les normes de sécurité, de confidentialité et d’anonymisation. Il évite toute transmission de données à des plateformes non conformes aux normes européennes (ex. : RGPD). »

4. Titre III – Formation

Article 27 – Formation initiale

Ajout :
« La formation des futurs psychologues inclut une sensibilisation aux enjeux de l’IA, à ses usages potentiels, à ses limites cliniques et aux risques éthiques qu’elle comporte. »

Article 30 – Formation continue

Ajout :
« Le psychologue s’engage à suivre une formation continue portant sur les outils numériques et les technologies d’IA, afin d’en faire un usage éclairé, critique et éthique. »

La modification du code actuel ne vise pas à encadrer l’IA comme une pratique distincte, mais à clarifier son usage dans les pratiques psychologiques existantes. Cela nécessite de :

Pourquoi certains adolescents basculent-ils dans des usages problématiques des jeux vidéo

mardi 22 juillet 2025 à 07:18

La question des usages problématiques des jeux vidéo chez les adolescents est complexe, et la science montre qu’il n’existe pas une cause unique, mais plutôt un enchevêtrement de facteurs. On peut les regrouper en trois grandes familles : les usages du jeu, la personnalité et le contexte social.

1. Facteurs liés à l’usage des jeux
Les adolescents qui développent des usages problématiques jouent souvent à certains types de jeux (comme les jeux de rôle en ligne massivement multijoueurs, ou MMORPG, et les jeux de tir) et ont tendance à jouer pour échapper à des difficultés ou à des échecs dans la vie réelle. La pratique devient alors un moyen de faire face au stress ou aux émotions négatives, au lieu d’être simplement un loisir (Mößle & Rehbein, 2013).
Les mécanismes du jeu eux-mêmes jouent aussi un rôle?: certains jeux sont conçus pour capter et retenir l’attention à l’aide de récompenses fréquentes, de quêtes à répétition ou de systèmes de progression sans fin. Plus ces éléments sont présents, plus le risque d’un usage excessif augmente (Griffiths & Nuyens, 2017).

2. Facteurs individuels et de personnalité
Les jeunes les plus à risque présentent souvent certains traits ou difficultés personnels?: hyperactivité, impulsivité, humeur dépressive, faible estime de soi, ou difficultés à se sentir compétent dans le cadre scolaire. Les recherches montrent aussi que le manque de compétences sociales ou un sentiment de solitude peut pousser à jouer davantage, parfois de façon problématique (Lemmens, Valkenburg & Peter, 2011).

3. Facteurs sociaux et environnementaux
Le contexte familial et social est déterminant. Un adolescent qui vit des tensions familiales, qui manque de soutien de la part de ses parents, ou qui rencontre des difficultés avec ses pairs, est plus susceptible de se tourner vers le jeu vidéo comme refuge ou comme espace de réussite alternative (Mößle & Rehbein, 2013). Les problèmes de violence parentale ou la négligence affective sont aussi associés à un risque plus élevé.

4. Le jeu problématique?: conséquence ou cause??
La tentation est grande d’accuser les jeux vidéo eux-mêmes d’être la cause des usages problématiques. Pourtant, les données disponibles suggèrent une relation plus complexe, où le jeu est souvent une réponse à une souffrance préexistan. L’idée que les jeux vidéo créent des additions reste a ce jour infondée. Les mécaniques de rétention (récompenses fréquentes, progression continue, défi quotidien, notification) qui sont avancées (Griffiths & Nuyens, 2017). ne sont pas suffisantes pour expliquer une éventuelle addiction. En effet , des centaines millions de personnes jouent à des jeux dotés de ces mécaniques, mais seule une petite minorité développe une utilisation problématique. Cela indique que d’autres facteurs (individuels, sociaux, psychologiques) entrent en jeu

Les recherches montrent que les joueurs les plus vulnérables à une utilisation problématique présentent souvent des fragilités personnelles?: faible estime de soi, sentiment de solitude, impulsivité, humeur dépressive ou anxieuse, difficultés scolaires ou familiales. C’est souvent pour faire face à ces difficultés qu’ils investissent plus intensément les jeux vidéo?; le jeu devient alors un moyen de compensation ou de régulation émotionnelle (Lemmens et al., 2011; Mößle & Rehbein, 2013).

L’environnement familial, la qualité des relations avec les parents, le soutien social, mais aussi les difficultés avec les pairs jouent un rôle important. Les adolescents isolés ou en souffrance relationnelle sont plus à risque d’utiliser le jeu comme refuge, quels que soient les mécanismes de rétention du jeu lui-même (Mößle & Rehbein, 2013; Kowert et al., 2015). Souvent les parents voient les jeux vidéo comme une cause des conflits dans la famille, alors que du point de vue de l’adolescnet, les jeux vidéo sont une activité dans laquelle il se met à l’écart des tensions familiales

Plusieurs résultats de recherche soulignent que ce sont plutôt des vulnérabilités préexistantes (difficultés personnelles, manque de soutien social, etc.) qui poussent certains jeunes à utiliser le jeu vidéo comme échappatoire, et non le jeu en lui-même qui crée le problème.Plusieurs s longitudinales montrent que les difficultés psychologiques précèdent souvent l’usage problématique?: c’est parce que certains adolescents se sentent seuls, peu compétents ou mal dans leur peau qu’ils développent des comportements excessifs avec les jeux vidéo. Cependant, un usage massif et déséquilibré peut à son tour aggraver le sentiment de solitude ou de mal-être, créant un cercle vicieux (Lemmens et al., 2011; Kowert et al., 2015).

 

Le jeu problématique n’est pas un phénomène isolé, mais un symptôme. Pour le comprendre et le prévenir, il faut se pencher non seulement sur les caractéristiques des jeux, mais surtout sur les parcours, les souffrances et les besoins des adolescents qui y trouvent refuge.

Lemmens, J. S., Valkenburg, P. M., & Peter, J. (2011). Psychosocial causes and consequences of pathological gaming. Computers in Human Behavior, 27(1), 144–152. https://doi.org/10.1016/j.chb.2010.07.015

Mößle, T., & Rehbein, F. (2013). Predictors of problematic video game usage in childhood and adolescence. Sucht, 59(3), 153–164. https://doi.org/10.1024/0939-5911.a000247

Griffiths, M. D., & Nuyens, F. (2017). An overview of structural characteristics in problematic video game playing. Current Addiction Reports, 4(3), 272–283. https://doi.org/10.1007/s40429-017-0162-y

Kowert, R., Vogelgesang, J., Festl, R., & Quandt, T. (2015). Psychosocial causes and consequences of online video game play. Computers in Human Behavior, 45, 51–58. https://doi.org/10.1016/j.chb.2014.11.074

Griffiths, M. D., & Nuyens, F. (2017). An overview of structural characteristics in problematic video game playing. Current Addiction Reports, 4(3), 272–283. https://doi.org/10.1007/s40429-017-0162-y

Lemmens, J. S., Valkenburg, P. M., & Peter, J. (2011). Psychosocial causes and consequences of pathological gaming. Computers in Human Behavior, 27(1), 144–152.

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Bean, A. M., Nielsen, R. K. L., van Rooij, A. J., & Ferguson, C. J. (2017). Video Game Addiction: The Push To Pathologize Video Games. Professional Psychology: Research and Practice.

Király, O., et al. (2018). Policy responses to problematic video game use: A systematic review of current measures and future possibilities. Journal of Behavioral Addictions, 7(3), 503–517.